Corps de l’article

La pandémie de la COVID-19 qui frappe la planète au printemps 2020 est un évènement sans précédent, tant par l’étendue des personnes et des populations touchées que par l’ampleur des mesures mobilisées afin d’en ralentir la progression (Flood, MacDonnell, Philpott, Thériault et Venkatapuram, 2020). Ses conséquences se manifestent sur plusieurs plans, ce qui témoigne de son caractère éminemment « total ».

Cette crise sanitaire soulève en premier lieu d’importants enjeux de santé publique, dont le plus évident demeure la protection des populations jugées les plus vulnérables à la contamination au virus. Alors que s’enclenche une course à la découverte du vaccin, des mesures strictes sont mises en place pour protéger les groupes à risque de complications. On constate rapidement que le virus semble non seulement toucher de façon plus critique les personnes âgées, mais aussi les groupes les plus défavorisés sur le plan économique, confirmant l’importance de prendre en considération les déterminants sociaux de santé (Singu, Acharya, Challagundla et Byrareddy, 2020). Une mobilisation inouïe des intervenants de première ligne du secteur de la santé et de la sécurité publique a été nécessaire, imposant à ces acteurs une responsabilité et un fardeau accrus face à cette lutte contre la pandémie.

Cette crise, au départ sanitaire, s’avère également économique du fait des restrictions majeures prises pour ralentir la propagation du virus. La fermeture des frontières et la mise en suspens de secteurs entiers de l’économie ont de graves répercussions alors qu’un nombre jamais vu de travailleurs se retrouvent sans revenu, particulièrement chez les salariés les plus précaires. Pour répondre à cette crise de l’emploi, les gouvernements sont alors appelés à débloquer des fonds d’urgence afin de leur venir en aide. Au regard de l’ampleur des mesures et des fonds mobilisés, cette crise représente un virage majeur dans la façon de penser le rôle des instances gouvernementales en matière de régulation sociale et économique.

Et finalement, cette pandémie conduit aussi à une crise sociale, avec la mise en place de mesures exceptionnelles de distanciation physique afin de limiter la propagation du virus. Le grand confinement instauré à l’échelle de la planète s’est traduit par la fermeture des espaces publics (écoles, stades sportifs, lieux de culte, salles de spectacles, espaces commerciaux, etc.) et par diverses consignes invitant les personnes à demeurer confinées à résidence. Bien que ce confinement puisse rappeler, par sa nature, le grand renfermement du xviie siècle, si bien relaté par Michel Foucault (1972), il se distingue néanmoins par son ampleur et par l’étendue des personnes touchées. Alors que le grand renfermement visait essentiellement à exclure par la force les individus marginaux à l’intérieur des murs de l’institution (tels les malades mentaux), le grand confinement du xxie siècle s’appuie plutôt sur la collaboration même des individus ciblés. « Restez chez vous ! » devient rapidement le nouveau mot d’ordre que les autorités politiques vont transmettre aux citoyens, qui sont dès lors considérés comme autant d’individus autonomes et responsables, en mesure d’exercer sur eux-mêmes ces restrictions de circulation et de contact physique. La pandémie de la COVID-19 illustre à cet égard les nouveaux modes de gouvernance qui sont désormais à l’oeuvre au xxie siècle.

Au-delà de ces problématiques plus générales associées à la pandémie, des questions plus spécifiques intéressent le domaine de la criminologie. C’est à ces défis qu’est consacré ce numéro thématique de la revue Criminologie. Les contributions regroupées dans ce numéro abordent en effet différents enjeux qui ont été soulevés par cette crise sanitaire dans différents secteurs reliés au système de justice criminelle. Ils peuvent être regroupés en trois principales rubriques : 1) les défis liés aux individus et aux populations vulnérables ; 2) la prise en charge institutionnelle de ces individus et populations ; 3) le maintien de la démocratie et de la justice sociale dans un contexte politique de mise en place de mesures d’urgence.

Les défis liés aux individus et aux populations vulnérables

Le grand confinement instauré afin de limiter la propagation du virus s’est malheureusement traduit par une vulnérabilisation accrue des individus et des populations qui étaient déjà considérés à risque en matière de sécurité personnelle. On peut penser, en particulier, aux victimes de violence familiale qui se retrouvent encore plus isolées et moins en mesure de solliciter de l’aide auprès des organismes de prévention de la violence et d’accompagnement des victimes (Lavergne, Diaz, Lessard et Dubé, 2020). C’est aussi le cas des enfants victimes de négligence et de maltraitance ou des personnes aux prises avec la maladie mentale, dont l’isolement se traduit par une vulnérabilité accrue et une relative invisibilité aux yeux des instances publiques (Diaz, Baweja, Bonatakis et Beweja, 2021 ; Vissink, van Hell, Gialenkamp et van Rossum, 2021). Les défis sont aussi flagrants pour les sans-abris et les individus touchés par la pauvreté extrême, et qui ne peuvent bénéficier d’un accès à des espaces privés pour se mettre à l’abri de la contamination (Leblanc, Bertrand et Loignon, 2020 ; Skolnik, 2020). Le principal objectif pour les intervenants consiste dès lors à trouver des moyens pour atteindre ces populations à risque et d’instaurer des mécanismes permettant d’offrir des soins et des services à distance.

C’est dans cette optique que Jauffret-Roustide et Bertrand proposent dans leur article une analyse comparative des effets de la pandémie sur les usagers de substances psychoactives en France et au Québec, ainsi que sur les pratiques des intervenants médicosociaux appelés à les accompagner. Les autrices soulignent l’aggravation de la détresse des usagers, qui résulte de multiples facteurs, dont l’isolement social, la précarité économique et l’absence de logement. Malgré des politiques publiques partiellement différentes, leurs analyses croisées révèlent les apports autant que les limites des interventions de l’État dans ces deux régions. Pour les intervenants médicosociaux, cette crise a été une opportunité pour innover et repenser les modèles de réduction des risques, notamment par de nouveaux modes de collaboration et d’organisation entre acteurs. Malgré l’engagement des professionnels de terrain pour adapter rapidement leurs dispositifs de prise en charge face à l’accroissement des demandes d’aide et des besoins de soutien des usagers, le contexte pandémique a toutefois mis en lumière les lacunes et la fragilité préexistantes des systèmes de santé, mais aussi des services sociaux, notamment sur le plan de l’hébergement. À cet égard, la COVID-19 a révélé les limites d’un modèle de prise en charge essentiellement biomédical, et la nécessité d’avoir des dispositifs d’insertion par l’accès aux droits sociaux et au logement.

L’article de Mahi, Farcy-Callon et Rubio analyse les effets de la pandémie et de la politique de confinement sur l’expérience carcérale des détenus à partir d’une enquête sociologique réalisée dans cinq établissements pénitentiaires français, fondée sur des observations in situ et des entretiens auprès de détenus et de personnels exerçant en prison. Les auteurs montrent que la limitation ou la suspension des formations scolaires et professionnelles, des activités de travail et des prises en charge sanitaire ont évidemment bouleversé le quotidien des détenus, les contraignant à l’oisiveté et les privant de ressources, d’accès aux soins et de tout contact avec leurs proches. La politique de confinement a dès lors compromis le sens même de la peine et son individualisation, en empêchant les détenus de répondre aux attentes institutionnelles d’investissement dans des activités de réinsertion sociale, alors que celles-ci conditionnent dans une large mesure l’obtention de réductions ou d’aménagements de peine.

La contribution d’Aubut, Goyette et Plourde porte sur une population particulièrement touchée par la crise pandémique, soit les personnes âgées judiciarisées, lesquelles se retrouvent à la jonction entre deux vecteurs de vulnérabilisation que sont l’âge et la prise en charge carcérale. Dans leur article, les auteurs présentent les résultats d’une étude menée auprès d’une vingtaine de justiciables âgés qui ont raconté leur expérience de la crise pandémique, en particulier en ce qui concerne les impacts de cette crise sur leur parcours à la fois en détention et lors de leur retour en communauté. Les résultats de cette étude indiquent que la crise a eu un impact significatif sur leur parcours puisqu’ils ont affronté des obstacles dans les quatre principales dimensions de la réintégration sociocommunautaire que sont les dimensions organisationnelle, occupationnelle, relationnelle et personnelle. Les résultats de cette étude permettent de conclure à la nécessité de développer des stratégies pour mieux répondre aux besoins spécifiques de cette population vulnérable, et pour mieux les accompagner dans leur processus de réintégration sociocommunautaire.

En plus d’être touchées par différentes problématiques sur le plan personnel, les personnes en situation d’itinérance sont également confrontées à une judiciarisation accrue qui a pour effet de les rendre encore plus vulnérables. C’est à ce phénomène que Quirouette, Beaulieu et Spallanzani-Sarrasin se sont intéressés dans le cadre de leur étude portant sur la gestion punitive de l’itinérance à Montréal dans le contexte de la crise pandémique. Ces auteurs ont interrogé des intervenants de première ligne qui travaillent directement auprès des personnes en situation d’itinérance afin de connaître leurs difficultés et les stratégies qui sont mobilisées pour mieux résister aux mesures plus répressives utilisées auprès de cette population (constats d’infraction liés aux mesures sanitaires, démantèlement de campements, instauration d’un couvre-feu, surveillance policière dans les refuges). Les résultats de cette étude permettent de mettre en évidence que les mesures sanitaires instaurées dans le contexte pandémique sont venues exacerber les contrôles qui s’exerçaient déjà sur les personnes en situation d’itinérance, accentuant ainsi leur état de vulnérabilité.

Les défis liés à la prise en charge institutionnelle des individus et des populations

La pandémie représente aussi des défis importants pour les institutions du système pénal et du système de soins de santé. La situation s’avère particulièrement critique dans les institutions carcérales (Hugues et Prior, 2020 ; Iftene, 2020), mais également dans d’autres établissements dans lesquels sont confinés de larges groupes d’individus (foyers de protection de l’enfance ou de placement de mineurs délinquants, centres de rétention des étrangers, hôpitaux psychiatriques, etc.). Aux méfaits sociosanitaires qui sont généralement générés par l’enfermement, viennent s’ajouter les risques associés directement à la contamination à la COVID-19. Comme ces établissements offrent un environnement très peu propice à la mise en place de mesures pour contrer la pandémie, certains évoquent la nécessité de procéder à différentes formes de désinstitutionnalisation pour empêcher la propagation du virus au sein des populations déjà vulnérables du point de vue de la santé (Chartrand, 2021). La crise sanitaire va aussi mettre en évidence les conditions dans lesquelles travaillent les intervenants de première ligne qui oeuvrent au sein de ces institutions, ainsi que les mécanismes d’adaptation mis en place pour répondre à ces nouvelles conditions d’exercice professionnel.

Dans leur article, Klausser, Cliquennois, Burkhardt, Cannepele, Fink et Kensey explorent la question des recours intentés par des détenus français pour contester les conditions de détention qui ont prévalu au cours de la crise pandémique. Dans le cadre d’une analyse des décisions rendues par les tribunaux administratifs français, les auteurs constatent que ces instances semblent avoir épargné les autorités pénitentiaires, malgré le fait que ces dernières aient failli à leur responsabilité à l’égard de la protection de la santé des détenus. Cette étude permet de déterminer les principales problématiques auxquelles ont été confrontés les détenus dans le contexte de la pandémie, et de bien mettre en relief les lacunes du système pénitentiaire en matière de respect du droit à la santé. Les résultats de cette étude soulignent également le caractère contradictoire des motifs évoqués dans le cadre de ces requêtes. Alors que certains détenus demandent que les autorités instaurent davantage de mesures leur permettant de mieux se protéger, d’autres dénoncent au contraire leur caractère contraignant. À cet égard, le droit à la santé semblerait s’opérer selon un registre coercitif, ce qui est encore plus frappant dans le contexte pénitentiaire. La crise de la COVID-19 aurait ainsi permis de réactiver ce clivage entre la protection de la santé des détenus et celle de la population en dehors des murs.

La fermeture de nombreux tribunaux a également réduit l’accès à la justice, compensé par un recours accru à la visioconférence ou à l’audioconférence, comme le montre l’article de Johnson et Leclerc au sujet des tribunaux canadiens de la province de l’Ontario. Si cette stratégie adaptative a permis de garantir la tenue des audiences et même de faciliter la comparution de certains justiciables à un moindre coût, les auteurs montrent qu’elle a bien souvent entravé l’accès à la justice d’autres populations, notamment les justiciables défavorisés et éloignés des grands centres urbains, et plus encore les personnes incarcérées. Ces obstacles ont été causés entre autres par des défaillances techniques, une couverture cellulaire ou des infrastructures insuffisantes pour la mise en oeuvre efficiente de ces technologies. Cette étude prolonge les résultats de plusieurs recherches antérieures, mais souligne combien le contexte pandémique a permis de contourner et d’amoindrir les résistances habituelles de nombreux professionnels quant au déploiement de ces nouvelles technologies audiovisuelles et des risques qu’elles présentent en matière d’accès à la justice.

La crise sanitaire a également eu des répercussions importantes sur les pratiques des policiers et des institutions de sécurité publique. Dans leur article, Deschênes, Gendron, Boivin et Rioux rapportent les résultats d’une recherche qui porte sur l’application, par des policiers québécois, des mesures visant à mieux endiguer la pandémie. Dans le cadre de leur étude, ils ont interrogé des policiers oeuvrant dans différentes régions de la province à propos des difficultés rencontrées au cours des premiers mois de la pandémie. Ces policiers ont évoqué principalement des contraintes liées à la communication des nouvelles règles, aux ressources humaines limitées, aux trop nombreuses réaffectations, à la clarté des directives émises par la santé publique et à la formation des gestionnaires. Ces contraintes se sont avérées d’autant plus difficiles à surmonter que les policiers ont dû s’adapter rapidement à de nouvelles fonctions relatives à la mise en place des mesures sanitaires. Cette étude permet dès lors de souligner l’importance de miser sur des pratiques adaptatives pour être en mesure de mieux répondre au caractère fluctuant du travail des policiers.

Les impacts de la crise sanitaire se sont aussi manifestés auprès des intervenants qui accompagnent les personnes judiciarisées dans leurs parcours de réintégration sociocommunautaire. Ce sont à ces intervenants que se sont intéressés Hamel, Quirion et Brunelle dans leur article qui traite des enjeux de la collaboration. Dans le cadre de leur étude, ces auteurs ont interrogé des intervenants de différents secteurs d’intervention sur les défis soulevés par la crise sanitaire quant à leur capacité à établir des liens de collaboration avec d’autres intervenants de leur propre organisation ou affiliés à d’autres institutions. Les résultats de cette enquête démontrent que la crise sanitaire a généré des obstacles en ce qui concerne l’organisation des services, mais encore davantage pour ce qui est de la dimension relationnelle de la collaboration. En effet, les résultats obtenus indiquent que les relations qu’entretiennent les intervenants, tant avec leurs collègues qu’avec les personnes judiciarisées qu’elles accompagnent, constituent une dimension essentielle de toute pratique collaborative. Cet article contribue à alimenter la réflexion sur les conditions nécessaires pour développer une bonne collaboration entre les praticiens impliqués dans différents secteurs de l’intervention.

Les défis liés aux actions politiques de mise en place des mesures d’urgence

La crise de la COVID-19 représente également des enjeux importants relativement à la démocratie et à la justice sociale. Confrontés à la menace pandémique, certains gouvernements sont tentés de mettre en place des mesures d’urgence ayant un lourd potentiel liberticide. Au nom de la protection du plus grand nombre, on n’hésite plus à évoquer la légitimité de restreindre la liberté d’action des individus et à instaurer des mesures hautement intrusives en matière de vie privée (fichiers, applications visant à tracer les individus, usages de drones aux fins de surveillance de l’espace public, etc.). Dans les cas les plus frappants, on constate même une certaine dérive totalitaire qui se traduit par la multiplication des décisions par décret et par des tentatives de manipulation de l’information par les autorités politiques, comme c’est le cas dans la Biélorussie du président Loukachenko. L’urgence suscitée par la pandémie peut dès lors être récupérée à des fins de contrôle et de surveillance de certains groupes. Les appels à la dénonciation citoyenne des individus qui refusent de se plier aux consignes de distanciation physique et l’utilisation des forces de l’ordre pour faire appliquer des consignes qui demeurent trop souvent vagues peuvent conduire à des abus en matière de régulation des conduites, notamment auprès des populations les plus vulnérables. Cette instrumentalisation politique de la crise soulève des enjeux importants d’éthique publique.

Dans son article, Hogue aborde les enjeux soulevés par le développement d’applications visant à retracer les contacts avec les personnes contaminées par la COVID-19. Pensé au départ comme une technologie de surveillance numérique permettant de limiter la propagation du virus, cet outil allait rapidement soulever des enjeux en lien avec la démocratie, la justice sociale et la protection de la vie privée. Dans la cadre de cet article, l’auteur nous expose les résultats d’une analyse du cadre normatif mobilisé par les différents acteurs qui ont participé au débat public lors du déploiement de cette technologie. Les résultats de cette analyse permettent de bien mettre en évidence les jeux de pouvoir entre les différents acteurs impliqués, en l’occurrence les autorités publiques et les développeurs de ces technologies de surveillance. Finalement, les résultats de cette analyse aboutissent au constat que le débat entourant le recours à ces applications se serait principalement cristallisé autour de la méfiance envers l’État plutôt qu’autour des enjeux relatifs à l’efficacité de ces outils et à l’équité de son utilisation.

Dans leur article, Piché et Walby abordent l’épineuse question de la transparence et de la diffusion des informations au sein des institutions correctionnelles canadiennes. Prenant la crise de la COVID-19 comme étude de cas, ces auteurs ont analysé le rôle que peuvent jouer les médias pour pousser les autorités correctionnelles à divulguer des informations relatives à la façon dont ils ont géré cette crise sanitaire au sein de leurs établissements. S’inscrivant dans une criminologie de l’actualité, les auteurs explorent les différentes stratégies pouvant être mobilisées pour faciliter la diffusion de ces informations critiques sur la façon dont les prisonniers ont été traités et, de ce fait, tenter de percer l’opacité qui caractérise ce milieu institutionnel. Au moyen d’une initiative visant à « inonder l’espace public » d’informations relatives à la façon dont les autorités ont géré la crise, les auteurs en viennent à dénoncer les effets délétères du recours à l’enfermement. À cet égard, la crise pandémique a permis de bien souligner le manque de transparence des autorités correctionnelles et la façon dont elles ont failli à assurer adéquatement la santé et la sécurité des prisonniers.

Les mesures sanitaires mises en place pour contenir la pandémie n’ont pas toujours reçu un accueil favorable, suscitant chez certains groupes ou individus des réactions pour le moins bruyantes. Dans leur article, Tanner et Campana se penchent sur le discours des opposants aux mesures sanitaires tel que diffusé sur les médias sociaux, en particulier sur la plateforme Twitter. Dans la lignée de la théorie de l’acteur-réseau, les auteurs nous présentent les résultats de leur analyse sur les récits des opposants aux mesures sanitaires instaurées par les autorités canadiennes au début de la crise pandémique. Ils montrent que le discours des conspirationnistes est de nature essentiellement oppositionnelle, puisqu’il vise principalement à dénoncer le rôle joué par les élites politiques dans la création de la crise sanitaire, et à dévoiler des desseins cachés visant à mieux asservir la population. Cette étude permet également de constater que la nature des médias sociaux aurait permis à des individus se trouvant en marge de la sphère publique de se transformer en acteurs influents dès lors que leur voix a été plus aisément portée sur ces plateformes numériques.

Mot de conclusion

Les contributions regroupées dans ce numéro soulignent l’ampleur des conséquences de la pandémie et des différentes mesures instaurées pour en ralentir la progression, tant pour la population en général, les populations vulnérables ou judiciarisées en particulier que pour les institutions de prise en charge de ces publics. À cet égard, chacun des articles donne à voir la crise de la COVID-19 comme un phénomène « total », puisqu’elle a affecté de nombreux secteurs de la société. Ces contributions révèlent cependant que les problèmes engendrés par cette crise pandémique sont en fait des enjeux préexistants, mais qui ont été exacerbés par les circonstances extraordinaires dans lesquelles la planète s’est retrouvée au printemps 2020. Les principales difficultés soulevées par les auteurs, notamment au sujet de l’offre de soins, de l’accès à la justice, des collaborations interinstitutionnelles, de la protection de la vie privée et de la transparence des institutions, sont des problèmes récurrents qui demeureront tout aussi cruciaux à la sortie de la pandémie. À cet égard, cette expérience pandémique permet de mieux comprendre divers enjeux propres au champ criminologique, mais aussi d’envisager des pistes de solutions qui sont durables.