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Introduction

Nos connaissances scientifiques sur le travail des policiers en milieux ruraux et éloignés ainsi que sur les relations que ces derniers entretiennent avec les membres des communautés sont sans contredit modestes, voire limitées (Donnermeyer et DeKeseredy, 2014). En fait, nos connaissances sur la police sont issues presque entièrement d’études menées dans de grands centres métropolitains comme Chicago (Reiss, 1971), Londres (Manning, 1977), Paris (Fassin, 2011), Oakland (Wilson, 1968) et bien d’autres (p. ex. : Ericson, 1982 ; Skolnick, 1966 ; Westley, 1953). Ce déséquilibre s’explique en grande partie par une vision souvent stéréotypée des réalités vécues dans les communautés rurales et éloignées (Donnermeyer, DeKeseredy et Dragiewicz, 2016 ; Mawby, 2004). Par exemple, nous retrouvons fréquemment le récit selon lequel ces communautés sont des havres de paix et de tranquillité où règne une grande cohésion sociale en raison de valeurs et de normes sociales partagées ainsi que d’une faible diversité (Hogg et Carrington, 1998, 1999). Plus encore, nous présumons souvent que les policiers en milieux ruraux et éloignés sont parfaitement intégrés dans leur communauté, bénéficiant d’une coopération et d’un soutien étoffé des citoyens, soit une situation idéale (Mawby, 2004). Or, les études sur le sujet, bien que limitées, suggèrent que ces suppositions sont malavisées.

C’est dans ce contexte que la présente étude cherche à contribuer à la démystification des réalités en milieux ruraux et éloignés en ce qui a trait aux relations police-communauté. Pour ce faire, elle a pour objectif de fournir une analyse empirique d’une thématique sous-développée dans cette littérature, notamment des perceptions des citoyens de la police. Plusieurs éléments motivent cet intérêt. Premièrement, les données suggèrent que le taux de crimes violents est particulièrement élevé dans les communautés rurales et éloignées, souvent même plus élevé que dans les communautés urbaines (Allen, 2018 ; Beattie, David et Roy, 2018 ; Perreault, 2019 ; Rotenberg, 2019). En contrepartie, les services de police dans ces communautés font généralement face à un manque de ressources et d’infrastructures pour répondre à de tels incidents (Ceccato, 2016 ; Donnermeyer et al., 2016 ; Huey et Ricciardelli, 2017 ; Schissel, 1992). Cette situation a certainement le potentiel d’influencer la satisfaction des citoyens quant au rendement des policiers. Deuxièmement, il est vrai que certains policiers en région bénéficient d’une plus grande familiarité avec les membres de la communauté comparativement à leurs collègues en milieu urbain (Falcone, Wells et Weisheit, 2002 ; Frank et Liederbach, 2003 ; Payne, Berg et Sun, 2005). Or, ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, dans les régions éloignées, les affectations des officiers à ces détachements pour une durée limitée auraient pour effet d’empêcher le développement de relations communautaires et engendreraient des pratiques policières beaucoup plus contraignantes (Lithopoulos et Ruddell, 2011 ; Ruddell, Lithopoulos et Jones, 2014 ; Schissel, 1992). Cette situation a également le potentiel d’influencer la satisfaction des citoyens quant aux compétences interpersonnelles des policiers.

Conformément, notre objectif est de mener une analyse portant sur les variations du niveau de satisfaction des citoyens envers la police selon un continuum urbain-rural-éloigné. Ayant recours à la théorie de la structuration de Giddens (1984), nous proposons que le contexte des communautés rurales et éloignées contraint et permet la production et la reproduction de pratiques sociales distinctes quant au travail des policiers, les différenciant ainsi de leurs collègues urbains. Bref, ces différentes réalités engendrent des variations concernant les perceptions des citoyens de la police.

Mieux comprendre les perceptions des citoyens de la police est un exercice essentiel pour le bien-être de nos communautés. En effet, les études démontrent que la satisfaction, et subséquemment la confiance[3], joue un rôle important dans le fait que les citoyens perçoivent la police comme une institution légitime. Elle promeut également une relation fondée sur le consentement envers son autorité (Tyler, 2004 ; Tyler et Huo, 2002). Conséquemment, les citoyens sont plus enclins à coopérer volontairement avec la police, à soutenir les initiatives policières ainsi qu’à adhérer volontairement aux lois et aux décisions des policiers (Jackson et Sunshine, 2007 ; Tyler, 2004 ; Tyler et Fagan, 2008 ; Tyler et Huo, 2002). Ainsi, en précisant nos connaissances sur les perceptions des citoyens envers la police dans différents contextes et milieux, nous générons de l’information nécessaire au développement de politiques publiques et de pratiques policières qui auront le potentiel d’améliorer les relations entre la police et les communautés. Ceci est particulièrement saillant dans le contexte des communautés rurales et éloignées puisqu’il y a un manque important de données probantes sur ces relations.

Avant la présentation des résultats, nous proposons d’abord une brève recension de la littérature sur la satisfaction envers la police afin d’assurer une compréhension du contexte et des implications de ce type de perceptions, notamment du point de vue canadien. Ensuite, nous nous penchons sur les réalités uniques des communautés rurales et éloignées en lien avec le travail des policiers ainsi que leurs relations avec les communautés. Finalement, nous présentons les principes de la théorie de structuration, soit notre cadre théorique, nous permettant ainsi de conceptualiser la notion de ruralité et de développer nos hypothèses de recherche.

Satisfaction envers la police au Canada

La satisfaction est une forme de perception aux propriétés uniques. Toutefois, elle est souvent confondue avec d’autres types de perception, notamment la confiance (Bolger, Lytle et Bolger, 2020 ; David, 2020). La satisfaction sous-tend une évaluation postérieure vis-à-vis des attentes. Bref, lorsqu’on répond à nos attentes ou les surpasse, nous sommes satisfaits (David, 2020 ; Roché, 2016). L’évaluation peut découler d’interactions directes avec des policiers et de sources d’information indirectes comme les médias, les médias sociaux et les expériences d’autrui (David, 2020). En somme, la satisfaction envers la police en tant qu’institution naît et s’infère grâce à l’accumulation des actions individuelles exécutées par ses représentants (Tyler et Huo, 2002).

À cet égard, lorsque nous envisageons la satisfaction des citoyens envers la police, nous le faisons souvent en lien avec des métriques de performance, par exemple grâce à son efficacité à assurer la sécurité des citoyens, la rapidité avec laquelle elle répond aux incidents et sa capacité à faire respecter la loi. En effet, plusieurs études et rapports gouvernementaux se sont intéressés à ces questions de performances, et ce, depuis de nombreuses années (Larsen et Blair, 2009 ; Mazowita et Rotenberg, 2019 ; Percy, 1980 ; Priest et Carter, 1999). Après tout, ces métriques sont au coeur du travail des policiers.

Or, la police est beaucoup plus qu’une institution dédiée à la prévention de la criminalité et au maintien de l’ordre. Son rôle dans la société se joue également dans les relations qu’elle entretient avec les citoyens (Girling, Loader et Sparks, 2000). En tant que présence autoritaire dans les communautés, la manière dont elle interagit avec les gens a été observée par de nombreuses études comme une composante essentielle des considérations citoyennes envers la police (Girling et al., 2000 ; Jackson et Sunshine, 2007 ; Murphy, 2009 ; Skogan, 2005 ; Sunshine et Tyler, 2003). Ces derniers réclament de la police un traitement juste, équitable et respectueux (Sunshine et Tyler, 2003 ; Tyler et Blader, 2003). Plus encore, par ces actions auprès des membres des communautés, la police a un devoir symbolique important en ce qui a trait à la reconnaissance et la légitimation de leurs besoins, leurs demandes et leurs champs d’intérêt (Loader, 1997). Ainsi, la satisfaction des citoyens envers la police s’envisage également d’un point de vue relationnel.

Au Canada, les données les plus récentes suggèrent que les gens sont généralement satisfaits du travail des policiers. Par exemple, en 2019, près de huit Canadiens sur dix habitant dans les provinces indiquaient que la police fait un bon travail ou un travail passable pour ce qui est de faire respecter la loi (79 %). Lorsqu’il s’agit de traiter les personnes équitablement, ce sont plutôt 68 % des Canadiennes et des Canadiens qui indiquaient que la police fait un bon travail ou un travail passable (Ibrahim, 2020). Néanmoins, ce n’est pas toute la population qui partage cette satisfaction. Par exemple, les Autochtones et les personnes appartenant à la « minorité visible » ont généralement un taux d’insatisfaction plus élevé, particulièrement sur le plan des compétences interpersonnelles des policiers (Boyce, 2016 ; Cotter, 2015). Ceci se comprend notamment par les relations complexes et difficiles entre la police et les communautés racisées au pays (Cao, 2011, 2014 ; Sprott et Doob, 2014). Plusieurs autres facteurs jouent un rôle important en ce qui a trait à la satisfaction des citoyens envers la police. Ceux-ci incluent les interactions avec la police, les expériences de victimisation ainsi que les caractéristiques sociodémographiques des citoyens (Bolger et al., 2020 ; Cotter, 2015). Par conséquent, nous pouvons conclure que la satisfaction est une perception qui change en fonction du contexte, des expériences et de l’environnement.

La police dans les communautés rurales et éloignées

Comme mentionné préalablement, bien que la littérature soit grandement pauvre en ce qui concerne notre sujet, les études existantes soulèvent le fait que les réalités uniques des communautés rurales et éloignées font en sorte que le travail des policiers, ainsi que leurs relations avec les citoyens, est différent de celui dans les régions urbaines. D’ailleurs, ces différences ont le potentiel de moduler la satisfaction des citoyens envers la police.

Premièrement, les données démontrent que les communautés rurales et éloignées font souvent face à des taux de crimes violents beaucoup plus élevés comparativement aux centres urbains (Allen, 2018 ; Ceccato, 2016 ; Hogg et Carrington, 1998, 1999 ; Rotenberg, 2019 ; Wood, 2011). Par exemple, en 2017, le taux d’homicides dans les communautés rurales et éloignées des provinces canadiennes était environ 30 % plus élevé que dans les régions urbaines. La même année, les services de police dans ces communautés ont rapporté deux fois plus de voies de fait, de méfaits et d’incidents liés au trouble de la paix (Perreault, 2019). Qui plus est, la violence envers les femmes est particulièrement persistante dans les communautés rurales et éloignées (DeKeseredy, 2021). Par exemple, la violence intime envers les femmes de 24 ans ou moins représentait 17 % des crimes violents dans le nord du Canada en 2017, bien qu’elles ne représentent que 7 % de la population locale (Rotenberg, 2019). Les policiers en milieux ruraux et éloignés interviennent également en réponse à des taux élevés d’abus de drogues et d’alcool ainsi qu’à une grande prévalence de désordres sociaux et physiques (Ruddell et Jones, 2020).

En contrepartie, les services de police dans ces communautés font généralement face à un manque de ressources et d’infrastructures pour répondre à de tels incidents (Ceccato, 2016 ; Donnermeyer et al., 2016 ; Huey et Ricciardelli, 2017 ; Schissel, 1992). Par exemple, nous ne trouvons parfois que deux policiers responsables de plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés de superficie, incluant des communautés qui ne sont accessibles que par avion, par bateau ou par une route temporaire l’hiver (Ruddell et al., 2014). Ces contraintes opérationnelles ont certainement le potentiel d’influencer la satisfaction des citoyens quant au rendement des services de police, incluant leur capacité à assurer la sécurité des communautés ainsi que la rapidité avec laquelle ils répondent aux appels. Or, toutes les communautés rurales et éloignées ne font pas nécessairement face au même degré de contraintes.

Deuxièmement, la littérature scientifique souligne que les approches des policiers en milieux ruraux et éloignés sont souvent différentes de celles de leurs collègues en milieux urbains. Ceci découle du fait que leurs relations avec les membres des communautés s’avèrent beaucoup plus informelles (Crank, 1990). En effet, ces policiers sont d’ordinaire mieux ancrés dans leurs communautés, vivant et partageant les mêmes réalités que les citoyens. Plus encore, la taille des populations est généralement beaucoup plus petite comparativement aux métropoles, favorisant une plus grande familiarité avec les membres des communautés. De ce fait, les approches sont fréquemment plus à même d’être ajustées pour répondre aux besoins des communautés (Falcone et al., 2002 ; Griffiths et Clark, 2017). Par exemple, les études suggèrent que les policiers reçoivent fréquemment des demandes de services par des canaux informels (p. ex. : appel à la maison). Ils interviennent souvent également de manière à résoudre les situations en usant de modes alternatifs (p. ex. : autres que la criminalisation) (Frank et Liederbach, 2003 ; Griffiths et Clark, 2017 ; Holmes, Painter et Smith, 2017 ; Lithopoulos et Ruddell, 2011 ; Payne et al., 2005 ; Ruddell et al., 2014). Toutefois, ces relations informelles n’ont pas que des avantages :

[The] lack of anonymity can contribute to feelings of being trapped by one’s job […] Officers working these places report that residents seldom make the distinction between work and non-work hours and often approach off-duty officers on the street to discuss police-related matters or appear at an officer’s home to report offenses. That familiarity might contribute to the expectation of leniency, especially since many of these officers try to participate in local activities to reduce the social distance between the public and police and be part of the community.

Ruddell et al., 2014, p. 783

Dès lors, ces relations informelles n’auraient pas nécessairement lieu dans les régions les plus éloignées. Les policiers y connaîtraient un niveau de satisfaction d’emploi relativement faible menant à des rotations fréquentes et des déploiements de courte durée. Ceci a pour effet d’engendrer un faible niveau d’implication dans les communautés et une déconnexion face aux besoins de ces dernières (Griffiths et Clark, 2017 ; Lithopoulos et Ruddell, 2011 ; Ruddell et al., 2014 ; Schissel, 1992). De surcroît, ces policiers auraient tendance à appliquer la loi de manière beaucoup plus étroite et à avoir moins recours à leurs pouvoirs discrétionnaires pour régler les conflits (Schissel, 1992). Ces relations police-communautés différentes pourraient vraisemblablement avoir une incidence sur les perceptions des citoyens en ce qui concerne le travail des policiers, notamment d’un point de vue relationnel.

Cadre théorique

Dans cette étude, nous avançons que les réalités uniques des communautés rurales et éloignées – comparativement aux régions urbaines – ont le potentiel d’influencer le travail des policiers ainsi que leurs relations avec les citoyens. Ces différences exercent subséquemment une influence sur la satisfaction des citoyens envers la police. Dès lors, il est primordial de formuler un cadre théorique qui tient compte des interrelations entre l’action humaine, la vie sociale et la spatialité pour donner un sens à ces différences. Toutefois, peu de théories intègrent directement la notion d’espace. Celle-ci est généralement considérée comme un élément périphérique ou est tout simplement ignorée. Nous trouvons néanmoins une exception à cette règle dans la théorie de la structuration proposée par Anthony Giddens (1984). Dans cette théorie, la notion d’espace est développée comme un élément constitutif du déroulement de l’action humaine et de la vie sociale. Dans la section qui suit, nous allons exposer les principes de cette théorie avec un accent particulier sur la notion d’espace. Par le fait même, nous proposons une conceptualisation des communautés rurales et éloignées. Afin de développer nos hypothèses de recherche, nous faisons ensuite un retour sur la littérature scientifique pertinente en fonction de notre cadre théorique.

La théorie de la structuration et l’espace

La théorie de la structuration de Giddens (1984) réfute l’existence d’une antinomie entre la faculté d’action des individus et l’influence des structures sur le cours de la vie sociale. Celle-ci propose plutôt une dualité des structures. La nature récursive des pratiques sociales est vue comme productrice et reproductrice de structures, et ces dernières conditionnent à leur tour le déroulement de l’action humaine. Les structures se présentent dès lors comme des ensembles de règles et de ressources produites et reproduites dans un processus dynamique que Giddens (1984) nomme « structuration ». Essentiellement, « la structure est à la fois la condition et le résultat des pratiques qui constituent les systèmes sociaux » (Lazar, 1992, p. 404).

Pour Giddens (1984), la notion d’espace est centrale à ce processus, car elle joue un rôle constitutif dans l’existence des systèmes sociaux et se manifeste dans son interaction avec l’action humaine et le cours de la vie sociale. L’auteur argumente que nous ne pouvons pas négliger le fait que les individus et les collectivités sont inévitablement situés dans l’espace. Pourtant, nous avons tendance à envisager ce dernier comme une surface plane sur laquelle les phénomènes sociaux se produisent de manière indépendante (Giddens, 1984 ; Massey, 2013). Or, il joue un rôle crucial dans la structuration de la vie sociale, notamment lorsque les espaces naturels, c’est-à-dire un ensemble de propriétés physiques et matérielles, se transforment en espace social. Cette transformation a lieu lorsque nous utilisons l’espace et que nous lui donnons un sens et une qualité (Gans, 2002)[4] : « [they] are made as people ascribe qualities to the material and social stuff gathered there : ours or theirs ; safe or dangerous ; public or private ; unfamiliar or known ; rich or poor ; Black or White ; beautiful or ugly ; new or old ; accessible or not » (Gieryn, 2000, p. 472). C’est dans cet ordre d’idées que Giddens (1984) fait référence à l’espace social en termes de « locale » : « [it] refers to the use of space to provide the settings within which interaction occurs. Locale is not to be described merely in terms of its physical properties but how it is used for human activities, how it provides for the contextuality of social life » (Urry, 1991, p. 164). Ainsi, les modes d’utilisation de l’espace dans ses propriétés sociales et matérielles façonnent la production et la reproduction des pratiques sociales de manière à contraindre et à faciliter la structuration des systèmes sociaux (Giddens, 1984).

Dans notre étude, les espaces sociaux qui nous intéressent sont ceux des communautés rurales et éloignées définies ici par leur degré d’isolement géographique. Cette propriété matérielle sous-tend un rapport de localité et de distance face aux régions urbaines. De surcroît, les communautés rurales et éloignées sont définies comme existant en contrepartie aux communautés urbaines. Plus encore, cette définition sous-entend des variations dans le degré de ruralité et d’éloignement (Bourke, Humphreys, Wakerman et Taylor, 2012 ; Wakerman, 2004). Bref, cette conceptualisation envisage les régions urbaines, rurales et éloignées sur un continuum basé sur le degré relatif d’isolement géographique (Figure 1). Ce rapport implique également des propriétés sociales qui émergent en raison de la manière dont l’espace est utilisé. En somme, nous soutenons que le degré d’isolement géographique des communautés rurales et éloignées interagit avec l’action humaine (c.-à-d. l’utilisation de l’espace) de manière à contraindre et à faciliter des formes de pratiques sociales et une structuration des systèmes sociaux qui les distinguent des urbaines.

Figure 1

Continuum urbain-rural-éloigné

Continuum urbain-rural-éloigné

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Hypothèse

À titre récapitulatif, il convient de noter que l’article a pour objectif d’examiner les variations dans le niveau de satisfaction des citoyens envers la police selon le continuum urbain-rural-éloigné décrit ci-dessus. Notre argument central est que les communautés rurales et éloignées comme espace social contraignent et permettent la production et la reproduction de pratiques policières différentes de celles en milieu urbain. De ce fait, ces différences occasionnent des variations dans le niveau de satisfaction des citoyens envers la police.

En effet, compte tenu du taux de criminalité élevé et de l’incidence accrue de désordres de toutes sortes dans les milieux ruraux et éloignés, contrastés par un manque de ressources et d’infrastructures policières pour répondre à de tels incidents comparativement aux milieux urbains, nous proposons l’hypothèse suivante :

H1 : La satisfaction des citoyens en matière de rendement décline avec l’isolement géographique des communautés rurales et éloignées comparativement aux communautés urbaines.

Plus encore, les relations police-citoyens plus informelles dans les régions rurales et éloignées comparativement aux communautés urbaines pourraient vraisemblablement avoir une incidence positive sur la satisfaction des citoyens envers la police, notamment d’un point de vue relationnel. Or, ce n’est pas nécessairement le cas dans les communautés les plus éloignées où les policiers sont des étrangers y travaillant pour une durée limitée. Nous proposons donc l’hypothèse suivante :

H2 : La satisfaction des citoyens quant aux compétences interpersonnelles des policiers est plus élevée dans les communautés rurales comparativement aux régions urbaines. Toutefois, nous envisageons un point de bascule où cette satisfaction décline avec l’isolement géographique des communautés.

Méthodologie

Échantillon

La présente étude mobilise l’Enquête sociale générale (ESG) de 2014 de Statistique Canada portant sur les expériences des citoyens avec le système de justice, leurs expériences de victimisation et leurs perceptions des acteurs judiciaires[5]. Il s’agit d’un échantillon probabiliste et représentatif de la population canadienne âgée de 15 ans ou plus, vivant dans un ménage privé. L’échantillon inclut les données de 35 167 répondants, soit un taux de réponse de 50 %. Les répondants des provinces furent contactés par téléphone et ceux des territoires, par téléphone ou en personne. L’accès aux données a été obtenu par l’entremise du Réseau canadien des Centres de données de recherche (RCCDR)[6].

Compte tenu de la structure d’échantillonnage complexe de l’ESG, les données doivent être pondérées pour être représentatives de la population canadienne. Ceci est fait à l’aide des poids de pondération individuelle fournis par Statistique Canada pour chacun des répondants. Ces poids sont égaux à la probabilité inverse que les répondants avaient d’être sélectionnés. Lorsqu’ils sont utilisés dans le cadre de données descriptives, chaque observation est multipliée par son poids de pondération de manière à équilibrer la composition de l’échantillon. Ceci a aussi pour effet d’augmenter la taille de l’échantillon. Dans le contexte des analyses multivariées, ils sont utilisés de manière à considérer le poids relatif de chaque répondant tout en gardant la taille d’échantillon égale à sa version non pondérée. Plus encore, les analyses multivariées furent ajustées à l’aide de poids « bootstrap  » dans le but d’assurer une variance appropriée pour les inférences statistiques.

Variables

Satisfaction envers la police. L’enquête contient six variables portant sur la satisfaction des répondants envers le travail des policiers dans leur communauté (1 = mauvais ; 2 = passable ; 3 = bon) : a) assurer la sécurité des citoyens du voisinage ; b) répondre rapidement aux appels ; c) faire respecter la loi ; d) informer le public sur la prévention d’actes criminels ; e) avoir une attitude ouverte, invitant à la discussion ; et f) traiter les personnes équitablement. À l’instar de Sprott et Doob (2014), nous regroupons ces variables en deux grandes catégories de satisfaction, soit la satisfaction en termes de performance (items a, b, c et d) (r = 0,43/0,62 ; α = 0,82) et la satisfaction en termes de compétences relationnelles (items e et f) (r = 0,61 ; α = 0,76)[7]. Des corrélations bivariées suggèrent de fortes associations entre les items de ces regroupements ainsi qu’une grande cohérence interne. Dès lors, nous avons combiné ces items de manière à obtenir le ratio moyen de satisfaction de chaque répondant, soit la somme des scores pour chacune des variables, divisée par le nombre de variables. Ainsi, le score de chaque répondant sur ces variables indexées continue de varier entre 1 et 3.

Index d’éloignement. Pour mesurer le degré d’isolement géographique des communautés qui sous-entend notre définition du continuum urbain-rural-éloigné, nous avons recours à l’index d’éloignement développé par Alasia, Bédard, Bélanger, Guimond et Penney (2017) à Statistique Canada. Cet index mesure l’isolement géographique relatif des subdivisions de recensement en fonction de leur distance avec de grands centres urbains (c.-à-d. ceux accessibles de manière normale) ainsi que la taille de la population. Statistique Canada définit une subdivision de recensement comme étant une unité géographique désignant une municipalité ou encore une région que l’on considère équivalente pour des fins statistiques (Alasia et al., 2017 ; Statistique Canada, 2017). Variant entre 0 et 1, un score de 0 sur l’index représente une communauté populeuse comme celle du centre-ville d’une métropole (p. ex. : Toronto, Vancouver ou Montréal), alors qu’un score de 1 sur l’index représente une communauté hautement isolée comme celle retrouvée dans les régions les plus nordiques des territoires (p. ex. : Cape Dorset, Arctic Bay ou Kuujjuaq). Chaque répondant s’est vu attribuer un score sur l’index d’éloignement en fonction de la subdivision de recensement dans laquelle il réside. Le score moyen sur l’index d’éloignement parmi les répondants est de 0,14, soit un échantillon plutôt urbain (Tableau 1). Ceci est tel qu’attendu puisque la population canadienne est majoritairement urbaine (Statistique Canada, 2011). Nous avons utilisé la version de l’index basé sur les données de recensement en vigueur lors de la collecte de l’ESG (c.-à-d. 2011).

Il convient de noter que les concepteurs de l’index considèrent un score de 0,4 comme un tournant pour l’éloignement des régions. La majorité des subdivisions de recensement se trouvent entre 0,2 et 0,4 sur l’index. Par exemple, cet intervalle inclut des subdivisions de recensement avec une population d’environ 50 000 habitants à proximité d’agglomérations populationnelles de taille moyenne. Au-delà de ces valeurs critiques, les auteurs considèrent que les communautés font état d’un isolement géographique modéré. Par exemple, à partir de ce point, nous commençons à observer des communautés avec un manque d’accès à des services (p. ex. : services financiers et légaux). Elles sont considérées comme étant réellement isolées à partir d’un score de 0,6, soit une caractéristique particulièrement typique des communautés dans les territoires (Alasia et al., 2017). Il faut néanmoins souligner que ces valeurs critiques ne sont que des points de repère et ne servent pas à trancher définitivement les communautés urbaines, rurales et éloignées, car comme il a été mentionné, ces communautés se trouvent sur un continuum.

Variables sociodémographiques et contextuelles. Nous ajustons pour plusieurs variables sociodémographiques et contextuelles qui furent identifiées comme étant conséquentes dans l’étude des perceptions de la police (Bolger et al., 2020) : le sexe des répondants (1 = homme ; 0 = femme), leur âge ; leur niveau de scolarité (1 = diplôme secondaire ; 0 = pas de diplôme secondaire), leur statut d’emploi au cours des 12 mois précédant l’enquête (1 = avait un emploi ; 0 = sans emploi) et leur identité autochtone (1 = oui ; 0 = non) ou leur identité noire (1 = oui ; 0 = non). Nous ajustons également pour différents types de contacts avec la police au cours des 12 mois précédant l’enquête (1 = oui ; 0 = non) : au moins un contact pour des raisons d’application de la loi (c.-à-d. contrôle routier ; arrestation), au moins un contact pour des raisons auxiliaires (c.-à-d. : victime, témoin), au moins un contact pour des raisons de santé comportementale (c.-à-d. : santé mentale ou abus personnel de substance ou sévices par un membre de sa famille), et au moins un contact pour d’autres raisons. Finalement, nous ajustons pour le fait d’avoir été victime d’un crime (1 = oui ; 0 = non).

Tableau 1

Données descriptives de l’échantillon

Données descriptives de l’échantillon

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Stratégie analytique

Pour analyser les variations du niveau de satisfaction envers la police à travers le continuum qui sous-entend les communautés urbaines, rurales et éloignées, nous avons eu recours aux modèles de régression linéaire. Nous avons notamment régressé les deux mesures de satisfaction envers la police (c.-à-d. rendement et relationnelle) sur l’index d’éloignement. Ces modèles ajustent également pour les variables sociodémographiques et contextuelles identifiées préalablement. Cette technique est particulièrement utile, car elle nous permet de dériver le niveau de satisfaction prédit des répondants en fonction de l’isolement géographique relatif de leur communauté, soit le facteur principal qui sous-entend notre conceptualisation des communautés rurales et éloignées[8]. En d’autres mots, pour chaque point sur l’index d’éloignement, nous dérivons le niveau prédit de satisfaction des citoyens envers la police. Ensuite, nous pouvons visualiser ces prédictions sur un graphique démontrant le niveau de satisfaction en fonction de l’endroit où les répondants habitent sur le continuum urbain-rural-éloigné.

Tableau 2

Modèles de régression linéaire (pondérés)

Modèles de régression linéaire (pondérés)

* p <  0,05 ; ** p <  0,01 ; *** p <  0,001.

a Variable standardisée.

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Une analyse préliminaire des données, ajustant pour les variables sociodémographiques et contextuelles, démontre que les relations entre l’index d’éloignement et les variables de satisfaction envers la police étaient mieux représentées par une modélisation quadratique, autant sur le plan de la satisfaction en matière de performance qu’en matière relationnelle. Dès lors, les modèles de régression linéaire qui suivent comprennent l’index d’éloignement ainsi que l’index d’éloignement élevé au carré pour refléter cette relation quadratique.

Résultats

Le Tableau 2 présente les résultats des modèles de régression pour la satisfaction envers la police. Le Modèle 1 qui traite de satisfaction en matière de performance est statistiquement significatif (F = 55,97 ; dl = 13 ; p < 0,05) et la valeur du R2 suggère un pouvoir explicatif faible (R2 = 0,07). Ajustant pour les variables sociodémographiques et contextuelles, les résultats suggèrent que cette association est statistiquement significative, notamment pour ce qui est du paramètre quadratique de l’index d’éloignement (p < 0,05).

La Figure 2 illustre cette relation avec le niveau de satisfaction prédit des répondants en fonction de l’isolement géographique relatif de leur communauté. Nous pouvons constater au départ qu’une augmentation de l’index d’éloignement a pour conséquence un certain accroissement du niveau de satisfaction (entre 0 et 0,2). Or, ce changement est plutôt marginal et ne représente pas une variation significative d’un point de vue pratique. Ceci concorde avec le fait que la partie non quadratique de l’index d’éloignement dans le modèle de régression ci-dessus n’est pas statistiquement significative. En somme, nous concluons que les répondants vivant dans les communautés urbaines populeuses ont un niveau de satisfaction envers la police relativement élevé en matière de rendement. On retrouve un niveau de satisfaction similaire dans les communautés urbaines un peu moins populeuses et vraisemblablement dans les communautés rurales moindrement isolées près des centres urbains (entre 0,2 et 0,4). Or, passé ce point, cette satisfaction diminue de manière générale avec l’isolement géographique des communautés rurales et éloignées. En d’autres mots, chaque augmentation de l’index d’éloignement entraîne une diminution du niveau de satisfaction envers la police en matière de rendement. Ultimement, ce niveau de satisfaction diminue bien en deçà de la moyenne inconditionnelle. Il convient de souligner à nouveau que ces valeurs critiques ne sont que des points de repère et ne servent pas à trancher définitivement les communautés urbaines, rurales et éloignées, car comme mentionné préalablement, ces communautés se trouvent sur un continuum.

Figure 2

Effet marginal

Effet marginal

Note : Figure illustrant le niveau de satisfaction prédit des répondants en fonction de l’isolement géographique relatif de leur communauté. Cette prédiction a été générée en maintenant les variables sociodémographiques et contextuelles à leur moyenne ou leur valeur modale.

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Le Modèle 2 qui traite de satisfaction en matière de compétences relationnelles est statistiquement significatif (F = 56,07 ; dl = 13 ; p < 0,05) et la valeur du R2 suggère un pouvoir explicatif faible (R2 = 0,07). Ajustons pour les variables sociodémographiques et contextuelles, les résultats suggèrent que l’association entre cet aspect de la satisfaction et l’index d’éloignement est statistiquement significative (p < 0,05). Nous pouvons constater au départ qu’une augmentation de l’index d’éloignement donne lieu à un accroissement marqué du niveau de satisfaction envers la police d’un point de vue relationnel (Figure 2). Toutefois, comme prévu, nous observons un point de bascule à partir d’un isolement géographique relatif d’environ 0,4. Allant de l’avant, chaque augmentation de l’index d’éloignement provoque une diminution de la satisfaction envers la police menant à un niveau bien en deçà de la moyenne inconditionnelle. Comme souligné préalablement, un score de 0,4 est un tournant pour l’éloignement des communautés et s’agit du point à parti duquel les communautés sont considérées comme modérément isolées.

En somme, nous concluons que les répondants vivant dans les communautés urbaines populeuses (entre 0 et 0,2) ont un niveau de satisfaction envers la police en matière relationnelle plus faible que les répondants vivant dans les communautés urbaines peu populeuses et ceux dans les communautés rurales moindrement isolées près des centres urbains (entre 0,2 et 0,4). Les répondants habitant dans les régions ayant un indice d’éloignement variant entre 0,4 et 0,6 ont des niveaux de satisfaction comparables, mais inversement. Toutefois, dans les deux cas, cette satisfaction est plus élevée que pour les répondants vivant dans les communautés les plus éloignées (à partir de 0,6).

Discussion

Cet article s’inscrit dans une tentative de démystification des réalités en milieux ruraux et éloignés en ce qui a trait aux relations police-communauté. Particulièrement, notre objectif était de mener une analyse des variations du niveau de satisfaction des citoyens envers la police à travers le continuum qui sous-entend les communautés urbaines, rurales et éloignées. La théorie de la structuration de Giddens (1984) nous a permis de formuler un cadre théorique qui donne un sens aux interrelations entre l’action humaine, la vie sociale et la spatialité, notamment en ce qui a trait aux pratiques policières. En somme, la prémisse de cette étude était que le contexte des communautés rurales et éloignées, comme espace social, contraint et permet la production et la reproduction de pratiques policières différentes de celles en milieu urbain, menant à des perceptions de la police variées chez les membres vivant dans différentes communautés.

Comme nous l’avons exposé, les résultats de notre étude suggèrent qu’il existe des variations importantes dans le niveau de satisfaction des citoyens envers la police en fonction du lieu où ils habitent. Particulièrement, cette satisfaction en matière de rendement décline avec l’isolement géographique des communautés rurales et éloignées comparativement aux communautés urbaines. Ceci s’explique potentiellement par les contraintes opérationnelles auxquelles les services de police dans ces communautés font face, comme le laisse entendre la littérature. Plus encore, la satisfaction des citoyens au sujet des compétences interpersonnelles des policiers est plus élevée dans les communautés rurales comparativement aux régions urbaines. Toutefois, elle décline avec l’isolement géographique des communautés éloignées. Ceci se conçoit potentiellement par des relations police-communauté beaucoup plus informelles et familières dans les communautés rurales, mais qui périclitent dans les communautés éloignées.

Sans contredit, notre étude fait face à certaines limites. Premièrement, les items de satisfaction concernant les compétences relationnelles des policiers sont quelque peu limités. Il aurait été intéressant de pouvoir examiner certaines dimensions interpersonnelles que la littérature indique comme étant importantes dans les communautés rurales et éloignées, par exemple la familiarité des citoyens avec les policiers locaux. Deuxièmement, les données ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre l’isolement géographique, les propriétés sociales associées à cet isolement et le niveau de satisfaction envers la police. Troisièmement, bien que l’ESG soit un échantillon représentatif de la population canadienne, il est vraisemblable que certaines populations marginalisées soient sous-représentées, certaines d’entre elles ayant des relations difficiles avec la police, ce qui influe sur leurs perceptions de celle-ci (p. ex. : personnes en situation d’itinérance ou personnes incarcérées). Finalement, les modèles de régression n’expliquent que 7 % de la variance des variables dépendantes. Ceci implique que malgré la saillance des variables incluses dans les modèles, ces dernières n’expliquent pas à elles seules l’entièreté des variations au niveau de la satisfaction des citoyens envers la police. Néanmoins, notre analyse atteint son objectif en contribuant à étayer et générer des connaissances scientifiques essentielles sur le travail des policiers en milieux ruraux et éloignés ainsi que sur les relations que ces derniers entretiennent avec les membres des communautés.

Premièrement, le contexte des communautés rurales et éloignées semble donner lieu à des relations police-communautés qui les différencient de leurs collègues en milieux urbains. Ceci suggère donc que de tenir pour acquis que le travail de ces policiers en milieux ruraux et éloignés est tout simplement la version idéale du travail des policiers en milieux urbains est malavisé. Au contraire, notre étude suggère que beaucoup de travail est nécessaire pour améliorer la satisfaction des citoyens envers la police qui est particulièrement défaillante dans les communautés plus isolées. Par exemple, les personnes vivant en milieux ruraux et éloignés sont particulièrement insatisfaites avec la performance de la police. Deuxièmement, notre analyse suggère que les personnes vivant dans les régions rurales ont un taux de satisfaction relativement élevé envers la police en matière de relations interpersonnelles. Ceci corrobore jusqu’à un certain point l’idée selon laquelle les relations police-communautés sont meilleures dans ces communautés que dans les régions urbaines. Or, contrairement à ces préconceptions, cette satisfaction semble décroître avec l’isolement géographique des régions éloignées. Ce constat nous rappelle donc qu’il n’existe pas qu’une seule forme de ruralité. En fait, il existe de nombreuses variations et différences contextuelles à l’intérieur des régions rurales et éloignées qui ont vraisemblablement le potentiel d’influencer le travail des policiers d’une communauté à l’autre ainsi que leurs relations avec leurs membres. En somme, ceci nous amène à conclure qu’il faut transcender une approche qui dichotomise l’urbain et le rural, comme c’est fréquemment le cas dans nos études.

En conclusion, préciser nos connaissances sur la police dans les communautés rurales et éloignées est nécessaire compte tenu du manque de données probantes pour l’élaboration de politiques publiques et de pratiques policières adaptées. Or, la nécessité d’un tel exercice sous-tend également des considérations plus larges en ce qui a trait à l’état de notre discipline. Si la criminologie rurale a été négligée dans la littérature anglo-saxonne (Donnermeyer et DeKeseredy, 2014), elle fut pratiquement oubliée dans la littérature francophone. En effet, nous trouvons difficilement des études en français qui abordent le sujet de manière plus que superficielle. Au Canada, ceci est d’autant plus déplorable vu que la population qui gagnerait le plus à profiter de la recherche criminologique en français n’y est pas toujours bien représentée. En effet, outre les métropoles québécoises, et malgré une urbanisation grandissante, la francophonie canadienne demeure fortement ancrée dans les régions rurales du pays (Beaudin et Forgues, 2006 ; Cao, Chouinard et Dehoorne, 2005 ; Castonguay, 2005). Le développement d’une criminologie rurale francophone se présente donc comme une nécessité.