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INTRODUCTION

Les agressions sexuelles font partie des événements traumatiques les plus associés au développement du trouble de stress post-traumatique (TSPT) (Dworkin et al., 2018). Dans la présente étude, une agression sexuelle est définie par un « geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée, ou dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par du chantage » (Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 2001, p. 22).

Une proportion importante de personnes ayant vécu une agression sexuelle et présentant un TSPT ont des difficultés de sommeil (Krakow et al., 2001). Des symptômes liés au sommeil (p. ex., des rêves générant de la détresse, des difficultés d’endormissement) font d’ailleurs partie des critères du TSPT dans la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (American Psychiatric Association [APA], 2013). Le TSPT serait aussi associé à d’autres difficultés de sommeil, notamment des comportements nocturnes perturbateurs tels que des épisodes d’acting out des rêves (Germain, 2013).

Les cauchemars sont fréquents chez les personnes ayant vécu une agression sexuelle. En effet, dans les études rapportées dans la recension systématique de Steine et al. (2012) sur les difficultés de sommeil chez les personnes ayant vécu une agression sexuelle, des cauchemars fréquents étaient rapportés par au moins la moitié des participants inclus dans les échantillons, et la proportion de participants ayant des cauchemars pouvait aller jusqu’à 95 %. Les cauchemars sont des « rêves prolongés, extrêmement dysphoriques, dont le souvenir persiste lors de l’éveil, qui impliquent généralement des efforts pour éviter des menaces contre la survie, la sécurité ou l’intégrité physique » (APA, 2013, p. 523). Après l’exposition à un événement traumatique, la présence de cauchemars prédirait le développement et la persistance du TSPT (Creamer et al., 2004).

Parmi les psychothérapies visant à traiter le TSPT, la TCC est l’approche ayant le plus de soutien empirique (Hembree et Foa, 2000; Watts et al., 2013). La TCC serait efficace pour diminuer les symptômes de TSPT, d’anxiété et de dépression et les difficultés fonctionnelles (Cusack et al., 2016), et son efficacité chez les victimes d’agression sexuelle a été démontrée dans la recension systématique de Regehr et al. (2013). La TCC du TSPT permettrait aussi de diminuer les difficultés de sommeil associées au TSPT (Belleville et al., 2011; Schoenfeld et al., 2012). Toutefois, des participants ayant reçu une TCC du TSPT ont des cauchemars persistants (Belleville et Dubé-Frenette, 2015; Belleville et al., 2011; Levrier et al., 2016). Ceux-ci prédisent un moins bon fonctionnement et sont associés à plus de symptômes résiduels de TSPT ainsi qu’à une moins bonne santé physique et mentale (Belleville et al., 2011; Brownlow et al., 2016). La persistance des cauchemars après la TCC pourrait être due au fait que celle-ci ne cible pas directement cette problématique. Combiner la TCC avec la méthode de révision et répétition par imagerie mentale (RRIM) pourrait permettre de traiter à la fois les cauchemars et les symptômes de TSPT.

La RRIM est une TCC qui cible les cauchemars récurrents et qui est recommandée en première ligne pour traiter cette problématique (Aurora et al., 2010). Elle est composée d’une composante de psychoéducation sur les cauchemars et sur le traitement, ainsi que d’une composante d’imagerie mentale guidée visant à modifier le scénario d’un cauchemar pour que celui-ci génère moins de détresse. Selon une méta-analyse, la RRIM mènerait à une diminution de la fréquence des cauchemars et des symptômes de TSPT ainsi qu’à une amélioration de la qualité du sommeil (Casement et Swanson, 2012).

L’un des principaux avantages attribués à la TCC est le maintien des gains thérapeutiques à long terme une fois le traitement terminé (Lee et al., 2016). Une recension comparative des traitements pour le TSPT a relevé que des études ont observé un maintien des gains jusqu’à 12 mois après la TCC (Hembree et Foa, 2000). Une méta-analyse récente a observé que les améliorations des symptômes de TSPT après une TCC du TSPT se maintiennent jusqu’à 20 mois post-traitement (Kline et al., 2018). Les auteurs ont relevé une taille d’effet de d = 0,27 entre le post-traitement et les mesures de suivi après une TCC utilisant l’exposition prolongée, et ils ont observé que les tailles d’effets observées au-delà de six mois post-traitement étaient plus importantes que celles observées à six mois. Ces résultats suggèrent que des gains additionnels peuvent survenir après une TCC du TSPT, et qu’ils pourraient être plus importants lorsque les suivis sont à plus long terme, mais la majorité des études n’ont pas évalué l’évolution des gains au-delà de six mois après le traitement (66,7 %) (Kline et al., 2018).

Il existe moins de données sur l’évolution des gains à long terme après la RRIM. La méta-analyse de Casement et Swanson (2012) montre que les gains tendent à se maintenir de 6 à 12 mois pour les cauchemars, le sommeil et les symptômes de TSPT. Ces conclusions sont toutefois limitées, puisque seules 5 des 13 études présentées comprennent un essai contrôlé randomisé et une seule étude compare la RRIM à un groupe contrôle avec traitement actif (Casement et Swanson, 2012). Une étude pilote sur l’efficacité de la RRIM, menée auprès de vétérans ayant des cauchemars post-traumatiques chroniques, rapporte une diminution de la fréquence et de l’intensité des cauchemars dans les 12 mois post-traitement (Forbes et al., 2003), suggérant des gains additionnels après la fin du traitement. Ces résultats doivent être interprétés avec précaution, puisque le devis expérimental ne comporte pas de groupe contrôle et que la taille de l’échantillon est petite (N = 12).

Une seule étude s’est intéressée à l’efficacité de la combinaison de la RRIM et de la TCC du TSPT pour traiter les cauchemars et le TSPT en comparant deux conditions, soit la TCC du TSPT seule et combinée à la RRIM (Belleville et al., 2018). Dans cet essai contrôlé randomisé, une diminution des symptômes de TSPT et des difficultés de sommeil, ainsi qu’une amélioration du fonctionnement quotidien et de la qualité de vie, ont été observées dans les deux conditions, avec une diminution plus importante des cauchemars dans la condition TCC avec RRIM. Ces résultats suggèrent qu’une approche combinée de TCC et de RRIM permettrait de traiter les cauchemars en plus du TSPT entre le pré- et le post-traitement, mais des mesures de suivi à plus long terme n’ont pas été rapportées par les auteures. Ainsi, la présente étude rapporte les résultats de suivi de l’étude de Belleville et al. (2018). Le premier objectif de l’étude est d’évaluer l’efficacité à long terme d’une TCC du TSPT (avec ou sans RRIM), en évaluant les effets du traitement entre le prétraitement et les suivis à 3, à 6 et à 12 mois sur les symptômes de TSPT, le sommeil (qualité du sommeil, comportements nocturnes perturbateurs et cauchemars), la qualité de vie et le fonctionnement quotidien. Il est attendu que des effets à long terme soient observés pour toutes ces variables. Le second objectif est de vérifier si des changements surviennent dans les 12 mois après la TCC du TSPT (avec ou sans RRIM) pour ces mêmes variables. Un objectif secondaire est d’explorer s’il y a des différences entre les conditions TCC du TSPT seule et combinée à la RRIM pour ce qui est de l’efficacité à long terme et de l’évolution des gains thérapeutiques.

MÉTHODE

Participants

Des victimes d’agression sexuelle recherchant un traitement ont été recrutées à Québec entre mars 2013 et janvier 2015 par le biais de courriels envoyés aux étudiants de l’Université Laval, d’annonces dans les Cégeps ainsi que de références de centres pour les victimes d’agression sexuelle et de services en santé mentale. Les critères d’inclusion étaient : (a) avoir au moins 18 ans; (b) comprendre et parler le français; (c) avoir vécu une expérience sexuelle non désirée; (d) avoir un diagnostic de TSPT selon la quatrième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR; APA, 2000); (e) avoir un résultat de 5 ou plus au Pittsburgh Sleep Quality Index (PSQI; Buysse et al., 1989); (f) avoir un cauchemar ou plus par semaine dans le dernier mois; et (g) avoir un dosage de psychotrope inchangé dans les trois derniers mois s’il y a lieu. Une exception a été faite pour deux participants qui avaient un résultat inférieur à 5 au PSQI, mais qui avaient des difficultés de sommeil cliniquement significatives (c.-à-d., des cauchemars fréquents, une détresse associée aux cauchemars et des comportements nocturnes perturbateurs). Une exception a aussi été faite pour quatre participants qui avaient eu moins d’un cauchemar par semaine dans le dernier mois au moment de l’évaluation, mais qui en avaient habituellement plus, et qui avaient des difficultés de sommeil cliniquement significatives.

Les critères d’exclusion étaient (a) vivre ou avoir vécu une psychose, avoir un trouble bipolaire ou un trouble mental organique; (b) avoir un trouble lié à une substance; (c) avoir un diagnostic d’apnée du sommeil; (d) prendre de la prazosine pour les cauchemars; (e) suivre un traitement psychologique; et (f) avoir des pensées suicidaires requérant une intervention immédiate. Pendant l’étude, les participants ne devaient pas (a) changer le dosage ou le type de psychotropes prescrits; (b) commencer une nouvelle médication psychotrope; et (c) recevoir toute autre forme de psychothérapie. Cent vingt-trois entrevues téléphoniques de dépistage ont été effectuées; 53 personnes ont satisfait aux critères d’éligibilité et ont été invitées à une évaluation clinique. Après l’évaluation, 42 participants ont été inclus dans l’étude et assignés à une des deux conditions de traitement (TCC du TSPT seule ou combinée à la RRIM). Trente-quatre personnes ont participé à l’évaluation post-traitement, dont 31 qui ont complété le traitement et trois qui ont abandonné après 8, 10 et 11 séances de TCC du TSPT. Il restait 26 participants au suivi à 3 mois post-traitement, 23 au suivi à 6 mois post-traitement et 17 au suivi à 12 mois post-traitement.

Les caractéristiques sociodémographiques et cliniques des participants (N = 42) sont présentées dans le Tableau 1. L’échantillon est composé de 37 femmes et de 5 hommes, et l’âge moyen des participants est de 30,40 ans (ÉT = 9,61). L’équivalence entre les deux conditions a été vérifiée à chaque temps de mesure à l’aide de tests t et de tests du Khi-carré. Aucune différence significative sur le plan des caractéristiques sociodémographiques et cliniques n’a été observée entre les conditions.

Mesures

Diagnostic du TSPT

La version française de la Clinician-Administered PTSD Scale (CAPS; Blake et al., 1995) a été administrée pour évaluer la présence d’un TSPT selon le DSM-IV-TR. Les participants devaient répondre à cette entrevue clinique en se basant sur le dernier mois et sur la ou les agressions sexuelles comme événement(s) du critère A. Les symptômes étaient considérés comme présents lorsqu’ils étaient survenus au moins une fois au cours du dernier mois et qu’ils étaient modérément sévères ou qu’ils provoquaient de la détresse. Le TSPT était diagnostiqué lorsqu’au moins un symptôme de reviviscence (critère B), deux symptômes d’évitement (critère C) et deux symptômes d’hyperactivité (critère D) étaient présents. La fidélité test-retest (basée sur l’évaluation de trois juges différents) de l’instrument varie entre 0,90 et 0,98, et la cohérence interne est de 0,94 (Blake et al., 1995).

Comorbidités

La version française de la Structured Clinical Interview for DSM-IV (SCID-IV; First et al., 1996) a servi à évaluer les comorbidités sur l’axe 1 du DSM-IV-TR.

Symptômes de TSPT

La version française de la Modified PTSD Symptom Scale – Self-Report (MPSS-SR; Falsetti et al., 1993) a servi à évaluer la sévérité et la fréquence des symptômes de TSPT dans les deux dernières semaines. Le résultat total de ce questionnaire autorapporté se situe entre 0 et 119, et un résultat plus élevé indique des symptômes plus fréquents et plus sévères. Dans la présente étude, le total est calculé sans les deux items liés au sommeil (rêves perturbants et difficulté à s’endormir ou à rester endormi) pour éviter un chevauchement avec les mesures de sommeil. La cohérence interne de la version française du questionnaire est de 0,97 et la corrélation item-total est de 0,71 (Guay et al., 2002). Dans la présente étude, la cohérence interne du MPSS-SR (sans les items liés au sommeil) était excellente au pré- (α = 0,91) et au post-traitement (α = 0,95), ainsi qu’aux mesures de suivi à 3 (α = 0,95), à 6 (α = 0,93) et à 12 mois (α = 0,96).

Tableau 1

Caractéristiques sociodémographiques et cliniques des participants selon la condition de traitement

Caractéristiques sociodémographiques et cliniques des participants selon la condition de traitement

Note. N = 42 (n = 20 pour la condition TCC TSPT seule et n = 22 pour la condition TCC du TSPT avec RRIM). L’âge des participants était en moyenne de 31,45 (ÉT = 10,32) pour la condition TCC du TSPT seule et de 29,45 (ÉT = 9,05) pour la condition TCC du TSPT avec RRIM. TCC du TSPT = thérapie cognitivo-comportementale du trouble de stress post-traumatique; RRIM = méthode de révision et répétition par imagerie

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Qualité du sommeil

La version française du Pittsburgh Sleep Quality Index (PSQI; Buysse et al., 1989) a servi à évaluer la qualité du sommeil dans le dernier mois. Ce questionnaire autorapporté inclut 19 items. Le résultat total s’étend de 0 à 21 et le seuil indiquant des difficultés de niveau clinique est de 5. Plus le résultat est élevé, moins la qualité du sommeil est bonne. Le coefficient de cohérence interne de la version française est de 0,88 et le coefficient de corrélation item-total est de 0,62 (Blais et al., 1997). Dans la présente étude, la cohérence interne était acceptable au prétraitement (α = 0,63) et au post-traitement (α = 0,70), ainsi qu’aux suivis à 3 (α = 0,79), à 6 (α = 0,69) et à 12 mois (α = 0,79).

Comportements nocturnes perturbateurs associés au TSPT

La version française du Pittsburgh Sleep Quality Index – Addendum for PTSD (PSQI-A; Germain et al., 2005) a permis d’évaluer la fréquence des comportements nocturnes perturbateurs associés au TSPT dans le dernier mois (p. ex., bouffées de chaleur, nervosité et terreurs nocturnes). Ce questionnaire autorapporté inclut sept items; le résultat total s’étend de 0 à 21 (seuil clinique de 4), et un résultat plus élevé indique des difficultés plus fréquentes. Pour la version française, une cohérence interne adéquate (α = 0,72) et une forte corrélation item-total ont été observées par Ait-Aoudia et al. (2013). Dans la présente étude, la cohérence interne du PSQI-A était acceptable au prétraitement (α = 0,70) ainsi qu’aux suivis à 3 (α = 0,72), à 6 (α = 0,75) et à 12 mois (α = 0,81), mais pas au post-traitement (α = 0,40).

Détresse associée aux cauchemars

Une version française non validée du Nightmare Distress Questionnaire (NDQ; Belicki, 1992) a permis d’évaluer la détresse associée aux cauchemars au réveil. Ce questionnaire autorapporté comprend 11 items, et le résultat total se situe entre 0 et 52; plus le résultat est élevé, plus la détresse est importante. La cohérence interne est de α = 0,80 (Böckermann et al., 2014). Dans la présente étude, la cohérence interne du NDQ était acceptable au prétraitement (α = 0,78), bonne au post-traitement (α = 0,88) et au suivi à 3 mois (α = 0,86), et elle était excellente aux suivis à 6 mois (α = 0,90) et à 12 mois (α = 0,90). Des questions ont été ajoutées pour évaluer la fréquence des cauchemars (nombre de nuits avec des cauchemars dans la dernière semaine).

Qualité de vie

La version française du Medical Outcomes Study Health Survey (SF-36; Ware et Sherbourne, 1992) a servi à évaluer la qualité de vie dans le dernier mois. Les deux scores composites de ce questionnaire autorapporté ont été utilisés, soit Santé mentale et Santé physique. Ces scores sont calculés selon les normes canadiennes (M = 50, ÉT = 10) et un résultat plus élevé indique une meilleure qualité de vie. L’alpha de Cronbach de la version française varie entre 0,80 et 0,94 (Dauphinée et al., 1997). Dans la présente étude, la cohérence interne de l’instrument était bonne, autant pour la dimension Santé physique (α = 0,91 au prétraitement, α = 0,89 au post-traitement, α = 0,90 à 3 mois, α = 0,90 à 6 mois et α = 0,92 à 12 mois post-traitement) que Santé mentale (α = 0,93 au prétraitement, α = 0,88 au post-traitement, α = .86 à 3 mois, α = 0,88 à 6 mois et α = 0,92 à 12 mois post-traitement).

Fonctionnement quotidien

Une version française non validée du World Health Organization Disability Assessment Schedule 2.0 (WHODAS-II; World Health Organization, 2001) a servi à évaluer le fonctionnement quotidien dans le dernier mois. Ce questionnaire autorapporté comprend 36 items. Le score total s’étend de 0 à 100. Un résultat plus élevé indique un moins bon fonctionnement. Le WHODAS-II a une validité interne élevée (α = 0,86) et une bonne fidélité test-retest (coefficient de 0,98; Üstün et al., 2010). Dans la présente étude, la cohérence interne était excellente au pré- (α = 0,95) et au post-traitement (α = 0,94) ainsi qu’aux mesures de suivi à 3 (α = 0,95), à 6 (α = 0,96) et à 12 mois (α = 0,97).

Procédure

La CAPS a d’abord été administrée aux participants pour diagnostiquer le TSPT. Pour s’assurer de la validité de l’évaluation clinique, les entrevues ont été administrées par des étudiantes au doctorat en psychologie, formées et supervisées par une psychologue spécialisée en TSPT. Les participants éligibles ont été assignés aléatoirement aux conditions TCC du TSPT seule ou avec RRIM. Une assistante de recherche n’étant impliquée ni dans l’évaluation ni dans le traitement a réparti les participants avec un générateur de chiffres aléatoires. Les participants de la condition TCC avec RRIM ont bénéficié de cinq séances de RRIM, tandis que les participants de la condition TCC seule ont attendu cinq semaines. Ces derniers ont reçu un appel hebdomadaire visant à leur offrir une écoute active et à vérifier la présence d’idées suicidaires. Ensuite, tous les participants ont bénéficié de 15 séances de TCC du TSPT.

Les temps de mesure qui ont été utilisés pour les analyses sont le prétraitement (5 semaines après l’entrevue initiale), le post-traitement (une semaine après la TCC du TSPT) et les suivis à 3, à 6 et à 12 mois post-traitement. Les participants ont complété le MPSS-SR, le PSQI, le PSQI-A, le NDQ, le SF-36 et le WHODAS-II à chacune des évaluations. Celles-ci ont été réalisées entre mars 2015 et mars 2016.

Une traduction française du protocole de RRIM utilisé par Nappi, et al. (2010) a été utilisée. Celui-ci inclut cinq séances hebdomadaires de 60 minutes. La première séance consiste en une psychoéducation sur le sommeil, les cauchemars, l’imagerie mentale et la RRIM. La seconde séance introduit l’imagerie mentale plaisante guidée et la troisième vise à modifier le scénario d’un cauchemar. La quatrième séance vise à ajuster et à consolider le nouveau scénario ainsi qu’à faire un retour sur la pratique de l’imagerie, et la dernière séance vise la prévention de la rechute. Les participants doivent pratiquer l’imagerie du nouveau rêve entre les séances. Pour ce qui est de la TCC du TSPT, un protocole d’exposition prolongée développé par Marchand et Guay a été utilisé (Germain et al., 2009). Le protocole inclut 15 séances hebdomadaires de 60 à 90 minutes. La première séance vise à faire un retour sur les résultats de l’évaluation. Les séances 2 et 3 consistent en une psychoéducation sur le TSPT ainsi qu’en l’apprentissage de la respiration diaphragmatique. Les séances 4 à 9 portent sur l’exposition aux souvenirs traumatiques par imagerie mentale. Les séances 10 à 14 portent sur l’exposition à des objets, à des activités et à des situations évitées. La dernière séance cible la prévention de la rechute.

Les traitements basés sur des manuels ont été administrés par des doctorantes en psychologie supervisées par une psychologue. Les participants avaient une version adaptée des manuels. Les séances de thérapie étaient filmées, et des juges indépendants formés (qui n’étaient pas impliqués dans les évaluations ou le traitement) ont examiné 25 % des vidéos de traitements choisis aléatoirement (n = 8; 4 de la condition TCC avec RRIM et 4 de la condition TCC seule) pour évaluer l’intégrité du traitement. Ils ont reçu une liste de stratégies à inclure et à éviter pendant les séances. Ils ont conclu qu’aucun élément de RRIM n’était présenté dans la condition TCC seule et que toutes les stratégies appropriées étaient présentées dans chaque condition. L’article rapportant l’essai randomisé contrôlé d’origine (Belleville et al., 2018) suivait les lignes directrices de CONSORT (http://www.consort-statement.org/) . L’essai clinique a été inscrit dans le registre ClinicalTrials.gov (n° d’enregistrement : NCT03169712).

Analyse des données

Des tests t et des tests du Khi-carré ont été effectués pour vérifier l’équivalence des groupes entre les conditions de traitement (TCC du TSPT seule et avec RRIM) pour les variables sociodémographiques et cliniques à chaque temps de mesure. Une analyse de variance par modèles mixtes 2 (conditions) X 5 (temps) a été effectuée pour répondre aux objectifs de l’étude, et ce, pour toutes les variables dépendantes (symptômes de TSPT, qualité du sommeil, comportements nocturnes perturbateurs, cauchemars, qualité de vie et fonctionnement quotidien). Le seuil alpha pour ces analyses a été fixé à 0,10. Les modèles mixtes permettent de tenir compte des données de tous les participants, même si certains ont des données manquantes, ce qui peut augmenter la puissance statistique (Gueorguieva et Krystal, 2004). Les conditions (TCC seule et avec RRIM) et les temps de mesure (prétraitement, post-traitement, 3 mois, 6 mois et 12 mois) ont été entrés comme des effets fixes et les participants (N = 42) comme des effets aléatoires. Une matrice de variance-covariance à symétrie composée a été sélectionnée. Le postulat de base de la normalité a été vérifié; les distributions de tous les tests étaient normales, sauf la dimension Santé mentale du SF-36. Lorsque des effets du temps étaient significatifs (p < 0,10), des analyses de contraste a posteriori ont été effectuées afin de vérifier où se situaient les différences entre les temps de mesure. Lorsque des effets de l’interaction étaient significatifs (< 0,10), des analyses de contraste a posteriori ont été utilisées pour vérifier les différences entre les temps de mesure pour chaque condition séparément. La raison justifiant le choix de ce seuil plus libéral est la volonté de détecter des résultats malgré la taille restreinte de l’échantillon, permettant de mieux représenter la nature exploratoire des objectifs de l’étude. Les données ont été analysées à l’aide du logiciel Statistical Package for the Social Sciences 25.0.

RÉSULTATS

Le Tableau 2 présente les statistiques descriptives selon la condition de traitement. Les résultats des analyses de variance et de contraste sont présentés dans le Tableau 3.

Un effet principal du temps a été observé sur les symptômes de TSPT. Les analyses de contraste ont montré qu’ils diminuent significativement entre le prétraitement (M 59,12) et les suivis à 3 (M 28,35), à 6 (M = 29,31) et à 12 mois (M = 31,92). Un effet principal de la condition a aussi été observé; les participants de la condition TCC seule rapportent plus de symptômes (M 42,97) que ceux de la condition TCC avec RRIM (M = 34,78). L’effet d’interaction n’était pas significatif.

Un effet principal du temps a été observé sur la qualité du sommeil. Celle-ci a augmenté entre le prétraitement (M 11,50) et les suivis à 3 (M 7,24), à 6 (M 7,90) à 12 mois (M = 8,21), et a diminué entre les suivis à 3 et à 12 mois. Un effet d’interaction a été observé : alors que cette variable s’est améliorée entre le prétraitement (M = 12,05) et les suivis à 6 (M = 6,77) et à 12 mois (M = 6,96) dans la condition TCC avec RRIM, aucun changement significatif n’a été observé dans la condition TCC seule. De plus, une diminution a été observée entre le post-traitement (M = 7,44) et le suivi à 12 mois (M = 9,47) dans la condition TCC seule, tandis qu’aucun changement n’a été observé dans la condition TCC avec RRIM. L’effet principal de la condition n’était pas significatif.

Pour ce qui est des comportements nocturnes perturbateurs, les analyses de variance ont révélé un effet principal du temps. Les analyses de contraste ont permis d’observer une diminution de ces symptômes entre le prétraitement (M = 9,98) et les suivis à 3 (M 6,77) et à 6 mois (M 6,17), ainsi qu’une augmentation entre le post-traitement (M 5,60) et les suivis à 3 et à 12 mois (M = 11,05), et entre les suivis à 6 et à 12 mois. Un effet d’interaction a également été observé sur les comportements nocturnes perturbateurs. Tandis que ceux-ci ont diminué entre le prétraitement (M = 10,75) et le suivi à 3 mois (M = 6,24) dans la condition TCC avec RRIM, les participants de la condition TCC seule n’ont pas rapporté de changement significatif. L’effet principal de la condition n’était pas significatif.

Tableau 2

Moyennes et écarts-types à chaque temps de mesure selon la condition de traitement

Moyennes et écarts-types à chaque temps de mesure selon la condition de traitement

Note. N = 42. TCC = thérapie cognitivo-comportementale; RRIM = méthode de révision et répétition par imagerie mentale; MPSS-SR = Modified PTSD Symptom Scale – Self-Report; PSQI = Pittsburgh Sleep Quality Index; PSQI-A = Pittsburgh Sleep Quality Index – Addendum for PTSD; NDQ = Nightmare Distress Questionnaire; SF-36 = Medical Outcomes Study Health Survey; WHODAS-II = World Health Organization Disability Assessment Schedule 2.

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Tableau 3

Résultats des analyses de variance (ANOVA) par modèles mixtes et des analyses de contraste

Résultats des analyses de variance (ANOVA) par modèles mixtes et des analyses de contraste

Tableau 3 (suite)

Résultats des analyses de variance (ANOVA) par modèles mixtes et des analyses de contraste

Tableau 3 (suite)

Résultats des analyses de variance (ANOVA) par modèles mixtes et des analyses de contraste

Tableau 3 (suite)

Résultats des analyses de variance (ANOVA) par modèles mixtes et des analyses de contraste

Tableau 3 (suite)

Résultats des analyses de variance (ANOVA) par modèles mixtes et des analyses de contraste

Note. N = 42. TSPT = trouble de stress post-traumatique; TCC = thérapie cognitivo-comportementale; RRIM = méthode de révision et répétition par imagerie mentale; MPSS-SR = Modified PTSD Symptom Scale – Self-Report; PSQI = Pittsburgh Sleep Quality Index; PSQI-A = Pittsburgh Sleep Quality Index – Addendum for PTSD; NDQ = Nightmare Distress Questionnaire; SF-36 = Medical Outcomes Study Health Survey; WHODAS-II = World Health Organization Disability Assessment Schedule 2.0.

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Les analyses de variance ont montré un effet du temps sur la détresse associée aux cauchemars. Celle-ci diminue entre le prétraitement (M 25,34) et les suivis à 3 (M = 14,02), à 6 (M 14,06) et à 12 mois (M = 15,64). L’effet de la condition et l’effet d’interaction n’étaient pas significatifs. Un effet du temps a été observé sur la fréquence des cauchemars. Celle-ci diminue significativement entre le prétraitement (M 3,45) et les suivis à 3 (M 1,90), à 6 (M = 1,94) et à 12 mois (M = 1,66). Un effet d’interaction a été observé. La fréquence diminue significativement entre le prétraitement (M = 3,82) et le suivi à 3 mois (M 1,33), mais seulement dans la condition TCC avec RRIM. La fréquence dans la condition TCC seule diminue entre les suivis à 3 (M 2,46) et à 12 mois (M 1,35), tandis que celle dans la condition TCC avec RRIM ne change pas significativement. L’effet de la condition n’était pas significatif.

Pour la dimension Santé mentale de la qualité de vie, un effet principal du temps a été observé. Les analyses de contraste ont montré que la qualité de vie augmente significativement entre le prétraitement (M 29,07) et les suivis à 3 (M = 37,92) et à 12 mois (M 36,12), et qu’elle diminue entre le post-traitement (M 38,91) et le suivi à 6 mois (M = 33,34), ainsi qu’entre les suivis à 3 et à 6 mois. L’effet principal de la condition et l’effet d’interaction n’étaient pas significatifs. Pour la dimension Santé physique, l’effet d’interaction ainsi que les effets principaux n’étaient pas significatifs.

Les analyses de variance ont montré un effet principal du temps sur le fonctionnement quotidien. Les analyses de contraste ont montré que celui-ci augmente entre le prétraitement (M 77,54) et les suivis à 3 (M = 58,75), à 6 (M = 66,50) et à 12 mois (M = 63,69), ainsi qu’entre le post-traitement (M = 64,90) et le suivi à 3 mois. L’effet d’interaction et l'effet principal de la condition n'étaient pas significatifs.

DISCUSSION

Le premier objectif de l’étude était d’évaluer l’efficacité à long terme de la TCC du TSPT (avec ou sans RRIM). Les résultats ont permis de confirmer l’hypothèse selon laquelle des améliorations allaient être observées entre le prétraitement et les suivis jusqu’à 12 mois pour ce qui est des symptômes de TSPT, de la qualité du sommeil, de la détresse associée aux cauchemars, de la fréquence des cauchemars, de la qualité de vie – Santé mentale et du fonctionnement quotidien. Des améliorations significatives avaient d’ailleurs été observées entre le pré- et le post-traitement pour ces variables (Belleville et al., 2018), ce qui suggère que l’efficacité de la TCC du TSPT (avec ou sans RRIM) est observable à la fois à court et à long terme. Ceci est cohérent avec les résultats d’études ayant montré que la TCC du TSPT mène à des améliorations sur les symptômes de TSPT et le sommeil entre le prétraitement et des suivis à long terme (Galovski et al., 2009; Weber et al., 2021).

Toutefois, pour ce qui est des comportements nocturnes perturbateurs, des effets ont été observés entre le prétraitement et les suivis jusqu’à 6 mois post-traitement, mais aucun effet significatif n’a été observé entre le prétraitement et le suivi à 12 mois. Ainsi, en considérant le fait qu’une diminution significative de ces symptômes avait été observée par Belleville et al. (2018) entre le pré- et le post-traitement, ces résultats suggèrent que la TCC du TSPT (avec ou sans RRIM) est efficace à court et à moyen terme pour diminuer les comportements nocturnes perturbateurs, mais les résultats n’appuient pas une efficacité à plus long terme. Il est aussi possible que l’absence d’effets observés pour cette variable soit explicable par un manque de puissance statistique, puisque la taille d’échantillon était plutôt petite (N = 42) et qu’une perte de participants a été observée entre les temps de mesure.

Les résultats ont également montré que, pour ce qui est des symptômes de TSPT, de la détresse associée aux cauchemars, de la qualité de vie et du fonctionnement, les effets entre le prétraitement et les suivis jusqu’à 12 mois post-traitement, ne différaient pas significativement entre les conditions. Ces résultats suggèrent que, pour ces variables, l’ajout de la RRIM à la TCC du TSPT ne mène pas à une meilleure efficacité à long terme que lorsque la TCC est administrée seule. Cette observation est cohérente avec les résultats de Belleville et al. (2018), qui n’ont pas observé de différences significatives entre les conditions de traitement entre le pré- et le post-traitement pour ces mêmes variables. Le fait que la combinaison de traitements n’a pas mené à de meilleurs effets à long terme que la TCC administrée seule pourrait être explicable par le fait que la TCC est un traitement efficace à long terme pour traiter les symptômes de TSPT et les difficultés de sommeil (Galovski et al., 2009; Weber et al., 2021). Il est aussi possible qu’un manque de puissance statistique ait empêché d’observer des différences significatives.

Des différences entre les conditions de traitement ont toutefois été observées pour ce qui est de la qualité du sommeil. Une amélioration de la qualité du sommeil a été observée entre le prétraitement et les suivis à 6 et à 12 mois dans la condition TCC avec RRIM, tandis qu’aucun effet significatif n’a été observé dans la condition TCC seule. Quant à la fréquence des cauchemars et des comportements nocturnes perturbateurs, la TCC avec RRIM est associée à des améliorations entre le prétraitement et le suivi à 3 mois, tandis que la TCC seule n’a pas mené à des améliorations significatives entre ces temps de mesure. Belleville et al. (2018) avaient d’ailleurs observé une diminution significative de la fréquence des cauchemars entre le pré- et le post-traitement dans la condition TCC avec RRIM, tandis que les participants de la condition TCC seule n’ont pas rapporté d’amélioration sur cette variable. L’ensemble de ces résultats suggère que la combinaison TCC avec RRIM est associée à une meilleure efficacité à court et à long terme pour traiter les difficultés de sommeil que la TCC administrée seule.

Le deuxième objectif était d’évaluer l’évolution des participants dans les 12 mois après la TCC du TSPT (avec ou sans RRIM). Aucun changement significatif n’a été observé entre le post-traitement et les suivis jusqu’à 12 mois pour les symptômes de TSPT, de la détresse associée aux cauchemars et de la fréquence des cauchemars. Ceci suggère un maintien des gains observés par Belleville et al. (2018). Cette observation est cohérente avec les résultats de plusieurs études ayant montré que les gains se maintiennent après la TCC du TSPT (Hembree et Foa, 2000; Kline et al., 2018) et la RRIM (Casement et Swanson, 2012; van Schagen et al., 2016). Un manque de puissance statistique pourrait aussi expliquer l’absence de différences observées.

Par ailleurs, les résultats montrent une amélioration significative du fonctionnement quotidien entre le post-traitement et le suivi à 3 mois. En tenant compte du fait que Belleville et al. (2018) avaient observé des effets de la TCC du TSPT (avec ou sans RRIM) entre le pré- et le post-traitement, ces résultats suggèrent que le fonctionnement des participants a continué à s’améliorer après la fin de la thérapie. Il est possible que la diminution des symptômes de TSPT ainsi que l’amélioration du sommeil pendant la thérapie (Belleville et al., 2018) aient permis aux participants d’être plus disposés à poser des gestes afin de continuer à améliorer leur fonctionnement quotidien après la fin du traitement, tels que le fait de s’engager dans des activités et d’améliorer leurs relations interpersonnelles.

Les résultats montrent toutefois une augmentation significative des comportements nocturnes perturbateurs entre le post-traitement et les suivis à 3 et à 12 mois, ainsi qu’une diminution de la qualité du sommeil entre les suivis à 3 et à 12 mois. Ces résultats suggèrent que le sommeil des participants s’est détérioré dans l’année suivant la thérapie, et ils sont cohérents avec les observations de Belleville et al. (2011), qui ont évalué l’efficacité d’une TCC du TSPT sur les symptômes de TSPT, de dépression et d’anxiété, ainsi que sur le sommeil. En effet, les auteurs ont relevé une augmentation des comportements nocturnes perturbateurs et une diminution de la qualité du sommeil dans les 6 mois après le traitement (Belleville et al., 2011). Il est à noter que, tout comme dans Belleville et al. (2011), le traitement administré dans la présente étude n’incluait pas de stratégies ciblant les difficultés de sommeil autres que les cauchemars. En considérant le fait que les comportements nocturnes perturbateurs n’ont pas diminué significativement entre le prétraitement et le suivi à 12 mois, il est possible de croire que l’inclusion de stratégies ayant été démontrées comme efficaces pour traiter ces symptômes, telles que la TCC de l’insomnie (Talbot et al., 2014), aurait pu mener à de meilleurs effets à long terme sur le sommeil.

D’autres études ont également observé la présence de difficultés de sommeil résiduelles à la suite d’une TCC du TSPT. L’étude de Pruiksma et al. (2016) auprès de 99 militaires a montré que 77 % des participants ayant bénéficié d’une TCC du TSPT rapportaient toujours des symptômes d’insomnie à 12 mois post-traitement. De leur côté, Zayfert et DeViva (2004) ont réalisé une étude auprès de 27 adultes ayant reçu une TCC du TSPT. Ils ont observé que 48 % d’entre eux avaient toujours des symptômes résiduels d’insomnie au post-traitement, et que la majorité de ces participants rapportaient de l’insomnie, même s’ils ne faisaient plus de cauchemars. Ces résultats soutiennent l’idée qu’intégrer une composante de TCC de l’insomnie à une TCC du TSPT pourrait favoriser de meilleurs effets sur le sommeil.

Une diminution significative de la qualité de vie – Santé mentale a été observée entre le post-traitement et le suivi à 6 mois. Ainsi, bien qu’une amélioration significative de la qualité de vie ait été observée entre le prétraitement et les suivis jusqu’à 12 mois post-traitement, les participants semblent avoir rapporté une détérioration de leur qualité de vie après la fin du traitement. Compte tenu du fait qu’une amélioration de la qualité de vie avait été observée entre le pré- et le post-traitement (Belleville et al., 2018), les résultats de la présente étude suggèrent que les gains thérapeutiques ne se sont pas pleinement maintenus après le traitement. Étant donné l’association entre le sommeil et la qualité de vie observée par certaines études (Belleville et al., 2009; Ishak et al., 2012), il est possible que cette détérioration soit explicable par le fait que la qualité du sommeil a diminué et que les comportements nocturnes perturbateurs ont augmenté après la fin de la thérapie.

Par ailleurs, des différences significatives ont été observées entre les conditions pour ce qui est de l’évolution des gains dans les 12 mois post-traitement. Une diminution significative de la fréquence des cauchemars a été observée chez les participants de la condition TCC seule entre les suivis à 3 et à 12 mois, tandis qu’aucun changement significatif n’a été observé chez les participants de la condition TCC avec RRIM. En considérant que seuls les participants de la condition TCC avec RRIM avaient rapporté une diminution significative de la fréquence des cauchemars entre le pré- et le post-traitement (Belleville et al., 2018), les résultats de la présente étude suggèrent qu’il pourrait exister un délai avant de pouvoir observer des effets significatifs de la TCC seule sur la fréquence des cauchemars. Ceci suggère que cibler directement les cauchemars par l’ajout de la RRIM à une TCC du TSPT pourrait permettre d’accélérer les effets de la thérapie sur ces symptômes. De plus, une diminution significative de la qualité du sommeil a été observée dans les 12 mois post-traitement dans la condition TCC seule, tandis qu’aucun changement n’a été observé dans la condition TCC avec RRIM. En considérant le fait que la qualité du sommeil s’était significativement améliorée entre le pré- et le post-traitement dans les deux conditions (Belleville et al., 2018), les résultats de la présente étude suggèrent que l’ajout de la RRIM à la TCC du TSPT est associé à un meilleur maintien des gains sur la qualité du sommeil que la TCC seule.

Cette étude comporte des limites dont il faut tenir compte dans l’interprétation des résultats. La taille de l’échantillon est plutôt petite (N = 42) et une perte de participants a été observée aux mesures de suivi jusqu’à 12 mois (n = 17), ce qui peut limiter la puissance statistique. La perte de participants influence aussi le caractère généralisable des résultats, puisque les participants qui sont restés dans le traitement avaient possiblement des caractéristiques particulières et, ainsi, ils ne représentent probablement pas toutes les personnes ayant développé un TSPT après une agression sexuelle. Les analyses par modèles mixtes ont toutefois permis de conserver les participants qui n’ont pas participé à toutes les évaluations dans l’échantillon. De plus, des mesures quotidiennes auraient pu être employées pour augmenter la validité des résultats sur le sommeil (p. ex., agenda de sommeil). Toutefois, les données ont été récoltées à l’aide d’instruments valides et fidèles qui, pour la plupart, sont validés en français, ce qui augmente la confiance envers ces mesures.

La principale force de l’étude est qu’elle inclut des mesures de suivi à long terme. En effet, peu d’études dans la littérature présentent des résultats de mesures de suivi jusqu’à 12 mois, bien que ceux-ci permettent de documenter les effets à long terme de la TCC du TSPT. La présente étude ne se limite pas à étudier l’effet du traitement sur le TSPT et le sommeil; elle s’intéresse aussi au fonctionnement quotidien et à la qualité de vie, des variables moins étudiées dans la littérature qui permettent d’avoir un portrait plus global de la vie des participants, au-delà de leurs symptômes de psychopathologie. Les traitements étaient basés sur des manuels précis, et les rencontres ont fait l’objet d’une évaluation de l’intégrité du traitement par des juges indépendants, attestant du caractère standardisé des interventions.

En somme, les résultats de la présente étude montrent l’efficacité à long terme de la TCC du TSPT (avec ou sans RRIM) pour traiter les symptômes de TSPT et la plupart des difficultés de sommeil, ainsi que pour améliorer la qualité de vie et le fonctionnement quotidien. L’étude suggère également que les gains thérapeutiques sur les symptômes de TSPT, sur la détresse associée aux cauchemars et sur la fréquence des cauchemars tendent à se maintenir après la fin du traitement, et que le fait d’ajouter la RRIM à la TCC du TSPT pourrait permettre de favoriser un meilleur maintien des gains sur la qualité du sommeil. Toutefois, la détérioration des gains thérapeutiques associés aux comportements nocturnes perturbateurs et à la qualité du sommeil dans les deux conditions de traitement, suggère que d’autres études sont nécessaires, notamment sur l’impact d’incorporer des stratégies qui ciblent le sommeil (p. ex., des stratégies de TCC de l’insomnie) à une combinaison de TCC du TSPT et de RRIM, pour favoriser un meilleur maintien des gains associés au sommeil. De plus, étant donné qu’une augmentation des difficultés de sommeil et une détérioration de la qualité de vie ont été observées dans les 12 mois post-traitement, il serait pertinent de développer des moyens de favoriser l’utilisation à long terme des habiletés d’adaptation acquises au cours du traitement. L’utilisation de ces habiletés pourrait aider les participants à contrôler leurs symptômes après la thérapie et ainsi, leur permettre de mieux maintenir leurs gains thérapeutiques et de prévenir la rechute.