Comptes rendus

Juliette Rennes, Métiers de rue. Observer le travail et le genre à Paris en 1900, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll. « Représentations », 2022, 461 p.

  • Mélodie Simard-Houde

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  • Mélodie Simard-Houde
    Université du Québec à Trois-Rivières

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Couverture de Configurations des héritages féministes, Volume 35, numéro 1-2, 2022, p. 1-381, Recherches féministes

L’ouvrage Métiers de rue. Observer le travail et le genre à Paris en 1900 est exemplaire de l’interdisciplinarité caractérisant les travaux de Juliette Rennes. Titulaire de la Chaire de recherche « Sociohistoire des régimes argumentatifs en démocratie » de l’École des hautes études en sciences sociales, elle a développé une approche croisant sociologie, histoire sociale, analyse de discours, études de genre et histoire des représentations. De fait, Rennes propose dans ce livre d’« [é]tudier les métiers de rue et leurs régimes de visibilité à Paris en adoptant une perspective de genre » (p. 15). En considérant un large tournant du siècle (1880-1914), mais plus spécifiquement les années 1900, elle appréhende les « petits métiers » de la rue parisienne par le double prisme des expériences de travail des hommes et des femmes, et des représentations qui en sont diffusées. Ce faisant, elle fait ressortir, dans son ouvrage, la manière dont les normes de genre modèlent l’accès aux métiers, l’occupation de l’espace urbain comme la production des images et des discours. Après avoir brossé un portrait des diverses formes de travail sur la voie publique et souligné leur relation étroite avec la mise en scène d’un Paris pittoresque perçu comme menacé de disparition (chapitre 1), Rennes met en relief la partition inégale de l’occupation de la rue parisienne, ses espaces majoritairement masculins, mais aussi les interstices où se glissent les femmes. Si le travail dans la rue à Paris est, au tournant du xxe siècle, largement effectué et représenté par des hommes (chapitre 2), Rennes montre comment certaines pionnières s’introduisent dans des métiers traditionnellement masculins (tels ceux de cocher et de reporter) sous l’effet de « changements sociaux hétérogènes » (p. 404) et de facteurs pluriels, comme leur situation familiale, leur trajectoire propre et l’influence des discours féministes, mais aussi d’intérêts médiatiques et commerciaux (chapitre 3). Ces premiers chapitres font contraster de façon intéressante l’ordinaire des statistiques (la place prédominante des hommes sur la voie publique) avec l’examen d’expériences hors du commun, évocatrices des brèches qui s’ouvrent aux femmes. Les trajectoires des cochères, en particulier, sont analysées de façon approfondie, d’une part – leur cas, méconnu et fort bien étudié par Rennes, ponctue à plusieurs moments la réflexion. D’autre part, l’autrice, prenant appui sur des travaux antérieurs, en reste à un propos plus général au sujet des reportages que les femmes ont consacrés aux métiers féminins. À côté de ces exceptions, elle signale la place importante occupée par les femmes des classes laborieuses dans les domaines mixtes, comme celui de la vente ambulante, où les travailleuses « [mettent] en oeuvre des savoir-faire et des qualités réputées viriles », dans une appropriation transgressive cependant « masquée par la disqualification de leurs activités » (chapitre 4, p. 173). Le chapitre 5, par la suite, rapproche des métiers ayant pour point commun d’être associés à une forme de racolage (tels ceux de crieur de journaux et de bonimenteur de fête foraine) pour mettre en lumière les normes de genre qui régissent l’acceptabilité de l’occupation bruyante de la voie publique, et l’injonction à la discrétion qui pèse sur les femmes, mais qui est brouillée par les prostituées. Les derniers chapitres examinent des problématiques transversales : la façon dont l’avancée en âge modifie le rapport des femmes à l’espace urbain, le regard posé sur elles et leur accès aux métiers de la rue (chapitre 6); la tolérance dont bénéficie le « suiveur » parisien, homme d’âge mûr en chasse de midinettes, qui met en évidence « l’asymétrie des normes régissant les interactions urbaines entre les sexes » (chapitre 7, p. 340); enfin, la rencontre étonnante …