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À la suite de la recension, par Sylveline Bourion, du 1er tome révisé de mes Musique, langage vivant, cette réponse a pour but de préciser à quel public s’adresse l’ouvrage – ce dont elle ne semble pas avoir tenu compte. Elle a aussi pour objectif de faire connaître le contenu non recensé et enfin de contester certains reproches qui m’apparaissent comme la conséquence de malentendus découlant d’une différence d’approche de l’analyse.

Le premier volume des Musique, langage vivant – tout comme les deux autres – ne s’adresse pas à des spécialistes ou à des professionnels[1] de l’analyse, mais à des élèves des cours d’éducation musicale, des seconds cycles des lycées (classes dans lesquelles j’ai enseigné pendant une dizaine d’années), aux étudiants de la spécialité musique des classes d’hypokhâgne et khâgne (classes préparatoires aux grandes écoles : Écoles normales supérieures de Paris et de Lyon), aux élèves de maintes classes des conservatoires (de formation musicale, analyse, histoire de la musique, esthétique, culture musicale, d’instruments), dans certaines desquelles j’ai enseigné pendant 30 ans, et à ceux des écoles de musique, aux étudiants de licence et master des universités, et enfin, à des amateurs et mélomanes de tous âges « curieux et passionnés », ainsi que je l’indique dans la préface. La version d’origine de ce volume a été rééditée quatre fois. Nombre d’années après sa sortie (en 1981), cette 5e édition, révisée, prouve qu’il répond à une attente.

En faisant découvrir aux uns et aux autres les bienfaits de l’analyse, mon approche devrait d’ailleurs inciter les lecteurs à s’intéresser à d’autres méthodologies analytiques destinées, comme la mienne, à avoir – fin véritable de l’analyse – une incidence positive sur l’écoute de la musique, son interprétation, la création et, sur le plan culturel, sur sa connaissance, dans son être et son histoire, d’autant plus authentique que fondée sur les oeuvres mêmes.

Rendre compte de mon ouvrage, c’est présenter son organisation, son contenu, ce qui n’apparaît pas dans la recension. Ce volume de Musique, langage vivant est composé de trois parties précédées d’une introduction ; il s’achève sur une conclusion suivie de divers index.

  • L’Introduction précise les enjeux de l’ouvrage.

  • La première partie, en deux temps de 69 et 35 pages, envisage, exemples à l’appui, comment aborder un morceau à analyser et définit les divers paramètres à considérer, tant pour une oeuvre des xviie et xviiie siècles que pour des oeuvres des xixe et xxe siècles, qui sont l’objet des deux volumes suivants. Second temps de cette première partie, un lexique complémentaire propose 74 entrées, dont certaines fort développées (telle celle de l’ethos), quand, dans l’ouvrage initial, il n’en comptait que 31.

  • La deuxième partie, de 263 pages, s’intéresse, tout d’abord, aux structures (fugue, ouverture, structure binaire simple, monothématique, bithématique, rondeau, rondeau complexe, forme-ritournelle, forme-sonate, forme-lied, forme- menuet, thème et variations) qui se rencontrent dans les principales formes instrumentales (fugue, ouverture, suite, concerto, sonate). Sont ensuite considérées des formes spécifiques de la musique vocale (forme-ritournelle d’un madrigal, récitatif d’un oratorio, air en rondo d’une tragédie lyrique, aria da capo d’une Cantate, choeur aba’ d’un Requiem, choral d’une Passion). Pour les faire valoir est proposée l’analyse d’un mouvement, d’une pièce ou d’un extrait d’oeuvres diverses de Monteverdi, Schütz, Lully, François Couperin, Vivaldi, Rameau, Bach, Domenico Scarlatti, Haendel, Haydn, Mozart et Beethoven.

    Chaque analyse s’achève sur une conclusion-synthèse qui résume, met en évidence les qualités de l’oeuvre analysée, et chaque chapitre se termine par une conclusion générale relative à la forme abordée et aux structures qu’il est possible d’y rencontrer (la norme et certaines propositions particulières).

  • La dernière partie est une conclusion générale historique, esthétique et musicale, relative à la musique des xviie et xviiie siècles.

Je voudrais enfin évoquer les reproches formulés dans le compte rendu pour démontrer qu’ils sont infondés. Pourquoi, par exemple, affirmer que les numéros de mesure ne sont pas indiqués, alors qu’ils le sont systématiquement (sauf s’il s’agit de la première mesure ou de la fin d’un morceau, ce que mettent clairement en évidence l’indication de mesure dûment reportée et la double barre conclusive) ? Certains reproches sont le fait de malentendus. Je n’ai rien, en particulier, contre les méthodologies analytiques des uns et des autres. Nombreux sont mes anciens étudiants qui les connaissent et les pratiquent ; elles donnent à appréhender les oeuvres d’autres façons ; elles font progresser la connaissance de l’univers musical de toutes les périodes de l’histoire et sont riches d’enseignements. Je n’ai, par ailleurs, jamais voulu « réactualis[er] un ouvrage précédemment paru » (Bourion 2022, p. 200), mais en enrichir le contenu de façon substantielle.

Sylveline Bourion et moi-même ne partageons pas la même conception de l’analyse : la mienne, tout en se voulant rigoureuse, est ancrée dans la « culture musicale ».

Certains propos me laissent, au demeurant, perplexe. Sylveline Bourion émet ainsi un doute : « Qu’il faille entendre ce que l’on analyse me paraît judicieux […] mais je n’en suis même pas complètement certaine » (ibid., p. 198), quand j’écris, au contraire, que « l’analyse doit être constamment reliée à la perception sensible de la musique et mettre en rapport ce qui est expliqué avec ce qui est entendu » (Bérard 2021, p. 11) ou encore « la lecture de la partition ne pouvant se dissocier d’une perception sonore authentique » (ibid., p. 15). Il est possible que Sylveline Bourion, par cette remarque, tende à considérer que certaines théories de l’analyse relèvent du champ de l’inaudible, mais je maintiens comme indispensable mon postulat d’une analyse dont le but est de mieux entendre dans tous les sens du terme. De même, à propos du paragraphe que je consacre à l’écriture instrumentale et vocale dans la première partie de mon ouvrage, il est écrit :

Partie qui me semble étrange, où l’autrice définit les questions que devrait se poser l’analyste selon qu’il s’intéresse à une oeuvre pour soliste, pour orchestre, pour chant. Je ne suis pas certaine de concevoir qu’on doive se poser certains types de questions spécifiques à certains contextes instrumentaux.

Bourion 2022, p. 196 ; italiques de l’autrice

Il me semble, au contraire, fondamental de prendre en considération l’instrument ou les instruments (au sens large du terme – la voix est un instrument, bien évidemment) et leur traitement. Ils ont un grand intérêt en tant que tels et, volontiers, une réelle incidence sur bien des paramètres d’une oeuvre.

Certes, l’esprit d’une critique consiste, entre autres, à relever des insuffisances et des inexactitudes, mais le caractère lacunaire, et souvent partial, de cette recension appelait une réponse et des précisions.