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1. Mise en contexte

Durant les dernières décennies, les systèmes d’éducation ont vu croître le nombre d’inscriptions d’étudiantes et d’étudiants adultes, tant aux États-Unis (Robertson, 2020), qu’au Canada (Fritz et van Rhijn, 2019) ou qu’au Royaume-Uni (Javed et al., 2022), devenant l’un des profils de la population étudiante à l’enseignement supérieur qui connaît la croissance la plus rapide (Caruth, 2014). Au Québec, le cégep (collège d’enseignement général et professionnel) constitue le premier palier de l’enseignement supérieur. Le cégep a comme caractéristique de faire cohabiter deux secteurs d’études: l’enseignement préuniversitaire, qui, comme son nom l’indique, prépare à l’université, et l’enseignement technique, qui destine principalement au marché du travail. Si la majorité de la population étudiante est âgée de 17 ans lors de son inscription au cégep, celle de 24 ans et plus représente environ 8 % de l’effectif étudiant. Entre 2007 et 2016, on y observe une progression de près de 40 % des inscriptions de la population étudiante âgée de 24 ans et plus (Lapointe Therrien et Richard, 2021).

Malgré une présence importante de la population étudiante adulte dans les collèges et les universités, les travaux de recherche s’y intéressant demeurent marginaux. Donaldson et Townsend (2007) soulignent d’ailleurs qu’entre 1990 et 2003 seulement 3 % des articles publiés dans des revues spécialisées avec révision par les pairs traitaient de cette population étudiante; ce que Robertson (2020) observe encore aujourd’hui et décrit comme le «youth-centric bias» de la recherche à l’enseignement supérieur.

Au Québec, les travaux réalisés sur la population étudiante adulte à l’enseignement collégial sont également rares. Récemment, Lapointe Therrien et Richard (2021) ont mené deux enquêtes qualitatives auprès d’échantillons d’étudiantes et d’étudiants adultes (n = 21) et de personnes enseignantes (n = 19) de six collèges. Les résultats de ces travaux suggèrent, d’une part, que les différentes expériences antérieures des personnes étudiantes adultes, leur motivation à l’égard de leur projet de formation et leur maturité représentent de précieux atouts pour réussir leurs études. D’autre part, la population étudiante adulte doit souvent réorganiser son mode de vie pour concilier famille, études et travail. Les ressources financières, le manque de temps et les relations avec leurs pairs plus jeunes sont des difficultés auxquelles elle fait face. La population étudiante adulte exprime d’ailleurs différents besoins afin d’être soutenue à l’égard: 1) du programme d’études (programme plus court, charge de travail allégée, cours axés sur la pratique), 2) du personnel enseignant (qui respecte et applique les règles), 3) de la pédagogie (exigences reliées aux travaux d’équipe), 4) des services offerts et 5) du collège comme milieu de vie (services de garde pour les parents étudiants, remise des horaires de cours plus tôt). À cela s’ajoute que les étudiantes et les étudiants adultes obtiennent un diplôme d’études collégiales dans une proportion nettement plus faible (environ 40 %) que celle de leurs pairs jeunes (63 %).

D’autres travaux moins récents ont également été réalisés sur l’intégration des personnes étudiantes adultes aux études collégiales (Deguire et al., 1996). Les auteurs ont soulevé que le tiers de la population étudiante adulte interrogée a exprimé des problèmes par rapport à son intégration scolaire. Leurs travaux ont mis en exergue que cette population étudiante est hétérogène, elle est davantage motivée que ses pairs moins âgés et elle exprime une orientation professionnelle mieux définie. Bessette (2000) s’est intéressée aux pratiques et aux stratégies pédagogiques mises en place par le personnel enseignant selon la dynamique de la cohabitation en classe d’étudiantes et d’étudiants jeunes et moins jeunes ainsi qu’à la manière dont le personnel enseignant gère cette dynamique. De leur côté, Larue et al. (2005) se sont intéressées au retour aux études de 21 parents étudiants. Leur situation avant le retour aux études, leur processus de décision par rapport à cette transition et la manière dont le retour aux études a été vécu ont été les principaux thèmes abordés dans le cadre de l’étude. Les chercheuses observent que les difficultés rencontrées par les parents étudiants inscrits au collégial semblent plus importantes que pour ceux inscrits au secondaire et à l’université. Au collégial, les horaires de cours et les politiques d’absence s’avèrent des contraintes importantes. Les parents étudiants remettent en question leur place au sein des collèges qui ne semblent pas adaptés à leur situation. Enfin, Doray et al. (2005) ont réalisé une enquête longitudinale qualitative sur les parcours et la persévérance scolaires d’adultes à l’enseignement technique dans un contexte de retour aux études. L’étude «révèle comment cette expérience se réalise le plus souvent dans l’adversité et les difficultés» (p. 86).

2. Définir la population étudiante adulte

Des écrits réfèrent souvent à la notion de nontraditional students pour désigner la population étudiante plus âgée à l’enseignement supérieur (Esmond, 2015; Langrehr et al., 2015); alors que d’autres réfèrent parfois aux mature students (Amorim, 2018; Šestanović et Siddiqui, 2021; Javed et al., 2022). Parfois qualifiés comme second chancers, deferrers ou returners (Davies, 1995; Owusu-Agyeman, 2019), il convient de mieux définir qui sont les personnes étudiantes adultes à l’enseignement collégial.

L’étudiante ou l’étudiant adulte est une personne ayant des «expériences, une motivation, une perception du temps et un concept de soi» différents de ceux de ses pairs plus jeunes (CSE, 2018, p. 4). Plusieurs chercheuses et chercheurs (Deguire et al., 1996; Bessette, 2000; Doray et al., 2005; Langrehr et al., 2015; Lapointe Therrien et Richard, 2021; Javed et al., 2022) s’entendent également pour dire que l’un des principaux éléments qui distingue la population étudiante adulte de celle qui suit un parcours dit «traditionnel» ou «linéaire» est sa motivation plus élevée, principalement la motivation intrinsèque, à l’égard du projet d’études et qu’elle exprime souvent un choix vocationnel mieux défini (Lin, 2016).

D’autres personnes autrices soulignent que ce qui distingue les étudiantes et les étudiants adultes des plus jeunes, ce sont les multiples rôles avec lesquels les adultes doivent conjuguer: étudiant, travailleur, conjoint, parent (Bessette, 2000; Ross-Gordon, 2011; Kasworm, 2012). Les réalités, les conditions de vie et les parcours scolaires de la population étudiante adulte sont différents et apparaissent plus complexes (Caruth, 2014). Selon Howard Sims et Barnett (2015), ce qui définit spécifiquement les personnes étudiantes plus jeunes est la dépendance financière envers leurs parents ou l’ininterruption de leur parcours scolaire.

Les écrits spécialisés permettent de déterminer deux critères prédominants pour définir les personnes étudiantes adultes: l’âge et des caractéristiques spécifiques à la population étudiante adulte (Šestanović et Siddiqui, 2021).

Sur le plan de l’âge, il est difficile d’établir un consensus clair à partir des écrits spécialisés pour déterminer à quel âge une personne étudiante est considérée comme un adulte. Dans les articles recensés par Langrehr et al. (2015), cet âge se situe entre 21 et 27 ans. Les chercheurs tracent généralement la ligne à 23, 24 ou 25 ans (Chen, 2014; Markle, 2015). Au Québec, Bessette (2000) réfère à l’âge de 23 ans; alors que Lapointe Therrien et Richard (2021), tenant compte de travaux de recherche et de documents ministériels (Gauthier et al., 2006; MELS, 2008; Blackburn et al., 2017), fixent l’âge à 24 ans. Ces auteurs observent qu’autour de 24 ou 25 ans rares sont les étudiantes et étudiants qui n’ont pas quitté le foyer familial, acquis des expériences de vie et développé une forme d’autonomie financière qui les distinguent de la majorité de la population étudiante collégiale.

D’autres travaux, principalement américains (Choy, 2002), dont on retrouve des éléments dans les enquêtes québécoises (Deguire et al., 1996; Bessette, 2000; Doray et al., 2005; Larue et al., 2005), mettent en évidence des caractéristiques propres à la population étudiante adulte: inscription tardive aux études postsecondaires; fréquentation scolaire à temps partiel; travail rémunéré à temps complet en même temps que les études; indépendance financière qui limite l’admissibilité à l’aide financière aux études gouvernementale; personnes et enfants à charge; monoparentalité; absence de diplôme d’études secondaires; étudiants de première génération. Ainsi, ce sont, d’une part, les caractéristiques propres des personnes étudiantes (origines sociales, statut socioéconomique, antécédents scolaires, etc.), et, d’autre part, les rapports qu’elles entretiennent aux études en fonction d’autres sphères de leur vie (travail rémunéré, parentalité, retour aux études) (Dubet, 1994; Julien et Gosselin, 2015) qui sont susceptibles de se croiser et d’interagir entre eux pour façonner leurs parcours scolaires et leur intégration au collège. L’intégration aux études collégiales est considérée ici comme l’incorporation d’une étudiante ou d’un étudiant à la communauté collégiale (CSE, 2010) qui s’articule autour de quatre dimensions: institutionnelle, scolaire, sociale et vocationnelle dont l’incidence de l’intégration scolaire et sociale est importante au premier semestre (Tremblay et al., 2006). Cet article s’intéresse à l’intégration scolaire, c’est-à-dire la capacité de l’étudiante ou de l’étudiant de répondre aux attentes à l’égard des tâches scolaires à réaliser.

3. Le manque de connaissances sur les personnes étudiantes adultes

Les aspects soulevés dans les précédents paragraphes indiquent que les personnes étudiantes adultes constituent une population étudiante distincte pour laquelle peu de connaissances existent au Québec en ce qui concerne l’enseignement collégial. Celles disponibles proviennent d’enquêtes essentiellement qualitatives et transversales réalisées auprès de petits échantillons (entre 20 et 30 étudiants) et dont les résultats sont difficilement généralisables.

Par leur présence de plus en plus importante à l’enseignement collégial, leur taux de diplomation plus faible, leur diversité et les difficultés et besoins rencontrés, notamment sur le plan scolaire, il semble judicieux de s’intéresser aux réalités de la population étudiante adulte du collégial et de répondre à la question de recherche suivante: quelles sont les caractéristiques et situations des personnes étudiantes adultes à leur entrée au collégial et quels liens ont-elles avec différents éléments concernant leur intégration scolaire? Considérant, selon Coulon (2005), que la connaissance des caractéristiques des étudiants est essentielle afin de mettre en place des moyens et des stratégies pour les soutenir, il apparaît nécessaire de caractériser la population étudiante adulte à l’entrée au collégial et de mettre à jour des distinctions selon différentes variables (genre, catégorie d’âge, lieu de naissance, situation parentale, travail rémunéré) ainsi que de soulever différents enjeux concernant son intégration scolaire au collège pour combler une lacune des écrits spécialisés quant au manque de connaissances sur ce profil d’étudiantes et d’étudiants. Cet objectif fait écho à l’une des dix actions proposées aux établissements d’enseignement collégial par la Fédération des cégeps quant à l’amélioration de la réussite scolaire, soit de mettre à jour de façon continue les connaissances sur la population étudiante et de mieux les exploiter à des fins d’intervention (Lavoie et Prud’homme, 2022).

4. Précisions méthodologiques

Comme l’objectif est de brosser un portrait des caractéristiques et des situations de la population étudiante adulte au collégial, l’approche adoptée est essentiellement quantitative. Les résultats présentés proviennent des analyses du premier questionnaire d’une enquête longitudinale[1] réalisée dans 25 collèges répartis aux quatre coins du Québec auprès d’un échantillon de 1 073 personnes étudiantes de 24 ans et plus (moyenne = 32,7 ans; écart-type = 8,2 ans). L’approche longitudinale quantitative adoptée se distingue de l’ensemble des enquêtes recensées sur la population étudiante adulte qui sont généralement de nature qualitative et transversale. Les personnes participantes ont été recrutées par le biais de la plateforme pédagogique de leur collège à l’automne 2020 et ont été invités à répondre à un questionnaire en ligne sur la plateforme Survey Monkey. Ce questionnaire, dont le développement s’est inspiré d’autres recherches (Bessette, 2000; Deguire et al., 1996; Doray et al., 2005; Lapointe Therrien et Richard, 2021), permet de documenter différentes caractéristiques sociodémographiques, la situation familiale, résidentielle et de parentalité, le travail rémunéré, les antécédents scolaires, les relations avec les autres personnes étudiantes ainsi que des aspects de l’intégration scolaire. Le questionnaire est composé de questions majoritairement fermées avec la possibilité d’ajouter des commentaires supplémentaires. Ces commentaires ont été codifiés sans catégories préalablement établies afin de regrouper les éléments semblables. Les réponses qui référaient à des choix déjà présents dans le questionnaire ont également été corrigées. Ces commentaires, laissés par environ 10 % des personnes participantes, se sont révélés peu nombreux considérant la taille de l’échantillon et n’ont pas donné lieu à un dénombrement quantitatif, mais sont utilisés pour illustrer certaines réponses recueillies. Les aspects de l’intégration scolaire ont été examinés par 12 questions sur lesquelles les participantes et participants devaient se prononcer en fournissant un degré d’accord ou un niveau de difficulté ressenti. À titre d’exemples, des énoncés portaient sur le niveau de difficulté ressenti (échelle de Likert à cinq niveaux) quant au rythme d’apprentissage au collégial, à la charge de travail à réaliser hors cours, aux méthodes pédagogiques, au nombre d’heures de cours, etc. D’autres questions permettaient de recueillir des renseignements sur le nombre d’heures d’études hebdomadaires consacrées hors cours, l’assiduité en classe, le sentiment quant à la charge de travail scolaire (échelle de Likert à quatre niveaux), ou le niveau de stress ressenti (échelle de Likert à cinq niveaux).

Cet article s’attarde à cinq caractéristiques: le genre (féminin, masculin[2]), la catégorie d’âge (24 à 29 ans, 30 à 39 ans, 40 à 49 ans et 50 ans et plus), le lieu de naissance (Canada, hors Canada), la situation parentale (avec enfant[s]), sans enfant) et l’emploi rémunéré (occuper un emploi pendant les études, ne pas avoir d’emploi) de la population étudiante adulte à son entrée au collégial et des liens avec des aspects de son intégration au collège. Des tests statistiques du chi carré de Pearson ont été produits pour déterminer les caractéristiques pour lesquelles les différents sous-groupes se distinguent entre eux. Le traitement des données a été effectué avec SPSS Statistics 28.

Le tableau 1 présente la répartition des personnes étudiantes adultes de l’échantillon selon les cinq caractéristiques analysées.

Tableau 1

Répartition des personnes étudiantes adultes selon différentes caractéristiques

Répartition des personnes étudiantes adultes selon différentes caractéristiques

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Dans les paragraphes qui suivent, ces caractéristiques sont décrites, croisées entre elles et mises en relation avec différentes questions concernant l’intégration scolaire.

5. Résultats

5.1 Distinctions selon le genre et la situation de parentalité

Les étudiantes adultes (72,2 %) de l’échantillon sont proportionnellement plus nombreuses que les étudiants (26,8 %) lorsque l’on compare aux proportions généralement observées d’étudiantes (≈ 55 %) et d’étudiants (≈ 45 %) dans le réseau collégial. Les étudiantes semblent donc davantage effectuer un retour aux études lorsqu’elles sont plus âgées.

En ce qui concerne la situation de parentalité:

  • les étudiantes sont surreprésentées par rapport aux étudiants (X2 = 32,743 (dl = 1); p < ,001);

  • les étudiantes sont surreprésentées en situation de monoparentalité (X2 = 6,415 (dl = 1); p = ,05).

Sur le plan de l’intégration scolaire, ce sont les étudiantes qui déclarent des niveaux de difficulté plus élevés. Elles estiment plus difficile de s’adapter:

  • au rythme d’apprentissage du collégial (X2 = 16,559 (dl = 4); p = ,002);

  • à la quantité de travaux à réaliser hors classe (X2 = 24,023 (dl = 4); p < ,0001);

  • à la gestion du temps d’étude (X2 = 14,194 (dl = 4); p = ,007);

  • au nombre d’heures de cours (X2 = 11,063 (dl = 4); p = ,026).

En ce qui concerne le sentiment d’être dépassé par la charge de travail scolaire, les étudiantes sont proportionnellement plus nombreuses (X2 = 37,857 (dl = 3); p < ,0001) à déclarer l’être «assez souvent» (étudiantes = 49,9 %, étudiants = 30,8 %) ou «toujours» (étudiantes = 11,0 %, étudiants = 9,0 %). Elles perçoivent aussi être plus stressées par rapport à la réussite de leurs cours (X2 = 19,027 (dl = 4); p = ,0002). Les étudiantes déclarent un niveau de stress «élevé» dans une proportion de 29,3 % et «très élevé» à 21,9 %; alors que ces proportions sont respectivement de 23,1 % et 12,3 % pour leurs pairs masculins. Les données permettent également de constater que les étudiantes sont proportionnellement plus nombreuses que les étudiants à reconnaître le soutien du ou de la conjoint(e) comme élément facilitant la poursuite des études (X2 = 4,849, (dl = 1); p = ,027).

5.2 Parents étudiants et enfants à charge

Les données du tableau 1 révèlent que 41,2 % des personnes étudiantes adultes ont des enfants à charge. Ce sont 34,9 % qui déclarent avoir un seul enfant, 37,0 % deux enfants, 17,7 % trois enfants et 10,4 % quatre enfants et plus (résultat non illustré). Comme le montre le tableau 2, ces enfants sont d’âge préscolaire (à naître à cinq ans) (38,7 %), d’âge scolaire (six à 17 ans) (55,1 %) et âgé de 18 ans et plus (6,2 %). Les étudiantes et les étudiants adultes en situation de parentalité se retrouvent dans les catégories d’âge plus avancées.

Tableau 2

Répartition de la population étudiante adulte selon le groupe d’âge, la situation de parentalité et le groupe d’âge des enfants à charge

Répartition de la population étudiante adulte selon le groupe d’âge, la situation de parentalité et le groupe d’âge des enfants à charge

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Les parents étudiants des catégories d’âge plus avancées ont des enfants plus âgés. Ce sont donc les parents étudiants de la catégorie d’âge 24 à 29 ans qui doivent concilier les responsabilités familiales et les études, en plus des responsabilités professionnelles, avec des enfants à charge en bas âge. D’ailleurs, les parents étudiants du groupe 24-29 ans déclarent devoir s’absenter de leurs cours plus souvent que leurs pairs du même groupe d’âge qui n’ont pas d’enfants (X2 = 5,415 (dl = 1); p = ,019). Cette situation n’est pas observable chez les autres groupes d’âge. Les raisons évoquées pour expliquer ces absences sont les problèmes de santé des enfants (34,0 %), les problèmes de santé personnels (17,0 %) et les rendez-vous médicaux (14,9 %). Pour les personnes étudiantes adultes de la même tranche d’âge sans enfant à charge, les principaux motifs d’absence sont la fatigue (22,2 %), les problèmes de santé personnels (12,2 %) et le manque de motivation à l’égard du cours (12,2 %).

Les parents étudiants adultes déclarent se sentir davantage dépassés par la charge de travail scolaire exigée (X2 = 27,889 (dl = 3); p < ,0001). Sur le plan social, les responsabilités familiales semblent influencer leur disponibilité auprès des autres personnes étudiantes. Les parents étudiants disent dans des proportions plus importantes qu’il est difficile de créer des liens significatifs avec les autres personnes étudiantes puisqu’ils sont trop occupés (X2 = 17,092 (dl = 4); p = ,002). Toutefois, les parents étudiants déclarent dans des proportions semblables à celles des personnes étudiantes adultes sans enfant à charge avoir réussi à créer des liens d’amitié depuis le début de l’année scolaire (X2 = 0,017 (dl = 1); p = ,897). Quelques commentaires qualitatifs recueillis dans les questionnaires témoignent que les liens d’amitié développés par les parents étudiants avec d’autres personnes étudiantes se font souvent sur la base des affinités parentales (lorsqu’ils étudient avec d’autres parents étudiants): «Mes amies ont aussi des enfants», «Entre parents étudiants, il est facile de bien se comprendre» ou «Comme nous avons des enfants, nous vivons les mêmes réalités». Ces liens d’amitié peuvent s’avérer être une source de soutien important pour les parents étudiants. Enfin, les parents étudiants sont aussi proportionnellement plus nombreux (X2 = 12,019 (dl = 2); p = ,007) à déclarer utiliser les services d’aide (financière, technologique, psychologique, aide à l’étude, services adaptés) du collège (lorsque ces services existent et qu’ils connaissent ces services).

5.3 Distinctions selon les lieux de naissance

Le quart des personnes étudiantes adultes (26,0 %) sont nées à l’extérieur du Canada. Ces personnes étudiantes sont proportionnellement plus nombreuses (60,8 %) à avoir des enfants par rapport à leurs pairs nés au Canada (34,2 %) (X2 = 60,250 (dl = 1); p < ,0001). Cela peut s’expliquer par le fait que les personnes étudiantes adultes nées à l’extérieur du Canada sont plus âgées. Ce sont 41,4 % qui ont entre 30 et 39 ans et 24,8 % entre 40 et 49 ans, comparativement à leurs pairs nés au Canada pour lesquels ces catégories d’âge représentent respectivement 28,6 % et 13,0 %.

Une autre distinction selon le lieu de naissance est observable sur la base d’une expérience aux études collégiales antérieure à l’inscription actuelle. Une proportion de 48,2 % des personnes étudiantes adultes nées à l’extérieur du Canada déclare avoir déjà fréquenté un collège au Québec; alors que cette proportion est de 84,5 % pour les personnes étudiantes nées au Canada (X2 = 144,244 (dl = 1); p < ,0001). Sur le plan de l’intégration scolaire, les adultes nés à l’extérieur du Canada expriment des niveaux de difficulté supérieurs en ce qui concerne:

  • la facilité à s’adapter au rythme d’apprentissage au collégial (X2 = 37,587 (dl = 4); p < ,0001),

  • la quantité de notes de cours à prendre en classe (X2 = 44,207 (dl = 4); p < ,0001),

  • la quantité de travail à réaliser hors classe (X2 = 17,555 (dl = 4); p < ,002),

  • la gestion du temps études/travail/famille (X2 = 13,064 (dl = 4); p = ,011),

  • le nombre d’heures de cours par semaine (X2 = 21,398, (dl = 4); p < ,0001).

Seuls les éléments relatifs au personnel enseignant ne montrent pas de différences significatives entre les personnes étudiantes adultes provenant de l’extérieur du Canada et leurs pairs nés au Canada:

  • les méthodes pédagogiques employées (X2 = 5,730 (dl = 4); p = ,220),

  • la disponibilité des professeurs (X2 = 1,835 (dl = 4); p = ,766).

Sur le plan de l’utilisation des services offerts au collège, les éléments sondés permettent d’observer des distinctions selon le lieu de naissance des étudiantes et des étudiants. Au moment de la collecte de données (huit à dix semaines après le début du semestre), les personnes participantes ont été invitées à se prononcer sur leur connaissance des services d’aide et de soutien (centres d’aide, service d’orientation, aide pédagogique, etc.) mis à leur disposition dans leur collège. Celles nées à l’extérieur du Canada sont proportionnellement plus nombreuses (20,1 %) à déclarer ne pas connaître les services d’aide et de soutien en comparaison à leurs pairs nés au Canada (10,1 %) (X2 = 22,785 (dl = 1); p < ,0001). Le tableau 3 présente la répartition des étudiantes et des étudiants qui ont déclaré «ne pas connaître» les services d’aide, selon le lieu de naissance, et selon la raison indiquée pour ne pas avoir tenté de trouver différents services.

Tableau 3

Répartition des personnes étudiantes ayant déclaré ne pas connaître les services d’aide, selon le lieu de naissance, et la raison pour ne pas avoir tenté de trouver des services

Répartition des personnes étudiantes ayant déclaré ne pas connaître les services d’aide, selon le lieu de naissance, et la raison pour ne pas avoir tenté de trouver des services

X2 = 37,878 (dl = 2) p < ,0001

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Bien qu’une majorité de personnes étudiantes adultes, peu importe le lieu de naissance, déclare ne pas avoir cherché à utiliser les services d’aide puisqu’elles n’en avaient pas besoin, il demeure que celles nées à l’extérieur du pays sont proportionnellement moins nombreuses (60,3 %) à adopter cette position que leurs pairs nés au Canada (82,2 %). Ainsi, deux personnes étudiantes sur cinq nées hors du Canada indiquent ne pas avoir tenté de trouver les services parce qu’elles ignoraient qu’elles pouvaient exister. À cet effet, les personnes étudiantes adultes nées à l’extérieur du Canada sont proportionnellement plus nombreuses (25,4 %) que celles au Canada (19,5 %) à exprimer des difficultés à trouver des services dont elles ont besoin (résultat non illustré) (X2 = 37,878, p = ,012).

Également, les adultes nés à l’extérieur du Canada sont moins nombreux (32,3 %) que ceux nés au Canada (44,9 %) à exprimer des difficultés concernant l’accès à leur horaire de cours assez tôt avant le début des cours pour leur permettre d’organiser les différentes sphères de leur vie (travail rémunéré, service de garde, obligations familiales ou conjugales) (X2 = 17,459 (dl = 4); p = ,001). Des commentaires qualitatifs recueillis suggèrent que les personnes nées au Canada connaissent mieux le fonctionnement des collèges et estiment que des efforts peuvent être fournis par les collèges pour rendre disponibles les horaires de cours plus tôt. Les personnes étudiantes adultes nées au Canada sont d’ailleurs moins satisfaites que celles nées hors du Canada des efforts déployés par leur collège afin de faciliter leur adaptation (X2 = 15,289 (dl = 3); p = ,002).

5.4 Travail rémunéré pendant les études

Les personnes étudiantes adultes sondées occupent un emploi rémunéré pendant l’année scolaire dans une proportion de 58,3 %, ce qui est comparable à d’autres analyses récemment effectuées auprès de l’ensemble de la population étudiante collégiale (Gaudreault et al., 2019).

Au regard des caractéristiques étudiées, il est possible d’observer:

  • aucune différence entre les étudiantes (57,6 %) et les étudiants adultes (59,6 %) (X2 = 0,321 (dl = 1); p = ,571);

  • un taux d’emploi plus élevé dans les catégories d’âge moins avancées (X2 = 46,894 (dl = 3); p < ,0001): 24-29 ans (68,6 %), 30-39 ans (51,0 %), 40-49 ans (47,6 %) et 50 ans et plus (36,7 %);

  • un taux d’emploi plus élevé chez les personnes étudiantes sans enfant (69,2 %) comparativement à celles en situation de parentalité (42,6 %) (X2 = 75,254 (dl = 1); p < ,0001);

  • un taux d’emploi plus élevé des personnes étudiantes nées au Canada (62,2 %) que celui de celles nées à l’extérieur du pays (46,9 %) (X2 = 19,619 (dl = 1); p < ,0001).

Lorsqu’elles déclarent occuper un emploi rémunéré, les personnes étudiantes adultes y consacrent hebdomadairement 10 heures ou moins (12,7 %), entre 11 et 25 heures (57,7 %) ou 25 heures et plus (28,6 %).

Les autres sources de revenus des personnes étudiantes adultes sont quant à elles diverses:

  • aide financière aux études octroyée par le gouvernement sous forme de prêts (38,9 %) et sous forme de bourses (31,3 %);

  • soutien du conjoint (18,6 %);

  • transferts gouvernementaux (12,7 %);

  • emprunt ou utilisation d’une marge de crédit (12,6 %);

  • soutien des parents (11,7 %);

  • épargne personnelle (7,0 %).

Sur le plan de l’intégration scolaire, il est intéressant d’observer que les personnes étudiantes adultes en emploi estiment plus facile que leurs pairs sans emploi de s’adapter:

  • au rythme d’apprentissage au collégial (X2 = 17,740 (dl = 4); p = ,001);

  • à la quantité de notes de cours à prendre (X2 = 14,211 (dl = 4); p = ,007);

  • à la quantité de travail à réaliser hors cours (X2 = 12,616 (dl = 4); p = ,013).

Également, les personnes sans emploi sont légèrement plus nombreuses à déclarer se sentir «assez souvent dépassées» comparativement à leurs pairs occupant un emploi (respectivement 45,5 % et 42,3 %) ou «toujours dépassées» (12,4 % et 8,5 %) par la charge de travail scolaire (X2 = 8,219 (dl = 3); p = ,042). Il n’existe toutefois pas de différence sur le fait de se sentir dépassé par la charge de travail selon le nombre d’heures travaillées hebdomadairement (X2 = 11,210 (dl = 6); p = ,082). Il est à noter que les personnes étudiantes adultes sans emploi sont plus assidues à leurs cours que leurs pairs occupant un emploi (X2 = 8,938 (dl = 3) p = ,030). Pour tous les autres aspects sondés concernant l’intégration scolaire, il n’y a pas de différences significatives observables.

6. Discussion

En ce qui concerne les distinctions concernant le genre, la situation de parentalité et les enfants à charge, on peut constater, dans un premier temps, que les étudiantes semblent davantage effectuer un retour aux études au collégial lorsqu’elles sont plus âgées. Cette observation s’avère assez préoccupante puisqu’il existe déjà une disparité importante concernant l’accès aux études collégiales entre les étudiantes (75,3 %) et les étudiants (56,7 %), bien «qu’il n’existe en apparence aucun obstacle freinant l’accès des garçons au collégial» (CSE, 2019, p. 48). Ce résultat suggère également, comme l’ont souligné Lin (2016) et Robertson (2020), la nécessité d’analyser spécifiquement les besoins et les enjeux qui concernent les étudiantes adultes qui vivent des situations fort probablement différentes de leurs pairs masculins.

Dans un deuxième temps, les étudiantes adultes en situation de parentalité sont surreprésentées, particulièrement en situation de monoparentalité, par rapport aux étudiants. Il est possible d’observer sur le plan de l’intégration scolaire que ce sont les étudiantes qui déclarent des niveaux de difficulté plus élevés et qui se sentent plus dépassées et stressées par leurs études. Ces éléments concernent la gestion du temps et l’organisation de leurs différentes responsabilités. Lin (2016) souligne que les étudiantes adultes éprouvent de la difficulté à jongler avec leurs rôles d’étudiante, de mère et de conjointe. Elles expriment plus de limites en ce qui a trait au temps et à l’énergie, et ce, en raison de leur investissement au sein de leur famille. Une meilleure flexibilité de leur emploi du temps et de leur horaire de cours favoriserait l’arrimage de leurs différentes obligations. Les contraintes quant à la présence aux cours et aux horaires représentent des irritants pour les parents étudiants (Larue et al., 2005). Un assouplissement de certaines règles ou la possibilité d’accommodements semblent nécessaires. Également, le soutien de la conjointe ou du conjoint semble être un élément facilitant la poursuite des études. Lin (2016) met en évidence le fait que les étudiantes adultes manquent du soutien de leur famille ou de leur partenaire de vie, ce faible soutien les amenant plus facilement à l’abandon des études. Notons que les parents étudiants semblent également apprécier le fait de pouvoir échanger et se soutenir entre eux. La conciliation des obligations familiales et étudiantes apparaît donc pleine de défis et exige de l’aide. Les différences entre les étudiantes et les étudiants en situation de parentalité amènent à souligner que les parents étudiants ne dérogent pas de la norme et que la «charge mentale» relative à la famille, la conciliation des tâches domestiques, des soins aux enfants avec toutes les autres tâches relatives aux activités professionnelles, sociales et scolaires incombent davantage à la mère qu’au père (Regnier-Loilier, 2016).

Dans un troisième temps, malgré les données révélées par la présente étude, force est de constater que la situation des parents étudiants au collégial demeure une réalité peu documentée. La compréhension des enjeux vécus par cette population étudiante demeure parcellaire. Il existe quelques informations locales produites ponctuellement par des collèges grâce à des enquêtes internes (Collège Ahuntsic, 2009; Lévesque, 2017). Il n’y a toutefois pas de liste ou de campagne d’autodéclaration systématique permettant de répertorier les parents étudiants. Il est donc difficile de cerner l’ampleur de la situation dans le réseau collégial et ces personnes étudiantes souffrent d’une forme d’invisibilisation dans les collèges. Des études américaines révèlent que les parents étudiants ont des taux de diplomation moins élevés et rencontrent des défis organisationnels plus importants que les autres étudiantes et étudiants adultes (Noll et al., 2017), et que la présence de services de garde sur les lieux d’études est associée à la persévérance et l’achèvement des études (Reichlin Cruse et al., 2021). Le manque de données sur les cégépiennes et cégépiens avec enfants constitue un angle mort dans la compréhension et la capacité des collèges à mieux les soutenir.

En ce qui concerne les lieux de naissance des personnes étudiantes adultes, il est possible de constater que la grande majorité de celles nées au Canada a déjà une expérience, une connaissance du milieu collégial; alors que pour un peu plus de la moitié des adultes issus de l’immigration, l’enseignement collégial québécois est un univers nouveau. Ces derniers connaissent moins les services mis à leur disposition, ils trouvent plus difficile de trouver ceux dont ils ont besoin lorsqu’ils les cherchent, et maîtrisent moins bien les mécanismes administratifs des collèges. Les personnes étudiantes adultes nées hors du Canada expriment plus de difficulté quant à différents éléments de leur intégration scolaire. Le manque de recherche sur ce profil d’étudiantes et d’étudiants et les résultats présentés dans cet article soulignent la pertinence et la nécessité de s’intéresser à la situation et aux réalités spécifiques de la population étudiante adulte issue de l’immigration récente, qu’elle soit permanente ou temporaire. Leur expérience des études collégiales est fort probablement marquée par des spécificités particulières, mais aussi par différentes caractéristiques concernant le type d’installation au Québec et le parcours migratoire.

Enfin, en ce qui a trait au travail rémunéré pendant les études, il semble, d’une part, que les personnes étudiantes adultes occupent un emploi dans des proportions semblables à celles de l’ensemble de la population étudiante au collégial (Gaudreault et al., 2019) avec quelques différences selon les caractéristiques étudiées dans cet article. Ensuite, les sources de revenus des personnes étudiantes adultes sont diverses. Les récentes analyses de Richard et al. (2022) montrent que les sources de revenus des étudiantes et étudiants adultes se distinguent nettement de celles de leurs pairs plus jeunes qui comptent davantage sur le soutien parental. Les adultes sont en revanche proportionnellement plus nombreux à devoir compter sur le soutien du conjoint ou de la conjointe, ce qui peut amener des malaises et un sentiment de dépendance à l’égard du partenaire de vie (Lapointe Therrien et Richard, 2021). Les analyses indiquent que les personnes étudiantes adultes dépendent davantage de l’aide financière aux études, qu’ils s’endettent pour poursuivre des études collégiales et qu’ils expriment plus d’inquiétudes sur le plan financier. Ces inquiétudes financières ne sont assurément pas un facteur favorisant la persévérance et la réussite de cette population étudiante. Peut-être y a-t-il lieu de bonifier le soutien financier pour le retour aux études des cégépiennes et cégépiens de 24 ans et plus? Il peut s’agir d’une bonification de l’aide financière aux études sous forme de prêts, d’une augmentation des bourses, d’un taux d’intérêt privilégié, d’un congé d’intérêt au remboursement des prêts, d’un sursis de paiement des dettes d’études initiales, etc. Des solutions exigent d’être imaginées.

D’autre part, en raison de leurs responsabilités financières, une proportion importante de la population étudiante adulte n’a pas d’autres choix que d’occuper un emploi rémunéré pendant les études. Sur le plan de l’intégration scolaire, les résultats indiquent que les personnes qui occupent un emploi rémunéré se sentent moins dépassées par tout ce qu’il y a à faire sur le plan scolaire. Lapointe Therrien et Richard (2021) ont déjà souligné l’importance de la gestion du temps pour les personnes étudiantes adultes qui expriment un manque de temps pour maintenir une vie sociale, incluant la relation de couple et la vie familiale, pour se reposer, pour la pratique d’activités sportives, pour maintenir de saines habitudes de vie, etc. Tout semble indiquer que malgré ce manque de temps les personnes étudiantes adultes qui occupent un emploi rémunéré ont développé des capacités de gestion du temps afin d’équilibrer celui réservé aux études et à l’emploi et pour coordonner toutes leurs activités sans exprimer de stress ou d’anxiété de manière plus importante que leurs pairs sans emploi. Les travaux de Roy (2008) réalisés dans le milieu collégial québécois et ceux de Sales et al. (1996) effectués en milieu universitaire arrivent à des observations analogues sur les populations étudiantes en général.

7. Conclusion: considérations au regard de ces résultats

Cet article permet de brosser un rare portrait de la population étudiante adulte au collégial à partir d’un échantillon important (n = 1 073) et qui s’articule autour de caractéristiques précises: le genre, la situation de parentalité, le lieu de naissance et le travail rémunéré pendant les études. Il fournit un éclairage sur la situation de cette population étudiante à son entrée au collégial et sur les enjeux de son intégration scolaire.

Sur le plan de l’enseignement et de l’intervention auprès des personnes étudiantes adultes, les caractéristiques analysées dans cet article mettent en exergue l’hétérogénéité de cette population étudiante. Leurs réalités et responsabilités parentales, personnelles et professionnelles sont multiples. De même, leurs expériences en sol québécois et leur rapport aux études supérieures peuvent être très variés. Selon chacune des caractéristiques, un profil ou un autre exprimera des niveaux de difficulté supérieurs sur le plan scolaire: plus chez les étudiantes, plus chez les parents, plus chez les personnes nées à l’extérieur du Canada et plus chez celles sans emploi. Il est nécessaire pour le personnel enseignant et pour les collèges de prendre en considération ces distinctions pour modifier certaines règles ou pratiques afin de fournir aux personnes étudiantes adultes un environnement d’apprentissage adapté à leurs réalités, de développer des lieux de formation auxquels ils se sentent appartenir, de mettre en place les conditions favorables qui pourront leur permettre de réaliser leurs ambitions de formation. Des mesures qui tiennent compte de la conciliation famille/travail/études, une aide financière bonifiée et adaptée aux réalités du retour aux études, des politiques institutionnelles qui tiennent compte des mères étudiantes et qui prévoient des mesures de soutien, une plus grande sensibilisation du personnel enseignant et professionnel à l’égard des réalités des étudiantes et étudiants adultes sont quelques exemples qui permettraient de prendre davantage en considération les besoins de cette population étudiante.

Cet article apporte des connaissances inédites sur les personnes étudiantes adultes au collégial. Malgré cela, les analyses présentées comportent quelques limites, notamment sur l’influence d’éléments contextuels qui concernent, par exemple, le contexte du retour aux études, le parcours scolaire antérieur, le soutien du partenaire de vie ou d’autres personnes significatives, les difficultés liées à l’intégration pour les personnes étudiantes issus de l’immigration, etc., qui n’ont pu être documentés dans le questionnaire et qui mériteraient d’être approfondis sur le plan qualitatif. À cet effet, sur le plan de la recherche, cet article permet de cibler des avenues de recherche pour approfondir les connaissances sur cette population étudiante. D’abord, la situation particulière des étudiantes adultes, notamment celles en situation de parentalité, voire de monoparentalité, pour lesquelles peu de recherches ont été menées au Québec et qui soulèvent des enjeux particuliers (Lin, 2016; Robertson, 2020). Ensuite, au-delà de la situation des étudiantes adultes, il serait judicieux de mieux cerner les réalités de l’ensemble des parents étudiants au collégial qui demeure une réalité peu documentée. Enfin, mieux comprendre la situation des personnes étudiantes adultes issus de l’immigration récente dont les besoins en matière d’intégration aux études collégiales semblent poser des enjeux fort différents de leurs pairs nés au Canada.

Ces efforts de recherche afin de produire de nouvelles connaissances à propos des personnes étudiantes adultes permettraient également de mieux soutenir les gestionnaires, le personnel enseignant ainsi que les intervenantes et intervenants du réseau collégial dans leurs actions pour répondre aux besoins spécifiques et aux enjeux de réussite de la diversité de la population étudiante collégiale.