Corps de l’article

1. Introduction

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études témoignent d’une augmentation de la détresse psychologique chez les jeunes adultes (Baik et coll., 2019 ; Berry, 2004 ; Daddona, 2011). En contexte scolaire, des résultats de recherche confirment que les jeunes adultes aux prises avec des problèmes de santé mentale, plus particulièrement la dépression, l’anxiété et les troubles alimentaires, sont moins motivé⋅e⋅s, entretiennent des croyances d’autoefficacité plus faibles, obtiennent des résultats scolaires plus bas et présentent des risques de décrochage plus élevés (Eisenberg et coll., 2009 ; Lipson et Eisenberg, 2018). La pandémie de la COVID-19 a exacerbé ces problèmes à travers le monde, comme en témoignent de nombreux articles parus très récemment (Fu et coll., 2021 ; Kleiman et coll., 2020 ; Rafique et coll., 2020). De fait, des chercheur⋅se⋅s indiquent que les bouleversements causés par la fermeture des collèges et universités rendent encore plus criants les besoins en santé mentale des jeunes adultes tout en limitant l’accès aux services, cela étant particulièrement vrai pour les populations vulnérables – notamment les étudiant⋅e⋅s en situation de pauvreté et provenant de minorités visibles (Lederer et coll., 2020) ou issu⋅e⋅s de la diversité sexuelle et de genre (Salerno et coll., 2020).

Cette tendance inquiétante existait au sein de la population étudiante collégiale du Québec avant la pandémie comme l’indique l’étude de Gosselin et Ducharme (2017). Il ne fait nul doute que la santé mentale influence la persévérance scolaire (Dumont, 2018 ; Dumont et Bluteau, 2014). Depuis plusieurs années au Québec, le taux d’obtention d’une sanction des études collégiales, deux ans après la durée prévue du programme initial, tourne autour de 65 % (ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec, 2019). Or, parmi les ressources personnelles dont disposent les personnes étudiantes afin de répondre aux demandes de l’environnement scolaire, le sentiment d’efficacité personnelle (SEP), lorsqu’il est fort, contribue à maintenir la santé mentale, en plus de susciter la motivation à réussir ses études. Le développement du SEP en classe et la perspective des étudiant⋅e⋅s au regard des pratiques enseignantes captent de plus en plus l’attention des chercheur⋅se⋅s qui oeuvrent dans le domaine de la persévérance scolaire au collégial (Ménard et Leduc, 2016 ; Tinto, 2017a ; Tinto, 2017b).

S’intéressant aux pratiques enseignantes associées à la motivation, Racine (2016) a comparé les perceptions de cégépien⋅ne⋅s inscrite⋅s dans deux programmes de sciences, l’un technique et l’autre préuniversitaire. Il ressort, entre autres, de cette étude que les étudiant⋅e⋅s inscrite⋅s en techniques de laboratoire, profil biotechnologies, entretiennent des perceptions plus positives quant à la valeur des activités proposées en classe que leurs pairs inscrits en sciences de la nature, un programme préuniversitaire. De plus, le SEP et la motivation sont plus forts chez les hommes inscrits au programme technique que chez les femmes de ce même programme et que chez tou⋅te⋅s les étudiant⋅e⋅s inscrit⋅e⋅s en sciences de la nature. L’auteure mentionne que l’échantillon de son étude, comprenant 63 % de femmes inscrites au programme technique, est représentatif de la population générale inscrite à ce programme. Ces résultats semblent indiquer que les pratiques enseignantes perçues varient d’un programme à l’autre et que le genre des étudiant⋅e⋅s peut jouer un rôle sur la motivation. Il serait également intéressant de vérifier s’il existe des différences de perception selon l’âge et le degré d’avancement des études.

Au cours des trente dernières années, les recherches portant sur l’amélioration du SEP chez les étudiant⋅e⋅s se sont surtout organisées autour de programmes d’études compétitifs comme les sciences ou la médecine. Leur intérêt concernant le SEP émerge principalement du besoin de favoriser la rétention des étudiant⋅e⋅s dans ces programmes (Artino, 2012 ; Colbeck et coll., 2001). Pour sa part, cet article porte sur les pratiques enseignantes susceptibles de développer le SEP des collégien⋅nes à réussir leurs études, et ce, dans tous les domaines d’études. Le fait que ces pratiques aient été peu étudiées dans les cégeps du Québec jusqu’ici représente une lacune à combler. Même s’il ne fait aucun doute que les enseignant⋅e⋅s souhaitent que leurs étudiant⋅e⋅s se sentent capables de réussir leurs études, force est de constater que les pratiques enseignantes soutenant le SEP des étudiant⋅e⋅s demeurent peu connues dans le milieu de l’enseignement postsecondaire québécois. En conséquence, cet article se penche sur cette question : quel est le portrait des pratiques enseignantes susceptibles de développer le SEP selon les perceptions des collégien⋅ne⋅s ? Cette étude exploratoire s’appuie sur une approche quantitative descriptive et comparative permettant de décrire les pratiques enseignantes telles que perçues par les étudiant⋅e⋅s et de les comparer en fonction des caractéristiques sociodémographiques des participant⋅e⋅s : l’âge, le genre, le programme choisi et le nombre de sessions complétées.

2. Contexte théorique. SEP : définition et sources d’information

Le SEP correspond à la croyance d’une personne en sa capacité d’organiser et d’exécuter des actions dans le but d’obtenir le résultat visé (Bandura, 2003). Plus précisément, dans le contexte des apprenant⋅e⋅s au collégial, il réfère à leur capacité perçue de développer des compétences ou d’acquérir des connaissances leur permettant de répondre aux exigences de leur programme de formation. L’effet déterminant du SEP sur les résultats scolaires a d’ailleurs été démontré par Richardson et coll. (2012) dans une méta-analyse englobant 13 années de recherche qui désigne le SEP scolaire comme étant la variable la plus fortement associée aux résultats scolaires.

Précisons que le SEP n’est pas une entité fixe chez un individu, puisqu’il varie selon les domaines d’activités et les contextes spécifiques où celles-ci se déroulent, et qu’il évolue tout au long de la vie (Bandura, 1988). Le caractère contextualisé des croyances d’efficacité revêt une importance particulière pour les enseignant⋅e⋅s, puisqu’il souligne leur pouvoir d’agir sur la santé mentale et sur la réussite des étudiant⋅e⋅s indépendamment des facteurs externes à l’école. De fait, certaines pratiques enseignantes peuvent être déployées dans un cours afin de développer un SEP élevé à réussir ses études chez les étudiant⋅es. Selon la théorie sociale cognitive (Bandura, 2003), le SEP découle des informations tirées de quatre sources principales qui peuvent teinter les pratiques enseignantes au collégial.

Les expériences de maitrise. Ces expériences constituent la source la plus puissante de développement du SEP (Bandura, 2003). Les succès augmentent les croyances d’efficacité personnelle alors que les échecs les diminuent. Ainsi, plus un⋅e étudiant⋅e vit de réussites, plus son SEP à réussir ses études sera fort. Cependant, certaines conditions sont à considérer : les activités d’apprentissage proposées doivent comporter des défis réalisables clairement articulés, être divisées en sous-étapes hiérarchisées et accompagnées de l’enseignement de stratégies ou d’habiletés nécessaires à leur réussite. Pour maximiser l’effet des expériences de succès, ces dernières doivent être attribuées à des habiletés acquises, puis encodées en mémoire de manière à pouvoir être récupérées au besoin lorsqu’un défi semblable se présentera. Les diverses expériences de maitrise viennent alors se greffer les unes aux autres et leur accumulation permet de développer un SEP fort et généralisé (Bandura, 2003).

Les expériences vicariantes. Ces expériences agissent lorsqu’une personne regarde un modèle – auquel elle s’identifie – en train d’accomplir une tâche. Comme pour les expériences de maitrise, les expériences vicariantes sont plus convaincantes si elles se déploient dans certaines conditions. Par exemple, les démonstrations doivent faire ressortir les obstacles potentiels à la réalisation de la tâche et le modèle doit verbaliser les stratégies utilisées pour les surmonter (Bandura, 2003). Les situations d’apprentissage collaboratif ou les regroupements d’étudiant⋅e⋅s qui encouragent les discussions, la résolution de problèmes et l’entraide en classe constituent des pratiques enseignantes exemplaires (Fédération des cégeps, 2021) facilitant le modelage par les pairs (Colbeck et coll., 2001 ; Gaudreau, 2013).

La persuasion sociale. Les encouragements, les sourires et les marques d’approbation prodigués dans un climat de sincérité par une personne crédible permettent d’augmenter les croyances d’efficacité. Cet aspect fait ressortir le rôle crucial des rétroactions en cours d’apprentissage. Bandura (2003) précise que les rétroactions doivent porter sur les améliorations individuelles à propos des objectifs de maitrise et non sur des comparaisons avec les réalisations d’autres personnes.

Les indices psychophysiologiques. Cette source d’information est composée des sensations physiques éprouvées, par exemple l’accélération du rythme cardiaque ou les mains moites, et associées à une émotion selon la situation vécue. En contexte scolaire, le fait d’éprouver du plaisir en réalisant une tâche, plutôt que de vivre du malaise, est une autre source d’information pour le SEP (Bandura, 2003). Ainsi, les paroles et les actions des enseignant⋅e⋅s qui suscitent un sentiment de bienêtre chez les étudiant⋅e⋅s et minimisent les stress inutiles sont plus susceptibles de soutenir le développement du SEP. Par ailleurs, des études montrent que lorsque l’enseignant⋅e soutient l’autonomie de ses étudiant⋅e⋅s, leur anxiété diminue (Black et Deci, 2000 ; Deci et Ryan, 1987 ; Jang et coll., 2010 ; Reeve et Tseng, 2011). Une pratique enseignante visant à soutenir l’autonomie des apprenant⋅e⋅s consiste à prendre en compte leur perspective et à leur offrir des choix (Reeve, 2016).

Lorsque les pratiques enseignantes soutiennent l’expression de fortes croyances d’efficacité personnelle à réussir ses études chez les étudiant⋅e⋅s, via les quatre sources d’information du SEP, celles⋅ceux-ci auront plus de chances de vivre des succès dans leurs apprentissages. Le modèle de causalité triadique réciproque de Bandura (2003) illustre l’interdépendance des facteurs environnementaux, comportementaux et personnels pour expliquer les comportements humains. Selon la figure 1, dans la salle de classe, les pratiques enseignantes, le SEP des étudiant⋅e⋅s à réussir leurs études et leurs comportements interagissent les uns avec les autres et s’influencent mutuellement.

Figure 1

Modèle de causalité triadique réciproque, adapté de Bandura (2003, p. 17)

Modèle de causalité triadique réciproque, adapté de Bandura (2003, p. 17)

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2.1 Pratiques enseignantes : définitions et dimensions

Même si les pratiques enseignantes font l’objet de recherches depuis quelques décennies, il n’y a pas de consensus sur leur définition ou sur le terme précis à employer pour les désigner. Des auteur⋅e⋅s emploient notamment les termes de pratiques, méthodes ou stratégies (Altet et coll., 2012 ; Darling-Hammond, 2014 ; de Saint-André et coll., 2010 ; Tremblay-Wragg et coll., 2018). Cette section propose une définition des pratiques enseignantes, puis se concentre sur certaines pratiques enseignantes liées aux 10 dimensions du questionnaire élaboré par Pelletier (2022).

Selon Altet et coll. (2012), étant donné que les pratiques enseignantes se déploient en situation d’interactions, elles ne sont pas réglées méthodiquement mais relèvent plutôt d’une démarche créative en changement continuel. Ces auteur⋅e⋅s qualifient l’enseignant⋅e de « bricoleur en situation » (p. 12) et identifient des caractéristiques associées au concept de pratiques enseignantes incluant les actions posées en classe en présence des élèves, celles posées pour préparer l’apprentissage ainsi que celles nécessaires à la communication avec les autres personnes qui gravitent autour de l’apprenant⋅e (par exemple, les autres membres du personnel éducatif). Il en ressort que la pratique enseignante est multidimensionnelle (Altet, 2002 ; Altet et coll., 2012), extrêmement complexe (Clanet, 2002) et somme toute peu étudiée au postsecondaire (Clanet et Talbot, 2012 ; Duguet et Morlaix, 2012). La définition retenue dans le cadre de cette étude inclut des pratiques enseignantes et des attitudes chez l’enseignant⋅e que les étudiant⋅e⋅s peuvent percevoir en classe et qui peuvent avoir des répercussions sur l’apprentissage, l’évaluation et l’environnement d’apprentissage.

La littérature scientifique propose une variété considérable de classements de pratiques enseignantes selon les divers contextes de recherche. Pelletier (2022) a regroupé les pratiques enseignantes en dix dimensions touchant à l’enseignement, à l’évaluation et au climat de classe.

Dimension 1 : Pratiques soutenant l’apprentissage collaboratif et le modelage par les pairs. Cette dimension comprend des pratiques qui encouragent l’apprentissage actif, c’est-à-dire que l’enseignant⋅e propose des activités qui favorisent notamment l’échange d’idées, l’entraide, la réflexion et la résolution de problèmes. Le paradigme d’apprentissage centré sur l’apprenant caractérise les programmes privilégiant l’approche par compétences ayant cours dans les cégeps du Québec (Leroux, 2009). Les méthodes et les stratégies relevant de pédagogies actives incluent des pratiques diversifiées et sont souvent présentées, au niveau postsecondaire, en opposition aux méthodes traditionnelles ou à l’enseignement magistral (Tremblay-Wragg et coll., 2018). Selon l’étude québécoise de Kozanitis (2010), l’approche par projets influence positivement la motivation, la perception de l’utilité des tâches, la perception de contrôle, le SEP et les buts de maitrise. Les pratiques centrées sur l’apprentissage sont également recommandées par Normand (2017), Tremblay-Wragg et coll. (2018), Leroux (2009) et Kozanitis et Chouinard (2009).

Dimension 2 : Rétroactions. Cette dimension contient des pratiques de rétroaction descriptive en cours d’apprentissage informant les étudiant⋅e⋅s de leurs progrès et leur permettant de passer à l’étape suivante d’apprentissage. Il s’agit habituellement de commentaires, écrits ou verbaux, informant l’apprenant⋅e de ses progrès pendant l’apprentissage. Leur effet est bien documenté (Hattie, 2017). Les rétroactions centrées sur la tâche aideraient les étudiant⋅e⋅s à comprendre leurs erreurs. Cependant, afin d’être utiles, elles doivent être spécifiques, être réalisées dans un délai raisonnable et préciser des actions à poser en vue d’améliorer le travail et de corriger les erreurs (Frey et coll., 2018). De fait, les rétroactions efficaces ne sont pas des commentaires généraux visant à renforcer l’estime de soi (Wiliam et Leahy, 2016). Ce sont plutôt des échanges ciblés d’informations qui précisent l’objectif de la tâche, les stratégies employées ainsi que la prochaine étape à atteindre (Frey et coll., 2018 ; Hattie et Timperley, 2007). Plusieurs auteur⋅e⋅s soulignent l’importance de développer le SEP des étudiant⋅e⋅s en fournissant des rétroactions portant sur leur capacité de réussir (Frey et coll., 2018 ; White, 2017 ; Wiliam et Leahy, 2016). D’après Wiliam et Leahy (2016), pour qu’une personne accepte des rétroactions et les utilise pour améliorer sa performance, une relation de confiance et de respect mutuel doit être établie. Ainsi, cette dimension est directement reliée à la persuasion sociale, troisième source du SEP.

Dimension 3 : Clarté des tâches et organisation. Cette dimension contient des pratiques ciblant une communication claire portant sur les attentes des tâches à accomplir et sur l’organisation générale du cours. La clarté prépare le terrain à des expériences de maitrise réussies. Effectivement, la clarté des consignes et des intentions d’apprentissage d’une leçon spécifique, accompagnée de la progression des apprentissages, permet aux étudiant⋅e⋅s d’être conscient⋅e⋅s des buts distaux aussi bien que des buts proximaux dont l’atteinte est nécessaire pour réussir le cours (White, 2017 ; Wiliam et Leahy, 2016). Pascarella et coll. (2008) ont dirigé une étude auprès de 1353 universitaires américain⋅es indiquant que les étudiant⋅es de première année ayant reçu des cours bien organisés et des instructions claires affirment être très satisfaite⋅s de leur expérience éducative et ont l’intention de poursuivre leurs études pour une deuxième année. Par ailleurs, en salle de classe, plus les consignes et les attentes sont claires, plus cela favorise une perception de contrôle chez l’étudiant⋅e. À l’opposé, le fait d’être incertain⋅e des attentes et d’évoluer dans un environnement d’apprentissage ambigu crée du stress et de l’anxiété (Lazarus et Folkman, 1984). Pour Wong et Wong (2009), les pratiques associées à cette dimension sont essentielles à l’établissement d’un environnement d’apprentissage prévisible et sécurisant.

Dimension 4 : Défis d’apprentissage et choix des tâches. Cette dimension s’adresse à l’authenticité des tâches choisies dont l’utilité pour la vie réelle ou le cheminement des études est clairement établie. Des défis d’apprentissage qui tiennent compte du rythme d’apprentissage des étudiant⋅e⋅s et de leur zone proximale de développement (Vygotski, 1978) font également partie de cette dimension. Les travaux de Viau et Louis (1997) soulignent l’importance de proposer des tâches stimulantes, accessibles et utiles aux yeux des étudiant⋅e⋅s. Plus leurs perceptions sont positives au regard des tâches proposées, plus elle⋅il⋅s s’engageront dans celles-ci. Des défis d’apprentissage stimulants et atteignables favorisent les expériences de maitrise, la source la plus puissante de développement du SEP (Bandura, 2003).

Dimension 5 : Offrir des choix. Cette dimension propose des pratiques portant sur les choix offerts aux étudiant⋅e⋅s dans le cadre de leurs cours. Ces choix relèvent de pratiques de différenciation (différents modes de réalisation des travaux et des choix d’activités d’évaluation) et de pratiques consistant à demander l’opinion des étudiant⋅e⋅s pour ajuster le cours selon les préférences exprimées. Selon Danley et Williams (2020), la présence de choix favorise l’engagement étudiant, procure du plaisir à réaliser les tâches et fait appel à la créativité. Pour sa part, Lightweis (2013) précise que les recherches portant sur la différenciation au collégial sont restreintes étant donné que ces pratiques requièrent beaucoup de temps de planification. Dans leur étude, Jang et coll. (2016) ont fait un sondage dans le cadre d’un cours de psychologie pour connaitre les préférences des étudiant⋅e⋅s quant aux pratiques de leurs enseignant⋅e⋅s. Parmi les dix choix proposés se retrouvaient des pratiques telles qu’assister à la présentation d’un invité spécial, regarder une présentation vidéo, participer à une discussion en grand groupe ou écouter un clip audio. Les enseignant⋅e⋅s du cours ont ensuite donné le cours selon les préférences exprimées par les étudiant⋅es. Les résultats montrent des gains sur les plans de l’engagement, du besoin d’autonomie et de l’apprentissage en profondeur.

Dimension 6 : Pratiques de modelage par l’enseignante ou par d’autres modèles. Cette dimension rejoint étroitement les expériences vicariantes, l’une des quatre sources d’information du SEP, et met l’accent sur l’importance d’observer des démonstrations faites par des modèles pertinents et crédibles qui verbalisent et démontrent les difficultés potentielles associées à la tâche. Au Canada francophone, Lamarre et Cavanagh (2012) se sont intéressées au modelage par l’enseignant⋅e. en contexte universitaire. Dans leur étude, deux enseignants ont modelé la rédaction de textes devant les étudiant⋅e⋅s pendant leur cours de dissertation. L’accent était mis sur les représentations des enseignant⋅e⋅s face à cette pratique et non sur les effets ou les perceptions des étudiant⋅e⋅s. Les auteures ont noté la complexité inhérente à cette pratique enseignante, la motivation requise par l’enseignant⋅e afin de la mettre en oeuvre et la nécessité de cibler une stratégie spécifique pendant le modelage. Tout en déplorant le peu de recherches menées dans ce domaine, elles soulignent l’importance de créer un climat de confiance dans la classe puisque, lors du modelage, l’enseignant⋅e se trouve dans une situation de vulnérabilité face aux étudiant⋅e⋅s.

Dimension 7 : Messages de peur. Cette dimension, reliée au climat de classe, contient des pratiques qui consistent à accentuer le niveau de difficulté du cours en créant un climat compétitif axé sur la perfection requise pour réussir le cours. Les chercheur⋅se⋅s tentent actuellement de comprendre pourquoi certain⋅e⋅s étudiant⋅e⋅s interprètent les messages de peur comme une menace alors que d’autres les interprètent comme un défi. Jusqu’ici, les résultats montrent que l’interprétation-défi entretient une relation positive avec la valeur accordée à la matière scolaire par l’élève, les croyances d’efficacité scolaire et l’engagement alors que l’interprétation-menace entretient un lien négatif avec ces mêmes variables (Putwain et coll., 2017). Les études menées à ce sujet précisent que quoique l’intention des enseignant⋅e⋅s qui emploient ces pratiques soit de motiver les étudiant⋅e⋅s, elles ont pour effet d’augmenter leur stress négatif et leur anxiété. Ainsi, il serait préférable d’employer des messages d’efficacité (Symes et coll., 2015 ; Von der Embse et coll., 2015).

Dimension 8 : Messages d’efficacité. Cette dimension, étroitement liée à la persuasion sociale, une source du SEP, consiste à entretenir et à communiquer des attentes élevées envers l’ensemble des étudiant⋅e⋅s. À l’opposé des messages de peur, l’enseignant⋅e exprime sa conviction que tout⋅e⋅s sont capables de réussir (Von der Embse et coll., 2015). Les messages portent sur les ressources, les stratégies, le matériel dont disposent les étudiante⋅s pour réussir. L’enseignant⋅e souligne aussi sa disponibilité à répondre aux questions des étudiant⋅e⋅s.

Dimension 9 : Relations positives. Cette dimension traite d’entretenir des relations positives et un climat de classe agréable. Les énoncés portent sur la disponibilité physique et psychologique des enseignante⋅s à répondre aux besoins des étudiant⋅e⋅s. Les effets bénéfiques des relations positives sur la motivation et l’apprentissage des élèves sont particulièrement bien connus aux ordres d’enseignement primaire et secondaire. Au secondaire, l’étude de Poirier et coll. (2013) menée auprès de 756 élèves montre que les élèves entretenant une perception négative de leur enseignant⋅e seraient plus à risque de décrochage. Les garçons auraient une attitude plus négative envers leurs enseignant⋅e⋅s que les filles et percevraient que les règles sont moins claires en classe. Au postsecondaire, le rôle crucial de ces pratiques est souligné par Ducharme et coll. (2012) et Kozanitis (2015). L’importance d’établir une relation de confiance et un climat de classe positif est bien connue des auteur⋅e⋅s qui s’intéressent au bienêtre des élèves et à leur réussite scolaire (Baudoin et Galand, 2018 ; Gaudreau, 2020). Cependant, peu d’études empiriques portent sur l’influence des pratiques enseignantes et des caractéristiques personnelles des membres du corps professoral sur la motivation et la persévérance des étudiant⋅e⋅s du postsecondaire (Bedin et Broussal, 2012).

Dimension 10 : Traitement des erreurs. Cette dimension porte sur l’établissement d’un climat d’apprentissage sécurisant dans lequel les étudiant⋅es sont invité⋅es à poser des questions ou à prendre des risques les amenant à faire des erreurs puisque ces dernières font partie du processus d’apprentissage. Plusieurs pratiques enseignantes contribuent à établir un climat de classe sécurisant promouvant l’erreur en tant qu’outil d’évaluation formative. Par exemple, l’utilisation d’outils technologiques comme les télévoteurs donne la chance à toute⋅s les étudiant⋅e⋅s, même celles⋅ceux qui ne répondent jamais en classe par peur de se tromper, de choisir une réponse et de s’engager sans mettre leur égo en danger (Wiliam et Leahy, 2016) favorisant ainsi une culture de valorisation de l’erreur, un élément essentiel à l’apprentissage et au développement du SEP des étudiant⋅e⋅s (Frey et coll., 2018).

D’après Brière (2015), l’erreur comme moyen d’apprendre demeure un sujet peu exploré au cégep. Les enseignant⋅e⋅s utiliseraient fréquemment les rétroactions descriptives et l’erreur pour faire apprendre, mais de manière superficielle. Or, des pratiques de détection des types d’erreurs (Astolfi, 2009) plus poussées et réalisées de concert avec les étudiant⋅e⋅s favoriseraient la pratique réflexive chez l’enseignant⋅e (Brière, 2018) de même que la motivation et l’apprentissage chez l’apprenant⋅e. Par ailleurs, selon Roberge (2017), certaines pratiques employées par les enseignant⋅e⋅s au cégep (par exemple, garder les copies corrigées au lieu de les remettre) nuisent à l’amélioration des étudiant⋅e⋅s grâce à l’apprentissage par l’erreur.

3. Méthodologie

3.1 Déroulement

À partir de septembre 2019, des appels téléphoniques auprès des directions d’établissement des cégeps ont été effectués pour les inviter à participer à l’étude. Une lettre d’invitation acheminée par courrier électronique et visant à expliquer le but de l’étude, la participation demandée et les retombées possibles a également été envoyée. Le questionnaire a été diffusé sur le portail Omnivox des établissements participants au cours de la période du 1er février au 14 mars 2020, date à laquelle les établissements scolaires ont fermé leurs portes pour poursuivre les cours à distance en raison de la pandémie de la COVID-19. Cette recherche a obtenu l’approbation du Comité d’éthique en recherche de l’université de la chercheuse principale. Des demandes additionnelles ont été formulées auprès de chaque cégep participant pour tenir compte de leur particularité concernant les considérations éthiques liées à la recherche.

3.2 Participant⋅e⋅s

Sept cégeps ont accepté de participer à l’étude, dont deux établissements privés, trois cégeps publics situés en régions éloignées, un établissement anglophone et un autre en milieu urbain. Les étudiante⋅s ont répondu à une invitation en ligne puis ont rempli le questionnaire. Les programmes préuniversitaires incluent : sciences humaines ; sciences de la nature ; sciences, lettres et arts ; histoire et civilisation ; arts, lettres et communications ; danse ; musique ; arts plastiques ; sciences informatiques. Les programmes techniques comprennent les techniques biologiques et alimentaires ; physiques ; humaines ; de l’administration ; arts et communication graphique. Les caractéristiques des participant⋅e⋅s sont présentées au tableau 1.

Tableau 1

Caractéristiques des participant⋅e⋅s

Caractéristiques des participant⋅e⋅s

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3.3 Instrumentation

En l’absence d’un instrument de mesure s’adressant aux étudiant⋅e⋅s qui permette de documenter leurs perceptions quant aux pratiques enseignantes susceptibles de soutenir leur SEP à réussir leurs études, un questionnaire a été élaboré (Pelletier, 2022). Les instructions fournies aux participant⋅e⋅s étaient les suivantes : « En pensant aux enseignant⋅e⋅s des cours de concentration de ton programme d’études, indique ton degré d’accord avec la présence des pratiques décrites dans chaque énoncé : 1- pas du tout d’accord à 7- entièrement d’accord. » Le tableau 2 rend compte des propriétés métrologiques dégagées des analyses effectuées appuyant l’utilisation de ce questionnaire pour la présente recherche et contient un exemple d’énoncé pour chaque dimension.

Tableau 2

Caractéristiques métrologiques du questionnaire de pratiques enseignantes

Caractéristiques métrologiques du questionnaire de pratiques enseignantes

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3.4 Méthode d’analyse des données

Des analyses descriptives (moyennes, écarts-types, corrélations) sont effectuées à l’aide du logiciel SPSS, ainsi que des tests t et des ANOVA permettant de comparer les pratiques perçues selon les caractéristiques sociodémographiques des répondant⋅e⋅s : l’âge, le genre, le programme choisi et le nombre de sessions complétées.

4. Résultats

Le tableau 3 présente les statistiques descriptives pour chaque dimension du questionnaire par ordre décroissant des moyennes ainsi que par caractéristique sociodémographique. Les corrélations entre les différentes dimensions sont élevées et varient de 0,72 à 0,84. Pour la variable genre, seul⋅e⋅s les participant⋅e⋅s ayant indiqué féminin ou masculin ont été inclus⋅e⋅s dans les analyses. Considérant les analyses effectuées, le nombre de participant⋅e⋅s Autres n’était pas suffisant.

Tableau 3

Moyenne et écart-type par dimension et comparaisons en fonction des caractéristiques sociodémographiques

Moyenne et écart-type par dimension et comparaisons en fonction des caractéristiques sociodémographiques

*p < .05 ; **p < .01

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Les résultats indiquent que les étudiant⋅e⋅s sont moyennement ou assez d’accord avec la présence des pratiques enseignantes, regroupées selon les dix dimensions du questionnaire, dans les environnements d’apprentissage. En effet, les moyennes obtenues se situent entre 4,23 et 5,50, sauf pour la dimension des messages de peur, associée à des pratiques qui nuisent au SEP, qui obtient une moyenne de 2,67.

Les analyses statistiques effectuées (tests t et ANOVA) ne révèlent aucune différence de pratiques enseignantes perçues selon le genre des répondant⋅e⋅s ni selon le nombre de sessions complétées au collégial. Toutefois, des différences significatives sont observées selon les programmes d’études et l’âge des participant⋅e⋅s. Les étudiante⋅s inscrit⋅e⋅s dans un programme technique perçoivent davantage la présence de pratiques qui soutiennent le SEP que celles⋅ceux inscrit⋅e⋅s à un programme préuniversitaire. C’est également le cas des étudiant⋅e⋅s plus âgé⋅e⋅s (20 ans et plus) comparativement à leurs pairs les plus jeunes (19 ans et moins), sauf pour les dimensions 5 et 8 (offrir des choix et messages d’efficacité) où aucune différence significative n’est observée.

5. Discussion des résultats

Parmi les quatre dimensions ayant obtenu les moyennes les plus élevées (c’est-à-dire un score plus grand que 5 qui correspond à assez, fortement ou tout à fait d’accord), trois d’entre elles désignent des pratiques enseignantes qui contribuent à créer un climat de classe positif (D9, D10, D8), et une, qui arrive en tête de liste, réfère à des pratiques liées à la clarté des tâches et à l’organisation générale du cours (D3). Des attentes et des instructions claires signifient un environnement contrôlable pour les étudiant⋅e⋅s, ce qui prépare le terrain à des expériences de maitrise réussies, la plus importante source d’information du SEP. Par exemple, dans les cours bien organisés où les attentes sont claires, les étudiant⋅e⋅s sont davantage en mesure de bien gérer leur temps pour atteindre des critères de réussite clairement formulés. La possibilité d’avoir en main les clés de sa propre réussite dans un contexte précis est un facteur qui influence fortement le SEP selon Bandura (2003). Pour Pascarella et coll. (2008), la satisfaction des étudiant⋅e⋅s et leurs comportements de persévérance aux études sont reliés à la clarté de l’organisation et des instructions reçues dans les cours.

Pour leur part, les pratiques visant à établir et entretenir un climat d’apprentissage positif sont extrêmement importantes dans tous les contextes scolaires (Baudoin et Galand, 2018 ; Ducharme et coll., 2012 ; Gaudreau, 2020 ; Kozanitis, 2015). Elles influencent à la fois la santé mentale des étudiant⋅e⋅s et leur réussite scolaire. Les résultats de cette étude indiquent que ces pratiques sont assez présentes dans les classes des répondant⋅e⋅s. Les dimensions Relations positives (D9) et Traitement des erreurs (D10) tiennent respectivement la 2e et la 3e place de ce classement. Ces deux dimensions, caractérisées par un climat de classe positif et sécurisant, touchent directement à la quatrième source d’information du SEP, les indices psychophysiologiques. Les caractéristiques personnelles de l’enseignant⋅e sont ici mises de l’avant. Effectivement, lorsque l’enseignant⋅e adopte une attitude qui contribue à créer un climat d’apprentissage positif et agréable, le SEP des étudiant⋅e⋅s à réussir leurs études est plus susceptible de se développer (Bandura, 2003). En effet, les états émotionnels positifs, comme la joie ressentie lors d’échanges de blagues en classe, favorisent le développement du SEP des étudiant⋅e⋅s.

La dimension Messages d’efficacité (D8) se retrouve en quatrième place. Les paroles et les gestes d’encouragement, en plus d’être des éléments de persuasion sociale, une source importante d’information du SEP, contribuent également à établir un climat d’apprentissage positif. Lorsque l’enseignant⋅e partage sa conviction que tou⋅te⋅s les étudiant⋅e⋅s peuvent réussir son cours, celles⋅ceux-ci peuvent se projeter dans un avenir où la diplomation sera devenue une réalité. La possibilité d’atteindre les résultats visés grâce à des actions qu’elle⋅il⋅s se sentent capables de poser leur redonne le pouvoir de réussir leurs études et de commencer leur carrière. Selon Bandura (2003), il s’agit du fondement de l’agentivité humaine.

Les quatre autres dimensions qui suivent et qui obtiennent des moyennes similaires (c’est-à-dire un score qui se situe entre 4,5 et 5, ce qui correspond à moyennement d’accord) sont davantage associées à des pratiques d’apprentissage et d’évaluation. La D4 décrit des défis d’apprentissage choisis selon la zone proximale de développement des étudiant⋅e⋅s, dans des contextes authentiques, pertinents et stimulants qui tiennent compte de leurs intérêts. Pour leur part, les D1 et D6 font appel aux expériences vicariantes, la deuxième source d’information du SEP. Or, le modelage est une pratique peu documentée et assez complexe à mettre en place (Lamarre et Cavanagh, 2012). Quant à la D2, elle porte sur les pratiques de rétroactions qui touchent à la persuasion sociale et aux expériences de maitrise.

Les deux dimensions les moins perçues par les répondant⋅es sont la D5 et la D7. La D5 concerne la différenciation et les choix à offrir afin de développer l’autonomie des jeunes adultes et de réduire leur anxiété en leur procurant un plus grand contrôle sur les activités d’apprentissage proposées. Étant donnée leur importance pour le développement des adultes émergents, ces pratiques gagneraient à être mieux connues et employées plus fréquemment de manière ciblée et intentionnelle. La D7 Messages de peur arrive en dernière place. Il est rassurant de savoir que ces pratiques sont peu utilisées dans les classes des répondant⋅e⋅s. En effet, ces messages peuvent être très nuisibles pour la santé mentale des étudiant⋅e⋅s ; en conséquence, il serait préférable qu’ils disparaissent complètement. Plus les étudiant⋅e⋅s sont exposé⋅e⋅s à ce genre de messages, plus elle⋅il⋅s ont tendance à les interpréter comme des menaces (Symes et coll., 2015). Or, la détection d’une menace dans l’environnement risque de déclencher des réactions de stress et d’anxiété (Lupien, 2010). Des degrés élevés de stress et d’anxiété ressentis dans un contexte spécifique sont associés à un SEP faible (Bandura, 2003).

Ce portrait inclut des comparaisons entre les pratiques enseignantes perçues et différentes caractéristiques sociodémographiques des répondant⋅e⋅s. Aucune différence n’a été trouvée quant au genre et au nombre de sessions complétées. L’étude de Pascarella et coll. (2008), tout comme la nôtre, n’avait relaté aucune différence significative selon le genre en ce qui concerne la D3 Clarté des tâches et organisation. Pour sa part, Racine (2016) a noté des différences entre les hommes et les femmes dans son étude. Cependant, ces différences portaient sur le SEP et la motivation des cégépien⋅ne⋅s et non sur les pratiques enseignantes perçues selon le genre.

Dans la présente étude, des différences ont été notées selon l’âge des répondant⋅e⋅s et le programme suivi. Les étudiant⋅e⋅s plus âgé⋅e⋅s perçoivent plus fortement les pratiques de toutes les dimensions (sauf D5 Offrir des choix et D8 Messages d’efficacité). Une plus grande maturité pourrait permettre une meilleure discrimination des éléments liés à l’apprentissage. Les analyses effectuées portaient sur les personnes étudiantes de 20 ans et plus et celles de 19 ans et moins. Une analyse plus fine des différences d’âge des répondant⋅e⋅s permettrait de voir s’il existe des différences, par exemple, entre les étudiant⋅e⋅s de 17 ans et celles⋅ceux de 25 ans.

Pour toutes les dimensions, les étudiant⋅e⋅s inscrit⋅e⋅s dans un programme technique obtiennent une moyenne plus élevée que celles⋅ceux inscrit⋅es à un programme préuniversitaire. Racine (2016) a comparé les perceptions des cégépien⋅ne⋅s concernant la valeur des activités proposées en classe (ce qui correspond à D4, dans notre étude) selon le programme suivi. Ses résultats vont dans le même sens que ceux de la présente étude et indiquent que les étudiant⋅e⋅s inscrit⋅e⋅s à un programme technique entretiennent des perceptions plus positives que celles⋅ceux inscrit⋅e⋅s à un programme préuniversitaire. À l’instar de Racine (2016), nous pourrions avancer l’hypothèse que la nature même des programmes techniques, qui fonctionnent souvent par cohortes, renforce le sentiment d’appartenance au programme, ce qui résulterait en des perceptions plus fortes et plus positives chez ces étudiant⋅e⋅s. Par ailleurs, il est possible que, lors des stages en milieu de travail, les étudiant⋅e⋅s inscrit⋅e⋅s dans les programmes techniques, soient exposé⋅e⋅s à des rétroactions positives de la part de leurs mentors, ce qui améliorerait leurs perceptions au regard de leur expérience éducative (Ngonda et coll., 2022), les stages n’étant pas aussi fréquents dans les programmes préuniversitaires.

6. Conclusion

Cet article avait pour objectif de brosser un portrait des pratiques enseignantes perçues par les collégien⋅ne⋅s susceptibles d’influencer le SEP à réussir leurs études ainsi que de les comparer selon leurs caractéristiques sociodémographiques. Les dix dimensions composant le questionnaire utilisé font ressortir l’aspect multidimensionnel des pratiques enseignantes tout en posant un regard neuf sur l’éventail des pratiques associées au développement du SEP des étudiant⋅e⋅s. Cette étude a permis de constater que les dimensions les mieux perçues par les étudiant⋅e⋅s s’adressent principalement au climat de classe, un aspect des pratiques enseignantes qui touche plus étroitement les indices psychophysiologiques, quatrième source d’information du SEP. Les comparaisons entre les pratiques enseignantes et les caractéristiques sociodémographiques des répondant⋅e⋅s révèlent que les étudiant⋅e⋅s plus âgé⋅e⋅s ainsi que celles⋅ceux inscrit⋅e⋅s dans des programmes techniques perçoivent plus fortement la plupart des pratiques enseignantes susceptibles de développer leur SEP à réussir leurs études.

Plusieurs limites sont associées à cette étude. En plus des limites inhérentes à l’élaboration d’un questionnaire et à sa diffusion en ligne, la taille modeste de l’échantillon de convenance empêche la généralisation des résultats. La taille modeste de l’échantillon a également limité les analyses statistiques effectuées, par exemple, les divers programmes préuniversitaires et techniques ont été regroupés en deux grands groupes et n’ont pas été comparés selon le genre des étudiant⋅e⋅s qui les composent ; les participant⋅e⋅s ont également été regroupé⋅e⋅s en deux groupes selon leur âge. Par ailleurs, il se peut que les établissements ayant accepté de participer à une étude portant sur les pratiques de leurs enseignant⋅e⋅s soient déjà engagés dans une démarche de développement professionnel sécurisante. Cela aurait pour effet de favoriser l’adoption de pratiques mieux adaptées aux besoins d’agentivité de leurs étudiant⋅e⋅s, ce qui pourrait expliquer le degré de présence assez fort des pratiques perçues faisant l’objet de cette recherche. Aussi, les étudiant⋅e⋅s qui ont choisi de répondre à ce sondage ont peut-être une perception différente de leur environnement d’apprentissage que celles⋅ceux qui n’ont pas répondu, ce qui aurait pour résultat de ne montrer qu’une fraction de la réalité de l’environnement d’apprentissage.

Les recherches futures pourraient contenir un aspect qualitatif afin de mieux documenter l’expérience des étudiant⋅e⋅s au regard des pratiques enseignantes. Par ailleurs, afin de mieux rendre compte du modèle de causalité triadique réciproque de Bandura, un facteur comportemental, comme la persévérance dans les études ou les habitudes d’étude, pourrait être inclus dans le questionnaire. Finalement, il serait intéressant que le questionnaire soit utilisé dans un établissement scolaire spécifique pour permettre aux comités de perfectionnement professionnel de mieux cibler les besoins de formation des enseignant⋅es qui souhaitent augmenter le SEP de leurs étudiant⋅e⋅s à réussir leurs études.

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Christine Pelletier
Étudiante au doctorat, Université Laval

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Nancy Gaudreau
Professeure, Université Laval

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Éric Frenette
Professeur, Université Laval