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Ce collectif regroupe les actes d’un colloque intitulé « Ethnographie du catholicisme France – Belgique – Québec » qui s’est tenu à l’Hôtel de Ville de Lyon du 27 au 29 avril 2016. Comme son titre l’indique, à travers des contributions variées, il tente de comprendre les mutations du catholicisme contemporain dans ces trois aires culturelles, dans l’optique où « les transformations récentes du catholicisme font l’objet de rares études » (p. 5). Les régions géographiques étudiées ont en commun non seulement d’avoir la « francophonie en partage », mais également « un héritage catholique majoritaire » ainsi qu’une « sécularisation avancée » (p. 5). L’approche privilégiée est anthropologique et la plupart des contributions composant l’ouvrage sont issues de recherches faites sur le « terrain ». Toutefois, si la majorité des vingt intervenants sont anthropologues, certains sont issus d’autres disciplines, notamment la sociologie et l’histoire.

La diversité des « terrains » étudiés est impressionnante : les itinéraires de sens des babyboomers, les unions mixtes islam-catholicisme, le catholicisme dit « observant », les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ), l’érémitisme, les paroisses, les « megachurches » catholiques d’inspiration évangélique, le catholicisme charismatique, les ONG catholiques, les prêtres missionnaires, la théologie de la libération, etc. Cette diversité permet au lecteur de s’apercevoir que l’univers catholique est loin d’être monolithique. Voulant s’éloigner d’une approche où le religieux ne serait appréhendé qu’à travers une « doctrine », les différentes contributions cherchent plutôt à faire voir la variété des « nouvelles formes » du catholicisme d’aujourd’hui. Cela dit, si cette diversité permet de dresser un portrait assez large de cette tradition religieuse, il donne parfois l’impression d’un certain éclatement, au vu de terrains aussi disparates. Il est difficile en effet de voir l’unité entre les différentes thématiques étudiées, et ce, même si l’ouvrage cherche à montrer les transformations contemporaines du catholicisme « en train de se faire » (p. 5).

Une approche ethnographique se démarque notamment par une observation analytique approfondie des phénomènes étudiés, sans a priori théologique. Telle est une des grandes orientations de l’ouvrage. Ce regard « externe » permettra à des personnes familières avec l’univers catholique de voir des aspects du catholicisme qui jusqu’alors pouvaient leur échapper. Car lorsqu’on côtoie une réalité de trop près, le risque est toujours de développer des points aveugles : l’habitude et la proximité comportent leurs angles morts. Le regard anthropologique, quant à lui, essaie toujours de voir les réalités qu’il étudie à partir de la posture du néophyte. Mais l’ouvrage intéressera sans doute davantage les personnes peu familières avec cet univers, qui pourront l’appréhender comme une introduction à son pluralisme à l’époque contemporaine.

Cela dit, malgré les forces de l’ethnographie, une approche « externe » court parfois le risque de cultiver une compréhension schématique des phénomènes étudiés. Certaines des contributions embrassent une analyse qui tombe parfois dans cet écueil, comme en témoigne une utilisation parfois flottante ou imprécise du vocabulaire catholique, qui à son tour laisse transparaître chez certains auteurs une acception tronquée de certaines notions théologiques même fondamentales. C’est que pour comprendre un univers religieux, même « en train de se faire », on ne peut se passer entièrement de ce que la religion, au niveau de ses autorités officielles et de sa doctrine, dit d’elle-même. À ce titre, l’omission patente de références au discours théologique dans la plupart des articles peut s’avérer lacunaire, le religieux finissant par être réduit par moments à des aspects tantôt structurels, tantôt anecdotiques, qui ont certes leur importance mais qui ne parviennent pas à eux seuls à rendre compte de la « signification » profonde d’une pratique religieuse. Car tout phénomène religieux, même s’il est étudié de façon « objective », est lié, de près ou de loin, à un univers théologique « internalisé » par les croyants et les pratiquants et qui a du sens pour eux. Voilà pourquoi même si cet ouvrage collectif peut être d’un certain intérêt pour des théologiens, il s’adresse surtout à des chercheurs en sciences sociales habitués à travailler à l’intérieur des catégories conceptuelles de ces disciplines.