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La libéralisation du commerce avec les États-Unis est l’un des enjeux récurrents de l’histoire de la politique canadienne. Que ce soit sous le nom de réciprocité, d’union commerciale, d’union douanière limitée ou de libre-échange sectoriel, cette question hante les Canadiens depuis le Traité de réciprocité de 1854 et son abrogation en 1866, à l’Accord nord-américain de libre-échange (ALÉNA) en 1993, en passant de l’Accord de réciprocité qui a contribué à la défaite électorale de Wilfrid Laurier en 1911 et le Pacte de l’auto de 1965[1]. Dans cet article, nous traçons l’évolution des accords commerciaux entre les deux pays nord-américains, en mettant un accent particulier sur le moment fort de cette relation, soit l’Accord de libre-échange de 1989 (ALÉ). En corollaire, nous comparons sommairement le contexte de la négociation de cet Accord avec celui de l’ACÉUM[2].

I. L’enjeu économique : la libéralisation du commerce

Tout débat relatif à l’intégration économique nord-américaine est lié à la pénétration des investissements américains au Canada. Adoptée sous le gouvernement de John A. Macdonald en 1879, la Politique nationale poursuivait l’objectif de l’instauration d’une base industrielle indépendante et d’un marché national. Fondée sur des tarifs douaniers élevés, cette politique a paradoxalement des effets pervers, en stimulant l’investissement massif des firmes américaines au Canada. Pour réduire l’effet des restrictions commerciales, les compagnies américaines implantent un nombre important d’usines, afin de desservir le marché des consommateurs canadiens. S’inscrivant dans une continentalisation de l’économie, cette stratégie américaine se poursuit au XXe siècle, le processus d’industrialisation s’accélérant avec l’établissement de filiales entre autres dans les domaines de l’automobile, des appareils électriques, des produits chimiques et des métaux. Ainsi, lors de la mise en oeuvre de l’ALE en 1990, 64 % des investissements directs étrangers au Canada proviennent des États-Unis[3].

La grande domination américaine en matière économique inquiète les nationalistes canadiens, notamment autour de la question des investissements[4]. Avec l’adoption en 1930 du tarif Smoot-Hawley par le Congrès, tarif haussant les droits relatifs aux importations américaines, le Dominion du Canada impose un régime draconien de tarifs douaniers. Après la Seconde Guerre mondiale, le débat prend une autre tournure. L’État canadien redéfinit son projet national, en revisitant ses relations avec son voisin américain, devenu une superpuissance mondiale. Les nationalistes canadiens nourrissent des craintes relatives à la dépendance économique, politique et culturelle du Canada envers les États-Unis : la Commission royale d’enquête sur les perspectives économiques du Canada, dite Commission Gordon, traduit ces inquiétudes en 1957[5]. À l’instar de George Grant et son fameux Lament for a Nation en 1965, les milieux politiques et intellectuels canadiens se mobilisent devant la menace[6].

Le thème des investissements américains devient prépondérant dans l’actualité à partir de la fin des années 1960, notamment avec la décision en 1970 de laisser flotter le dollar canadien par rapport au dollar américain. Le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau instaure en 1972 la politique de la « Troisième Option »[7]. Énoncées par le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Mitchell Sharp, trois options s’offriraient au Canada en matière de relations économiques avec les États-Unis. La première maintiendrait le statu quo entre les deux pays, solution peu envisageable, vu le nationalisme économique promu par les libéraux fédéraux de cette période et le ralentissement économique américain au moment de la Guerre du Viêt Nam. La « Deuxième option » favoriserait des relations économiques plus étroites encore, afin de créer une économie continentale mieux intégrée. Elle ne recueille pas l’appui des responsables politiques canadiens, farouchement nationalistes. Reste alors la « Troisième option » : la réduction de la dépendance économique canadienne, grâce à la diversification des échanges commerciaux avec d’autres partenaires économiques. Poursuivant cet objectif, le gouvernement Trudeau propose des initiatives diplomatiques, dont la plus publicisée est l’instauration d’un « lien contractuel » avec la Communauté économique européenne. Ottawa veut aussi diminuer la dépendance canadienne avec le Programme national de l’énergie (PNE) et l’Agence d’examen de l’investissement étranger (Foreign Investment Review Agency ou FIRA)[8].

Dès le début de la décennie 1980, la volonté de diversification des échanges économiques canadiens rencontre des obstacles. D’une part, les industries canadiennes nationalisées lors des années 1970 s’adaptent difficilement aux contraintes d’un marché international se transformant sous les effets de la déréglementation issue des premières politiques néolibérales. D’autre part, la dépendance économique canadienne s’accentue au cours de la même période. Ainsi, les trois-quarts des exportations canadiennes se destinent en 1984 au marché américain[9]. Cette situation place les Canadiens en position de vulnérabilité face aux aléas du marché américain et aux décisions politico-économiques de Washington. La vulnérabilité nourrit les inquiétudes, d’autant plus que les Américains adoptent souvent des mesures unilatérales. Le souvenir du tarif Smoot-Hawley demeure vivace, ressurgissant en 1971 avec les « mesures Nixon » par lesquelles les États-Unis veulent réduire leurs importations de biens et services. Devant la forte inflation accentuée par les chocs pétroliers de 1973 et 1979, la tentation de recourir aux politiques commerciales protectionnistes est grande au sein des présidences de Jimmy Carter et de Ronald Reagan. Qui plus est, les responsables politiques américains montrent leur mécontentement devant le PNE, particulièrement au moment de la décision canadienne d’augmenter le prix de son pétrole en 1980, et surtout devant la FIRA, dont ils contestent l’action devant les tribunaux créés par l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Pour convaincre les Américains que le Canada doit être exempté des conséquences de son « unilatéralisme agressif »[10], les arguments doivent être plus irrésistibles qu’une simple mention de la « relation spéciale » entre les deux voisins. À l’époque, le Canada possède un surplus commercial de l’ordre de quinze milliards de dollars canadiens avec les États-Unis. À l’aune de ce surplus et considérant les tentations américaines de repli sur soi, cette relation spéciale s’avère fragile.

La crise des années 1981-1982 augmente l’inquiétude des responsables politiques fédéraux devant la relative ouverture du marché américain à l’endroit des produits canadiens. La récession économique frappe, le chômage atteint des sommets inégalés depuis la Dépression des années 1930, les taux d’intérêt s’envolent et les déficits budgétaires deviennent une préoccupation majeure dans l’espace public. Dans ce contexte, le gouvernement Trudeau constitue en 1982 la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, présidée par l’ancien ministre des Finances Donald Macdonald. Le mandat de la Commission Macdonald est vaste : elle doit examiner les perspectives économiques du pays et l’efficacité de ses institutions politiques. Déposés en septembre 1985, les trois volumes du rapport final insistent sur la promotion d’une économie souple, pouvant s’adapter rapidement aux mutations économiques et technologiques. La Commission Macdonald préconise une plus grande confiance aux mécanismes du libre marché, plutôt qu’aux interventions de l’État. Partant, elle fournit l’argumentation en vue d’un accord de libre-échange avec les États-Unis, afin de sécuriser l’accès des produits canadiens au marché américain.

Élu en septembre 1984, le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney met fin à la politique libérale de la Troisième Option. À l’origine hostile au libre-échange au moment de son accession à la chefferie du Parti progressiste-conservateur en 1983, le nouveau premier ministre adopte rapidement en 1985 les conclusions de la Commission Macdonald. Dès lors, les nouveaux responsables politiques fédéraux veulent accroître les liens économiques avec les États-Unis et entreprennent la privatisation d’un grand nombre d’entreprises nationalisées par le gouvernement précédent. De plus, ils cherchent à établir une libéralisation sectorielle des échanges commerciaux entre les deux partenaires économiques.

Au sud de la frontière, la conjoncture du milieu des années 1980 est favorable à la constitution d’un marché continental assurant la libéralisation des échanges commerciaux. Pour comprendre leurs motifs, le parcours des responsables politiques américains est aussi tortueux que celui de leurs homologues canadiens. L’hégémonie économique américaine s’effrite progressivement au cours des années 1960, mouvement qui s’accélère lors de la décennie suivante. La croissance de l’interdépendance économique, la montée de nouveaux compétiteurs industriels en Asie et les crises pétrolières secouent les fondements jusque-là solides de la Pax Americana. Malgré la réduction dramatique des barrières tarifaires, la tentation protectionniste sévit encore. Il y a consensus au Congrès à Washington : la diminution des tarifs douaniers depuis la fin des années 1940 fait contrepoids aux nombreuses entraves non tarifaires au commerce international. La Loi fédérale sur le commerce prévoit en 1974 des mesures sévères pour mettre en échec des pratiques commerciales jugées injustes de la part de leurs partenaires économiques. Les accusations de « dumping », de subventions indues aux exportations et de toute autre mesure portant atteinte aux exportations américaines abondent. Les élus du Congrès décrient alors fortement les politiques canadiennes de favoritisme et de protectionnisme.

Dès le début des années 1980, la compétition internationale croissante incite les décideurs à une restructuration en profondeur de l’industrie américaine. L’industrie lourde du Nord-est et de la région des Grands Lacs — les régions du « Rust Belt » — perd de son ascendant au profit de celles localisées au sud et à l’ouest du pays — les régions du « Sun Belt » —, ces dernières étant plus flexibles, surtout celles de la haute technologie. Cet ajustement structurel s’accorde avec l’ordre du jour néolibéral du Parti républicain, qui prône la décentralisation, la désyndicalisation et la dérégulation de la société américaine au nom de l’efficience économique. Ainsi, la compétition internationale et les « Reaganomics [11]» favorisent une croissance conjoncturelle des industries américaines, surtout celles des secteurs « gagnants » du « Sun Belt ».

L’unilatéralisme commercial promu par le Congrès et la restructuration de l’industrie américaine vers des régions plus éloignées de la frontière canadienne sont de mauvais augure pour l’économie canadienne. La récession économique frappe durement au Canada. Vu une structure économique dépendante du secteur primaire, l’État fédéral réagit avec lenteur aux problèmes issus du ralentissement économique. L’écart entre les économies américaine et canadienne s’accentue. Au Canada, le taux de chômage demeure élevé, la résorption de l’inflation se fait lentement et la récession y perdure plus longtemps qu’aux États-Unis. De plus, d’éventuelles mesures protectionnistes américaines peuvent nuire à l’économie canadienne. Pour les décideurs au Canada, le choix est cornélien entre l’objectif de réduction de la dépendance canadienne et l’éventualité d’impacts négatifs sur l’économie. Lorsque l’on gouverne un pays voisin de la plus grande puissance mondiale, un pays dont le produit intérieur brut constitue un dixième de celui de ce géant, se lancer dans une guerre commerciale apparaît une solution périlleuse. Les responsables politiques canadiens doivent prendre au sérieux toute propension américaine à durcir son discours et à considérer d’éventuelles représailles économiques.

Certes, le Canada ne constitue pas une cible majeure des nouvelles mesures américaines de vendetta commerciale. Les élus du Congrès proposent plus d’une soixantaine de projets de loi entre 1982 et 1985 pour condamner des pratiques commerciales douteuses de la part de leurs principaux partenaires commerciaux, le Japon et l’Europe[12] : le Canada y est rarement mentionné. Toutefois, ce dernier ne peut échapper à de telles mesures alors que les irritants commerciaux entre les deux pays se font pressants. Dès lors, la relation privilégiée entretenue entre le Canada et les États-Unis — la « Première Option » selon Mitchell Sharp — n’en est plus une au milieu des années 1980. Le Canada se trouve alors à la croisée des chemins. D’une part, il peut poursuivre une politique de désengagement économique avec les États-Unis : la « Troisième Option » du gouvernement Trudeau. D’autre part, il peut effectuer un virage à cent quatre-vingts degrés en renforçant ses liens avec Washington. Les rapports de la Commission Macdonald promeuvent cette « Deuxième Option ». Elle sera celle du gouvernement de Brian Mulroney.

À la suite du « Sommet de la Saint-Patrick » ayant lieu à Québec en 1985, le président Ronald Reagan et le premier ministre Brian Mulroney conviennent d’un processus de négociations commerciales afin de ratifier un accord de libre-échange. Brian Mulroney tient compte du contexte national et de l’insatisfaction de nombreux responsables politiques américains envers les institutions multilatérales de commerce. Ces responsables déplorent le manque d’ambition du dernier cycle de négociation du GATT — celui du « Tokyo Round » — qui se conclut en 1979. Avec un éventuel accord de libre-échange avec le Canada, ils pourraient ainsi former une coalition internationale favorable à l’ouverture d’un nouveau cycle de négociation multilatérale. La stratégie américaine est simple. L’éventuel accord de libre-échange avec le Canada, ainsi que celui avec Israël, pourraient servir de menaces devant un probable échec des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay, cycle qui débute en septembre 1986. Tant du côté canadien que du côté américain, on espère qu’un accord bilatéral conclu entre les deux pays parvienne à guider les autres négociations multilatérales.

La négociation d’un accord de libre-échange avec les États-Unis (ALÉ)[13] s’insère dans une stratégie économique néolibérale, visant à délivrer le marché des entraves jugées contraignantes de l’État, mais il ne s’agit peut-être pas là du principal élément catalyseur incitant Brian Mulroney à poursuivre dans cette voie. Plus encore, un élément s’avère particulièrement sensible, celui du calcul électoral. Pour se maintenir au pouvoir, Brian Mulroney tente de constituer une nouvelle coalition fondée sur le double appui électoral du Québec et de l’Ouest canadien[14]. En effet, pour qu’un parti puisse emporter une élection fédérale au Canada, il doit séduire l’électorat de deux de ses grandes régions, soit le Québec, l’Ontario et l’Ouest. Ce faisant, le défi de Mulroney est double. D’une part, il cherche à se rallier l’électorat de l’Ouest canadien. Depuis les débuts du XXe siècle, les élites politiques des Prairies et de la côte du Pacifique tendent à favoriser des mesures de libéralisme économique, à la fois pour stimuler les relations commerciales avec le sud du 49e parallèle et pour briser la dépendance de l’Ouest avec le Canada central, dépendance qui nourrit un profond sentiment d’aliénation, en particulier en Alberta[15]. Le gouvernement Mulroney peut éventuellement obtenir l’appui de cet électorat avec la négociation de l’ALÉ. La conclusion des négociations le 2 janvier 1988 lui permet d’affirmer que sa mission est accomplie. D’autre part, Brian Mulroney doit se concilier l’électorat nationaliste du Québec. Pour ce faire, il cherche également à corriger l’affront du rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, un rapatriement fait sans l’assentiment du gouvernement québécois. Il livre ainsi la marchandise avec l’Accord du Lac-Meech le 30 avril 1987, accord qui veut réintégrer cette province au sein de la famille constitutionnelle canadienne[16].

À la fin de son mandat, Brian Mulroney compte bien se présenter devant l’électorat canadien, ayant en poche la conclusion de l’Accord du Lac-Meech et la ratification par le Parlement canadien de l’ALÉ. Cependant, c’est sans compter sur l’opposition du Sénat fédéral, où les libéraux détiennent la majorité. À la suite de son imposante défaite à l’élection fédérale de 1984, le Parti libéral du Canada sous la direction de John Turner se reconstruit progressivement. Dans ce contexte, il est bon de faire flèche de tout bois, et le nationalisme économique constitue un argument fort rentable. Dès lors, les libéraux vont coaliser autour de leur bannière les opposants à l’ALÉ en prônant la défense des intérêts canadiens contre ce qu’ils perçoivent comme une invasion américaine. Dans un premier temps, les sénateurs libéraux refusent de ratifier l’ALÉ en dépit de l’assentiment de la majorité parlementaire à la Chambre des communes. Dès lors, il importe de rétablir la légitimité des décisions des responsables politiques élus contre celle des non-élus. Aussi, dans un deuxième temps, l’ALÉ devient l’enjeu principal de l’élection du 21 novembre 1988. Par l’extrême émotivité des débats, la campagne fédérale de l’automne 1988 devient ainsi l’une des plus féroces de l’histoire politique canadienne récente.

La fragmentation de l’électorat favorise ultimement les progressistes-conservateurs. Pour des raisons différentes, l’Ouest et le Québec optent généralement pour le parti dirigé par B. Mulroney. En Ontario, les progressistes-conservateurs remportent une courte majorité des sièges. Toutefois, les cicatrices sont profondes et, de part et d’autre, le ressentiment demeure tenace par la suite.

II. L’Accord de libre-échange de 1989, son contenu et ses incidences

Que comprend l’ALÉ? Conclu le 4 octobre 1987 à la suite de longues négociations entre Peter Murphy — négociateur en chef de la partie américaine — et Simon Reisman — son homologue canadien —, l’Accord contient vingt-et-un chapitres. Ces derniers traitent de thèmes aussi divers que les règles relatives au commerce des produits — incluant les produits agricoles —, les marchés publics, le « traitement national », les règles d’origine, les subventions, les services, les voyages d’affaires et les investissements, le règlement des différends et des arrangements spéciaux relatifs aux droits antidumping et compensateurs, ainsi que les services financiers.

Sans plonger dans les détails de l’accord, il est possible de brosser un tableau général des positions respectives des deux pays signataires. Les négociateurs américains atteignent un nombre considérable de leurs objectifs initiaux, soit d’assurer un accès accru des industries américaines au marché canadien. Ce faisant, l’atteinte de ces objectifs rend obsolètes plusieurs mesures associées à la « Troisième Option », dont au premier chef la FIRA et le PNE. En premier lieu, les investisseurs américains se voient accorder un accès à une gamme plus complète de services bancaires et financiers canadiens, réduisant d’autant la portée effective de l’Agence d’examen de l’investissement étranger[17]. En deuxième lieu, Washington recherche et obtient un plus grand accès au secteur énergétique canadien. Les Américains recherchent ici un droit d’accès garanti et sans entraves. L’ALÉ ne leur permet pas d’obtenir complètement gain de cause en cette matière. Toutefois, le processus de révision des investissements américains dans ce secteur devient moins restrictif par rapport à la situation prévalant avant la ratification de l’ALÉ. De plus, selon le principe dit du « traitement national », dès qu’une compagnie américaine est établie au Canada, elle doit être traitée de façon similaire à une firme canadienne. Les nombreuses industries américaines déjà implantées au nord du 49e parallèle bénéficient alors de la mise en pratique de ce principe. Dans un troisième temps, l’ALÉ permet un droit d’établissement aux investisseurs américains et leur assure l’application du principe du « traitement national » dans le secteur des services. Certes, l’accord prévoit des exceptions dans certains domaines sensibles[18]. Cependant, l’éventualité d’une prise de contrôle d’une partie du secteur des services grâce aux investissements américains suscite une forte opposition partout dans l’espace canadien, bien que la suppression des barrières tarifaires dans les domaines financiers, les services d’expert-conseil, les communications et la publicité favorise une croissance rapide des exportations canadiennes vers les États-Unis. Enfin, la réduction accélérée des tarifs douaniers dans le secteur manufacturier plaît aux responsables politiques américains. Elle soulève néanmoins l’ire de certains petits producteurs canadiens, surtout dans le domaine de l’agriculture, les industries du soulier, du meuble, ainsi que de la culture.

Du côté canadien, les avis sont plus mitigés. D’abord, les opposants à la ratification de l’ALÉ considèrent qu’il s’agit d’un marché de dupes, en soulignant que les Américains reçoivent la plus grosse part du gâteau. Selon eux, l’accord rend caduque la capacité du gouvernement canadien de légiférer en matière de tamisage des investissements étrangers. Pis encore, le gouvernement fédéral ne pourrait restreindre ainsi le rapatriement des intérêts et des dividendes, ou adopter toute autre mesure contre des compagnies américaines afin de préserver l’intérêt national canadien[19].

Malgré ces nombreuses appréhensions, il ne faudrait pas croire que les négociateurs canadiens reviennent nécessairement bredouilles des pourparlers bilatéraux. Bien que l’ALÉ soit moins ambitieux que ce qui avait été envisagé à priori par Simon Reisman, il répond relativement bien aux attentes canadiennes établies dès le début des années 1980[20]. Michael Hart résume clairement dans quels domaines le Canada bénéficie de l’entrée en vigueur de l’accord :

… le Canada parvient à un arrangement légal qui élimine tous les tarifs douaniers et certaines autres barrières au commerce à l’intérieur d’une période de dix ans ; il négocie des règles de comportement pour gérer les barrières, qui par leurs natures, ne pouvaient pas être éliminées ; et la quête de recours commerciaux est astreinte à un tribunal binational de règlement des différends. L’aptitude du Canada à poursuivre ses politiques culturelles, son développement régional, et sa mise en marché des produits agricoles, demeure intacte. Des institutions conjointes et un mécanisme de règlement des différends permettent la mise en application des règles relatives à l’Accord. Il en découle un accès plus ouvert et ferme au marché des États-Unis, et une relation économique canado-américaine placée sur une fondation beaucoup plus forte et mutuellement bénéfique… [L’accord] atteint [sic] l’objectif économique de procurer l’incitatif nécessaire [aux industries canadiennes] pour qu’elles se restructurent et deviennent ainsi plus compétitives. Il rencontre aussi l’objectif des [hommes d’affaires canadiens] de se donner un bouclier contre les excès du protectionnisme américain[21].

En bout de course, les négociateurs canadiens ont-ils été perdants? La réponse se situe sans doute quelque part entre la sombre analyse faite par les critiques de l’ALÉ et celle plus optimiste proposée par Michael Hart, entre la perception entretenue sur la perte inexorable de la souveraineté canadienne et la représentation d’un Canada plus prospère dans le nouvel environnement économique international.

Certains éléments militent en faveur des résultats positifs issus du libre-échange. Sur un plan, il y a une évidence, celle du maintien de la libéralisation des échanges entre les deux pays depuis la ratification de l’ALÉ en 1989. Ce maintien constitue une indication claire que cette politique satisfait du moins en partie à l’intérêt national des deux parties contractantes. Qui plus est, l’élargissement de la zone de libre-échange au Mexique témoigne de la conviction des responsables politiques dans les aspects bénéfiques du libre-échange. Conclu en 1993 par le premier ministre canadien Brian Mulroney, le président mexicain Carlos Salinas de Gortari et le président américain George H. W. Bush, l’ALÉNA[22] suscite l’adhésion de tous, même si Bill Clinton impose deux autres accords pour protéger l’environnement et le droit du travail. D’ailleurs, en dépit de la menace de déchirer l’accord au moment de la campagne électorale fédérale de 1993, les libéraux de Jean Chrétien se rallient volontiers au nouveau régime en vigueur. Sur un autre plan, l’un des objectifs particulièrement valorisés par le gouvernement Mulroney visait la relance du commerce canadien. Ici, l’ALÉ et l’ALÉNA par la suite, semblent avoir contribué à accroître le volume et l’importance des échanges internationaux pour l’économie canadienne. Au moment de la conclusion de l’ALÉ en 1988, les exportations des biens et services ne représentaient que 26,2 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada. Douze années plus tard, en 2000, elles atteignent un sommet de 44,4 % du PIB, pour se maintenir à 31,6 % en 2019, malgré une baisse importante lors de la première décennie du XXIe siècle[23].

Le libre-échange portait aussi en son sein d’autres promesses qui n’ont pas été tenues. Les laudateurs de l’ALÉ prévoyaient la diminution de l’écart de la productivité entre le Canada et les États-Unis, puisque le libre-échange permettrait des économies d’échelle dans le secteur manufacturier, doperait la croissance économique et contribuerait ainsi fortement à l’amélioration du niveau de vie. Ce ne fut pas le cas. En effet, la libéralisation des échanges commerciaux comme les initiatives sociales dans les domaines de la santé et de l’éducation n’ont que des impacts marginaux sur la productivité. Cette dernière dépend beaucoup plus des nouvelles techniques de production, de la taille des usines, des changements structurels ainsi que des facteurs liés à de nouvelles connaissances. Tous ces éléments s’inscrivent dans une perspective à long terme, et le libre-échange apparaît ici comme un simple facteur conjoncturel[24]. De plus, l’ALÉ était conçu pour les négociateurs canadiens comme un instrument contre les penchants protectionnistes unilatéraux américains. Le succès est très mitigé en matière de subventions acceptables ainsi que de l’abrogation des lois relatives aux droits antidumping et compensateurs. Malgré des efforts soutenus et répétés, aucun progrès réel n’est réalisé avant l’avènement des accords de l’OMC en 1994. L’ALÉ prévoyait également la création d’un mécanisme de règlement des différends, mécanisme qui est repris ultérieurement dans le cadre de l’ALÉNA. Ce mécanisme implique néanmoins la poursuite de longues procédures et, dans certains cas comme celui du bois d’oeuvre, il n’empêche pas les responsables politiques américains de s’ingénier à contourner les règles du libre-échange ou tout simplement de ne pas respecter les jugements qui leur sont défavorables. A contrario des tendances protectionnistes de Washington qui ne voit aucun intérêt à un éventuel changement de l’architecture institutionnelle de l’ALÉNA[25], le Canada se montre plutôt beau joueur dans le cadre de ce mécanisme, puisque l’ALÉ et ensuite l’ALÉNA ont préséance sur les lois canadiennes. En effet, ces accords sont incorporés dans le droit interne canadien par des lois les rendant applicables[26].

La libéralisation des échanges entre le Canada et les États-Unis a aussi suscité des appréhensions nombreuses, notamment en ce qui regarde la sauvegarde des programmes sociaux, des politiques de développement régional et de la spécificité culturelle. Pour les négociateurs canadiens de l’ALÉ, cette sauvegarde ne pouvait être remise en cause de quelque façon que ce soit. Il est possible d’affirmer que cet objectif primordial a été atteint en partie[27]. Ni l’ALÉ, ni l’ALÉNA, ni les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) mise sur pied en 1994, ne compromettent explicitement les programmes sociaux canadiens et la capacité des États, autant sur le plan provincial que fédéral, de promouvoir le développement régional[28]. Toutefois, le libre-échange devient un argument d’autorité pour les tenants du désengagement de l’État. Ainsi, en invoquant la compétitivité avec les États-Unis, mais aussi le fardeau de la dette publique, les gouvernements fédéraux depuis l’ALÉ n’hésitent pas à couper dans leurs programmes sociaux, et la réforme de l’assurance-emploi depuis 1991 constitue là un cas patent de cette approche[29].

Avec un certain recul, il est possible de constater que, malgré tout le brouhaha engendré par la négociation de l’ALÉ, d’autres facteurs sont aussi responsables des fluctuations de l’économie canadienne. Il est difficile de dissocier le rôle de l’ALÉ — et par extension de l’ALÉNA — avec ceux joués par la mondialisation des marchés, la conclusion du cycle de l’Uruguay et la création de l’Organisation mondiale du commerce au 1er janvier de l’an 1995, les réactions sécuritaires conséquentes aux événements du 11 septembre 2001, et surtout aux mesures fiscales et monétaires des gouvernements canadiens et américains. Nul ne devrait donc être surpris de constater que les études nombreuses qui évaluent les impacts de l’ALÉ plus de trente ans plus tard sont toujours campées dans des positions diverses et contradictoires. Il n’en demeure pas moins que l’ALÉ a non seulement dramatiquement altéré les relations économiques entre le Canada et les États-Unis, mais a également servi de modèle pour une série d’accords bilatéraux contractés subséquemment. Pour sa part, l’ALÉNA représentait à l’époque l’accord le plus complet, détaillé et complexe, à l’exception notoire des marchés communs, et il constituait la première négociation entre des partenaires industrialisés et un pays en voie de développement. Cependant, dans un environnement international marqué par une mondialisation en expansion, il était devenu indéniable qu’il existait une note discordante entre le modèle contractuel de l’ALÉ et de l’ALÉNA et les enjeux contemporains du commerce et de la finance internationale.

III. Du confort de l’indifférence à la frénésie de la renégociation du cadre économique nord-américain

À partir de 1993, l’ALÉNA régit la plupart des rapports commerciaux entre le Canada et les États-Unis, sans toutefois négliger les influences directes de l’OMC. Si l’on s’en tient au but premier de hausser les échanges commerciaux nord-américains, l’ALÉNA montre des succès incontestés. Trente ans après la signature de l’accord, les échanges annuels de biens et services entre les trois pays atteignent les 1300 milliards de dollars américains et les chaînes de valeurs entre ces derniers se consolident à un rythme accéléré. Toutefois, malgré certaines lacunes et un décalage avéré avec de nouveaux enjeux économiques internationaux qui sont rapidement devenus apparents, il existe peu d’appétit politique pour moderniser l’ALÉNA avant l’entrée en scène de Donald Trump. Après son élection, le président Trump notifie au Congrès son intention de renégocier l’ALÉNA le 18 mai 2017. Après sept cycles de négociations qui ont débuté en août de la même année, le premier ministre Justin Trudeau, les présidents Donald Trump et Enrique Pena Nieto concluent l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACÉUM) le 30 novembre 2018. Celui-ci entre en vigueur le 1er juillet 2020, non sans nécessiter l’ajout d’un protocole d’amendement le 10 décembre 2019. Les pourparlers se sont déroulés sous la menace constante de la présidence Trump d’invoquer l’article 2205 de l’ALÉNA : les parties doivent donner un avis d’intention de six mois avant de se retirer de l’accord. Il est hors de la portée de cette étude d’évaluer les gains et les pertes de chaque partie aux négociations, mais à notre avis, le couperet de l’article 2205 a eu très peu d’effets sur l’issue des négociations, car la révocation de l’ALÉNA ne représente pas le seul levier de pression des négociateurs américains. Que ce soit par le recours à l’article 232 de la loi de 1962 sur l’expansion du commerce pour imposer des tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier canadiens et mexicains — mesure connue sous le titre de Sauvegarde de la souveraineté nationale —, ou avec la nécessité de signer un protocole d’amendement à l’ACÉUM en décembre 2019 afin de répondre à certaines appréhensions du Congrès, Washington n’a pas hésité à utiliser tous les outils de sa politique commerciale pour infléchir les résultats de la négociation. Le président Trump et son entourage se sont également appuyés sur la stratégie classique du « diviser pour régner » pour parvenir à leurs fins. L’ACÉUM devait surtout servir à régler des comptes laissés en suspens par l’ALÉNA quant à certaines politiques protectionnistes mexicaines. En ce qui concerne le Canada, la négociation prévoyait à l’origine quelques petits ajustements marginaux. Or, à la surprise de ses partenaires canadiens, le président Trump annonce le 27 août 2018, une entente à l’amiable avec les Mexicains. Il force ainsi la main aux Canadiens qui réintègrent les pourparlers le lendemain. On perçoit dans cette cabriole une volonté de Donald Trump de favoriser les accords bilatéraux. Un autre pilier de cette stratégie « trumpienne[30] », soit le recours aux sanctions extraterritoriales, s’affirme dans l’article 32.10, communément appelé la « clause Chine ». Cet article stipule qu’une partie prenante de l’ACÉUM doit aviser les autres parties de son intention de signer un accord commercial avec une tierce partie qui n’est pas considérée comme une économie de marché. Adoptée en dépit de l’avis contraire d’un partenaire nord-américain, la conclusion d’une telle entente avec cette tierce partie pourrait mener éventuellement à l’exclusion d’une partie, voire à la dissolution de l’ACÉUM.

L’ACÉUM constitue l’entente commerciale la plus marquante entre le Canada et les États-Unis depuis la mise en oeuvre de l’ALÉNA, surtout en tenant compte du retrait immédiat des Américains de la négociation du Partenariat transpacifique (PTP), seulement deux jours après l’entrée en fonction de Donald Trump. L’ACÉUM pourrait être jugé, à juste titre, comme un recul face au libéralisme économique qui caractérisait l’ALÉNA. À titre d’exemple, mentionnons l’affaiblissement de la protection accordée aux investisseurs, les nouvelles règles d’origine plus restrictives dans le secteur automobile et la clause crépusculaire. L’ACÉUM représente plutôt une réelle revitalisation des rapports économiques nord-américains, avec des chapitres nouveaux ou modernisés portant entre autres sur le commerce électronique et numérique, les entreprises étatiques, la propriété intellectuelle, le renforcement des règles environnementales et un accent accru sur le droit des travailleurs. Plusieurs de ces chapitres constituent un calque de ce qui était déjà prévu dans les dispositions du PTP. Toutefois, malgré les chemins tortueux d’une négociation qui s’est déroulée à un rythme effréné, les résultats finaux doivent retenir l’attention. David Gantz note avec justesse que le contenu de l’ACÉUM découle d’une combinaison de plusieurs facteurs : la continuité de l’ALÉNA, l’influence du PTP, de nouveaux concepts introduits par Donald Trump et un fort leadership du Parti démocrate au Congrès[31]. Il ne faudrait pas conclure que les négociateurs canadiens et mexicains ont joué des rôles de figurants dans cette tragico-comédie orchestrée par Donald Trump. Bien au contraire, ils ont su user de perspicacité et de diplomatie pour tracer des lignes dans le sable lorsque la situation le suggérait, comme ce fut le cas avec le maintien des recours commerciaux, ou pour cajoler l’ego de Donald Trump aux moments opportuns.

Certains parallèles peuvent être tracés entre les contextes respectifs de négociation de l’ALÉ et de l’ACÉUM. Les deux s’inscrivent dans la perspective de la reprise après une crise économique sévère et une reconfiguration de la politique commerciale américaine. Dans les deux cas, le multilatéralisme commercial bat de l’aile, alors que le compétitivisme prend de l’importance. À la sortie de la négociation du cycle de Tokyo du GATT, les Américains manifestent ouvertement leur scepticisme face aux institutions libérales internationales. À l’époque, il ne s’agit pas d’un repli sur soi ou d’une « déconnexion » commerciale, mais plutôt d’une « reconnexion » selon les termes d’une puissance hégémonique qui exprime ouvertement son désir de se maintenir son ascendant sur le monde. C’est également dans cette perspective qu’il faut évaluer la stratégie internationale, souvent jugée chaotique, de la présidence Trump. Au début des années 1980, une antipathie persistante existe entre Pierre Elliott Trudeau et Ronald Reagan. L’arrivée de son « compère irlandais », Brian Mulroney, est alors perçue comme une bouffée d’air frais par le président américain. Quelque quarante années plus tard, la renégociation de l’ALÉNA ne s’inscrit pas dans l’atmosphère cordiale de la relation Mulroney-Reagan. Ce facteur nous incite à ne pas insister sur les traits communs entre la négociation de l’ALÉ et celle de l’ACÉUM. Ainsi, contrairement aux exactions de Donald Trump face à ses alliés pour que ces derniers soient « pour ou contre lui » dans sa lutte contre la Chine, Ronald Reagan ne pousse pas l’odieux jusqu’au point de considérer ses partenaires commerciaux comme des rivaux, malgré de fortes appréhensions concernant la politique industrielle japonaise. Comme le montre la négociation d’un accord entre les États-Unis et le Japon en 1981, accord appelant à des restrictions volontaires d’exportation dans le secteur automobile, les Américains s’appuyaient sur une conception gagnant-gagnant du commerce international. La perspective trumpienne s’inscrit aux antipodes de cette conception de l’économie mondiale. Que ce soit dans un effort de résolution de la guerre commerciale sino-américaine ou même dans la renégociation des termes de l’ALÉNA, Trump et ses proches conseillers jugent que le gain de l’un doit inéluctablement s’inscrire aux dépens de l’autre. Certes, l’ACÉUM comprend une certaine part de contractualisme et s’appuie sur un modèle institutionnel qui caractérisaient l’ALÉ et l’ALÉNA. Cependant, comme Christian Deblock le mentionne, le nouvel accord s’inscrit dans une quatrième vague de négociations, où les initiatives plurilatérales de partenariat portant sur des enjeux de plus en plus divers et complexes priment[32]. Nous errerions si nous attribuons une part trop décisive aux lubies de Donald Trump pour expliquer le réalignement des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis. Il s’agirait alors d’ignorer la reconfiguration de l’échiquier commercial international qui a pris cours depuis la mise en oeuvre de l’ALÉNA. Comme preuve à l’appui de notre analyse, bien qu’il soit vrai que l’ACÉUM contient quelques dispositions qui font sourciller, il respecte les grands traits de ce qui avait été négocié par l’administration Obama pour la création du PTP.

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Comme la récente négociation de l’ACÉUM nous le rappelle, l’histoire des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis ne fut pas celle d’un long fleuve tranquille. Les négociations ont été façonnées tout autant par des éléments conjoncturels, tels que les crises économiques et politiques, que par des facteurs idiosyncrasiques, comme les liens d’amitié entre les principaux dirigeants politiques. Nous avons fait le choix conscient de porter une attention particulière aux négociations bilatérales entre les deux pays. Il ne faut pas en conclure que les relations commerciales canado-américaines se limitent à ces grands événements. Les rapports commerciaux entre les Canadiens et les Américains évoluent tous les jours. Nous ne saurions passer sous silence l’influence des accords multilatéraux, ou même les ententes d’un des deux pays avec une tierce partie, sur ces mêmes relations. Comme nous avons pu le constater récemment, un accord préliminaire entre les États-Unis et le Mexique, qui excluait initialement le Canada, a eu un impact certain sur le contenu final de l’ACÉUM. De même, malgré son retrait du PTP, les Américains sont fortement liés à cet accord par l’entremise de l’ACÉUM. Il est incontestable que la conception trumpienne du commerce international a eu une incidence prépondérante sur la conclusion de l’accord, mais il ne faudrait pas estimer que l’arrivée au pouvoir de la présidence de Joseph Biden entraînera une remise en cause de la légitimité de l’ACÉUM. Lorsque le vin est tiré, il faut le boire. Le futur des relations économiques entre les deux États passera de toute évidence par un engagement américain au sein du Partenariat transpacifique progressiste et global (PTPGP)[33] et une série d’accords plurilatéraux contractés au sein de l’OMC.