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En 2022, Études françaises a refondé et agrandi son conseil scientifique international, désormais composé, à parité, de quatorze membres[1]. Aujourd’hui, elle renouvelle pour un tiers son comité de rédaction. Membres de ce comité depuis 2014 et depuis 2016, Marie-Pascale Huglo et Geneviève Lafrance viennent d’en démissionner afin de favoriser ce changement. Marie-Pascale Huglo a récemment accédé à la direction du département des Littératures de langue française de l’Université de Montréal tandis que Geneviève Lafrance est requise par d’autres tâches et de nouveaux programmes de recherches plusieurs fois repoussés. L’une et l’autre ont apporté à Études françaises une contribution inestimable, exemplaire de disponibilité et de dévouement, sans concession sur les objectifs de la recherche savante, d’une rigueur et d’une fermeté que n’égalaient que leur souci du dialogue des méthodes, des approches et des objets, de nouvelles approches pour de nouveaux objets, et leur inlassable curiosité intellectuelle. Elles nous manquent déjà.

Lorsque nous avons succédé à notre collègue Élisabeth Nardout-Lafarge à la direction d’Études françaises en 2019, nous nous réjouissions que chacune et chacun des membres du comité de rédaction qu’elle avait su constituer poursuive sa mission, que nous décrivions en ces termes : « Des chercheurs séparés par leurs origines, leurs méthodes de travail, les institutions au sein desquelles ils font carrière, accomplissent, au comité de la revue, une tâche difficile, parfois ingrate, encore mal reconnue par leurs instances d’évaluation, d’autant que les rythmes et les contraintes que la vie universitaire impose depuis qu’elle est soumise à l’exigence des subventions de recherches interdisent trop souvent aux plus jeunes de nos collègues, apportant de nouvelles curiosités, de nouvelles connaissances et de nouvelles habitudes de travail, de s’investir dans des tâches collectives. Chargés, entre autres, de prévoir les numéros à l’avance, à l’affût de nouvelles approches et de nouveaux problèmes, les membres du comité de rédaction étudient les propositions de dossier, en esquissent les lignes de force, en programment les exigences, en évaluent les articles et veulent que chaque numéro, selon la logique qui lui est propre, se constitue en un véritable objet de pensée qui ne soit pas traité du bout de la plume avant de courir à sa décontextualisation sur les plateformes de diffusion[2]. »

Nous permettra-t-on de dire que la peine que nous cause, et que cause à chacune et chacun des membres du comité de rédaction, les départs que nous devons annoncer aujourd’hui sera compensée par le plaisir d’accueillir deux nouvelles collègues : Lucie Desjardins, professeure titulaire au département d’Études littéraires de l’Université du Québec à Montréal, et Claire Legendre, professeure titulaire en recherche-création au département des Littératures de langue française de l’Université de Montréal ?

Les travaux de Lucie Desjardins portent d’abord sur les passions, les discours de la morale et les rapports entre portrait littéraire et portrait peint aux xviie et xviiie siècles. Elle a notamment publié Le corps parlant. Savoirs et représentation des passions au xviie siècle (2001) ; dirigé Les figures du monde renversé de la Renaissance aux Lumières (2013) ; et codirigé Le corps romanesque. Images et usages topiques sous l’Ancien Régime (avec Monique Moser-Verrey et Chantal Turbide, 2009), Penser les passions à l’âge classique (avec Daniel Dumouchel, 2012), L’errance au xviie siècle (avec Roxanne Roy et Marie-Christine Pioffet, 2017). Ses travaux actuels s’attachent principalement à la représentation de la colère féminine dans les textes de l’Ancien Régime.

Claire Legendre a publié une douzaine de livres en France et au Québec, la plupart sont des romans, la plupart de ses romans sont chez Grasset (Viande, 1999 ; Matricule, 2003 ; La méthode Stanislavski, 2006 ; L’écorchée vive, 2009 ; Vérité et amour, 2013). Bermudes, une trilogie romanesque, cinématographique et théâtrale, a paru entre 2018 et 2021. Ses recherches se sont attachées à la dramaturgie du théâtre de l’absurde (Vian, Ionesco, Beckett, Arrabal), aux théories de la mise en scène théâtrale (Stanislavski, Artaud, Brecht), à la question de la vérité comme enjeu scénique et épistémologique dans le théâtre des xxe et xxie siècles. Ses travaux actuels s’étendent à la vérité comme pacte et comme convention dans différentes formes de narration référentielle (autofiction, fictions biographiques, écritures testimoniales, documentaire cinématographique).

L’une et l’autre lectrices d’Études françaises depuis de nombreuses années, elles en connaissent fort bien le mandat, celui d’une « revue littéraire et interdisciplinaire, québécoise et internationale[3] » qui travaille, ainsi que nous l’écrivions en tête de notre précédent numéro, « entre les domaines et les frontières, en français sur toutes les littératures écrites en français ». Lucie Desjardins et Claire Legendre sauront perpétuer l’exigente tradition d’Études françaises, née en 1965, qui s’honore de sa longue histoire.