Corps de l’article

1. Introduction

Cet article s’inscrit dans un numéro ayant pour but de souligner l’actualité de la pensée de François pour l’École. Nous allons voir en quoi certains aspects de son approche dialogique et sémiologique (du fonctionnement du langage et des interactions) permettent de mieux comprendre comment circulent et se coconstruisent certains savoirs et savoir-faire.

La filiation de la notion de «mouvement» ainsi que ses implications théorico-méthodologiques sur l’enseignement-apprentissage des savoirs sera d’abord explicitée. Puis des exemples issus de corpus recueillis à l’école primaire ou maternelle seront donnés pour illustrer ces différents aspects. Ils concerneront deux conduites langagières: restituer une histoire entendue et argumenter dans un débat. Les restitutions de récits ont été recueillies en petite section de maternelle (Carcassonne et Froment, 2012) et en grande section (Carcassonne et al., 2007a, 2007b; Carcassonne et al., 2008), et les argumentations lors de débats dans différentes écoles primaires (Carcassonne et al., 2008; Froment et Carcassonne, 2002; Carcassonne, 2012).

Il ne s’agira pas de revenir sur l’ensemble des aspects méthodologiques ni sur les résultats des analyses de chaque corpus, déjà publiés ailleurs: ces corpus sont reconvoqués ici avant tout pour éclairer la notion de «mouvement» (de «reprise-modification» ou «continuité-déplacement» [désormais RM ou CD]) introduite par François et pour souligner ses apports dans le champ de la didactique du français langue maternelle.

2. De certaines propositions issues de la perspective dialogique russe à celles de François

On trouve certaines inspirations de la pensée de François dans la perspective dialogique de Volochinov et Bakhtine, et de manière moins centrale dans les propositions développementales de Vygotski.

2.1 Petit retour sur la notion de circulation dialogique dans la perspective russe

Le croisement des apports de Volochinov, Bakhtine et Vygotski peut se résumer de la façon suivante: le langage, comme d’autres types de savoirs et savoir-faire, s’acquiert d’abord et avant tout dans des interactions situées («genres premiers» chez Bakhtine, 1984) où l’on réalise des activités avec autrui. Vygotski (1935/1985) a ainsi insisté sur la façon dont les savoirs sont d’abord transmis à l’enfant lors d’activités faites en interaction avec l’adulte, et donc lors de «genres premiers». Lors de ces interactions, l’utilisation de l’outil symbolique qu’est le langage coexiste avec celle d’outils matériels. Ces deux types d’outils permettent de développer la pensée dans l’action. La pensée se développe également sous la forme d’un langage intérieur (Vygotski, 1985, 1997). Plus tard, le langage s’utilise aussi sans s’appuyer sur le contexte («genres seconds» chez Bakhtine, 1984), ce qui permet de laisser des traces durables. Ces traces (de discours, de pensées, de perceptions, de savoirs) pourront prendre leur place dans un dialogue à distance. Elles pourront alors être lues, reprises et modifiées dans d’autres discours (oraux comme écrits), à l’échelle de l’histoire d’une vie comme à l’échelle intergénérationnelle.

La circulation discursive a plus précisément été décrite par Volochinov comme par Bakhtine en distinguant trois dimensions: les locuteurs reprennent en permanence des discours déjà entendus, les modifient (ne serait-ce que par le fait de les utiliser à un moment différent) et en anticipent d’autres.

Outre le dialogue à distance, le «discours intérieur» (ou pensée) est lui aussi concerné par ce processus dialogique à triple dimension (Volochinov, 1977); tout comme l’est également le «dialogue réel» (in praesentia) où l’alternance des sujets parlants est alors facilement observable, car «les énoncés des interlocuteurs (partenaires du dialogue)» ou «répliques», y «alternent régulièrement» (Bakhtine, 1984, p. 278). En signalant l’aspect «étranger» ou «bi-vocal» des mots reproduits par un locuteur donné, et donc une forme d’enchâssement énonciatif, Bakhtine a de plus souligné la «modification» inhérente à cette reproduction:

Lorsque nous reproduisons dans notre discours une partie de l’énoncé de notre interlocuteur, il se produit inévitablement, simplement par le changement de l’individu qui parle, une modification de ton: les mots de «l’autre» dans notre bouche sonnent toujours comme des mots étrangers, souvent avec une intonation railleuse, exagérée, persiflante.

Spitzer cité par Bakhtine, 1970, p. 254

Les phénomènes d’enchâssement énonciatif et de polyphonie (et plus globalement l’ensemble des procédés marquant un discours comme étant celui d’un autre) ont donné lieu à un véritable courant d’analyse en linguistique énonciative, en France (Authier Revuz, 2020; Brès et al., 2019; Ducrot, 1984; Kerbrat-Orecchioni, 1980; Rabatel, 2008; Vion, 2001) comme en Scandinavie (avec le courant de la ScaPoLine, cf. Nølke et al., 2004). Ces phénomènes peuvent être vus comme l’une des formes possibles de mouvements au sens de François puisqu’ils relient un énoncé ou un mot donné à un autre produit antérieurement (dans le dialogue hic et nunc ou ailleurs), tout en le modifiant. Bien que cela ne soit pas son objet, le terme de «déplacement» apparaît ainsi près de 70 fois dans l’ouvrage d’Authier-Revuz (2020) qui rend compte du fonctionnement discursif de ce qui marque le discours comme autre.

2.2. Le mouvement de RM chez François: une notion dialogique et interprétative

À une époque où le structuralisme était dominant en linguistique, François a prolongé la vision dynamique du processus de circulation des significations décrit par Voloshinov et Bakhtine en proposant d’interpréter les discours à partir de leurs mouvements discursifs.

Pour ce faire, il est reparti des trois aspects ci-dessus mentionnés (reprise, modification, anticipation):

[…] l’énoncé [est] triplement dialogique parce qu’il est répétition, reprise, modification du discours de l’autre; parce qu’il n’a de sens que par rapport à la réponse qui lui est faite ou peut lui être faite; parce qu’il comporte en lui-même une organisation dialogique: il est commentaire de soi, se modifie lui-même, dialogue avec lui-même.

François, 2005, p. 145

Tout en les associant à la reprise, François a ensuite surtout mis l’accent sur le déplacement, en le considérant comme «constitutif de la circulation du sens» (2002, p. 18): «comprendre un texte», ce n’est pas en «isoler la structure» mais y «chercher les mélanges, les reprises, les modifications du discours de l’autre. Et aussi, ce qui y est accentué, tu ou masqué» (1984a, p. 276). Notons ici que pour François, un discours oral comme écrit est un «texte», en tant qu’il est caractérisé à partir de sa transcription (et non dans ses conditions premières d’énonciation), cela car un discours oral continue à exister indépendamment de ses conditions de production; ce qui n’empêche pas néanmoins de convoquer ces dernières pour interpréter les données.

À partir de là, François s’est distingué plus nettement de l’approche dialogique russe en rapprochant le processus du dialogue du processus interprétatif: dans les deux cas, on a affaire à des «mouvements» où le discours de l’un «reprend-modifie» le discours de l’autre. Trois types de mouvements discursifs-interprétatifs ont alors été distingués:

[D]ialogue-interprétation en relation avec un autre réel in praesentia, dialogue-interprétation avec un autre in absentia, comme dans la lecture, et enfin dialogue avec soi-même, où le même individu mimétise le dialogue, est à la fois le commentateur et le commenté.

François, 1995, p. 104

Ces trois types ont été signalés par d’autres en termes de dialogisme «interlocutif», «interdiscursif» et «autodialogisme», voir entre autres Authier-Revuz, 1982, 1995; Brès et al., 2019). L’originalité de François (1994b) a surtout été d’insister sur le fait que l’interprète peut être vu comme un «générique-particulier» qui est toujours dans une relation de «communauté-différence» (p. 52) avec l’autre (y compris soi-même comme autre). Un interprète comprend que d’autres fassent des mouvements qu’il n’aurait pas faits lui-même, et introduit une différence entre ce que «veut dire» l’autre et sa propre interprétation: «Mais le sens est aussi dans la différence entre ce que je dis et la façon dont c’est reçu, et aussi dans la façon dont s’établit une distance entre ce que je dis et moi auditeur de moi-même» (p. 36; cf. également 1989a/2005, 1993, 1989b). Dit autrement, nous sommes toujours en plus ou moins forte convergence ou divergence avec la perspective de l’autre sur un objet donné (François, 1995/2005; Salazar Orvig, 1998, 2008): ce sont ces différences de perspectives qui font que nous avons des choses à nous dire et qui amènent à faire des déplacements par rapport au point de vue de l’autre, aux niveaux discursifs comme interprétatifs.

Ce dernier point concernant les différences de perspectives est directement relié (i) au fonctionnement de l’acquisition du langage, (ii) au fonctionnement du langage lui-même, (iii) au fonctionnement de l’interprétation:

  • (i) François a mis en évidence l’importance du phénomène de RM dans ses études sur le développement du langage en montrant que le langage explose (vers 16 mois), à partir du moment où l’enfant, pour parler d’un objet donné, est capable de faire des déplacements (ajouts d’informations, commentaires) pour introduire sa propre perspective sur cet objet (matériel ou de discours), son propre point de vue avec ses propres mots. Plus précisément, à cette période, c’est d’abord l’entourage (en général la mère) qui reprend les sons produits par l’enfant que ce dernier reproduit à son tour en faisant varier les fonctions. L’adulte peut alors enchaîner, en proposant un ou des déplacements (Ochs et al., 1979; Veneziano, 1987); puis c’est l’enfant qui devient progressivement capable de proposer des déplacements, passant d’une (co)production d’énoncés très reliés à ceux de l’adulte (car impliqués ou induits) à des énoncés présentant non seulement des éléments de continuité mais aussi de déplacements (François et al., 1977; Hudelot, 1984; Salazar Orvig et Hudelot, 1989).

  • (ii) De façon proche mais différente, Marková (2003/2007) a expliqué comment, pour évoquer un objet donné, une certaine tension (au sens positif) entre ego (mots ou points de vue de soi) et alter (mots ou points de vue de l’autre) est nécessaire pour que les discours aient un sens. Elle a ainsi défini la «dialogicité» comme «la faculté de l’esprit de concevoir, de créer, de communiquer à propos des réalités sociales du point de vue de l’Ego-Alter» (p. 39). Dans cette perspective, c’est parce que la novlangue est uniquement la langue de l’autre qu’elle se trouve dénuée de sens. Notons ici qu’introduire son propre point de vue dans un discours, tout en le rattachant aux mots de l’autre, nécessite un contexte (familial, professionnel, social, politique) suffisamment libre et n’a donc rien d’évident.

  • (iii) C’est parce que les récepteurs font des déplacements interprétatifs en partie différents de ceux des autres qu’il y a toujours un ouvert de l’interprétation, quelque chose «qu’on peut dire aussi», un «oui mais», une fuite du sens. Et ce sont ces différences dans les mouvements discursifs et interprétatifs qui donnent accès à différentes façons de voir, d’agir, de penser, d’aimer, etc., et finalement à différentes cultures (au sens de Bruner, 1991): culture littéraire à partir des oeuvres littéraires, culture enfantine (comme on le verra dans les exemples en 4.1 et 4.2), etc. Tous les discours ne présentent pas de telles ouvertures: François s’est ainsi parfois désolé de certains dialogues où «rien ne se passe», où le sens ne bouge pas, où aucun mouvement discursif ni de pensée n’est repérable (cf. les exemples contrastés dans François, 1987, 2002).

Finalement la notion de reprise inclut celle de continuité et de déplacement, et c’est certainement pour cela qu’elle est si difficile à traduire en anglais. L’expression «reprise-modification» pourrait de ce point de vue s’apparenter à un pléonasme, mais on peut estimer que sur un continuum allant de la continuité au déplacement, la reprise est plus proche du pôle de la continuité, celle de modification du pôle du déplacement. Les différentes tensions (entre continuité sur l’autre et déplacement dans le dialogue, entre communauté et différence interprétatives, entre convergence et divergence de perspectives) qui viennent d’être évoquées apparaissent finalement fondamentales pour comprendre la façon dont le sens émerge des discours comme la façon dont s’approprient les savoirs.

3. Quelques points méthodologiques pour l’analyse des mouvements

François a insisté sur la plus grande saillance des différentes dimensions du dialogisme dans le dialogue concret (par rapport au dialogue à distance), faisant en cela écho à un aspect mentionné de manière allusive par Bakhtine (1984): «Le dialogue a de fait une certaine matérialité: on “voit” les paroles qui s’échangent; lorsqu’on dit qu’un monologue reprend à distance la parole d’un autre indéterminé, on est sans doute davantage dans l’inassignable» (François, 2005, p. 146). Si l’opposition dialogal/dialogique permet de distinguer le dialogue-interprétation en relation avec un autre réel in praesentia du dialogue-interprétation en relation avec un autre in absentia, François ne l’a pas mobilisée dans la mesure où pour lui ces deux types de mise en relation interprétative mettent en oeuvre un phénomène dialogique de même nature.

3.1. Différents types de mouvements

C’est donc en s’inspirant d’une telle perspective dialogique que François a proposé de décrire à partir des mouvements (de CD ou RM) la façon dont le sens bouge, cela en convoquant différents types de discours (oraux et parfois écrits): dialogues en famille, dialogues ou écrits scolaires, entretiens cliniques (1982, 1984a, 1984b, 1984c, 1989a, 1987, 1993, 1994b, 2002).

Dans ces différentes analyses, les mouvements décrivent principalement des reprises et modifications de places discursives (passer de la place de celui qui donne des ordres à celui qui en reçoit par exemple), de thèmes et sous-thèmes, de catégories lexicales ou grammaticales, de genres ou types de discours (décrire, raconter, expliquer) et de mondes (de l’expérience, du savoir transmis (la terre est ronde), du vérifiable sensoriellement (il fait beau), de l’émotion (j’ai peur), de la croyance, de l’imagination, du rêve (cf. exemples de mondes donnés dans les sections 3 et 4). La notion de «monde» met l’accent sur le fait que certains objets ne peuvent être donnés («présentifiés») que par le langage, tandis que d’autres relèvent du monde «réel» et peuvent être évoqués en leur absence ou nommés s’ils sont présents. De ce point de vue, le langage est un «mélangeur» et surtout un «multiplicateur» de mondes (François, 1993, p. 5 et 116): il permet de passer «de ce qui est perçu à ce qui est absent, de ce qui est réel à ce qui pourrait l’être» (1987, p. 45), rendant parfois difficile la distinction entre «ce qui relève du répété, de l’expérientiel, ou de l’inventé» (1993, p. 118). La notion de monde au sens de François croise ainsi celle des sources énonciatives et de leurs enchâssements, mais elle est plus générale. On peut préciser cette notion en proposant d’y inclure les mouvements:

  • (i) de marquages des sources énonciatives. Ces derniers peuvent s’étaler sur un continuum (Voloshinov, 1977; Carcassonne, 2010) allant d’un pôle où la source autre (que celle du locuteur-énonciateur principal) est marquée de façon très explicite à un autre où elle est repérable sans pour autant être marquée, c’est-à-dire à un stade précédant un dialogisme que l’on peut qualifier de constitutif, dans le sens où l’hétérogénéité énonciative est «constitutive» (Authier Revuz, 1982) du discours. Dans un cadre scolaire, cette entrée amène à observer si le maître ou l’élève marque ce qu’il dit ou écrit comme relevant d’un savoir théorique, expérientiel, etc.;

  • (ii) de plans énonciatifs (voir exemples en 4.2), lesquels peuvent être de trois types différents (Benveniste, 1959; Weinrich, 1989): (1) «discours», c’est-à-dire embrayé à la situation d’énonciation par des «déictiques» (par exemple les pronoms personnels); (2) «récit», c’est-à-dire désembrayé de la situation hic et nunc car situé dans le passé ou le futur par rapport à la situation d’énonciation. Dans ce plan, le «je» correspond à un personnage d’une histoire passée ou future et donc à un quasi autre; (3) «commentaire théorique», plan désembrayé et générique;

  • (iii) de modes de prise en charge énonciative (engagement versus effacement énonciatif, voir exemples en 4.2). L’effacement correspond à l’effet produit par des marques donnant l’impression que l’énonciateur s’est retiré de son énonciation (Vion, 2001; Rabatel, 2008). On peut l’opposer à l’engagement qui est l’effet produit par la forte présence de marques énonciatives subjectives (Kerbrat-Orecchioni, 1980).

3.2. Mouvements et récits

Concernant plus précisément le genre récit, la perspective de François en matière de mouvements dialogiques et interprétatifs permet de s’intéresser à la diversité des façons de (se) raconter et de dire le temps, diversité allant bien au-delà du seul modèle structuraliste. Cette approche contre-normative à l’époque l’est toujours puisque le modèle structuraliste est encore privilégié dans de nombreux manuels scolaires (Nonnon, 2000).

Par rapport au modèle structuraliste du récit (issu des propositions de Propp et Greimas), François a pointé que «l’organisateur dominant» d’un récit pouvait correspondre à des aspects «pathiques» ou «affectifs» non pris en compte dans ce modèle (2004, p. 194). En étant mis en affinité, ces aspects «dessinent» (1989a/2005, p. 225, 1993, 1994a, 1994b) une certaine signification atmosphérique: «[Ê]tre perdu dans une forêt ou dans un cauchemar sans issue constitue une atmosphère insupportable, expérience tout autant spatiale que temporelle qu’affective» (2003, p. 11). Un récit de rêve se caractérise par une grande imprécision des indications (qui, quand, quoi, où), ce qui contribue à créer une signification temporelle «atmosphérique», et montre de plus que les «différentes façons de donner des indications sont aussi importantes que le fait de les donner» (2004, p. 44). La grammaire et la pédagogie ont surtout insisté sur les signes linguistiques spécialisés dans le renvoi au temps chronologique (marqueurs temporels, temps grammaticaux, aspects). Or certains termes temporels peuvent avoir une signification temporelle affective et sont également importants à prendre en compte: par exemple, l’expression «très longtemps» signifie l’ennui dans «il a parlé très longtemps», l’angoisse ou la résignation dans «il va rester parti très longtemps» (François, 2003, p. 18). Elle renvoie typiquement à une «temporalité affective» (Carcassonne, 2017).

François a contribué à diffuser les recherches de Labov (1978) parce qu’elles mettaient justement l’accent sur la diversité des façons de raconter et prenaient fortement en compte le récepteur. Il a proposé d’étendre la notion labovienne d’«évaluation» (aspects rendant le récit intéressant pour l’autre, tels que le discours rapporté ou intérieur, les commentaires et intensificateurs) à celle de «dramatisation» (François, 1984c, p. 109) en y incluant tout ce qui permet d’épaissir la trame narrative minimale des événements successifs. Dans cette perspective, savoir raconter, c’est d’abord et avant tout savoir dramatiser les faits en les faisant voir de différents points de vue, la question de la structure narrative passant au second plan.

Les recherches ultérieures sur le récit conversationnel (Laforest et Vincent, 1996; Brès, 1994, Carcassonne 2015) ont confirmé ces propos et montré que très peu de récits oraux rejoignaient les critères structuralistes, les récits pouvant s’étaler sur un continuum allant des plus structurés autour d’un axe temporel fort aux plus déstructurés (Ochs et Capps, 2001).

L’une des implications didactiques de ces analyses est la suivante: la façon de raconter présentée dans le modèle narratologique n’est pas la seule possible, car raconter n’implique pas nécessairement cinq étapes, ni un héros surmontant des épreuves. De ce fait, pour aider un élève à raconter, il apparaît plus important de faire porter l’étayage sur la «dramatisation» des événements que sur une structure normative, cela en favorisant une diversité de mouvements discursifs (François, 2004). Une telle «pédagogie latérale» aidant à dramatiser les événements racontés, où l’étayage consiste surtout à «proposer des thèmes, laisser parler, répondre, modifier», est selon François (1990) plus souhaitable qu’une «pédagogie frontale du vouloir faire parler l’enfant» (p. 50).

C’est quand il [l’enfant de 4-5 ans] sera amené à raconter non seulement des événements mais à dramatiser des textes en rapportant les dires et volontés ou les refus de personnages que «tout naturellement» il sera conduit à utiliser les infinitives ou complétives par «que».

François, 1990, p. 45

Cette pédagogie favoriserait ainsi corrélativement (dans et par les mouvements discursifs) l’acquisition de la «structure» du récit et plus globalement de la langue.

Pour expliquer le phénomène de la circulation discursive, on a pointé précédemment le phénomène d’enchâssement énonciatif, mais surtout celui plus large de mouvement (de RM) comme celui (plus large encore) de l’articulation entre genres de discours premier et second. Notons que cet ordre (premier puis second) présenté par Bakhtine peut être vu de manière circulaire, puisque ce qui a été dit ou appris (lors d’interactions orales ou écrites) peut ensuite être repris (et modifié), à l’oral comme à l’écrit. Ajoutons que les deux types de genres gagnent à être vus comme deux «pôles» d’un continuum sur lesquels peuvent s’étaler des genres intermédiaires, en cours de «secondarisation» (Bautier et Goigoux, 2004), tels les «genres scolaires».

Cette dernière articulation (entre deux genres d’activité de discours) a par la suite été étendue à l’activité en général (Clot, 1999; Bronckart, 1996; Filliettaz, 2002), ce qui a permis d’expliquer la transmission des savoirs en mobilisant d’autres ingrédients que les seuls éléments discursifs. Clot a ainsi proposé de transposer ce que Volochinov disait de l’activité de discours à l’activité tout court: «Toute énonciation, même sous sa forme écrite figée, est une réponse à quelque chose et est construite comme telle. Elle n’est qu’un maillon de la chaîne des actes de parole» (Volochinov, 1977, p. 105); «L’activité est toujours réponse à l’activité des autres, écho des autres activités. Elle prend place dans une chaîne d’activités dont elle forme un maillon» (Clot, 1999, p. 98).

Sans nécessairement se référer aux auteurs russes, d’autres chercheurs ont eux aussi souligné que les mots, les énoncés ou encore les genres verbaux étaient loin d’être les seuls «véhicules» des savoirs, des significations et/ou des valeurs: ces derniers peuvent en effet également être médiatisés par des objets ou artefacts se comportant comme des agents non humains (Cooren, 2013). Ainsi le phénomène de mouvement de RM peut s’étendre aux objets matériels (artefacts ou dispositifs, comme le permis à points, mentionné en 4.2).

4. Exemples de mouvements dialogiques dans des restitutions de récits et dans des débats scolaires

4.1. Commentaires de quelques mouvements dans des restitutions de récits

Afin d’indiquer ce que peut apporter l’observation des mouvements de RM dans des restitutions de récits, certains des résultats d’une analyse menée en collaboration avec Mireille Froment et Nathalie Salagnac vont maintenant être brièvement évoqués. Dans cette étude (cf. références dans l’introduction), il s’agissait pour des élèves de maternelle (grande section) de restituer un conte moral (Arc-en-ciel, le plus beau poisson des océans). Ce texte avait été lu au préalable à l’enfant (qui était seul avec l’adulte), d’abord avec l’aide de l’album puis sans.

Ces restitutions sont apparues comme étant toujours des reconstructions du sens par les élèves. Elles ont permis d’avoir accès à ce qu’avaient compris les élèves, à condition que les enfants utilisent en partie leurs propres mots. De ce point de vue, les reprises littérales ne sont pas apparues informatives car elles étaient uniquement constituées des mots de l’autre: il y manquait en effet la tension (entre mots de soi et de l’autre) qui donne sens au discours.

Seule une partie de l’analyse est ici rapportée, à savoir celle qui s’est focalisée sur ce que devenaient les explications présentes dans le texte de base. Ces dernières ont été considérées comme des éléments de «dramatisation» importants car elles contribuent à construire les dimensions morales et philosophiques du conte. Cinq types de mouvements explicatifs dans le texte source ont été repérés, mouvements pouvant s’étaler sur un continuum allant de la justification à l’explication, c’est pourquoi ce mouvement a été qualifié de «mouvement explicatif justificatif» (désormais MEJ). Seuls les trois premiers types importent ici:

  • les MEJ 1 correspondent aux commentaires du narrateur et sont parfois amalgamés à la voix du personnage, comme dans la question Mais à quoi servent les plus belles écailles du monde s’il n’y a personne pour les admirer?;

  • les MEJ 2 explicitent la psychologie du personnage en rapportant ses propos; par exemple le fait qu’Arc-en-ciel (AEC) refuse de donner une de ses écailles (Jamais! Ah non!) est justifié par Je ne pourrais jamais être heureux sans elles;

  • les MEJ 3 explicitent la psychologie du personnage à travers la voix énonciative du narrateur: Mais le bel Arc-en ciel glissait près d’eux sans dire un mot, le regard fier en prenant bien soin de faire briller ses écailles.

Dans les restitutions des enfants, les MEJ 3 sont absentes, tandis que les MEJ 1 basculent tous dans le discours rapporté des personnages, donc dans des MEJ 2, mais sous une forme affaiblie. Par exemple, dans «Alors là i i part et il s’est i s’dit euh maintenant je n’suis plus levrai Arc-en-ciel / je suis seul», l’adjectif vrai fonctionne comme un amalgame entre la leçon de morale du narrateur et la description du personnage faite au début du texte source, où AEC est décrit comme glissant fièrement au milieu des autres. Le comportement des personnages est ainsi expliqué ou justifié par les enfants en mentionnant des relations cause-conséquence qui sont plus événementielles que psychologiques. De même dans «et la pieuvre elle a dit si tu veux être content, il faut donner une écaille à tes copains», la justification du don selon la pieuvre se fait par une psychologie de type causal.

Dit autrement, les enfants reprennent le texte source en le modifiant car ils racontent une façon de vivre l’aventure par la voix du héros mais n’affirment pas, comme dans le texte source, de valeurs morales à partir des événements en adoptant le regard tiers du narrateur; ils se mettent ainsi davantage à la place discursive du héros que du narrateur, ce qui crée une «atmosphère» et une «temporalité affective» (voir définition en 3.3.2) très différente de celle du conte initial: ce dernier est repris-modifié pour devenir l’histoire d’un héros vivant une aventure pleine de rebondissements et non un conte véhiculant une certaine morale. Ce déplacement est renforcé par le fait qu’aucun des enfants ne reprend la proposition (présente dans le texte initial) justifiant de donner une écaille, ce qui montre que le lien entre donner et être heureux n’a rien d’évident pour ces enfants.

La reprise-modification du texte source par les enfants fait donc apparaître une différence entre culture adulte et enfantine, ce que l’on va pouvoir mettre en relation avec ce qui se passe dans des débats scolaires.

4.2. Commentaires de quelques mouvements dans des débats scolaires

Dans les différents débats que j’ai pu analyser (cf. références dans l’introduction), on repère un mouvement discursif récurrent que l’on peut considérer comme typique du genre «débat scolaire»: la personne enseignante part en général d’un problème concret, souvent d’ordre relationnel (rencontré dans la classe ou dans la cour, ou mentionné dans un texte lu ensemble), et sollicite le point de vue des élèves. Ces derniers répondent le plus souvent en relatant des expériences particulières et en mentionnant ce qui les a affectés par rapport au problème en question. Puis, à partir de ce qui a été dit, la personne enseignante met en avant des valeurs, des principes moraux ou des conduites à tenir, cela dans une énonciation qui n’est plus particulière mais générique. On assiste ainsi à l’élaboration de «mots-notions», avec la mobilisation de mots dont le sens évolue dans et par les mouvements du discours: «[S]i les mots signifiaient la même chose à la fin du texte et au début, ça ne vaudrait pas la peine de parler ou d’écrire» (François, 1994a, p. 48). Ce type de mouvement récurrent permet d’apprendre le maniement d’un genre discursif tout en s’acculturant à certaines valeurs républicaines.

Dans les extraits du débat ci-dessous, on va se focaliser sur quelques mouvements pour observer comment les principes d’inclusion et de respect ont fait l’objet d’un tel travail notionnel, mais aussi pour justifier en quoi un débat scolaire met en tension ce qui se dit in situ et divers discours tenus ailleurs.

Ces extraits proviennent d’un débat (recueilli dans une classe de CE1 en 2012, et analysé sous un autre angle dans Carcassonne, 2012) qui s’inscrivait sur la plage horaire de l’éducation civique, et avait simultanément pour but de préparer le conseil de coopérative de l’école.

La maîtresse (désormais M) a lancé ce débat en énonçant une situation problématique:

Extrait 1

M1 - On va voir ce qui ne va pas dans la classe ou dans la cour / moi j’ai un sujet à proposer qui n’est pas étudié en classe / Jean me dit qu’il veut quitter l’école alors c’est très grave […] / moi je voudrais comprendre pourquoi y a des copains comme ça
A1 - Jean il en a marre parce que dans la cour à chaque fois on lui fait mal

En faisant explicitement référence à ce que lui a dit Jean, la M indique que le principe d’inclusion (ici de Jean) est remis en cause, ce qui est complété par A1 qui précise l’origine de cette remise en cause (violence dans la cour).

Même si la M n’indique pas que ce principe d’inclusion est mis en mots dans d’autres discours que le sien, différentes sources à partir desquelles elle reprend (et modifie) indirectement ce qu’elle énonce en M1 sont identifiables.

Tout d’abord, ce principe d’inclusion fait partie d’une certaine doxa (source 1), en tant que discours qui circule et fait partie d’un savoir relativement partagé (cette doxa se retrouvera par la suite dans la loi de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013).

Ensuite, les textes officiels (source 2) régissant la matière «Éducation civique» indiquent que cette dernière doit chercher à «prendre en charge l’éducation aux valeurs universelles des droits de l’homme, de la démocratie, de la République».

De manière plus localisée, le projet d’établissement (PE, source 3) qui s’intitule «Vivre l’école ensemble: vers la citoyenneté» précise plusieurs objectifs, avec entre autres: «devenir acteur de l’école et non simple consommateur, former des citoyens, permettre un dialogue plus important entre maîtres et élèves, amener les enfants à considérer l’école comme un lieu de vie où chacun a sa place». Entre l’énoncé de ce dernier objectif et l’énoncé M1 «Jean me dit qu’il veut quitter l’école alors c’est très grave», le principe d’inclusion est repris et modifié de la façon suivante:

  • On passe d’un plan énonciatif de type «commentaire théorique» où l’effacement énonciatif (cf. définition en [iii], point 3.3.1) est net (verbes à l’infinitif et absence d’ancrage énonciatif) à un plan énonciatif de type «discours» (cf. définition en [ii], point 3.3.1) plus engagé énonciativement car incluant des marques subjectives (déictiques me et verbes au présent, évaluation axiologique c’est grave renforcée par le quantitatif très);

  • Ces marques énonciatives déteignent d’une certaine manière sur l’école pour en faire un référent spécifique. Outre ces mouvements de plans énonciatifs (allant du plan du «commentaire théorique» à celui du «discours») et de modes énonciatifs (allant de l’effacement à l’engagement énonciatif), il y a donc simultanément passage d’un monde abstrait (où l’école renvoie à un lieu générique) à un monde concret où l’école renvoie à un lieu spécifique, à savoir l’école fréquentée par les élèves et la M et où a lieu le débat.

Enfin, il faut savoir que dans l’école en question deux dispositifs ont été mis en place pour concrétiser le PE: un code de bonne conduite et un permis à points.

Le code (source 4) décline quatre groupes de règles autour des thèmes du respect (de l’environnement, des autres, de la vie de la classe et de l’établissement). On peut y lire des énoncés du type J’évite la bousculade et la bataille; Je respecte toutes les personnes de mon école, autant dans mes paroles que dans mes gestes. Ce dernier énoncé met lui aussi en mots le principe d’inclusion et peut lui aussi être vu étant à la source de l’énoncé M1. Entre ces énoncés du code et celui de M1, les mêmes types de mouvements que ceux répertoriés dans le paragraphe précédent sont observables (même s’il y a une différence de degré, l’énoncé du code comportant des pronoms je, mon, mes qui, même s’ils ont une valeur générique, atténuent l’effet d’effacement énonciatif repérable dans le PE).

Le permis (qui prévoit des sanctions graduelles en cas de manquement aux règles) peut être vu comme un outil non verbal ou artefact qui médiatise (et hiérarchise) certaines valeurs. Il permet de varier les moyens de convaincre les élèves en renforçant les arguments purement discursifs. S’il n’est pas mobilisé pour défendre directement le principe d’inclusion, il est néanmoins convoqué à la fin de ce débat par la M pour sanctionner des élèves qui ont frappé une élève au point de lui provoquer un bleu (cf. Carcassonne, 2012).

L’observation des mouvements dans la suite du débat (et de l’extrait 1) montre que la majorité des élèves reprennent le thème du principe d’inclusion repris-modifié par la M, et s’approprient ce faisant la notion. Cela dit, les enchaînements discursifs M1-A2 et A2-V3 montrent que les principes ou les valeurs d’inclusion et de non-violence ne vont pas de soi pour deux élèves, du moins au début du débat.

Extrait 2

A2 - alors il faut pas qu’on joue à des jeux avec une cour et on pousse quelqu’un on fait pas exprès ça peut faire mal à l’autre et l’autre je sais pas si il va bien aimer euh
V3 - faut pas jouer très violent pour Jean

A2 et V3 proposent en effet des règles de conduites à tenir dans un «monde» futur et hypothétique, mais qui sont en fait difficilement tenables: règle générique pour A2 (arrêter de jouer à des jeux dans la cour), règle spécifique pour V3 (ne pas jouer violent pour Jean). On peut même se demander si A2 ne manie pas un procédé rhétorique remettant en cause sans l’expliciter le principe d’inclusion (et qui pourrait s’expliciter ainsi: «comme il est impensable de supprimer le risque de se pousser en jouant, Jean doit partir»). En proposant de faire une exception pour Jean, V3 sous-entend lui aussi que l’on ne peut jouer que violemment. Ces énoncés mettent donc en mots des valeurs qui divergent de celles que cherche à défendre la M, et donnent à voir une culture enfantine différente de celle de l’adulte.

L’énoncé V3 permet néanmoins à la M de reprendre le thème de la non-violence (corrélé implicitement à celui d’inclusion) introduit en V3 et d’induire un mouvement vers davantage de convergence en proposant de généraliser la proposition faite par V3 (pas que pour Jean). D1 produit alors un énoncé parallèle à M4, ce qui renforce la généralisation: il manifeste alors pour sa part une convergence avec la perspective de la M, laquelle aura des effets sur les prises de paroles de A2 et V3 dans la suite du débat.

Extrait 3

M4 - ben oui mais c’est même pas que pour Jean
D1 - c’est pour tout le monde

Observer les mouvements de RM entre un discours effectif et d’autres produits à distance et ailleurs permet ainsi de préciser le fonctionnement de la circulation discursive: dans l’exemple mentionné, la doxa relative au principe d’inclusion (source 1) est repérable dans les textes officiels (source 2), le PE (source 3), le code (source 4), et c’est en reprenant et modifiant ces différentes sources que la M introduit le débat. On pourrait ici utiliser la terminologie de Cooren (2013) et dire que le principe en question est «ventriloquisé». La notion de «reprise-modification» au sens de François, relativement proche, est ici préférée car elle permet justement de préciser ce qui est repris et ce qui est modifié. Les divers mouvements que nous venons d’observer attestent ainsi de la façon dont la M fait travailler une notion dès les premières prises de parole d’un débat, en reprenant des discours produits ailleurs ou au sein même de l’interaction, mais aussi en les modifiant par des déplacements, ici de thèmes, mondes, plans ou modes énonciatifs. Si elle particularise au début le principe d’inclusion au cas de Jean, la M propose progressivement aux élèves, grâce aux mouvements discursifs, un travail notionnel aboutissant à adopter une perspective plus générale et partagée sur cette valeur. L’analyse des mouvements a mis en évidence une divergence entre les principes moraux attendus par la M et certaines mises en mots des élèves, ce qui peut être mis en rapport avec ce qui a été vu en 4.1, où une différence de valeur a été pointée entre le texte de base et les restitutions des enfants (le lien «donner-être heureux» ne semblant pas faire sens pour les enfants puisqu’aucun ne le reprend).

Observer les mouvements de RM dans le dialogue effectif permet ainsi de voir ce qui fait sens pour les élèves et ce qui au contraire résiste, mais aussi de voir comment la personne enseignante fait bouger les perspectives et points de vue des élèves en induisant certains mouvements. L’École constitue de ce point de vue un lieu d’acculturation à certaines valeurs, dans et par le type d’activités qui viennent d’être décrites, cela grâce au fait de mettre les élèves en situation de faire des «mouvements» au sens de François.

5. Conclusion

Sans chercher à revenir sur l’ensemble de la pensée foisonnante et complexe de François, on a indiqué théoriquement puis dans les exemples en quoi les «mouvements» de continuité-déplacement (CD) ou de reprise-modification (RM) permettaient de faire circuler le sens et de s’approprier des savoirs, des savoir-faire et des valeurs.

La confrontation des travaux de cet auteur à d’autres ainsi qu’à certaines interactions (ici pédagogiques) a de plus amené à considérer cette notion de mouvement comme un phénomène permettant de mettre en tension certains aspects (discours de soi/de l’autre, discours tenu ici/ailleurs, perspective convergente/divergente sur un objet, communauté/différence interprétatives), et à considérer ces tensions comme donnant sens au discours.

Même si l’approche de cette question se voulait plus théorique qu’analytique, certains mouvements liés à deux activités langagières mises en oeuvre à l’École (débat et restitution de récits) ont été brièvement convoqués. Cela a permis de pointer dans les deux cas des différences entre culture enfantine et culture adulte, tout en laissant voir également en quoi une pédagogie favorisant les mouvements (de CD ou RM) soutenait non seulement un processus d’acculturation à certaines valeurs, mais aussi les apprentissages langagiers (genres discursifs), et les apprentissages en général.

Certainement différente selon les situations (familiale, associative, familiale, etc.) et les milieux sociaux, cette pédagogie que l’on peut qualifier de dialogique gagnerait à être spécifiée en fonction de ces derniers, en prolongeant la voie ouverte par François et d’autres à sa suite.