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Le mentorat et le coaching sont des pratiques de plus en plus répandues non seulement dans les champs de l’éducation et de la formation (initiale et continue), mais aussi dans les champs de l’insertion et du développement professionnels. De plus, elles constituent des formes d’accompagnement dans les différentes sphères de la vie, y compris la vie personnelle. S’ils prennent plus souvent une forme individuelle, on trouve aussi des formes collectives. Cet accompagnement est orienté vers diverses dimensions que l’on peut situer sur un spectre entre la dimension matérielle et la dimension spirituelle. Pour donner des exemples à chaque bout de ce spectre, que l’on pense à l’entraînement physique et à la méditation. Par rapport à la popularité de ces phénomènes dans la vie courante, peu de recherches sur ces thématiques ont été conduites, même si les pratiques de mentorat et de coaching font l’objet d’enseignements universitaires, notamment en éducation et en gestion.

La revue Enjeux et société et la direction de ce numéro souhaitaient encourager la recherche sur ces pratiques en diffusant des articles portant sur les études en ces domaines. Il s’agit d’un apport concret des universitaires dans l’amélioration des pratiques et au fonctionnement des organisations, petites ou grandes.

Chez les professionnels, le coaching, le mentorat, le tutorat et la supervision de la pratique en stage ou dans l’exercice quotidien de la profession, par exemple, sont parfois considérés comme des pratiques semblables dans le domaine de la formation. De plus, l’accompagnement professionnel sous toutes ses formes est de plus en plus valorisé dans les différents types d’organisations. Paul, en 2002, qualifiait de « nébuleuse » (p. 43) la synonymie entre coaching, mentorat et tutorat. Depuis, la « floraison de pratiques hétérogènes d’accompagnement » (Machouart, 2020, p. 5) encourage cet amalgame entre les différents types d’accompagnement. Fletcher et Mullen (2012) ont mis en lumière ce que plusieurs études ont montré, à savoir que plusieurs chercheurs considèrent le coaching comme un type de mentorat, alors que, pour d’autres, le mentorat est un type de coaching.

Dans le milieu scolaire, Martineau et Mukamurera (2012) remarquent que le mentorat est un dispositif « parfois également appelé tutorat, accompagnement, parrainage, coaching ou jumelage avec un enseignant d’expérience (ce dernier pouvant également être nommé mentor, enseignant chevronné ou personne-ressource, selon les dispositifs d’insertion) » (p. 49).

Que le mentor ou le coach soit un pair ou une personne plus expérimentée, les nombreuses définitions mettent l’accent sur une perspective développementale (Persson, 2006), sur un objectif d’amélioration des performances (Fletcher & Mullen, 2012; Houde, 2001) ou sur la temporalité de l’accompagnement (Amar & Angel, 2017; Lemaire & Sauvageau, 2013).

Une distinction assez présente entre le mentorat et le coaching associe le coaching à une forme d’entraînement (Paul, 2002). Il s’agit alors d’un accompagnement (Machouart, 2020) ayant pour « ambition de développer les potentiels et les compétences » (Persson & Rappin, 2013, p. 42).

Le mentorat serait davantage associé à la guidance, à l’orientation et à l’éducation (Paul, 2002) ou à l’action de « conduire » ou « escorter » (Geindre et al., 2014, p. 45) tout en offrant un accompagnement autour de l’expertise qui met l’accent sur le savoir-faire (Houde, 2008).

En même temps que les définitions deviennent de plus en plus poreuses et que la conceptualisation de ces formes d’accompagnement peut être qualifiée de nébuleuse, nous constatons clairement une professionnalisation des métiers de l’accompagnement, comme en font foi les nombreux programmes de mentorat et de coaching au sein de différentes organisations, incluant les ordres professionnels.

Des formations de plus en plus nombreuses sont offertes pour devenir mentor ou coach et des programmes officiels au sein des organisations favorisent le pairage en dyades de mentors et mentorés ou entre coachs et coachés.

Bien que les frontières entre les différentes formes d’accompagnement soient mal définies, nous constatons que les principes fondamentaux liés à ces actes professionnels sont enseignés, rappelés et évalués au sein de programmes pris au sérieux par les organisations.

Nous constatons aussi que nombre d’ordres professionnels encouragent le mentorat ou le coaching au service du développement professionnel. Ils considèrent que les actes professionnels doivent être planifiés par des décisions et des anticipations fondées, entre autres, sur les résultats de la recherche scientifique.

Dans ce numéro de la revue Enjeux et société, différentes stratégies sont étudiées et recommandées pour l’accompagnement du développement et de l’amélioration des pratiques professionnelles, notamment en encourageant la pratique réflexive.

Ces différentes stratégies peuvent et doivent être intégrées dans un tout que l’on pourrait appeler le déroulement de l’accompagnement. Ce déroulement peut évidemment prendre différentes formes, mais nous nous permettons d’en proposer une qui a fait ses preuves depuis une cinquantaine d’années dans les expériences d’accompagnement des professionnels de différents domaines.

À l’origine de cette proposition se trouvent les recherches de Donald Schön (1983) et celles de David Kolb (2015). Ces deux auteurs ont fondé leurs travaux sur les recherches de John Dewey, de Kurt Lewin, de Jean Piaget et de Paolo Freire. La publication la plus connue de Donald Schön est son livre Le praticien réflexif. Cet ouvrage présente une synthèse des recherches de Schön et, pour présenter l’essentiel de son contenu, Schön lui a donné le sous-titre : How professionals think in action que l’on peut traduire par Comment les professionnels réfléchissent dans l’action. La thèse de Schön est que le professionnel se distingue du technicien par le fait qu’il réfléchit constamment à propos de sa pratique et durant sa pratique. Il se pose des questions à propos de la situation, il recueille des informations et il tente de prendre les décisions les plus éclairées possibles et les plus pertinentes possibles pour l’amélioration de sa pratique et de ses actes professionnels, au fur et à mesure du déroulement de l’action. Schön montre que le professionnel perfectionne ses pratiques en améliorant sa réflexion dans l’action, mais il montre aussi que la bonification de cette réflexion dans l’action ne peut pas être réalisée dans l’action (durant l’action) et ne se réalise pas non plus automatiquement. Le professionnel doit faire systématiquement une réflexion après l’action non seulement sur l’action, mais aussi sur la réflexion dans l’action. De plus, cette réflexion après l’action, sur l’action et sur la réflexion dans cette action, doit être orientée dans une réflexion « pour » l’action, c’est-à-dire orientée vers l’amélioration de cette action et de cette réflexion dans l’action.

Plusieurs chercheurs ont mis en lumière les correspondances très étroites entre ces thèses de Schön et celles de Kolb sur l’apprentissage expérientiel. Nous référons ici à la thèse de doctorat de Marie-Claude Audédat (2011) et aux publications de Guy Le Boterf (2001, 2018).

Le Boterf parle des quatre moments de la réflexivité, mettant ainsi en lien les quatre étapes de l’apprentissage expérientiel de Kolb avec les dimensions de Schön qui parle de la réflexion dans l’action, de la réflexion sur l’action et de la réflexion pour l’action.

Le premier moment est celui de l’expérience comme telle (vocabulaire de Kolb) ou de la pratique-action (vocabulaire de Schön). On peut aussi aller du côté du vocabulaire de St‑Arnaud qui parle de l’intervention professionnelle (1992, 2001, 2003).

Le deuxième moment est celui de l’explicitation, c’est-à-dire un premier degré de réflexion sur l’action. Dans le vocabulaire de Schön, on parlera de la réflexion sur l’action, mais on trouve aussi, chez Schön, une distinction qui est rarement remarquée. Il s’agit, en anglais, de la distinction entre reflection et reflexion. Dans l’usage, même en contexte académique, ces deux termes sont parfaitement synonymes, à un point tel que le deuxième est rarement utilisé en anglais. Mais, certains dictionnaires spécialisés expliquent la différence (https://wikidiff.com/reflexion/reflection). Pour bien la comprendre, allons du côté de la langue française où l’on ne trouve pas le mot réflection, mais où l’on trouve le mot réflecteur pour parler d’un miroir. En physique, on dit que le miroir réfléchit, mais chacun sait que ce n’est pas la même « action » que pour la réflexion d’un professionnel qui réfléchit dans l’action ou sur l’action. Par contre, la distinction entre ces deux façons de « réfléchir » correspond à une distinction précise en français. En effet, notamment chez Piaget, on trouve une distinction entre réfléchissement et réflexion. Plus précisément, Piaget écrit :

L’abstraction réfléchissante comporte toujours deux aspects inséparables : d’une part un réfléchissement, c’est-à-dire la projection (comme pour un réflecteur) sur un palier supérieur de ce qui est tiré du palier inférieur (par exemple de l’action à la représentation), et d’autre part une réflexion en tant qu’acte mental de reconstruction et réorganisation sur le palier supérieur de ce qui est ainsi transféré de l’inférieur

1977, p. 303

Ce deuxième moment du cycle de Kolb est donc un moment de « miroir » ou de prise de conscience par un regard plutôt descriptif, une première prise de recul qui reste bien contextualisée, avant la réflexion décontextualisante – et plus de l’ordre de l’abstraction – qui viendra par la suite (dans le troisième moment). Concrètement, il s’agit de regarder l’action passée comme dans un rétroviseur et de la raconter, de la mettre en récit, sans trop chercher à la comprendre pour le moment. Ici, Le Boterf réfère aux recherches de Vermersch et son équipe qui travaillent sur l’explicitation. Le Boterf précise que « ce moment du “réfléchissement” prépare celui de la “réflexion” en fournissant des matériaux qui permettront de rendre l’action intelligible. […] Il faut rendre l’action consciente pour en faire un objet de réflexion » (2001, p. 89).

Dans ce deuxième moment du cycle, il est important que la « réflection » ne porte pas seulement sur l’extériorité de l’action, mais aussi sur l’intériorité de l’action, c’est-à-dire sur la « réflexion-dans-l’action » qui est inextricablement liée à l’action, qui fait partie intégralement de l’action. C’est pourquoi le professionnel doit observer et expliciter non seulement les actions posées au moment de la pratique, mais aussi la « réflexion-dans-cette-action », le dialogue intérieur lié à la réalisation de l’action.

St-Arnaud apporte des nuances sur ce moment du réfléchissement. Il parle d’un regard à rebours, dans le réflecteur, mais plus précisément d’un regard sur le déroulement de l’action, sur la chronologie de l’action. En quelque sorte, il s’agit d’une « retraçabilisation » de la chaîne diachronique des actions dans l’action générale. Il s’agit de décortiquer la temporalité de l’action, d’abord dans le chronos, mais pour éventuellement y découvrir des kairos.

Dans le troisième moment, la réflexion se situe du côté de l’explication de l’action. Schön conseille de commencer cette étape par une réflexion qui consiste à élucider ses « théories en usage », c’est-à-dire de prendre conscience de la logique ou de la rationalité qui entre en jeu dans l’action. Cette élucidation des idées et des théories qui ont guidé les actions posées au moment de l’expérience est réalisée grâce à un questionnement spécifique sur cet élément. Par exemple, on se demandera : « Quelles idées ou quels principes m’ont amené à agir de cette façon? »; « Qu’est-ce que je me disais, dans ma tête, à ce moment-là? » Comme le souligne St-Arnaud, si dans le moment précédent (le deuxième), on a porté attention au déroulement de l’action, jusque dans les plus petites parties possibles, ici, il s’agit de porter attention à la logique des enchaînements de ces parties. Ainsi, on arrive à comprendre les détails dans lesquels se trouvent les conditions favorables ou défavorables à l’amélioration des pratiques. Alors on pourra passer au quatrième moment.

Pour avancer dans cette extraction de la théorie en usage, dans ce troisième moment, on va se référer aux apprentissages antérieurs qui ont joué un rôle plus ou moins important dans le déroulement et la logique de l’action. C’est aussi le moment d’avoir recours, entre autres, à de nouveaux savoirs, à des résultats de la recherche, à des fondements théoriques pour confronter ses idées et ses théories à d’autres savoirs, non pas dans une perspective d’évaluation du passé, mais dans une perspective d’amélioration de l’avenir.

Dans cette perspective, l’approche praxéologique de St-Arnaud vise à dégager le savoir compris dans l’action, ou le savoir à inventer par l’action pour que celle-ci soit plus performante. Puisque l’action est source d’apprentissages, il devient pertinent d’intégrer cette approche dans la réflexion du professionnel à la faveur de son développement et de l’amélioration de ses pratiques.

Plus précisément et à la suite de Schön, St-Arnaud propose de pousser la réflexion du professionnel jusqu’à la confrontation entre la théorie pratiquée et la théorie professée. La théorie pratiquée est la théorie implicite, donc non consciente, dans l’action du praticien. Elle est spontanée. C’est cette théorie qui pousse le praticien à agir et à réagir dans l’action selon ce qu’il perçoit et selon ce qu’il pense au moment où se déroule l’action, et ce, toujours sans qu’il en soit pleinement conscient. St-Arnaud affirme qu’il y a toujours une logique ou une cohérence dans l’action. Alors que St-Arnaud appelle cette théorie la théorie pratiquée, Schön l’appelle la théorie en action ou la théorie en usage.

La théorie professée, elle, est consciente. C’est la théorie que le praticien souhaite mettre en application dans son action. Elle se trouve dans les intentions de l’action. C’est une théorie apprise dans les formations académiques ou autres, dans les publications scientifiques et professionnelles, dans les expériences et dans les discussions formelles avec les pairs. Il faut objectiver cette théorie professée pour pouvoir, par la suite, confronter ces intentions aux gestes réels et aux conséquences réelles.

En d’autres mots, St-Arnaud propose de confronter l’efficacité anticipée ou l’intention consciente (la théorie professée) à l’efficacité réelle qui se traduit par les conséquences de l’action professionnelle (la théorie pratiquée). Pour y arriver, il faut un travail rigoureux de prise de conscience. Sinon, le risque est grand d’en rester aux bonnes intentions sans changer l’action réelle.

Les résolutions que l’on prend à la suite d’une critique objective sont basées sur ce qu’on pense devoir faire, la théorie que l’on professe. Mais comme on ignore sa propre théorie pratiquée, les causes évoquées pour expliquer son manque d’efficacité ne sont pas les bonnes. En conséquence, la planification basée sur la critique objective s’avère irréaliste : elle illustre ce que le praticien devrait faire pour demeurer cohérent avec un modèle appris, sa théorie professée, mais dans l’action, ce même praticien sera cohérent avec une autre théorie qu’il pratiquera à son insu

St-Arnaud, 1992, p. 53

La finalité de cette confrontation est une augmentation de la cohérence entre la théorie professée et la théorie pratiquée.

Le quatrième et dernier moment est celui de la transformation de l’action. C’est la finalité de tout le processus. La réflexion, pour Schön, doit être orientée vers l’action. Dans ses mots, c’est la réflexion pour l’action. Si la réflexion sur l’action est d’abord rétrospective (comme dans un rétroviseur) ou une réflexion sur l’action, elle doit être essentiellement prospective (réflexion pour), au sens où elle vise à transformer, à améliorer l’action. Dans tout ce processus, il ne s’agit pas d’évaluer ce qui est passé ni de se demander ce qui aurait dû être fait. Il s’agit de prendre des décisions et de planifier l’action future, qu’elle soit dans un futur immédiat, comme dans la « réflexion en action », ou dans un futur proche qui donne du temps à la planification.

Le Boterf fait le lien avec les trois phases du transfert (contextualisation, décontextualisation, recontextualisation) en ce sens qu’après la phase de décontextualisation (le troisième moment), vient la phase de recontextualisation, de la « transposition à de nouvelles situations » (Le Boterf, 2001, p. 93). Dans la pratique professionnelle, cette transposition n’est ni naturelle ni automatique. Il faut persévérer dans l’effort et la rigueur jusqu’à ce quatrième moment sous peine de reproduire des habitudes ou des pratiques fondées sur des croyances qui ne tiennent pas compte de la réalité ni des améliorations nécessaires.

C’est sur ce point précis qu’intervient l’accompagnement du développement du professionnel, notamment par le mentorat et le coaching. Les quatre moments de la réflexion exigent tellement de méthode, d’effort et d’attention qu’il est presque impossible de les faire sans accompagnement. Le contenu de ce numéro fournit plusieurs outils et plusieurs explications pour le profit non seulement des professionnels qui s’engagent dans leur développement continu et dans l’amélioration constante de leurs pratiques, mais aussi pour le profit des personnes qui les accompagnent professionnellement, qu’elles soient mentors ou coachs, ou autres. Dans cette introduction, nous avons voulu proposer un cadre pour le processus en quatre moments, cadre qui permet de guider l’accompagnement et de positionner les différents articles du numéro. C’est comme une façon d’organiser sa boîte à outils d’accompagnateur!

Présentation des articles

Le premier article de ce numéro consacré à l’accompagnement des professionnels montre la nécessité d’une clarification conceptuelle sur la notion de mentorat entre professionnels. Dans Proposition d’une typologie de la relation mentorale entre professionnels, Benoît Hurtel et François Guillemette rappellent que pour bon nombre de professionnels, la relation entre le mentor et le mentoré se caractérise par une asymétrie entre une personne expérimentée et une autre qui l’est moins. Or, les auteurs montrent qu’il existe d’autres types de mentorat, incluant des formes de mentorat entre pairs, qui ne sont pas dans la relation expert-novice. Ils proposent une typologie de la relation mentorale entre professionnels selon la méthode weberienne de l’idéal-type. Ils en arrivent à dix types de relation mentorale : le type « transfert d’expérience », le type « transfert d’expertise », le type « au service de l’organisation », le type « soutien à l’insertion professionnelle », le type « modèle », le type « coach », le type « enseignant », le type « guide », le type « parrainage » et le type « collégialité ».

Les concepts de mentorat et de coaching étant utilisés indifféremment par plusieurs, nous trouvions aussi important de proposer une clarification du concept de coaching. C’est ce que Christelle Pelbois, Jason Luckerhoff et François Guillemette ont fait dans l’article intitulé Proposition d’une clarification du concept de coaching : une définition par compréhension. Les auteurs montrent que le concept de coaching fait l’objet de multiples définitions, elles-mêmes interprétées de manières diverses. Ils ont identifié les caractéristiques essentielles et non essentielles du coaching et des caractéristiques communes ou les distinguant des autres formes d’accompagnement professionnel. En conclusion, les auteurs présentent un tableau qui constitue un résumé des résultats.

Dans le troisième article du numéro, sept coachs exerçant auprès de dirigeants en contexte de coaching organisationnel développemental décrivent leur expérience de l’autorité comme coach dans le cadre d’une recherche de type heuristique menée par France Asselin et Étienne St-Jean. Dans l’article intitulé Recherche heuristique sur la dynamique intersubjective de l’autorité en coaching, les auteurs aboutissent à trois principaux résultats aidant à mieux comprendre et expliquer la dynamique intersubjective de l’autorité en coaching : 1) trois principales tensions intersubjectives sont observées dans le vécu développemental des coachs et dans le vécu du processus de coaching, soit l’incertitude, la révolution et l’émancipation; 2) une synthèse créative suscitant une réflexion personnelle et sensible à l’égard du phénomène étudié est proposée; 3) une définition nouvelle et originale de l’autorité en coaching est proposée. Les auteurs souhaitent aider les coachs dans leur capacité à comprendre, à réfléchir et à négocier ces tensions avec maturité, flexibilité, courage et sens éthique.

Nombreux sont les chercheurs intéressés par l’accompagnement, les apprentissages professionnels, le mentorat ou le coaching qui connaissent bien les travaux de Pierre Vermersch. Ce psychologue et psychothérapeute de formation a aussi été chargé de recherche au CNRS. Il a développé l’usage des théories de Jean Piaget dans le domaine des apprentissages professionnels et a publié de nombreux textes sur l’entretien d’explicitation qui vise une description aussi fine que possible d’une activité passée, réalisée par une personne en situation de pratique professionnelle ou engagée dans la réalisation d’une tâche. Ce type d’entretien permet d’accéder à des dimensions du vécu de l’action qui ne sont pas immédiatement présentes à la conscience de la personne. L’objectif est de mieux comprendre ce qui s’est passé, mais aussi de comprendre les connaissances implicites inscrites dans cette action. Décédé le 6 juillet 2020, alors que les auteurs de ce numéro de la revue préparaient leurs textes, Pierre Vermersch aura grandement contribué à ce champ du savoir. L’article L’entretien d’explicitation comme pilier dans la relation mentorale a été rédigé par Rosine Horincq Detournay et François Guillemette. Il présente l’entretien d’explicitation (EDE) de Pierre Vermersch et détaille les fondements théoriques, les processus, les conditions de réussite, les principales relances et questions de l’EDE. Il s’agit d’une approche inductive fondamentale dans le développement des compétences professionnelles et de l’apprentissage, dans une démarche de mentorat, en permettant aux mentors de s’informer sur les actions des personnes accompagnées et en permettant à ces dernières, les mentorés, de s’auto-informer sur leurs propres processus d’action, en prenant conscience des dimensions préréfléchies de leurs actions et possiblement de développer et de transférer les compétences dans d’autres situations.

Dans le cinquième texte intitulé La création d’un modèle d’accompagnement mentoral, d’un dispositif de développement professionnel et d’un répertoire de ressources pour soutenir le développement d’un agir compétent chez les enseignants mentors dans un centre de services scolaire, Brigitte Gagnon, Nancy Goyette et Manon Ouellet montrent que l’accompagnement mentoral peut être un moyen de favoriser la persévérance des enseignants novices. En contexte de pénurie d’enseignants, les acteurs du système cherchent des moyens de recruter, mais la rétention pourrait aussi être favorisée par un accompagnement efficace. Cet article présente le modèle d’accompagnement mentoral, le dispositif de développement professionnel ainsi que le répertoire de ressources offertes aux enseignants mentors du Centre de services scolaire des Hautes-Rivières (CSSDHR). De plus, il met en lumière les forces, les limites et les besoins exprimés par les enseignants mentors ainsi que le point de vue de leur direction d’établissement au terme de la recherche-action.

Al Hassania Khouiyi, François Guillemette et Marie-Josée St-Pierre montrent que le mentorat, le coaching et toute autre forme d’accompagnement du développement professionnel ont comme objectif, entre autres, d’aider le professionnel à mobiliser des connaissances issues de la recherche dans l’amélioration de ses pratiques. Or, les concepts de connaissances et de mobilisation, notamment, sont souvent mobilisés sans être clairement définis. Dans l’article La mobilisation des connaissances issues de la recherche dans l’accompagnement du développement professionnel, les auteurs mettent en lumière les conditions favorables à une mobilisation de ces connaissances. Pour eux, il s’agit de repérer les connaissances pertinentes, notamment celles qui sont en lien avec la pratique professionnelle, et d’intégrer ces connaissances au processus réflexif et décisionnel inhérent à toute pratique professionnelle. En amont de la mobilisation, la qualité du dialogue entre les chercheurs et les professionnels a un impact – positif ou négatif – sur les retombées de la recherche dans l’expérience quotidienne des praticiens.

Dans Rôles du coaching dans la gestion de projet : une réflexion andragogique basée sur une analyse inductive, France Desjardins et Rosine Horincq Detournay explorent les rôles du coaching en situation d’apprentissage. Les réflexions andragogiques de leur article permettent de souligner l’importance de réfléchir à un accompagnement de type individuel pour favoriser le développement des compétences des employés. En s’appuyant sur une recherche réalisée dans une organisation publique québécoise où des gestionnaires et des employés réalisent des actes professionnels répétitifs et d’autres supplémentaires liés à la gestion de projets, ainsi que sur une expérimentation dans une entreprise privée, cet article explore plus précisément des phénomènes de coaching individuel et collectif par l’expérience vécue par des professionnels, selon des pratiques réflexives soutenues. Apprendre sans soutien pourrait compromettre la pratique de développement des compétences en gestion des ressources humaines. De ces phénomènes de coaching, une question émerge donc, à savoir : quel est le rôle du coach? Selon les auteures, le service des ressources humaines peut offrir aux employés un soutien ou les accompagner dans le développement de leurs compétences. Cet article contribue à documenter l’application du coaching exécutif en situation de gestion de projet.

L’article Évaluation qualitative de trois programmes de mentorat dans des institutions d’enseignement supérieur, rédigé par Al Hassania Khouiyi, Danielle St-Amand, François Guillemette, Jason Luckerhoff, Marie-Josée St-Pierre et Mamadou Siradjo Diallo, présente les résultats de trois projets de recherche qui portaient chacun sur l’évaluation qualitative d’un programme de mentorat dans des institutions québécoises d’enseignement supérieur. Les recherches portaient plus particulièrement sur le vécu des personnes impliquées dans la dyade mentor-mentoré. Dans le premier programme évalué, la relation mentorale est vécue entre un professionnel enseignant et un étudiant (professionnel en formation). Dans le deuxième programme évalué, cette relation est vécue entre un enseignant expérimenté et un enseignant novice. Dans le troisième programme, la relation en est une entre pairs, c’est-à-dire entre deux enseignants de manière non hiérarchique. Les résultats montrent qu’en dépit des différences dans la posture mentorale dans les trois programmes, ces derniers s’inscrivent dans une certaine réciprocité entre les mentors et les mentorés, et ce, autant sur le plan humain que sur le plan professionnel.

Andréanne Gagné et Nathalie Gagnon, dans un article intitulé Portrait d’accompagnants : caractéristiques et rôle des enseignants associés de l’enseignement professionnel, s’appuient sur les notions d’identité professionnelle et de mentorat pour dégager les caractéristiques des accompagnants et préciser le rôle d’accompagnement qu’ils s’attribuent. En effet, les étudiants au baccalauréat en enseignement professionnel reconnaissent les enseignants associés comme des acteurs significatifs de leur formation. Mais qui sont ces enseignants associés et quel rôle considèrent-ils occuper auprès des stagiaires? Une enquête par questionnaire a été réalisée afin de détailler le portrait de ce groupe de professionnels dont le rôle s’apparente à celui de mentors.

Deux articles hors thème sont publiés dans ce numéro.

Le premier, intitulé L’innovation ouverte : paradoxe entre métaphores de Morgan, est rédigé par Jacqueline Dahan, Johanne Queenton et Hassib Abdallah. Ces auteurs ont comme objectif de se questionner sur l’interprétation symbolique de l’innovation ouverte. Une analyse exploratoire de quelques articles parmi les plus cités en management de l’innovation leur permet de mettre au jour deux métaphores du répertoire de Morgan : l’organisme et l’anthropomorphisme, d’une part, et le flux, d’autre part. Ils soulignent aussi des paradoxes : exploitation/exploration, darwinisme social/volontarisme, entité/processus. Leur article contribue à clarifier des métaphores et à mettre en évidence la pertinence des métaphores pour une diversité de lectorats et de disciplines.

Le deuxième article proposé par François-René Lord, Vincent Raynauld, Mireille Lalancette et Jason Luckerhoff, intitulé #La Résistance franco-ontarienne : le rôle des médias socionumériques, est directement lié à un ensemble de textes publiés dans le numéro Enraciner une nouvelle université au 21e siècle paru à l’automne 2021 dans la revue Enjeux et société. Plus spécifiquement, il s’agit d’une suite au travail publié dans l’article Université de l’Ontario français. Lorsqu’une vague médiatique soulève un enjeu de société (Lord, 2021). L’article publié ici porte sur le rôle des médias socionumériques dans la lutte opposant la minorité franco-ontarienne et le gouvernement ontarien de Doug Ford en 2018. Les auteurs ont analysé quantitativement et qualitativement le contenu des pages Facebook et des fils Twitter des acteurs et institutions concernés. Ils ont aussi animé seize entretiens avec des acteurs engagés dans ce conflit : des représentants des associations franco-ontariennes, des élus et des représentants de l’Université de l’Ontario français. Selon leurs analyses, les médias socionumériques ont joué un rôle de premier plan et ont permis aux citoyens d’exercer rapidement de la pression sur les associations franco-ontariennes et sur les élus en favorisant la diffusion et le partage de messages significatifs pour sensibiliser et mobiliser la communauté.