Comptes rendus

Jules Racine St-Jacques. Georges-Henri Lévesque : un clerc dans la modernité, Montréal, Éditions du Boréal, 2020, 492 p.

  • Catherine Foisy

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  • Catherine Foisy
    Université du Québec à Montréal

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Couverture de Regards intellectuels sur la Révolution tranquille, I, Volume 23, numéro 1, automne 2022, p. 5-132, Mens

En reconstituant avec brio la trajectoire intellectuelle de Georges-Henri Lévesque, Jules Racine St-Jacques apporte une contribution remarquable à notre connaissance du rôle des clercs dans le champ intellectuel canadien-français ainsi qu’à notre compréhension de sa reconfiguration durant l’après-guerre. Par sa vaste érudition, cet ouvrage contextualise et met en relation les différents angles de la modernité canadienne-française qui ont animé l’action de ce fils de Saint-Dominique, depuis son retour au Québec en 1932 jusqu’à son départ pour le Rwanda en 1962. Ainsi, l’auteur analyse les moments clés et les engagements marquants du parcours du dominicain, en tissant les liens qui unissent modernité économique, sociale, épistémologique et culturelle chez le père Lévesque. Je ne peux passer sous silence l’attention avec laquelle l’auteur a tenu compte de la nécessité d’éduquer son lectorat sur le plan proprement religieux et, en particulier, de le situer relativement à l’ethos dominicain. Ainsi, bien que rare dans les monographies, le prologue n’est pas ici une décoration : il est crucial pour saisir comment la forme de cet ordre, né au coeur du Moyen Âge, ainsi que son charisme, structuré par l’étude, la prière et la prédication, représentent un creuset unique pour l’émergence de personnalités intellectuelles de haut calibre, à l’avant-garde de réformes socioreligieuses majeures. À mon avis, c’est là que se situe la plus grande force de l’ouvrage : son auteur ne dissocie jamais l’action de Georges-Henri Lévesque de sa vocation de clerc et de religieux dominicain. Les deux premiers chapitres permettent de planter le décor général, sur le temps long, dans lequel s’inscrit le parcours intellectuel de Georges-Henri Lévesque. Le premier chapitre est très solidement étayé et permet de saisir combien et comment l’Église est divisée du point de vue de la modernité tant épistémologique que politique, sociale ou religieuse et théologique. Malgré la crise que traverse l’Église catholique depuis la seconde moitié du xixe siècle et jusqu’à la tenue du concile de Vatican II, plusieurs dominicains français sont à l’avant-garde de courants catholiques qui font une part large aux acquis de la modernité : catholicisme libéral et catholicisme social (Lacordaire), approches exégétiques historico-critiques (Lagrange), nouvelle théologie (Chenu et Congar). Ces courants auront des échos au Canada français, ce que permet de circonscrire le deuxième chapitre. Dès leur arrivée à Saint-Hyacinthe en 1873, les Dominicains s’emploient à édifier un réseau de relations qui leur permettront d’essaimer, au tournant du xxe siècle, vers des villes d’envergure et près des élites intellectuelles et politiques de Montréal, d’Ottawa et de Québec. Soupçonnés de catholicisme libéral, dans un contexte ecclésial et socioreligieux canadien-français farouchement ultramontain et conservateur, les Dominicains auront tôt fait de se bâtir une réputation irréprochable sur le plan doctrinal, de telle sorte qu’ils puissent investir le champ intellectuel avec vigueur. C’est donc au sein d’un ordre dont le rayonnement est important au Canada français et en s’appuyant sur des réseaux transatlantiques solides que Georges-Henri Lévesque, après une brillante scolarité au Séminaire de Chicoutimi, entre dans l’ordre des Prêcheurs en 1923. En 1930, il est envoyé à Lille afin d’étudier les sciences sociales sous la direction du Français Joseph-Thomas Delos, o.p., pour la dimension théorique, et auprès du Belge Ceslas Rutten, o.p., pour la dimension pratique du catholicisme social. Lévesque revient d’Europe en 1932, convaincu de sa vocation d’intellectuel catholique et bien résolu à la concrétiser. Comme la majorité des intellectuels catholiques canadiens-français de la période de l’entre-deux-guerres, le père Lévesque adhère à la doctrine corporatiste, ce que Jules Racine St-Jacques interprète comme relevant davantage du passage idéologique obligé que de la sincère profession de foi. Au cours de cette première période, le père Lévesque trouvera …