Comptes rendus

Myriam St-Gelais. Une histoire de la littérature innue, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2022, 180 p., coll. « Isberg »

  • Marie-Ève Bradette

…plus d’informations

  • Marie-Ève Bradette
    Université Laval

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de Regards intellectuels sur la Révolution tranquille, I, Volume 23, numéro 1, automne 2022, p. 5-132, Mens

Les monographies critiques à propos des littératures autochtones dans le contexte francophone sont plutôt rares. Quant au corpus lui-même, la littérature innue est sans contredit la plus représentée parmi les littératures des Premières Nations au Québec actuellement, avec une quinzaine de romans, une vingtaine de recueils de poésie, sans compter les nombreux essais, les récits, les contes, etc. Une histoire de la littérature innue, de Myriam St-Gelais, était donc, dans ce paysage littéraire et critique, fort attendue. Accompagné d’une préface en innu-aïmun et en français d’Yvette Mollen et d’une présentation de Daniel Chartier (qui a dirigé le mémoire de maîtrise de l’autrice duquel est tiré l’essai), l’ouvrage est humble et ambitieux à la fois. Si St-Gelais prend bien garde de présenter son projet comme celui d’une histoire singulière et nécessairement partielle de la littérature innue, elle se lance néanmoins dans ce projet d’envergure, qui consiste à produire « une analyse historique du parcours de la littérature innue » (p. 3); ce qu’elle fera en accordant une importance particulière aux productions écrites qui émergent au tournant de la décennie 1970. L’approche en apparence nationaliste de l’autrice, héritière d’un mouvement qui émerge dans les années 1980 aux États-Unis et qui se prolonge au Canada avec des ouvrages comme ceux de Daniel Heath Justice (Our Fire Survives the Storm: A Cherokee Literary History, 2005), de Neal McLeod (Cree Narrative Memory: From Treaties to Contemporary Time, 2007) et de Nelly Duvicq (Histoire de la littérature inuite du Nunavik, 2019), pour ne nommer que ceux-là, n’est pas exclusive. En effet, St-Gelais apporte les nuances nécessaires à son histoire littéraire en montrant bien comment la littérature de la nation innue ne s’est pas constituée en vase clos, mais bien comment celle-ci est interreliée, voire interdépendante de l’émergence et de la continuité de toutes les littératures autochtones au Québec qui partagent une histoire, des institutions et un territoire. St-Gelais veut néanmoins montrer que la littérature innue se développe à même ses propres traditions culturelles et intellectuelles. Dès l’introduction, le projet est clair : présenter une analyse critique et historique de la littérature innue produite en français et en innu-aïmun, en considérant la pluralité de ses formes littéraires (oralité, pratiques scripturaires, écriture alphabétique). Le premier chapitre, le plus ambitieux peut-être, couvre toute la période qui précède l’essai autobiographique pionnier d’An Antane Kapesh publié en 1976 (Eukuan nin matshi- manitu innushkueu / Je suis une maudite sauvagesse). La littérature orale y est abordée rapidement et l’attention est plutôt portée sur les pratiques scripturaires dans une volonté de déconstruire la binarité oralité/écriture, qui tend à renforcer la suprématie de la perspective coloniale de l’histoire. St-Gelais dresse la liste des premiers manuscrits publiés, le plus souvent des ouvrages religieux traduits en innu-aïmun dès 1632. L’arrivée des missionnaires sur le territoire innu aura en effet des conséquences importantes sur la transformation des pratiques littéraires. Que ce soit l’évangélisation de la population, la sédentarisation ou la scolarisation qui deviendra obligatoire en 1920, la colonisation modifie la manière de transmettre les histoires. Or, la littérature innue n’est pas entièrement dépendante de l’arrivée des missionnaires, puisque des pratiques orales, certes, mais scripturaires également (les bâtons à message ou la toponymie, par exemple) précèdent la présence européenne sur le territoire. Les Innus, dès le xviiie siècle, entretiennent également des correspondances, qui sont d’ailleurs qualifiées de « littéraires » par la linguiste José Mailhot (1992), mais ces pratiques d’écriture demeurent privées, au contraire de celles des religieux qui circulent dans l’espace public. Il faut, en effet, attendre les années 1970 pour voir émerger des pratiques d’écriture littéraires …