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INTRODUCTION

Au Québec, 100 ans d’histoire est un anniversaire que toutes les institutions rêvent un jour de souligner. Les Archives nationales[1] du Québec (AN) ont eu cette chance en 2020. C’est notamment grâce aux ressources que les AN ont investies au cours des années, qui ont permis à des milliers de personnes de se réapproprier leurs histoires familiales, à un nombre incalculable de chercheurs et d’étudiants universitaires de poursuivre leurs travaux de recherche et à de nombreux scénaristes et recherchistes de contribuer à faire revivre par la télévision et le cinéma des pans de notre histoire. Cette liste d’utilisateurs ne serait pas complète sans rappeler le rôle essentiel du travail de référence réalisé par les AN auprès des citoyens à la défense de leurs droits.

Depuis les origines de sa profession, l’archiviste accomplit son travail en vue de conserver les archives, mais également en vue de les rendre accessibles. Si en 1920 la clientèle des centres d’archives était essentiellement constituée d’une élite savante, une démocratisation des services a eu lieu au fil des ans. Aujourd’hui, rendre l’expérience du client enrichissante et conviviale est au coeur de nos actions.

Nous souhaitons partager avec les lecteurs de la revue Archives notre regard sur cette évolution des services aux usagers. Nous verrons les moyens et les mesures mis en place au fil du temps pour répondre aux besoins des usagers fréquentant nos salles de consultation ou consultant nos collections via le portail de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). En guise de conclusion, nous signalerons les défis à relever afin de continuer à offrir une prestation de services de qualité en étant notamment à l’affût des nouvelles technologies favorisant un accès plus rapide et efficace à nos collections.

Pour les fins du présent article, nous avons distingué trois grandes périodes qui ont caractérisé la transformation des services offerts aux usagers aux AN, soit : la période 1920-1969 qui se définit principalement par un service orienté vers une élite savante ; la période 1970-2005 durant laquelle une importante clientèle généalogique et d’historiens de familles se développe ; et enfin, la période de 2006 à aujourd’hui, marquée par la présence accrue du citoyen chercheur et l’élargissement du périmètre culturel facilité par les avancées technologiques et l’avènement des médias sociaux.

1. 1920-1969 : Au service d’une élite savante

Au XIXe siècle, les archives sont entreposées dans les palais de justice ou des édifices gouvernementaux difficilement accessibles au grand public. Les locaux des services administratifs ne sont pas adaptés pour accueillir des chercheurs et, à vrai dire, aucun effort n’est fait pour encourager le public à consulter les archives. Comme le mentionne Normand Charbonneau dans un texte publié en 2015, les rapports d’il y a cent ans entre le référencier et ses usagers sont loin de la réalité d’aujourd’hui :

Il n’est pas loin le temps où les salles de consultation étaient des lieux parés d’un certain mystère où le commun des mortels n’était pas nécessairement reçu, pas plus qu’il n’y venait avec enthousiasme. L’usager ne présentant pas une lettre de recommandation ou le parcours académique nécessaire, sans se voir refuser à proprement parler l’accès, ne recevait pas toujours toute la collaboration qu’il aurait été en droit d’espérer. La diversité des outils de recherche, par leur forme, leur contenu et leur organisation, rendait difficile le repérage des archives pour le non-initié. Sans l’érudition de l’archiviste de référence et son étroite connaissance des méthodes de classement, le repérage des archives était improbable.

L’archiviste de référence omniscient ne considérait pas que lui revenait l’obligation de former les chercheurs à la recherche. Ayant été lui-même confronté à cette situation dans le cadre de ses travaux de recherche, il semblait considérer normal que les générations qui lui succédaient subissent les mêmes tourments initiatiques.

La relation entre l’archiviste et l’usager est alors souvent une relation entre « savants ». Il arrive même que l’archiviste de référence trouve plus de satisfaction dans la recherche que dans le contact avec les usagers – surtout auprès des chercheurs dits amateurs – et considère ses interventions auprès de ces derniers comme autant d’occasions l’éloignant de ses propres recherches.

Charbonneau, Daveau, David et Giuliano, 2015, p. 223

Au début du XXe siècle, le gouvernement du Québec prend conscience de l’importance d’organiser la masse imposante d’archives qu’il possède afin de répondre aux demandes des usagers. C’est à l’instigation de l’historien et homme politique Thomas Chapais en 1919 que le gouvernement réfléchit à doter le Québec d’un service gouvernemental dédié à l’organisation de ses archives historiques. En ce sens, le Québec s’inscrit dans un mouvement initié en 1872, alors que le gouvernement fédéral crée les Archives publiques du Canada. Au cours des années qui suivent, plusieurs provinces imiteront Ottawa et se doteront de services d’archives (Lessard, 2020, p. 11).

Les historiens, tels que François-Xavier Garneau, Benjamin Sulte et Laurent-Olivier David, sont parmi les premiers à utiliser à des fins autres qu’administratives le corpus archivistique documentant l’histoire du Québec[2].Ces historiens s’inscrivent dans la mouvance de l’histoire événementielle qui s’intéresse plus spécifiquement à l’histoire politique et à la diplomatie. La façon d’écrire l’histoire évolue au XXe siècle et les archivistes doivent s’adapter à ces nouveaux courants de l’historiographie dans leurs rapports avec leurs usagers. À partir des années 1930, l’École des Annales, avec à sa tête Lucien Febvre et Marc Bloch, élargit le domaine de la recherche historique aux courants s’inscrivant dans la longue durée. L’historien Fernand Braudel décrit en ces mots cette nouvelle école :

Il ne faut étudier l’histoire événementielle, qu’après avoir fixé ces grands courants sous-jacents, souvent silencieux, et dont le sens ne se révèle que si l’on embrasse de longues périodes de temps. Les événements retentissants ne sont souvent que des instants, que des manifestations de ces larges destins et ne s’expliquent que par eux.

Braudel, 1969, éd. 1985, p. 13

1.1. La création des Archives nationales

Le 2 septembre 1920, par un arrêté en conseil, le gouvernement nomme Pierre-Georges Roy au poste d’archiviste au Bureau des archives et crée ainsi le premier service gouvernemental chargé exclusivement de la gestion des archives de l’État.

Dès son entrée en poste, Pierre-Georges Roy s’attelle à organiser les archives, majoritairement constituées à l’époque de documents administratifs et juridiques couvrant la période de la Nouvelle-France à la Confédération. Soucieux de faire connaître l’histoire du Québec, il en assure la diffusion auprès de la clientèle composée principalement de notaires, d’avocats, de prêtres férus d’histoire et d’historiens de métier tels que Victor Morin, Lionel Groulx, Robert Rumilly et plusieurs autres.

Dans le but de promouvoir le riche potentiel des archives, Pierre-Georges Roy publie au cours de sa longue carrière plus de trois cents ouvrages historiques et généalogiques et articles de périodiques (Lapointe, 1988, p. 7) dont le plus connu est sans nul doute le Rapport de l’Archiviste de la province de Québec publié annuellement de 1921 à 1964. Cet instrument de recherche demeure pertinent de nos jours pour les historiens qui s’intéressent à l’histoire du Québec, depuis la Nouvelle-France jusqu’au milieu du XIXe siècle.

Par ses nombreuses publications largement diffusées, Pierre-Georges Roy contribue à la démocratisation des archives et est considéré comme le premier à ouvrir la voie à la profession d’archiviste de référence au Québec : « il était conscient que son métier d’archiviste l’amenait à se faire le portier des historiens de demain » (Simard, 1996, p. 140).

1.2. La Révolution tranquille des années 1960

La Révolution tranquille a d’importantes répercussions sur le travail des archivistes des AN auprès des usagers. En effet, l’accès aux études supérieures n’est plus limité à une élite. Outre l’histoire, de nouvelles disciplines universitaires voient le jour comme la sociologie, l’économie sociale, l’ethnologie, la démographie et les sciences politiques.

Les années 1960 se caractérisent par l’émergence de courants historiographiques interprétant l’histoire sous de nouveaux angles (histoire sociale, histoire des mentalités, histoire des idéologies, etc.). Cette vision inédite de l’histoire favorise l’émergence d’une nouvelle génération d’historiens qui revisitent et réinterprètent les travaux de leurs prédécesseurs. C’est ainsi que les Michel Brunet, Guy Frégault, Maurice Séguin, Marcel Trudel, Fernand Ouellet et Louise Dechêne se réapproprient les grandes séries documentaires, comme les archives notariales et judiciaires, ou encore l’état civil, et contribuent à un renouveau de la discipline historique.

De plus, cette période se caractérise par un intérêt accru de la population pour l’histoire régionale et locale et pour les moeurs et coutumes d’autrefois. Cet engouement pour l’histoire est accompagné par la volonté des AN de se doter d’un cadre de classement des fonds et des collections. La mise en place d’un plan de classification aura notamment pour avantage de faciliter le repérage des documents conservés aux AN.

2. 1970-2005 : Le développement d’une clientèle généalogique et d’historiens de familles

En 1970, les AN se voient confier la garde de tous les documents des ministères et organismes du gouvernement québécois qui ne servent plus à l’administration courante. Cinq ans plus tard, soit en 1975, une entente entre le ministère de la Justice et le ministère des Affaires culturelles prévoit le dépôt des archives civiles et judiciaires datant de plus de cent ans aux AN.

Entre-temps, en 1971, le gouvernement confie « aux Archives nationales du Québec le soin de mettre sur pied un réseau de centres régionaux d’archives, afin d’offrir ce service de l’État à tous les citoyens de chacune des régions du Québec, sans distinction » (Beaudin, 1978, p. 5). Ainsi, sept nouveaux centres d’archives voient le jour : Trois-Rivières (1977), Gatineau (1977), Chicoutimi (1978), Rimouski (1979), Sherbrooke (1979), Rouyn-Noranda (1980) et Sept-Îles (1981). Dorénavant, ces centres préservent les archives à proximité du lieu où elles ont été créées, favorisant ainsi leur accès par la population régionale.

L’archiviste de référence des années 1970 à 2000 est non seulement archiviste, mais aussi historien et parfois même chercheur. C’est un guide qui aide le chercheur à se retrouver dans une masse d’archives. Il l’accompagne notamment pour lui expliquer le contexte sociopolitique et culturel dans lequel les documents ont été créés. Le chercheur doit recourir à ses services s’il souhaite obtenir des renseignements sur certains fonds ou découvrir de nouvelles pistes de recherche. Afin de rendre le chercheur plus autonome, les AN produisent un guide à leur intention et offrent des formations sur les grandes séries archivistiques conservées. En résumé, l’archiviste de référence est un historien généraliste qui doit connaître le corpus documentaire conservé par le centre d’archives pour lequel il travaille, mais également ceux des autres centres d’archives qui composent le réseau des AN, ainsi que les ressources disponibles dans d’autres institutions, sociétés d’histoire et universités, entre autres. Le développement de bases de données accessibles en ligne, comme le site Web du Réseau de diffusion des archives du Québec (RDAQ) en 1996, et l’apport de l’informatique vont se révéler des alliés indispensables au travail de l’archiviste de référence.

2.1. L’intérêt accru pour les nouvelles archives

Jusqu’aux années 1980, les AN, comme la plupart des services d’archives au Québec et à l’étranger, ont consacré principalement leur énergie au traitement et à la diffusion des archives textuelles, qui constituaient de loin le type de documents qui se trouvaient en plus grande quantité dans ces institutions.

L’acquisition et le versement de documents sur de nouveaux supports documentaires ouvrent de nouvelles perspectives de diffusion. Ces archives sonores, photographiques, filmiques et cartographiques viennent désormais compléter les archives manuscrites. À ce sujet, mentionnons l’acquisition de la production iconographique et audiovisuelle de l’Office du film du Québec, dont le corpus documente par l’image tous les aspects de la vie des Québécois de 1922 à 1976. Ce fonds d’archives exceptionnel est constitué d’environ 158 600 photographies et de 2 224 films.

Les archives non textuelles constituent des ensembles documentaires grandement appréciés par une diversité de chercheurs et le grand public. Par leur capacité évocatrice, celles-ci peuvent être utilisées à plusieurs fins (publicités, commémorations, objets promotionnels, etc.) et diffusées de multiples manières (journaux, revues, livres, médias sociaux, etc.). Les possibilités d’utilisation sont vastes et plusieurs sources documentaires restent à explorer et à exploiter. La popularité grandissante de tous les YouTube, Instagram et Snapchat inondant le Web de millions d’images donne toute la mesure à l’expression « Le poids des mots, le choc des photos » popularisée par le célèbre magazine français Paris Match.

Ainsi, certains archivistes en viennent à se spécialiser soit dans les archives textuelles, cartographiques, photographiques ou encore filmiques. D’abord, les soins liés à la conservation des différents supports requièrent un savoir-faire. Par exemple, en photographie, les ferrotypes, les négatifs sur verre ou les pellicules en nitrate exigent des attentions différentes. À ce savoir technique s’ajoute la connaissance même des sujets que ces supports représentent. Par exemple, toujours en photographie, nous retrouvons le portrait, le paysage, les scènes de vie, le photojournalisme, la photographie aérienne, etc. Ces deux aspects, soient la gestion du support et la gestion du contenu, démontrent la nécessité, pour le personnel, de se perfectionner. À terme, cette spécialisation sert à répondre aux demandes de plus en plus pointues des usagers.

Avec l’entrée en vigueur de la Politique d’acquisition d’archives privées des Archives nationales du Québec en 1991, le corpus archivistique se diversifie encore davantage. Les AN multiplient les acquisitions de fonds de parlementaires, de photographes, d’architectes, d’entreprises ou d’associations. L’archiviste de référence doit de plus en plus diversifier son savoir, mais de surcroît respecter les clauses contractuelles concernant l’accès à certains documents ou leur reproduction.

Dans un but de conservation et de diffusion de cette étonnante masse documentaire[3], les AN entreprennent deux grands chantiers : le microfilmage et l’élaboration du système informatisé SAPHIR.

2.2. La création d’outils de recherche informatisés

En 1978, les AN innovent en implantant SAPHIR, leur premier système informatique, permettant d’inventorier et de gérer les archives qu’elles conservent. Cet inventaire, transféré sur microfiches et diffusé dans les centres d’archives des AN, est un « outil d’avant-garde » (Garon, 1984, p. 2) et constitue un important progrès pour la diffusion du corpus archivistique conservé par les AN. Cependant, ce système créé par des archivistes pour des archivistes est difficilement compréhensible pour la majorité des chercheurs n’ayant aucune notion archivistique. L’archiviste de référence les conseille et leur explique comment utiliser cet outil.

En soi, SAPHIR constitue une réalisation majeure dans le monde des archives québécoises. Construit selon le principe du respect de la conservation régionale et même locale du patrimoine documentaire historique et sur celui de sa description progressive, ce système est en constante évolution.

Roberge, 1985, p. 30

Il est nécessaire de rappeler que les efforts de microfilmage consentis par les AN ont été d’une grande utilité dans le développement des nombreuses bases de données qui seront produites dans les années 1980 et par la suite. Les AN et leur partenaire FamilySearch travaillent activement depuis près de 35 ans au microfilmage, dans un premier temps, et à la numérisation par la suite, des archives de l’état civil et de notaires du Québec. Grâce à ce fructueux partenariat, le public a accès actuellement, via le portail de BAnQ, à plus de dix millions de pages provenant de 1 617 greffes de notaires, depuis le Régime français jusqu’en 1937. Aujourd’hui, les archives notariales, avec les registres de l’état civil, constituent les sources documentaires les plus consultées par une clientèle diversifiée qui se renouvelle constamment. Autant les généalogistes, les journalistes, les recherchistes, les historiens et les avocats que les notaires se réfèrent à ces documents pour retracer des histoires familiales, publier des textes scientifiques ou encore défendre les droits des citoyens.

Le développement de bases de données révolutionne la recherche historique au Québec. La première innovation du genre est lancée par le Programme de recherche en démographie historique (PRDH). Amorcé en 1966 par l’Université de Montréal, ce projet est à l’origine d’une formidable base de données généalogiques sur le Québec et le Canada français de 1621 à 1848. Ces données, d’abord accessibles sous forme de volumes, deviennent disponibles sur cédérom vers la fin des années 1990 et sont dorénavant offertes sur le Web (Programme de recherche en démographie historique, 2018).

Dans les années 1990, des groupes de recherche universitaires mettent sur pied d’autres initiatives similaires. Ceux-ci dépouillent une grande quantité d’archives civiles, notariales, gouvernementales ou judiciaires. À titre d’exemple, mentionnons le projet Adhémar réalisé par le Groupe de recherche sur Montréal (s.d.) du Centre canadien d’architecture, qui constitue une base de données sur le patrimoine bâti et la population de Montréal durant la période 1642-1805. Un autre fructueux projet né en 1986 d’une collaboration de la Société de recherche historique Archiv-Histo avec la Chambre des notaires du Québec et les AN a permis la réalisation de la banque de données notariales Parchemin. Cette banque de références d’actes notariés du Québec ancien couvre la période de 1626 à 1801 et est disponible sous forme de cédérom depuis 1993 et aujourd’hui sur le Web (Société de recherche historique Archiv-Histo, 2015).

Les AN lancent dans les années 1990 un immense chantier informatique qui sera déployé en 1994 sous le nom de Pistard[4]. Cette nouvelle base de données permet de décrire l’ensemble des fonds d’archives conservés dans les centres d’archives des AN de manière normalisée, à l’aide des Règles pour la description des documents d’archives (RDDA). Créée avant le Web, Pistard, comme d’autres bases de données parallèles, peut être consultée sur le site des AN à partir de la fin des années 1990. Malgré cette importante avancée et le développement de nouvelles fonctionnalités entre 2003 et 2007, Pistard souffre d’un sous-financement chronique et ne peut suivre les avancées technologiques qui révolutionnent le milieu de la recherche. Plusieurs usagers déplorent que Pistard réponde peu à leurs besoins de recherche et qu’il ait été conçu par des archivistes pour répondre principalement à des besoins archivistiques. À cet égard, l’historien Donald Fyson fait en 2003 le constat suivant :

Pistard Web a tout pour décourager l’utilisateur. D’abord, il y a la lenteur de la banque, qui semble hébergée sur un serveur Oracle commercial plutôt que sur un serveur dédié : quand le système n’est pas entièrement inaccessible, ce qui est souvent le cas, les recherches peuvent prendre plusieurs minutes avant d’aboutir.

Il conclut son compte rendu en ces termes :

Le site actuel des ANQ a relativement peu de contenu et certaines de ses composantes ne desservent pas bien le chercheur ; malheureusement, le site ne valorise que très peu la richesse des collections des ANQ et l’excellence de son travail archivistique.

Fyson, 2003, p. 577-578

Jusqu’en 2020, alors que la nouvelle base de données Advitam est mise en ligne, Pistard demeure un outil incontournable quoique imparfait pour accéder aux ressources archivistiques des AN. Les employés à la référence sollicités par une clientèle de plus en plus exigeante compensent les faiblesses d’un système informatique inadapté aux besoins de la recherche.

3. 2006-2020 : le citoyen chercheur et l’élargissement du périmètre culturel

Au tournant du XXIe siècle, au-delà de la consultation en salle, les AN souhaitent faire connaître leurs richesses documentaires en développant différentes formes de mise en valeur. Le personnel de référence des AN est plus que jamais un médiateur entre les archives et les chercheurs, qui utilise toutes les capacités que lui offrent le Web et les innovations technologiques. Avec des partenaires, il participe à des activités de diffusion, tantôt ludiques, tantôt éducatives.

3.1. 2006 : la création de BAnQ

En 2006, la création de BAnQ regroupe les Archives nationales, la Bibliothèque nationale et la Grande Bibliothèque. Cette fusion élargit le périmètre culturel traditionnel des AN et constitue une opportunité de rayonnement incroyable. Avec des valeurs institutionnelles accrocheuses telles que la démocratisation du savoir, l’enrichissement collectif, l’innovation et l’expertise, BAnQ devient une institution culturelle majeure au Québec et les AN profitent de cette locomotive.

Ainsi, des services qui relèvent de la bibliothéconomie et qui étaient offerts exclusivement à Montréal par la Bibliothèque nationale et la Grande Bibliothèque sont déployés vers les pôles de BAnQ en région, ce qui entraîne une affluence de nouvelles clientèles. Désormais, les centres d’archives offrent des services de base en bibliothéconomie en procédant à l’inscription des abonnés, en réceptionnant les documents remis par les auteurs et les éditeurs régionaux dans le cadre du dépôt légal, ou encore en recevant et en retournant les livres empruntés à la Grande Bibliothèque. Les centres d’archives deviennent des facilitateurs de services entre les différentes unités de BAnQ et les citoyens.

Enfin, parmi les clientèles qui fréquentent les centres d’archives, l’une d’elles utilise de plus en plus nos services. Cette clientèle est constituée de personnes qui revendiquent leurs droits ou de leurs représentants légaux à la recherche de documents officiels pour étayer leurs causes devant un tribunal judiciaire ou administratif. À cet égard, mentionnons le Programme national de réconciliation avec les orphelins et orphelines de Duplessis qui a permis d’octroyer des compensations financières aux personnes orphelines qui, entre 1935 et 1964, ont été envoyées dans des hôpitaux psychiatriques ou d’autres établissements alors que leur internement n’était vraisemblablement pas justifié. L’accompagnement d’ex-orphelins dans leurs recherches au sein des archives judiciaires détenues par les AN a facilité l’analyse de plus de six cents dossiers et permis à de nombreuses personnes de faire reconnaître leurs droits (Charbonneau, 2012).

La consultation de ces corpus documentaires plus récents soulève la question cruciale de l’accès et exige de la part de l’archiviste de référence une connaissance des lois en vigueur dans le domaine. Les demandes de consultation sont parfois accompagnées d’analyses complexes qui déterminent le droit à l’information des individus et le niveau de la protection des renseignements personnels contenus dans les documents. Des 84 demandes d’accès à l’information reçues en 2019-2020 par BAnQ (2020, p. 52), quinze visaient les fonds et collections des AN, sans compter celles traitées en amont par les archivistes et qui n’ont pas fait l’objet d’une demande formelle en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

La fusion a permis un rayonnement sans pareil. À titre d’exemple, pour l’année 1997-1998, le réseau des AN a compté 30 837 usagers ayant fréquenté ses centres d’archives, alors qu’en 2006-2007, ceux-ci ont accueilli 53 617 usagers (Institut de la statistique du Québec, 2020).

Assurément, la création de BAnQ est un gain pour les populations régionales. Prenons à témoin l’ouverture de BAnQ Gaspé en 2010 qui a permis le rapatriement des archives gouvernementales gaspésiennes jusque-là conservées par les AN à Rimouski. La conjoncture favorable a permis la réalisation de ce projet, que le milieu archivistique réclamait depuis 1988.

3.2. Les années 2010 : à la rencontre de l’autre

Le début de la décennie 2010 est marqué par des compressions budgétaires gouvernementales affectant notamment les ressources humaines. Cette situation nécessite des ajustements, notamment au point de vue des heures d’ouverture qui doivent être diminuées dans les centres d’archives de Montréal et de Québec. Cette réalité occasionne une diminution significative de l’achalandage. À titre d’exemple, signalons que pour l’exercice 2011-2012, les centres d’archives des AN ont accueilli 40 098 chercheurs alors que durant les années qui suivent, les centres d’archives reçoivent une moyenne de 33 887 usagers, avec un creux significatif en 2013-2014 de 32 470 usagers.

Afin de contrer cette tendance à la baisse de la fréquentation des salles de recherche, l’institution se positionne en misant sur le concept « BAnQ comme troisième lieu ». Les AN multiplient les initiatives pour offrir un milieu de vie plus propice à la recherche, à la détente et à la socialisation. La sérénité des lieux, des relations humaines respectueuses et de proximité ainsi qu’un environnement technologique adéquat sont des éléments importants qui contribuent à la rétention du chercheur. Ainsi, il n’est pas rare de voir des clients qui ne viennent pas pour consulter les archives ni même des bases de données. Par exemple, le professeur qui profite de nos locaux pour faire de la correction de textes ; un autre usager pour faire le suivi de ses correspondances ; un étudiant pour faire ses devoirs, etc. L’effet du concept du troisième lieu est encore ressenti aujourd’hui dans les centres d’archives.

3.3. De nouvelles manières d’atteindre la clientèle

Au cours de la même période, BAnQ se donne comme objectif de faire connaître au grand public et à une clientèle élargie les archives qu’elle conserve et les services qu’elle offre. Afin de répondre à cette exigence, les AN diversifient leurs activités de diffusion et développent de nouvelles pratiques de mise en valeur. On s’assure d’une visibilité accrue lors d’événements culturels en offrant des conférences et des ateliers de toutes sortes, notamment lors des Journées de la culture, de la Semaine nationale de la généalogie, de la Journée internationale des archives, des salons du livre, de la FADOQ et des familles souches, ainsi que lors des congrès de sciences sociales et des Fêtes de la Nouvelle-France. À titre d’exemple, l’activité Journée portes ouvertes organisée en 2013 durant la Semaine nationale de la généalogie figure parmi les expériences les plus fructueuses de la décennie. À cette époque, les AN se sont fait connaître au petit écran comme collaborateurs de la populaire série documentaire Qui êtes-vous ?[5] En cette seule journée, sept cents personnes se sont présentées dans l’un ou l’autre des centres d’archives du réseau des AN. Des centres d’archives régionaux ont aussi organisé des visites dans des classes des niveaux primaire et secondaire et dans des résidences pour personnes âgées ainsi que des conférences dans les bibliothèques municipales ou pour des sociétés de généalogie.

D’heureuses initiatives dans toutes les régions ont aussi vu le jour grâce à des partenariats féconds avec des collaborateurs d’horizons variés : milieu de l’éducation, universités, médias, etc. À titre d’exemple, la collaboration avec le milieu universitaire est un formidable point d’entrée pour réaliser des projets fédérateurs et de grande envergure qui génèrent une affluence d’étudiants dans les centres d’archives. Signalons la collaboration de BAnQ au projet Nouvelle-France numérique, en collaboration avec l’Université du Québec à Rimouski. À terme, ce projet qui utilise une technologie née de l’intelligence artificielle favorisera l’accès au contenu de nombreux documents du Régime français grâce à leur transcription automatisée.

Ces activités de diffusion, qu’elles soient menées uniformément dans le réseau ou dans un centre spécifique, offrent certainement une grande visibilité aux AN et contribuent à leur notoriété. Les projets en partenariat bénéficient en plus de l’effet multiplicateur des réseaux des organismes participants. En ce qui concerne la fréquentation des centres d’archives, l’effet de ce rayonnement est cependant difficilement mesurable. Si certains visiteurs, auditeurs ou lecteurs d’un jour peuvent devenir de nouveaux usagers des AN, ils ne font pas nécessairement un retour dans nos salles de consultation en personne. Il y a de fortes chances que l’intérêt du grand public se manifeste autrement, comme en prenant l’habitude de consulter le portail de BAnQ et les ressources archivistiques disponibles dans BAnQ numérique.

Toutes ces activités réalisées par les AN permettent de faire le constat suivant : les équipes régionales des AN connaissent bien leur réseau, leurs partenaires et les intérêts des résidents de leurs régions.

3.4. BAnQ numérique

Grâce à un plan annuel de numérisation amorcé dès la création de BAnQ, en 2006, et à un important financement par le Plan culturel numérique du Québec à partir de 2014, l’institution met en ligne une quantité importante de documents. Ainsi, des partenariats avec FamilySearch et Ancestry ont permis la numérisation d’archives de notaires. D’autres projets, dont la numérisation des journaux de bord de Placide Vigneau, gardien de phare dans le golfe du Saint-Laurent, et de fonds photographiques tels que ceux de Conrad Poirier et de La Presse permettent aux usagers de consulter des documents sans avoir à se déplacer.

Dans sa quête d’accès au savoir et d’autonomie du chercheur, BAnQ lance, en octobre 2015, la plateforme BAnQ numérique qui rassemble toute l’offre numérique, dont les archives numérisées. BAnQ numérique devient ainsi la onzième salle de consultation, complétant l’offre de services des dix centres d’archives régionaux des AN. Cette vitrine, sans contrainte d’heures d’ouverture et de distance, accueille en moyenne 9 879 sessions par jour[6]. En temps de confinement dû à la pandémie de coronavirus, BAnQ numérique a connu jusqu’à 45 % d’augmentation de visites ! Comme quoi la numérisation et la mise en ligne de documents répondent à un besoin de la population.

Au printemps 2019, BAnQ annonce la libre utilisation des oeuvres du domaine public tirées de ses fonds et collections : deux cent mille documents patrimoniaux numérisés sont ainsi identifiés. Dans la foulée de cette annonce, et :

… pour informer les utilisateurs sur l’état des droits des documents numériques, BAnQ fait appel à deux outils spécialisés : les mentions de droits du site RightsStatements.org et les licences Creative Commons. Ces mentions et licences permettent aux utilisateurs de voir en un coup d’oeil quelles sont les conditions de réutilisation des documents et quels sont les usages permis. Au terme d’un long chantier en cours, chaque document des collections patrimoniales diffusé dans BAnQ numérique, libre de droits ou non, sera accompagné des mentions nécessaires.

BAnQ, 2019

Les professionnels du milieu de la documentation savent que le patrimoine numérisé accessible en ligne n’est qu’une infime partie des ressources documentaires disponibles alors que de nombreux chercheurs l’ignorent. Avec des millions de documents qui s’ajoutent annuellement aux fonds d’archives, il serait utopique de penser numériser et rendre accessibles ces millions de pages ou de données numériques sur le Web. L’acquisition d’archives nées numériques facilitera éventuellement la consultation à distance par les chercheurs.

Avec une présence sur le Web nettement plus marquée que durant les années 2000, le profil de la clientèle en salle de consultation connaît d’importants changements. Entre 2014 et 2019, on note une baisse de 20 % de la clientèle généalogique, qui peut trouver dorénavant quantité d’informations sur le Web.

3.5. Pistard devient Advitam

Au cours de l’année 2020, BAnQ a mis en ligne Advitam[7], sa nouvelle interface de recherche et de diffusion, qui a remplacé Pistard. Contrairement à Pistard, Advitam a été pensée et créée pour une utilisation sur le Web : fluidité de la navigation ; performance du moteur de recherche grâce à la recherche avancée et aux filtres ; convivialité de l’expérience de recherche plus simple et accessible. L’affichage sur une même page des résultats des unités de description archivistique et des descriptions de contenants est un exemple d’une amélioration simple, mais qui permet à l’usager d’utiliser l’interface de façon plus intuitive.

3.6. Le rôle de notre clientèle

Nos usagers sont à l’origine de nombreux projets dans lesquels les AN s’investissent, qu’il s’agisse d’un projet de réinsertion sociale, d’un projet de partage avec des communautés culturelles ou d’un projet éducatif. Souvent, les bonnes idées proviennent du milieu qui les a vues naître et le rôle de BAnQ consiste à fédérer les ressources et à en assurer une certaine pérennité.

En ce sens, nos clientèles jouent un rôle capital, car elles garantissent un retour de balancier extraordinaire : elles alimentent notre rôle de gardien du savoir et notre désir de le partager. Prenons à témoin des projets Wikipédia telles la description et la géolocalisation des photographies de Conrad Poirier ou la transcription des journaux personnels de Placide Vigneau. Ces chantiers collaboratifs abolissent les frontières géographiques et laissent une place importante à des contributeurs d’ici et d’ailleurs.

Le succès de ces collaborations nous conforte dans notre volonté de considérer chacun de nos usagers comme un partenaire potentiel.

3.7. La référence au temps de la pandémie

La période de confinement vécue à compter de la mi-mars 2020 au Québec a représenté un défi de taille en matière de référence pour les AN. Le réseau des dix centres d’archives a été, comme la grande majorité des lieux publics, fermé aux chercheurs. Rapidement, l’importance pour les usagers, que sont notamment les chercheurs universitaires, les journalistes, les généalogistes et les citoyens amateurs de l’histoire du Québec ou qui souhaitent défendre un droit, d’avoir accès à l’information s’est manifestée.

La communication avec nos usagers et la création et mise en valeur d’activités et de ressources numériques ont été au coeur de nos actions durant cette période. Les efforts de communication se sont incarnés plus spécifiquement par la création d’une nouvelle page sur le portail annonçant nos différents services et orientant l’usager vers le bon canal selon la nature de sa demande. Étant donné qu’il était maintenant impossible d’inviter un usager en salle de consultation et de lui fournir tout le soutien dont il avait besoin, les équipes ont mis en place un service à distance d’aide à la recherche. Ce service propose un soutien complet d’accompagnement des chercheurs sous la forme d’une entrevue de recherche menée sous différentes formes, soit virtuelle, téléphonique ou par courriel. Cette entrevue est l’occasion de spécifier les besoins de l’usager et de le guider à travers nos fonds et collections. Elle est menée à l’aide d’un formulaire qui permet d’outiller les employés et d’offrir un service uniforme à travers le réseau des AN. Déjà pratiquée dans les centres d’archives de manière informelle, cette approche a été officialisée et structurée durant cette période. L’expérience vécue durant le confinement a confirmé la valeur ajoutée pour le chercheur de ce service personnalisé. Très appréciée de l’usager, elle place ses besoins au centre du processus de consultation en lui offrant un moment privilégié lui permettant de présenter sa recherche et de définir ceux-ci avec les spécialistes de la référence.

Très apprécié également du personnel, l’entrevue de recherche met en valeur l’expertise des spécialistes de la référence, leur habileté de recherche et leur grande connaissance des archives et autres documents patrimoniaux conservés à BAnQ. Cette approche est l’occasion d’approfondir la demande initiale, lorsque propice, et de faire des liens entre les fonds et collections conservés par BAnQ et ainsi mieux guider l’usager. Elle permet aussi de déterminer quels sont les documents utiles au chercheur et même de l’orienter vers des copies numériques, lorsque disponibles.

La popularité de cette nouvelle approche s’est confirmée lors de la réouverture des salles de consultation. L’accès sur rendez-vous a été privilégié passant nécessairement par une entrevue de recherche. L’un des avantages est d’avoir discuté avec l’usager et déterminé avec lui ce dont il a besoin. La consultation peut ainsi être préparée et, dans certains cas, bonifiée avec d’autres documents d’intérêt pour la recherche.

Cette période bien particulière a été l’occasion de saisir l’opportunité de se rapprocher de l’usager en favorisant le contact direct avec les spécialistes de la référence et de réaffirmer l’importance de leur rôle de médiation.

CONCLUSION

Grâce à ce coup d’oeil dans le rétroviseur, nous retenons qu’au coeur de cette constante évolution du service à la clientèle, peu nous importe que le client nous interpelle en présentiel ou de manière virtuelle. Le personnel des AN peut répondre à une variété de besoins qu’il soit en personne, au bout du fil ou devant un clavier.

Le personnel des AN est constitué à la fois de généralistes et de spécialistes. Sa prestation de service est toutefois facilitée par la collaboration avec les autres unités de BAnQ. En effet, l’accès à des collègues de diverses disciplines est l’une des forces nées de la fusion de BAnQ en 2006. Pensons aux collègues de la numérisation et à ceux de la préservation, qui partagent avec nous leur savoir et leurs compétences.

Les expériences passées, comme les plus récentes, démontrent que le personnel des AN offre une contribution essentielle aux usagers. En effet, la technologie procure des outils de recherche et de travail, mais elle n’apporte pas la contextualisation nécessaire à la recherche ni ne transmet tout le savoir cumulé d’un archiviste ou l’expérience terrain d’un technicien. Par conséquent, nous croyons qu’il est toujours pertinent d’entrer en contact avec ces derniers avant d’entreprendre une recherche. D’ailleurs, n’avez-vous pas remarqué que, dans tout bon film ou roman policier, il y a un passage obligé dans les archives afin de dénouer une intrigue ? Le préposé aux archives y est souvent représenté mal fagoté et travaillant dans un sous-sol lugubre. Pourtant, c’est lui qui, grâce à une mise en contexte des documents, donne un second souffle à l’aventure ! La fiction rejoint ici la réalité et illustre bien le rôle que les archivistes jouent dans la vraie vie.

Le rôle de diffusion des AN dans le futur passe inévitablement par une adaptation et une diversification de ses actions et doit tenir compte du nouvel environnement informationnel. À ce sujet, Maureen Clapperton et Hélène Laverdure, respectivement directrice générale de la Bibliothèque nationale et conservatrice des Archives à BAnQ, ont écrit dans la revue Archives et bibliothèque de Belgique :

L’avènement du Web 2.0 a bouleversé les façons de partager l’information et conséquemment les relations avec le public. Alors qu’elles commencent à s’inscrire de manière plus structurée dans le monde du Web 2.0, les institutions documentaires doivent déjà explorer le potentiel du Web 3.0 (Web sémantique) qui permet non seulement d’échanger de l’information, mais aussi de créer de nouvelles connaissances à partir de données déjà accessibles en ligne. Inéluctablement, dans un avenir rapproché, l’usager ne sera plus un simple utilisateur de l’information, mais il aura la possibilité de faire partie intégrante du processus de création. Il pourrait par exemple insérer des informations supplémentaires dans un document numérique existant, en créant un nouveau du même coup. Ainsi, l’on voit surgir une nouvelle intelligence collective que Pierre Lévy, réputé philosophe et sociologue, définit comme la capacité humaine, riche et précieuse, de coopérer sur le plan intellectuel pour créer, innover et inventer. Toujours selon cet auteur, la coopération engendre un nouveau rapport au savoir, une transformation profonde de la notion même de culture, voire une nouvelle cyberculture. Dorénavant, le rôle des institutions documentaires ne doit plus se limiter à offrir l’accès à la connaissance, mais elles doivent encourager et soutenir la participation active des citoyens au développement de ce savoir de plus en plus universel et à la prospérité de la société.

Chagnon, Clapperton et Laverdure, 2017, p. 33

En somme, le rôle des institutions documentaires telles que les Archives nationales ne se limite plus à offrir l’accès à la connaissance comme elles le font depuis toujours. Elles ont dorénavant le rôle d’amener le citoyen à réfléchir, à forger son jugement et, plus globalement, à contribuer au développement et à la prospérité de la société.