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On ne gagne jamais rien sans se battre[1].

Dans le texte qui suit[2], il sera question des négociations dans les secteurs public et parapublic au Québec, de l’adoption du Code du travail en 1964 et de la Loi de la fonction publique en 1965 jusqu’à la ronde de négociation de 1982-1983. Nous identifierons les demandes syndicales, les offres de l’État-employeur et le résultat obtenu lors de ces six premiers[3] rendez-vous en face-à-face entre le gouvernement et les grandes organisations syndicales présentes dans les secteurs public et parapublic (la CSN, la CEQ et la FTQ)[4]. Il s’agit donc, pour l’essentiel, d’un rapport de recherche à caractère panoramique et largement factuel. À la fin du texte, nous nous permettons d’aller de l’avant avec une ouverture de portée un peu plus théorique concernant le concept de « rapport de force » lors de ces négociations entre l’État-employeur (qui est également l’État législateur) et les organisations qui représentent les salarié.e.s syndiqué.e.s de ces deux importants secteurs de notre vie collective. Mais avant, quelques remarques préliminaires s’imposent sur les droits des salarié.e.s des secteurs public et parapublic au Québec avant l’adoption de nouvelles lois du travail lors de la Révolution tranquille.

Retour historique en quelques étapes

Les droits des employé.e.s des secteurs public et parapublic avant la réforme de certaines lois du travail en 1964-1965

À la fin des années cinquante et au début des années soixante, les droits des employé.e.s des secteurs public et parapublic au Québec étaient fort limités. Les fonctionnaires et les professionnel.le.s à l’emploi du gouvernement n’avaient pas le droit de se syndiquer, ni celui de négocier collectivement leurs conditions de travail et de rémunération ni le droit de faire la grève. La Loi du service civil (adoptée en 1868) prévoyait (à partir de 1943[5]) que les conditions de travail étaient déterminées unilatéralement par la Commission du service civil. Les enseignant.e.s laïcs avaient le droit d’association, mais sans le droit de grève correspondant. En cas d’échec des négociations, il y avait l’arbitrage à décision exécutoire (sauf pour les commissions scolaires rurales). Les salarié.e.s des hôpitaux avaient le droit d’association ; les différends se réglaient par arbitrage, mais le droit de grève leur échappait[6]. S’ajoute à cet encadrement juridique restrictif l’antisyndicalisme notoire du premier ministre de l’époque Maurice Duplessis. Voilà ce qui explique pourquoi, en grande partie, avant les années 1960, les grèves dans les secteurs de la santé et de l’éducation sont rarissimes. Deux arrêts de travail méritent d’être mentionnés : d’abord la grève de reconnaissance syndicale de six jours des membres de l’Alliance des professeurs de Montréal, en 1949 ; et ensuite, la grève des infirmières de l’hôpital général de Hull en 1958 qui portait sur les salaires. Les infirmières obtiendront d’ailleurs gain de cause[7].

Au début des années soixante, dans la fonction publique, l’organisation syndicale se poursuit. Fait important à souligner toutefois, lors du congrès de la CSN de 1962, les délégué.e.s adoptent la proposition suivante :

La Commission recommande que la C.S.N demande aux partis politiques de se prononcer sur le droit d’association des fonctionnaires. Proposition : il est proposé par Marcel Pepin, Québec, appuyé par J.-Henri Vachon, Kénogami, que deux télégrammes [sic] soient envoyés, l’un au Premier Ministre de la Province, l’honorable Jean Lesage, et l’autre au Chef de l’Opposition, M. Daniel Johnson, demandant à chacun de faire connaître sa position et celle de son parti sur la reconnaissance du droit d’association des fonctionnaires provinciaux, comprenant le droit d’association à une centrale syndicale et le droit à la négociation collective. — Adopté[8].

Fortement opposé à cette campagne de syndicalisation, le premier ministre Lesage dira aux fonctionnaires : « La Reine ne négocie pas avec ses sujets[9] ».

En 1963, les infirmières de l’Hôpital Sainte-Justine font la grève. Elles dénoncent la charge de travail et par ricochet la qualité des soins aux malades. En 1964, ce sera au tour des employés de soutien des hôpitaux de Saint-Hyacinthe, Granby, Sorel, Saint-Joseph de Lachine, Saint-Jean de Dieu et Hôtel-Dieu de Valleyfield d’exercer des moyens de pression[10]. Les arrêts de travail dans le secteur de l’éducation sont nombreux (Lac-Saint-Jean, région de Québec, Estrie, Saint-Maurice, etc.) et portent principalement sur la rémunération. Il est à souligner que toutes ces grèves sont illégales et débouchent sur des gains syndicaux.

Mentionnons aussi que durant la période identifiée à la Révolution tranquille (sous le règne de Jean Lesage de 1960 à 1966) les effectifs syndicaux passent de 401 982 à 591 551. Il s’agit là d’un bond important qui correspond incontestablement à une période d’expansion pour le mouvement syndical québécois[11] et de conquête de nouveaux droits pour les salarié.e.s des secteurs public et parapublic[12].

La réforme du Code du travail et l’adoption de la Loi de la fonction publique

Dans un contexte où les moyens prévus en cas de différends entre employeurs et salarié.e.s ne permettent pas de régler les principaux problèmes et où le recours à la grève demeure illégal pour certain.e.s salarié.e.s[13], s’amorcent les discussions, entre 1963 et 1965, autour de la réforme du Code du travail (projet de loi 54) et de la Loi de la fonction publique.

En juillet 1964, le gouvernement du Québec finalise la quatrième et décisive version de ce projet de loi 54. Celui-ci a pour effet de libéraliser le régime de négociations collectives en étendant le droit de grève aux employé.e.s de certains services public et parapublic (à l’exception des enseignant.e.s et des fonctionnaires[14]). Ce ne sera qu’en 1965, lors de l’adoption de l’article 43 du Code du travail et de la Loi de la fonction publique, que les enseignant.e.s et les fonctionnaires se verront reconnaître le droit de faire la grève.

Le nouveau régime de négociation est fondé à quelques nuances près sur les dispositions existant dans le secteur privé. Dans les secteurs public et parapublic, si la grève appréhendée ou en cours a pour effet de mettre en danger la santé et la sécurité publique, le gouvernement peut s’adresser à la Cour supérieure en vue d’obtenir une injonction pour empêcher cette grève ou menace de grève ou pour y mettre fin.

Les grèves « illégales » des années 1963 à 1965 dans les secteurs des hôpitaux et de l’éducation, ainsi que la mobilisation et la détermination[15] affichées par les grandes organisations syndicales (CSN, FTQ et CEQ), ont contribué tout d’abord à obtenir un véritable régime de liberté syndicale pour les femmes et les hommes à l’emploi de ces deux secteurs et de l’administration publique, ensuite à élargir la zone des droits syndicaux pour les salarié.e.s directement ou indirectement rémunérés par l’État.

Les rondes de négociation du milieu des années soixante au début des années quatre-vingt

La première ronde de négociation de 1964 à 1967 : une négociation nettement décentralisée

Les premières négociations de 1964 à 1967 se déroulent dans un large contexte de décentralisation. Il est à se demander s’il aurait pu en être autrement. De fait, la situation qui existait à cette époque ne semblait pas permettre à l’État-employeur de s’immiscer véritablement dans ces négociations. Le gouvernement ne connaissait pas le nombre de salarié.e.s à son emploi, il n’avait aucune donnée statistique au sujet de la rémunération des salarié.e.s à l’emploi des hôpitaux ou des commissions scolaires[16].

Durant ces premières négociations à caractère décentralisé, il y aura des arrêts de travail à la Régie des alcools du Québec, à Hydro-Québec, dans l’enseignement et dans certains hôpitaux[17]. C’est en 1966 que le gouvernement du Québec décide de s’immiscer davantage dans les négociations touchant les secteurs public et parapublic. La raison de ce changement d’attitude semble résider dans la sentence arbitrale du juge Blaise Fournier concernant la rémunération des enseignant.e.s de la Régionale du Golfe qui avait pour effet de leur accorder des salaires plus élevés « que ceux versés par la ville de New York à ses enseignants. Ces augmentations — si elles avaient été étendues à l’ensemble du secteur scolaire — auraient complètement perturbé le budget gouvernemental[18] ». Ce sera à ce moment que le gouvernement prendra la décision qu’une sentence arbitrale relative aux clauses salariales dans le secteur parapublic ne saurait se répercuter de cette façon sur les finances publiques et qu’il s’immiscera plus à fond dans la négociation avec ses salarié.e.s syndiqué.e.s en définissant une politique salariale visant une rationalisation des dépenses.

La première ronde de négociations dans les services publics se termine en février 1967 par une loi spéciale (le projet de loi 25) qui a pour effet de mettre fin à une grève de 15 000 enseignant.e.s de certaines commissions scolaires. La caractéristique majeure de cette loi, outre le fait qu’elle fixe une échelle de salaires qui accorde la parité entre les institutrices et les instituteurs, est qu’elle instaure un nouveau régime de négociations à l’échelle nationale dans l’enseignement au Québec[19]. Ce projet de loi sera combattu par la CEQ et également par les deux autres centrales syndicales que sont la CSN et la FTQ[20].

Le chemin qui a conduit à la reconnaissance syndicale dans les secteurs public et parapublic n’a rien d’un beau fleuve tranquille. Ce sont des femmes et des hommes qui ont dû se montrer opiniâtres, persévérant.e.s, entêté.e.s et même qui ont été acculé.e.s à faire — dans certains cas — des arrêts de travail illégaux. Exit l’époque de la vocation, du quasi-bénévolat, de la non-reconnaissance de la valeur du travail dans les secteurs public et parapublic et exit également la présence des communautés religieuses à titre de gestionnaire d’établissements de la santé et d’enseignement maintenant largement financés par l’État.

La ronde de négociation de 1968-1969 : la définition d’une politique gouvernementale de rémunération

Pour cette deuxième ronde de négociation (1968-1969), le gouvernement est fin prêt. Non seulement se pose-t-il comme le véritable négociateur en chef, mais en plus, le nouveau ministre de la Fonction publique, Marcel Masse, qui a la responsabilité politique de la négociation, peut s’appuyer sur de nombreux experts disposant maintenant de dossiers bien étoffés. La rémunération des salarié.e.s des secteurs public et parapublic fait l’objet d’une politique définie au sommet par l’État. Dès 1968, le gouvernement se dote d’une politique salariale qui comportait cinq éléments : 1. à travail égal, salaire égal ; 2. élimination des disparités régionales, mais mises sur pied d’un système de prime d’éloignement ; 3. élaboration d’un système de prime d’encouragement au perfectionnement et à la spécialisation ; 4. établissement de plans de carrière ; 5. alignement des salaires du secteur public sur ceux du secteur privé[21].

La centralisation des négociations dans les secteurs public et parapublic entraîne non seulement l’élaboration à un échelon très élevé de la politique salariale de l’État, mais cette politique, loin de résulter de la libre négociation, découle, comme l’a clairement établi Léo Roback, d’une décision qui relève en propre du pouvoir étatique : « Les cinq principes de M. Masse ne portent que sur les modalités de la répartition et/ou de la redistribution de cette masse salariale prédéterminée par une grande décision préalable : ne pas hausser l’impôt jusqu’en 1971[22] ».

Les négociations dans les secteurs public et parapublic se façonnent dans un cadre de plus en plus étroit qui a pour nom l’équilibre budgétaire et la planification des dépenses. Ce qui équivaut, dans les faits, à nier aux syndiqué.e.s le droit de négocier un aspect important de leurs conditions de travail : leur rémunération. Dans le cadre des négociations avec l’État-employeur, il semble dès lors impossible que des négociations véritables aient lieu sur des questions qui ont une portée monétaire.

La ronde de négociation qui s’amorce en 1968 pour se terminer en 1969[23] permet au gouvernement d’approfondir la normalisation des conditions de travail et de rémunération des salarié.e.s syndiqué.e.s à l’emploi des secteurs public et parapublic. Sa politique salariale n’est pas négociable ; tout au plus consent-il à une augmentation de 15 % sur trois ans. Les salarié.e.s syndiqué.e.s ne parviennent pas à imposer leurs revendications salariales au gouvernement et, dans certains cas, des groupes de salarié.e.s (les enseignant.e.s en particulier) voient même leurs conditions de travail se détériorer[24]. Marcel Pepin précise ceci au sujet de cette ronde de négociation : « la deuxième ronde a été plus décevante, mais elle a été un point tournant pour le futur puisque le front commun y a pris sa source[25] ».

La ronde de négociation de 1971-1972 : une négociation en Front commun intersyndical

En 1971-1972 s’amorce une nouvelle ronde de négociation dans une contestation radicale du rôle de l’État. Les centrales syndicales publient des manifestes (Ne comptons que sur nos propres moyens [CSN], L’État rouage de notre exploitation [FTQ], L’école au service de la classe dominante [CEQ]) dans lesquels l’État et ses appareils y sont décrits comme une superstructure qui met ses moyens d’action au service de la classe dominante. Pepin rappelle également trois événements qui ont facilité le rapprochement et le travail en commun entre les dirigeants syndicaux à l’époque : la Crise d’octobre 1970, l’Assurance-maladie en 1970 et la grève de La Presse en 1971[26]. Les alliances intersyndicales nouées lors de ces trois événements ont favorisé « un certain rapprochement des personnes, des organisations. Ce qui a pu faciliter le grand rendez-vous de 1972[27] ».

Lors de cette troisième ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic, le gouvernement s’impose comme le véritable employeur. Son objectif consiste, pour l’essentiel, à rationaliser ses dépenses administratives, sociales et culturelles. La politique salariale (monétaire et normative lourde) qu’il définit ne peut aller à l’encontre de ses objectifs fiscaux et budgétaires. Les conditions de travail et de rémunération des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic doivent aussi, selon lui, être comparables à ce qui existe sur le marché du travail dit privé.

Pour cette ronde de négociation, les grandes organisations syndicales (CEQ, CSN et FTQ) s’unissent dans le cadre d’un Front commun qui regroupe plus de 210 000 syndiqué.e.s[28]. Le but du Front commun est de discuter et de négocier la part du budget que l’État doit consacrer à la rémunération et aux avantages marginaux des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic.

Ainsi, l’État-employeur cherche à poursuivre la normalisation des structures salariales entreprise à la fin des années 1960. À la fin du mois de mars 1971, il dévoile les principes et règles à la base de ses propositions salariales :

Parité de traitement indépendamment du sexe et du statut civil pour les titulaires d’un même emploi ;
Harmonisation des traitements pour des emplois similaires ;
Parité dans les traitements à l’échelle du Québec élimination des disparités régionales ;
Reconnaissance de la spécialisation (qualification) ;
Plans de traitement caractéristiques ;
Utilisation des comparaisons ;
Rejet d’une grille salariale générale dans le style européen ;
Niveau de rémunération fondé sur la moyenne généralement observée au Québec pour des emplois identiques ou analogues[29].

De ces principes, se dégage l’idée selon laquelle le gouvernement du Québec n’entend pas remettre en cause la structure des traitements en vigueur. Il met de l’avant une politique de rémunération fondée sur le marché privé du travail. Pour ce qui est des objectifs du Front commun, il s’agit d’une contre-politique salariale qui inscrit les demandes syndicales dans la perspective d’une redistribution de la richesse à l’intérieur d’une société capitaliste. Du côté syndical, la structure de rémunération s’articulera autour des éléments suivants :

À travail égal, salaire égal et un salaire minimum décent :

  1. Obtention d’un salaire de base minimum de 100 $ par semaine ;

  2. Harmonisation des fonctions à l’intérieur de la fonction publique ;

  3. Harmonisation des fonctions à l’extérieur pour les fonctions où le gouvernement est employeur monopolistique (Hydro-Québec, Agents de la Paix) ;

  4. Obtention d’un % d’augmentation tenant compte de l’augmentation du coût de la vie et de la productivité, pourcentage fixé à 8 %[30].

Deux conceptions du rôle de l’État en regard de la distribution de la richesse s’opposent. La politique syndicale impose que l’État doit donner l’exemple au patronat par le biais de la reconnaissance de quatre principes : l’accroissement des salaires des moins bien nantis ; la sécurité d’emploi ; l’élimination de la discrimination salariale et la protection du pouvoir d’achat. En ce qui concerne la politique salariale mise de l’avant par le gouvernement, celle-ci s’appuie sur la logique du marché du travail et ce qu’il définit comme étant la capacité de payer des citoyen.ne.s.

La lutte s’enclenchera, lors de cette ronde de négociation, autour de la question de la table centrale qui n’avait pas été prévue par la Loi du régime des négociations collectives dans les secteurs de l’éducation et des hôpitaux. Ce ne sera qu’après la tenue d’un vote où les syndiqué.e.s rejettent à plus de 70 % les offres du gouvernement, que celui-ci consentira à mettre en place une table centrale sans statut juridique réel. Fin mars et début avril, les syndiqué.e.s recourront à la grève (d’abord 24 heures d’arrêt de travail et, ensuite, une grève générale illimitée)[31]. Pour mettre un terme au débrayage massif des syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, le gouvernement adopte, le 21 avril, le projet de loi 19 et fait émettre des injonctions à l’endroit des grévistes qui n’ont pas respecté les services essentiels. Les trois présidents des centrales syndicales seront, pour leur part, condamnés à un an d’emprisonnement pour avoir encouragé les syndiqué.e.s à défier les injonctions. L’emprisonnement des dirigeants et de militants syndicaux donnera lieu à la « Grève générale de mai 1972 ».

Si le projet de loi 19 vient mettre un terme au conflit ouvert entre l’État et ses syndiqué.e.s, il ne clôture pas la négociation qui, elle, permettra un certain nombre de gains syndicaux, notamment les 100 $ minimum et une clause d’indexation qui, contrairement aux attentes, s’avérera fort profitable compte tenu de la spirale inflationniste qui s’emparera de l’économie, ainsi que la reconnaissance de la table centrale qui permettra la négociation de la masse salariale et la création d’un nouveau régime de retraite pour les employé.e.s du gouvernement et des organismes publics (le RREGOP) dont le partage des coûts est le suivant : 7/12 pour l’employeur et 5/12 pour la personne salariée[32]. Dans l’ensemble, le résultat de la négociation est nettement à l’avantage de la partie syndicale. Deux groupes se verront décréter leurs conditions de travail : les enseignant.e.s de la CEQ et de la FNEQ. Le Front commun sort de cette ronde de négociation un peu effrité. Le Syndicat des fonctionnaires de la province de Québec (SFPQ) et le syndicat d’Hydro-Québec ont déserté les rangs syndicaux et ont décidé de négocier dorénavant de manière isolée.

La ronde de négociation de 1975-1976 : la lutte intersyndicale contre les mesures gouvernementales « anti-inflation »

C’est avec une certaine expérience de l’exercice d’un rapport de force que s’amorce la négociation de 1975-1976 dans les secteurs public et parapublic au Québec (les trois chefs syndicaux ayant été emprisonnés en 1972). Sur le plan économique, le Canada et le Québec sont aux prises avec un taux de chômage croissant et un taux d’inflation galopant. En octobre 1975, le premier ministre canadien, Pierre Elliott Trudeau, décide de soumettre au Parlement un programme de lutte à l’inflation d’une durée de trois ans (jusqu’en 1978) caractérisé par une limitation autoritaire des salaires. S’inscrivant dans cette ligne de lutte contre l’inflation au détriment du chômage, le gouvernement du Québec, dirigé par Robert Bourassa, décide d’imposer au secteur public et parapublic québécois les objectifs du programme fédéral. Ainsi donc, la lutte à l’inflation devient la priorité dans les politiques gouvernementales. Pour atteindre cet objectif, il faut, selon les dirigeants politiques, réduire les dépenses publiques et freiner la progression des salaires dans tous les secteurs de l’activité économique, quitte à accroître le nombre de personnes au chômage. À cette fin, les gouvernements d’Ottawa et de Québec adoptent respectivement les projets de lois C-73 et 64. Pour l’essentiel, les mesures dites « anti-inflation » visaient à plafonner les hausses de salaire à 8 %, 6 % et 4 % pour les trois années d’application du programme.

Les revendications à incidence monétaire du Front commun intersyndical CSN-FTQ-CEQ[33] ne tiendront pas compte des priorités économiques dégagées par les deux paliers de gouvernement. En plus, les syndiqué.e.s défieront ces politiques de restriction salariale. Les objectifs du Front commun lors de cette ronde de négociation se résument comme suit : à travail égal, salaire égal ; salaire minimum décent ; réduction des écarts ; augmentation des salaires qui tient compte de l’évolution des prix et de la richesse collective et rattrapage du pouvoir d’achat des échelles. En ce qui concerne ses demandes, elles se résument de la manière suivante : « 1. 25,9 % pour rattraper la perte du pouvoir d’achat ; 2. salaire minimum de 165 $ ; 3. une échelle uniforme des salaires ; 4. enrichissement : 5 % par année ; 5. indexation ; 6. réduction des heures à 35 heures avec pleine compensation[34] ». S’ajoute aussi la demande de quatre semaines de vacances après un an de service[35].

Quant au gouvernement, ses objectifs sont nombreux. D’emblée, les offres initiales, déposées en novembre 1975, portent la marque du plan anti-inflation. Certes, les propositions patronales raccourcissent quelque peu les échelles, fusionnent certaines échelles de secrétaires et d’opérateurs en informatique et abolissent les classes chez les techniciens, mais pour l’essentiel, elles correspondent à une reconduction du statu quo. Quelques exceptions notables sont quand même à signaler : les pourcentages accordés aux magasiniers, aux ouvriers spécialisés et, surtout, aux infirmières, dépassent largement ce qui est offert aux autres salarié.e.s. Le gouvernement invoquera les situations de marché pour justifier ces propositions[36].

Par ailleurs, le gouvernement tente de diviser les groupes syndicaux. Il convient, en décembre 1975, d’une entente de principe avec le SFPQ (35 000 membres). Il accorde au SFPQ, un regroupement indépendant, une augmentation salariale de 28 %, mais obtient en retour une hausse de leur semaine de travail (de 32,5 heures à 35 heures). Le gouvernement tentera d’imposer ce pattern aux autres salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic. Pour faire entendre leur point de vue au gouvernement, les syndiqué.e.s du Front commun déclencheront divers moyens de pression (dont une dizaine d’arrêts de travail de 24 heures) que le gouvernement cherchera à restreindre ou à casser ; il tentera de supprimer l’exercice du droit de grève en adoptant, en décembre 1975, le projet de loi 253 sur le maintien des services essentiels et le projet de loi 23, en avril 1976, qui force le retour au travail en éducation[37].

À l’approche d’une élection générale et surtout de la tenue des Jeux olympiques à Montréal, le gouvernement Bourassa formule, en juin 1976, une proposition de compromis. Cette proposition de règlement constitue un renoncement du gouvernement à imposer un plafonnement autoritaire aux revendications à caractère monétaire des syndiqués. Le 165 $ minimum est atteint à la dernière année de la convention. Le Front commun obtient le dépassement des normes gouvernementales telles que fixées dans les lois C-73 et 64 en plus de 4 semaines de vacances après une année de service[38].

En août 1976, le gouvernement adopte le projet de loi spéciale 61 qui aura pour effet de mettre un terme à un arrêt de travail de 17 jours des 5500 membres de la Fédération des infirmières et des infirmiers.

La ronde de négociation de 1978-1979 : la découverte de la face cachée du « préjugé favorable à l’endroit des travailleurs » du gouvernement péquiste

Si le gouvernement du Québec, dirigé par le Parti libéral de 1970 à 1976, était parvenu à dresser contre lui les grandes centrales syndicales québécoises (CEQ, CSN et FTQ), l’élection du Parti québécois, le 15 novembre 1976, provoque des réarrangements importants dans la façon de concevoir l’État du côté des principales organisations représentant les travailleuses et travailleurs syndiqué.e.s. Le nouveau gouvernement du Québec, qui, de l’aveu même du premier ministre René Lévesque au lendemain de sa victoire électorale, avait un « préjugé favorable à l’endroit des travailleurs », aime bien se donner des allures de gouvernement nationaliste et social-démocrate. Dans les faits, toutefois, ni le nouveau gouvernement ni le Parti québécois n’entretiennent des liens organiques avec le mouvement syndical. Tout au plus, dans l’espoir d’assainir le climat social, le nouveau personnel à la direction politique du Québec cherchera à amener les « grands partenaires sociaux » (État, organisations patronales et syndicales) à coopérer dans le cadre de rencontres tripartites[39]. Dans le but de créer un nouveau climat dans les relations entre l’État et le mouvement syndical, le nouveau gouvernement du Québec, dès son entrée en fonction, retire les poursuites intentées par le gouvernement précédent, à la suite des débrayages illégaux qui avaient eu lieu lors de la ronde de négociation de 1975-1976, et adopte certaines lois réclamées par les syndicats (par exemple, le projet de loi qui interdit l’utilisation de briseurs de grève par les entreprises lors d’un arrêt de travail). Au moment où s’amorce cette nouvelle ronde de négociation entre l’État et les syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, la conjoncture économique est peu réjouissante. Les signes d’un dérèglement de l’économie ne cessent de s’affirmer. L’évolution des principaux indicateurs économiques démontre que les grandes économies s’enlisent dans la stagflation (croissance économique faible ou nulle combinée à une poussée de l’inflation).

La détérioration des perspectives économiques amène les gouvernements occidentaux à opter résolument pour la voie du durcissement politique face à la combativité syndicale. Les gouvernements doivent trouver cette fois-ci le moyen d’imposer le « réalisme économique » aux syndiqué.e.s. À l’aube de ces nouvelles négociations dans les secteurs public et parapublic, une nette volonté de la part du gouvernement du Québec de réaliser une politique de gestion de la crise par le biais de l’imposition de mesures d’austérité semble se dessiner[40]. Toutefois, le gouvernement espère pouvoir réaliser cet objectif dans le cadre d’une démarche dite de « restriction volontaire » de la part des salarié.e.s concerné.e.s.

Le 11 octobre 1978, Jacques Parizeau, ministre des Finances et président du Conseil du Trésor du gouvernement du Québec, dans sa présentation de la position de son gouvernement « sur le cadre économique et financier des négociations salariales dans le secteur public et parapublic », explique l’origine de la crise économique à partir de deux facteurs : premièrement, depuis 1975-1976, le Québec s’est appauvri à cause des transferts de « substance économique » en « Arabie ou au Vénézuela » ; deuxièmement et par conséquent, les salarié.e.s, ceux et celles du public comme du privé, doivent se résigner à cet appauvrissement, la « substance économique » n’étant plus distribuable[41].

Ces deux causes mises de l’avant pour expliquer la crise économique reposent l’une sur un transfert de la richesse vers l’extérieur et l’autre sur l’appétit supposément trop vorace des salarié.e.s des secteurs public et parapublic. C’est à partir de cette « analyse » que le gouvernement du Québec s’apprête à négocier avec ses salarié.e.s en espérant vaincre cette fois-ci leur « incompréhension » concernant les limites à la capacité de payer de l’État. Lors du dévoilement de sa politique salariale, Jacques Parizeau y va de ce commentaire, qui en dit long sur l’objectif de discipliner les revendications salariales des syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic : « Je ne cacherai pas que la tentation du gel de tous les salaires dans les secteurs public et parapublic, pendant un an, soit apparue[42] ». Faisant état d’un écart considérable des salaires entre le secteur public et le secteur privé (le Conseil du Trésor établira par la suite cet écart à 16,3 %[43] en faveur des syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic), le gouvernement du Québec s’impose comme objectif de négociation de remettre en cause certains acquis des salarié.e.s des secteurs public et parapublic et de comprimer les dépenses publiques de l’État. La politique salariale qu’entend soumettre le gouvernement aux syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic se définit dans un cadre de plus en plus étroit qui laisse de moins en moins d’espace pour une véritable négociation sur la rémunération. Dorénavant, les rémunérations des secteurs public et privé doivent être comparables, en tenant compte des deux composantes du salaire accordé : la rémunération (salaire direct) et les avantages sociaux (salaire indirect).

Se présentent alors comme suit les offres déposées par le gouvernement : premièrement, des offres de 8,9 %, 6,5 % et 6,5 % « pour les emplois qui sont réputés être inférieurs de moins de 3 % au niveau du marché privé. Cette offre, selon l’estimation syndicale, vise environ 10 % des 200 000 travailleurs du Front commun » ; et deuxièmement, offres de 5,9 %, 3,5 % et 3,5 %

pour les emplois qui sont réputés être payés à plus de 3 % du niveau du marché. Cette offre vise 90 % des syndiqués. Cette offre est fondée sur l’idée “que les écarts de rémunération à l’avantage des salariés du secteur public devront être réduits le plus rapidement possible par des formules de stabilisation adéquates”. Ces formules consistent à retrancher chaque année 3 % des taux d’augmentation anticipés dans le secteur privé[44] .

S’ajoute aussi la perte de la clause d’indexation automatique des échelles de salaires. La suppression de la clause d’indexation impliquait alors une baisse réelle du pouvoir d’achat des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic.

Soudainement, un acquis de six années de lutte était remis en cause. La politique salariale du gouvernement lors des négociations de 1978-1979 consistait à restreindre la croissance salariale dans les secteurs public et parapublic en vue de dégager, selon le discours gouvernemental, des marges budgétaires pour d’autres fins que la rémunération des salarié.e.s syndiqué.e.s[45]. Dans les faits, le gouvernement du Parti québécois tentait d’effectuer une percée là où le gouvernement libéral avait échoué.

Du côté des syndicats, il ne saurait être question de dresser une opposition factice entre salarié.e.s des secteurs privé et public :

Les négociations qui s’amorcent ne sauraient être entièrement confinées à la sphère déjà large certes — nous représentons en effet 200 000 travailleurs — mais encore trop étroite du seul intérêt des travailleurs du secteur public. Les enjeux de cette négociation, parce qu’elle met en présence le gouvernement et les trois centrales syndicales, sont dans une large mesure politiques. Cette affirmation, subversive pour beaucoup en 1972, inopportune pour la plupart en 1975, semble aujourd’hui exprimer une vérité de sens commun tant il est devenu évident qu’en discutant des conditions de travail des salariés du public, nous allons par d’innombrables avenues entrer sur le terrain de l’intérêt de tous[46].

De plus :

Le Front commun […] a des responsabilités particulières qu’il entend pleinement assurer. Ces responsabilités, nous considérons qu’elles consistent à ouvrir de nouvelles avenues et à arracher de nouveaux gains, compte tenu de l’effet actuel d’organisation des travailleurs. Ne serait-ce qu’à cause de la qualité de notre employeur, au moins certains de ces gains pourront par la suite s’appliquer à l’ensemble des salariés québécois. Car à partir des gains effectués dans le secteur public, des solutions politiques se profileront et pourront s’appliquer aux travailleurs du secteur privé. Nos négociations, parce qu’elles se mènent avec l’État, permettront sans doute de hâter certaines solutions politiques, sociales et économiques[47].

Le secteur public est donc présenté dans une perspective de locomotive pour l’ensemble des salarié.e.s ; autrement dit, les gains obtenus par les salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, dans les négociations avec l’État, doivent profiter par la suite aux salarié.e.s du secteur privé.

Les demandes salariales du Front commun se résument notamment à « abolir les discriminations », à viser l’augmentation du « pouvoir d’achat » ainsi que le « salaire minimum décent » de 250 $ par semaine, avec une semaine de travail de 35 heures et une « prévention de 6 % contre la hausse des prix », tout en respectant « autant que possible, des parités et des hiérarchies sectorielles et intersectorielles[48] ».

Lors de cette ronde de négociation, la volonté du gouvernement de limiter la croissance de la rémunération dans les secteurs public et parapublic sera répétée à maintes reprises. Le ministre des Finances, Jacques Parizeau, ne voulait pas être obligé d’augmenter « la taxation[49] ». Cette négociation donnera lieu à un certain nombre de débrayages de la part des fonctionnaires, des infirmiers et infirmières ; toutefois, à la veille d’un débrayage illimité de la part du Front commun, le gouvernement convoque l’Assemblée nationale en session d’urgence en vue d’adopter le projet de loi 62. Cette loi spéciale, contrairement aux autres lois du genre adoptées depuis 1967, n’a pas pour effet de venir interrompre un arrêt de travail. Plus sournoisement, elle vient reporter dans le temps une grève non encore déclenchée. Cette loi démontre qu’aux yeux du gouvernement la grève ne représente pas un droit que les salarié.e.s peuvent exercer quand bon leur semble lors d’une négociation collective, mais qu’il s’agit plutôt d’un « privilège » dont l’exercice dépend de la volonté du législateur. Autrement dit, le gouvernement se donne le droit de surseoir au déclenchement d’une grève appréhendée, et il réagit de la sorte sous prétexte que les négociations ne sombrent pas dans l’impasse et que les salarié.e.s syndiqué.e.s n’ont pas eu l’occasion de prendre connaissance de sa proposition de règlement pour se prononcer sur sa teneur. Le projet de loi obligerait les syndicats à soumettre les dernières propositions patronales à leurs membres avant le 28 novembre 1979[50].

Parmi les syndicats du Front commun, seuls ceux affiliés à la FAS-CSN obtiennent le mandat de défier la loi spéciale 62. Après quatre jours de grève illégale, le gouvernement bonifiera ses offres. En vertu de ces dernières, les augmentations consenties varient de 9,5 % à 6,4 %, indexation comprise. Les hauts salarié.e.s reçoivent un montant forfaitaire de 350 $ pour compenser la perte de pouvoir d’achat. Pour ce qui est de l’indexation des salaires, le gouvernement maintient fermement sa décision de ne pas reconduire le principe de l’indexation anticipée et surtout intégrée aux échelles de traitement, comme cela était le cas depuis la négociation de 1976 ; et le salaire minimum de 265 $ par semaine sera accordé pour la troisième année d’application de la convention collective. Du côté des enseignant.e.s affilié.e.s à la CEQ, il faudra une grève de onze jours, en janvier 1980, pour qu’un accord portant sur la tâche de travail et la sécurité d’emploi soit négocié.

Voici les résultats finalement obtenus par la partie syndicale lors de la ronde de négociation du 3e Front commun : une durée de convention de 3 ans et 6 mois ; un salaire de 265 $ par semaine minimum au 1er juillet 1982 pour tous et toutes ; un enrichissement collectif relatif (dans une tergiversation entre tous les salarié.e.s au départ, puis pour les bas salarié.e.s en 1980-81 et retour pour tous en 1981-82) ; une promesse de préservation du pouvoir d’achat et des rattrapages salariaux variables en fonction de l’inflation (dont les conditions fluctueront entre 1979 et 1982)[51].

En général, à part les syndicats d’enseignants de la CEQ, les offres du gouvernement seront acceptées par l’ensemble des groupes syndiqués consultés en novembre 1979. Le règlement issu de cette négociation semble montrer que le gouvernement, au niveau monétaire, sort partiellement victorieux de cette ronde de négociation avec ses salarié.e.s syndiqué.e.s. Comme l’observe Jacques Rouillard : « Il ne consent que la protection du pouvoir d’achat, excluant la participation à l’enrichissement collectif, ce qui réduit de 16 à 11 % l’écart de la rémunération globale du secteur public par rapport au privé[52] ». Dans le cadre de cette ronde de négociation, le gouvernement est parvenu à obtenir un contrat de travail qui lui a permis d’économiser « 800 millions de dollars par rapport à la convention de 1976[53] ».

Manifestement, le gouvernement venait de gagner une première bataille contre les salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, et ce depuis le premier Front commun de 1971-1972. Il parvenait à aligner leur rémunération sur celle des salarié.e.s du secteur privé. Cet objectif fut atteint par la modification d’un aspect important de la libre négociation : il reportait dans le temps l’exercice du droit de grève.

La non-négociation de 1982-1983 : la ronde des décrets gouvernementaux

C’est dans un contexte de crise économique que s’amorce cette non- négociation de 1982-1983. En effet, le Québec connaît une récession d’une ampleur sans précédent depuis la Grande Dépression des années trente. Les signes les plus visibles des difficultés économiques s’expriment à travers des taux d’intérêt élevés ainsi que par de fortes hausses du chômage et de l’inflation. C’est avec cette crise en arrière-plan, à laquelle s’ajoute aussi la crise des finances publiques, que s’ouvre cette ronde de non-négociation[54] entre l’État et ses salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic[55], toujours regroupés dans le Front commun intersyndical CEQ-CSN-FTQ. Front commun qui sera, en 1982-1983, « un lieu de désaccord permanent plutôt qu’un outil de solidarité propre à améliorer (le) rapport de force (syndical)[56] ». Il est même permis de parler ici d’un front commun de façade[57].

Cette ronde s’inscrit dans le mouvement amorcé par la précédente. Le gouvernement entend réduire ses dépenses et, pour ce faire, il entend hausser la productivité des secteurs public et parapublic et réduire la rémunération du personnel à l’emploi de ces secteurs. Dégagé de toute échéance électorale ou référendaire, le gouvernement se sent les mains libres pour négocier devant ses vis-à-vis syndicaux qu’il ne veut ni voir ni entendre à moins que ceux-ci ne soient porteurs d’une réponse positive aux « offres » gouvernementales. La situation économique servira de prétexte aux gouvernements du Canada[58], du Québec et des autres provinces pour se lancer à l’assaut des acquis syndicaux dans les secteurs public et parapublic. Alors que dans le secteur privé les syndicats voient, à cause des nombreuses fermetures d’usines, leur pouvoir de négociation s’effriter et constatent que les employeurs leur imposent de nombreuses concessions, ce sera par le biais de décisions autoritaires que les divers gouvernements au Canada ordonneront une limitation de la progression salariale à leurs employé.e.s syndiqué.e.s et leur imposeront des reculs au niveau de leurs conditions de travail. À cause d’une chute de ses recettes, à la suite d’une récession, le gouvernement du Québec prétend avoir un manque à gagner de 700 millions de dollars ; il envisage de remédier à cette carence monétaire par le biais d’une limitation de la masse salariale dans les secteurs public et parapublic.

C’est à l’occasion de « La conférence au sommet de Québec » (qui se déroule du 5 au 7 avril 1982) que le premier ministre du Québec, René Lévesque, révèle l’existence de ce « trou » de 700 millions de dollars dans les finances gouvernementales. Le 15 avril 1982, il convie les salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic à renoncer volontairement aux hausses prévues pour les six derniers mois de la convention collective (du 1er juillet au 31 décembre 1982)[59]. À défaut de ce « renoncement volontaire », le gouvernement menace de procéder à une réduction de 17 430 postes et de geler les salaires pour l’année 1983. Les syndiqué.e.s refusent cette proposition et les centrales syndicales se disent disposées à négocier la réouverture des conventions collectives dans le but de conclure une nouvelle entente d’une durée de trois ans. Le gouvernement rejette la réponse syndicale et réplique en annonçant qu’il respectera la hausse prévue pour les six derniers mois de la convention, mais qu’il imposera une coupure de 20 % des salaires du 1er janvier au 31 mars 1983. Cela lui permet de préparer le projet de loi 70, qu’il soumet pour adoption à l’Assemblée nationale le 21 juin 1982. Le même jour, il présente deux autres projets de loi dont l’un a pour objet de modifier à la baisse sa contribution au régime de retraite des salarié.e.s de l’État (projet de loi 68) et l’autre de créer le Conseil des services essentiels, qui dispose de pouvoirs accrus en cas de conflit de travail dans les services de santé et des affaires sociales (projet de loi 72).

En septembre 1982, le plus important employeur du Québec dépose ses offres qui comportent un gel salarial pour 1983 et des augmentations moyennes de 5 % et 3,27 % pour les années 1984 et 1985, « afin de réduire à zéro l’écart de rémunération avec le secteur privé[60] ». Quant aux conditions de travail, des reculs sont envisagés par le gouvernement en échange de la sécurité d’emploi. Le Front commun réclame pour sa part des hausses annuelles de traitement de 12,6 %, 11,9 % et 10,6 % (maintien du pouvoir d’achat pour les trois années du nouveau contrat de travail avec un enrichissement selon la progression du PIB)[61].

L’affrontement se prépare. Début novembre, malgré l’illégalité de l’arrêt de travail, le Front commun y va d’un débrayage de 24 heures. Tout au plus, à la veille de ce « coup de semonce », le gouvernement concède-t-il une récupération modulée des salaires pour les plus bas salarié.e.s, concession qu’il chiffre à 80 millions. Devant le rejet de plus en plus majoritaire des offres du gouvernement par les membres du Front commun, le premier ministre René Lévesque décide d’imposer par une loi (le projet de loi 105) les décrets tenant lieu de conventions collectives pour les 320 000 employé.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic (et d’autres secteurs comme les universités et la CTCUM). Ces décrets, d’une durée de trois ans (c’est-à-dire valables jusqu’au 31 décembre 1985) tout en reprenant les « offres du gouvernement », auront pour effet d’élargir le droit de gérance des employeurs, modifieront à la hausse la tâche des salarié.e.s et interdiront le droit de grève pour les trois années de leur application.

En janvier 1983, le premier ministre se montre intéressé à reprendre le dialogue avec le Front commun. Les discussions ne donneront aucun résultat tangible. Le 21 janvier, on constate l’échec de ces derniers pourparlers.

À l’occasion de cette ronde de négociation, les syndiqué.e.s se sont vu à la fois retirer leur droit de grève sans vraiment l’avoir utilisé, nier leur droit à la négociation, imposer des réductions salariales et décréter leurs conditions de travail, ce qui les pousse à réagir et à déclarer une grève générale illimitée (certains d’entre eux du moins[62]) entre le 26 et le 29 janvier 1983.

Ces moyens de pression ne viendront pas à bout de la volonté du gouvernement qui désire rétablir à son avantage la rémunération et les conditions de travail dans les secteurs public et parapublic, et ce, dans un contexte économique qui lui permet d’exploiter à satiété les divisions entre salarié.e.s et sans-emploi, d’une part, et salarié.e.s des secteurs public et parapublic et salarié.e.s du privé, d’autre part.

À partir du 30 janvier 1983, une entente survient entre le gouvernement et le Regroupement des infirmières et infirmiers du Québec. Au début du mois de février, d’autres ententes se concluent avec la Fédération des syndicats professionnels d’infirmières et d’infirmiers du Québec, le Cartel des organismes professionnels de la santé et l’Association professionnelle des inhalothérapeutes du Québec (APIQ). Puis ce sera au tour des syndicats affiliés à la FAS-CSN de déboucher sur une hypothèse de règlement qui a pour effet de suspendre le mot d’ordre de grève. Les syndicats affiliés à la FTQ et le Syndicat des fonctionnaires provinciaux concluront des ententes avec le gouvernement. Devant la menace de congédiements massifs, les professionnel.le.s du gouvernement décident de rentrer au travail.

Dans le but de faire plier les syndiqué.e.s en arrêt de travail illégal, le gouvernement les menace des pires représailles (perte d’emploi, retrait de l’accréditation, perte d’ancienneté pour chaque jour d’arrêt de travail illégal, etc.). Les enseignant.e.s des niveaux élémentaire, secondaire et collégial résistent à ces menaces et poursuivent durant plus de trois semaines leur arrêt de travail. La loi la plus antisyndicale à avoir été adoptée par un gouvernement s’abat sur eux : le projet de loi 111. Cette loi suspend la Charte des droits et libertés, permet des congédiements collectifs, entraîne une perte d’ancienneté pour chaque jour de débrayage et autorise le retrait de la perception syndicale pour tout syndicat poursuivant un arrêt de travail. Une trêve, suivie d’une médiation, permettra la reprise du travail dans le secteur de l’éducation.

En bref, à l’occasion de cette ronde de non-négociation, le gouvernement du Québec a su recourir à la manière forte pour venir à bout de la combativité syndicale dans les secteurs public et parapublic. En procédant par la voie autoritaire sur toute la ligne (négation de la libre contractualisation, redéfinition des conditions d’exercice du droit de grève, interdiction d’exercer la grève, prolongation du contrat de travail pour une durée de trois mois pendant lesquels il procédait à une récupération salariale, décret imposant les conditions de travail et de rémunération, etc.), le gouvernement imposait un recul important à ce secteur qui avait obtenu, 18 ans plus tôt, un régime de libre contractualisation. De plus, par des modifications aux règles du jeu (le projet de loi 72), il venait de réaliser un objectif qu’il poursuivait depuis 1972 : aligner la rémunération des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic sur ceux de l’entreprise privée. Si une telle chose était hors d’atteinte malgré les nombreuses entorses et les modifications apportées au régime de libre négociation prévu initialement en 1964-1965, il avait réussi, par la méthode autoritaire, à obtenir gain de cause en acceptant toutefois de faire face à une crise de légitimité importante et à l’effritement de ses appuis électoraux.

Si la loi avait servi jusqu’à maintenant à l’encadrement des négociations et des moyens de pression (suspension de l’exercice de la grève, définition des services essentiels ou ordre de retour au travail), à l’occasion de cette ronde de non-négociation, elle est apparue comme un instrument dont dispose l’État-employeur lors d’une négociation. La confusion entre l’État-employeur et l’État-législateur est apparue nettement lors de cette ronde de non-négociation, au prix toutefois d’une grave crise de légitimité. Mais le problème qui se posait pour le gouvernement était le suivant : devait-il s’attendre à un match revanche de la part des salarié.e.s syndiqué.e.s dont il venait de restreindre les droits syndicaux de façon aussi cavalière, ce qui risquait d’entraîner une nouvelle escalade dans la voie de la répression ? N’aurait-il pas plutôt intérêt à modifier le régime de négociation de façon à renverser en sa faveur le rapport de force dans les secteurs public et parapublic ?

Bilan

De notre examen des négociations dans les secteurs public et parapublic pour la période allant de 1964 à 1983, il se dégage des moments souvent mouvementés grâce auxquels s’est produite l’unité des trois grandes organisations syndicales CSN-FTQ-CEQ autour d’une plate-forme commune de revendications en lien avec les besoins sociaux de leurs membres. Cette unité n’a pas toujours été facile à fonder et à maintenir ; elle s’est même amenuisée et effritée à travers le temps. Malgré tout, elle a représenté une assise importante des principales revendications syndicales.

L’unité syndicale n’assure pas une victoire automatique, mais les divisions permettent au gouvernement d’imposer plus facilement son point de vue. L’histoire de ces négociations oscille donc entre des victoires éclatantes et des défaites cuisantes. Elles ont même donné lieu à des crises sociales importantes (pensons ici aux négociations de 1972 et aux négociations de 1982-1983). Vers la fin de l’affrontement de 1982-1983, le ministre du Travail de l’époque, Raynald Fréchette, annoncera qu’il est « devenu impératif de modifier le processus de négociations collectives entre l’État et ses employés[63] ». C’est ce à quoi le gouvernement, dirigé par René Lévesque, s’occupera durant la période allant de mars 1983 à juin 1985. Il est même possible de découper ces six premières rondes de négociation opposant l’État-employeur et l’État-législateur aux salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic et aux organisations syndicales qui les représentent à travers les deux moments suivants : dans un premier temps, « les salarié.e.s syndiqué.e.s contre l’État » (de la ronde de 1964-1965 à 1975-1976) et, dans un deuxième temps, « l’État contre les salarié.e.s syndiqué.e.s » (dès 1979 et la ronde suivante).

En 1985, le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic sera refaçonné à l’avantage de l’État-employeur. Il est même permis d’affirmer que ce régime de négociation est taillé sur mesure en fonction des intérêts de l’État-employeur. Ce nouveau régime, toujours en vigueur, prévoit que seule la première année du contrat de travail peut faire l’objet d’une négociation, les deux suivantes devant être déterminées dans le cadre d’un règlement fixant les salaires et les échelles salariales. Il limite sérieusement la portée du droit de grève dans le secteur de la santé et des affaires sociales[64] et ouvre une nouvelle ère dans les négociations des conventions collectives des secteurs public et parapublic qui met les organisations syndicales sur une position nettement défensive : une ère que nous qualifions de « négociation factice ».

Depuis qu’il est en vigueur, ce régime de négociation amputé en regard du mode de détermination des salaires ne sera jamais respecté ni par le gouvernement ni par les syndicats. Quoi qu’il en soit, le gouvernement se retrouve maintenant dans une position de force pour imposer les principaux éléments de sa politique salariale qui, depuis 1986, s’articulent autour des principes suivants : respecter les objectifs financiers du gouvernement et amener les syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic à contribuer au redressement des finances publiques. Pas étonnant qu’année après année, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) constate que les salarié.e.s syndiqué.e.s de l’administration québécoise accusent un retard dans leur rémunération globale. En 2020, l’ISQ établissait ce retard à « 9,2 % par rapport à celle des autres salariés québécois travaillant dans les entreprises de 200 employés et plus […][65]. »

Ceci étant dit, tout n’est pas morose en 2022, dans ce nouveau cadre de négociation pour les 550 000 salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic représentés à environ 75 % par des femmes. Nous osons avancer que c’est la lutte autour de l’enjeu de l’équité salariale qui a permis de sauver ces négociations et de les sortir du cadre étroit et restrictif dans lequel le gouvernement voulait et veut toujours les contenir[66]. Mais ça, c’est une autre histoire qui déborde du cadre temporel de notre étude.

Pour un approfondissement analytique du concept de « rapport de force »

Sur la notion de rapport de force

Ce concept a un contenu équivoque. En relations industrielles, il est associé à une logique de « coût » qu’une partie parvient à imposer à l’autre par le biais de divers moyens qui varient selon que l’on est l’acteur syndical (protestation, manifestation, ralentissement de travail, arrêt de travail) ou l’acteur étatique (modification des règles du jeu ou recours à une régulation exceptionnelle ayant pour effet de suspendre la négociation et/ou d’interdire l’exercice de moyens de pression)[67]. En analyse politique, ce concept est lui aussi orienté vers l’imposition à une partie des volontés de l’autre. Mais on tient compte du cadre dans lequel le rapport de force se déploie, soit celui de la compétition politique. Dans ce cadre, les alliances qui se produisent entre partenaires objectifs ne sont pas éternelles. De fait, les alliances en politique sont mouvantes et sujettes à des redéfinitions constantes. La scène politique n’est-elle pas le lieu par excellence où conformément à l’adage français, « les ennemis de mes ennemis sont mes amis[68] » ?

Si, structurellement, les acteurs syndicaux ont intérêt à s’unir dans leurs revendications et dans l’exercice de moyens de pression, à l’occasion, certaines organisations syndicales, au lieu de chercher à réaliser l’unité entre elles, préféreront s’adonner à un jeu d’influence direct avec le pouvoir politique. La dynamique du rapport de force peut donc les exposer à des alliances verticales plutôt qu’horizontales. Il en est ainsi parce que, finalement, ce sont les acteurs eux-mêmes qui décident de la façon dont ils défendront leurs intérêts et établiront leurs stratégies. Le rapport de force n’est donc jamais donné une bonne fois pour toutes, il est constamment l’objet d’un renouvellement.

Autrement dit, si la négociation des rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic est le produit d’un véritable rapport de force, celui-ci prend forme dans un cadre bien précis : le cadre de la vie politique. Plus précisément, il s’agit d’un cadre où s’affrontent des acteurs en compétition soit pour la conquête et l’exercice du pouvoir (les partis politiques), soit pour l’influence du pouvoir (les organisations patronales, les organisations syndicales, les médias et tous les autres groupes de pression).

Sur les moyens à la disposition des parties pour imposer leur point de vue

En ce qui concerne les acteurs qui participent à la dynamique du rapport de force dans les secteurs public et parapublic, il y a lieu d’établir un certain nombre de précisions quant aux moyens dont ils disposent pour imposer leur point de vue à l’autre partie.

En ce qui a trait à l’acteur principal, l’État, celui-ci dispose de moyens très puissants pour amener soit les associations patronales des secteurs public et parapublic, soit les organisations syndicales à se soumettre à ses choix. Du fait qu’il a la prérogative de voter ses budgets annuels et qu’il dispose du monopole de la contrainte légitime, l’État détient par conséquent toute une série de moyens pour amener ses partenaires patronaux à adhérer à ses vues (puisqu’il distribue les enveloppes budgétaires des organismes et des établissements gouvernementaux et qu’il a de plus le pouvoir de les mettre sous tutelle) ou pour contraindre les organisations syndicales à se soumettre à ses volontés (il peut suspendre les droits syndicaux, redéfinir les règles du jeu, imposer des décrets, mettre un terme à l’exercice de moyens de pression en adoptant une loi spéciale, etc.). L’État n’est donc pas dépourvu de tout moyen pour imposer ses volontés. Toutefois, dans la réalisation de ses objectifs, à long terme, l’État doit davantage se ménager des appuis du côté de ses partenaires patronaux plutôt que de ses « exécutants » salarié.e.s syndiqué.e.s. Car ce sont les premiers, en règle générale, qui peuvent permettre à l’État d’atteindre les objectifs qu’il se fixe.

Quant aux salarié.e.s syndiqué.e.s, ils et elles ne disposent que de peu de moyens pour imposer à l’État leurs volontés. Comme le constatait Marx, « la seule puissance sociale que possèdent les ouvriers, c’est leur nombre. La force du nombre est annulée par la désunion[69] ».

À l’occasion, il peut sembler plus facile pour certaines organisations syndicales d’obtenir des gains directs et immédiats en se compromettant avec le pouvoir politique, plutôt qu’en s’astreignant à la très exigeante démarche de la solidarité avec les organisations soeurs.

Du rapport de force au rapport de faiblesse

Ces quelques remarques théoriques ne prétendent pas épuiser le sujet de la dynamique politique sous-jacente à l’évolution du rapport de force lors des négociations des rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec au cours du dernier demi-siècle. Elles constituent toutefois des précisions importantes pour avancer dans la compréhension de ce qui se déroule sous nos yeux lors de ces rendez-vous entre les représentant.e.s du gouvernement et les porte-parole des grandes organisations syndicales, négociations qui se déroulaient jadis sur une base triennale et qui se déroulent aujourd’hui dans un cadre quinquennal.

« Mais maintenant que le rapport de force s’était renversé et qu’il ne pouvait vraiment plus espérer sauver les troupes placées sous ses ordres, il fit preuve de discernement et d’esprit politique en s’inclinant devant les circonstances et en envoyant des émissaires pour engager des pourparlers d’armistice et de paix[70] », comme le dirait avec raison Polybe (IIIe siècle avant J.-C.).

Il y a une chose très importante à retenir de la citation de Polybe : dans la vie sociale et politique, le rapport de force est forcément une relation dynamique qui joue tantôt en faveur d’une partie, tantôt en faveur de l’autre. Donc, à travers le temps, un rapport de force favorable peut se transformer en rapport de faiblesse nettement défavorable.

Tôt ou tard, il faudra bien entreprendre une profonde réflexion critique autour du concept de rapport de force[71] dans le champ des relations du travail[72] dans les secteurs public et parapublic. Il fait certes référence aux éléments quantitatifs, donc chiffrables, qui entrent en jeu ou en conflit, mais il ne faut jamais oublier qu’il renvoie également aux moyens dont disposent les parties pour imposer leur point de vue. Précisons, en terminant, que les rapports politiques sont des rapports inégalitaires, très inégalitaires même.