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L’ambition de ce collectif est de proposer un portrait actualisé des travaux dans le domaine de l’éducation comparée en lien avec la justice sociale et l’inclusion. Ses auteur⋅e⋅s posent ainsi un regard souvent critique sur les pratiques et les politiques éducatives en lien avec l’inclusion à diverses échelles (locale, nationale, etc.). Le résultat est ainsi une courtepointe où certaines pièces sont particulièrement intéressantes et contribuent grandement à nourrir le regard des lecteur⋅rice⋅s sur certains des glissements sémantiques – souvent voulus – lorsqu’il est question de justice sociale, d’inclusion et plus largement d’équité en éducation. En ce sens, il y a des thèmes importants qui reviennent tout au long de l’ouvrage. Parmi ceux-ci, une place significative est faite à la tension qui existe ce qu’exige une démocratisation de l’éducation et de la réussite éducative et les besoins politico-économiques du néolibéralisme (formation de main-d’oeuvre, nouvelle gestion publique, assurance qualité, obsession de l’efficacité, etc.) qui s’inscrivent plutôt dans une logique de classement et de reproduction des élites. Sur ce plan, l’introduction de l’ouvrage rappelle que pour bien saisir les enjeux des différentes politiques de démocratisation de l’éducation, il importe de les mettre en relation avec les différentes définitions de justice et de citoyenneté. Or, ces concepts sont peu définis dans l’ouvrage. La justice y est parfois intimement liée à l’équité, donc à cette importante idée rawlsienne qui enjoint de donner plus aux plus faibles, alors qu’à d’autres moments, la justice fait plutôt référence aux différents modèles de promotion de la diversité ou d’inclusion. À quelques rares occasions, la justice (sociale) est associée à la redistribution des ressources ou au partage des pouvoirs politiques et économiques. Pourtant, plusieurs auteur⋅e⋅s soulignent les dangers de ces glissements en rappelant notamment comment certains mécanismes de suivi des politiques d’inclusion se bornent à poser un regard sur l’accès à l’emploi, sur le développement d’aptitudes favorisant l’employabilité et sur l’adéquation entre la formation et le marché du travail. Favoriser l’inclusion devient alors synonyme d’employabilité et la diversité devient une richesse qu’il convient d’exploiter comme n’importe quelle autre. Les chapitres de Garnier et de Kohout-Diaz qui traitent de la formation des élites et l’éducation des masses sont en ce sens très éloquents. Il en va de même pour le chapitre de Deyrich qui sera utile à qui cherche à comprendre les injonctions des discours de qualité en enseignement supérieur, discours qui semblent remplacer l’idéal de démocratisation par un discours dépolitisé qui associe équité, qualité, efficience et standardisation.

Dans sa postface, Assié-Lumumba effectue un travail prospectif remarquable. Comme si elle cherchait à corriger une faiblesse qu’elle aurait notée dans l’ouvrage, la chercheuse rappelle l’importance de réfléchir sur les relations de pouvoir internationales dans l’analyse des politiques éducatives et plus encore l’importance de la colonisation lorsque vient le temps de comprendre les pratiques liées à la formation des masses et des élites dans tous les pays. Elle y soutient que, si certain⋅e⋅s espéraient supprimer les classes sociales par l’éducation, la plupart du temps l’éducation aura servi la domination, l’assimilation et le maintien des élites.