Corps de l’article

Introduction

L’usage des technologies mobiles connaît une croissance régulière (Union internationale des télécommunications, 2019) et ce fait va de pair avec l’utilisation croissante des réseaux sociaux par les apprenants. Le recours aux technologies numériques s’est révélé être, pour de nombreuses structures universitaires, une issue pour assurer des activités pédagogiques à distance. De ce point de vue, l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) déploie un dispositif relevant d’une modalité hybride. Cette dernière se caractérise, en début de formation, par des regroupements présentiels dans les espaces numériques ouverts (ENO). Progressivement, le présentiel laisse la place à l’apprentissage en ligne classique s’appuyant sur des plateformes Moodle (Mbengue et Meinertzhagen, 2019). Ces ENO constituent des espaces d’initiation aux outils technologiques, de développement d’un esprit d’appartenance et de socialisation par le biais d’interactions physiques entre étudiants. À travers la promotion du développement personnel en dehors du cadre formel, faite à l’UVS (Mbengue et Meinertzhagen, 2019), cette socialisation trouve naturellement un prolongement dans les réseaux sociaux durant la phase de formation totalement à distance.

Bien que ces réseaux sociaux soient peu utilisés par certains enseignants pour enrichir les activités d’enseignement (Alhedaithy et Almobarraz, 2017) et que le plus souvent, l’usage de ces canaux de collaboration et d’échange puisse échapper aux tuteurs (Coulibaly, 2010), le recours adéquat aux réseaux sociaux à des fins éducatives permet aux étudiants de travailler et d’apprendre d’une façon plus naturelle, tout en améliorant leur processus collaboratif d’acquisition de connaissances (Reychav et al., 2016; Tîrziu et Vrabie, 2015). Ainsi, l’usage des réseaux sociaux, permettant aux étudiants de communiquer avec leurs pairs, favorise leur apprentissage et par ailleurs enrichit les méthodes d’enseignement dans l’objectif de les rendre plus efficaces (Alhedaithy et Almobarraz, 2017), nonobstant le fait que certains enseignants sont plus susceptibles d’utiliser les technologies plus courantes, comme le courrier électronique, par rapport à Facebook, plus prisé par les étudiants (Roblyer et al., 2010). Ces avantages que présente l’usage des réseaux sociaux dans le processus éducatif semblent être une occasion à saisir pour améliorer les apprentissages des étudiants. En effet, l’intention des étudiants d’utiliser les réseaux sociaux ou les technologies mobiles d’assistance à l’apprentissage des langues, WhatsApp en l’occurrence, est favorisée ou influencée par leur perception de la facilité d’usage des réseaux éducatifs, de la compatibilité des technologies mobiles et de la rétroaction de l’enseignant (Alshurideh et al., 2019; Morchid, 2019). Par contre, pour ce qui est de l’effet des attentes de performance et des attentes d’effort sur l’intention d’usage de WhatsApp pour l’apprentissage des langues, par exemple, aucun lien significatif n’a été trouvé (Morchid, 2019). Mais l’attente de performance, l’attente d’effort et même les conditions facilitantes ont des effets positifs statistiquement significatifs sur l’intention d’usage de l’eBook et du système spécialisé de gestion de l’apprentissage (SLMS – specialized learning management system; Liebenberg et al., 2018).

D’autre part, l’attente de performance, les conditions facilitantes, la motivation hédonique, les habitudes, l’attente d’effort ainsi que l’influence sociale sont les facteurs qui influencent le plus souvent, chez les enseignants, l’intention et l’attente d’usage des réseaux sociaux à des fins éducatives (Hu et al., 2020; Yildiz Durak, 2019). Cela contraste avec ce qui est constaté chez les étudiants, pour lesquels les prédicteurs significatifs de l’intention d’usage des réseaux éducatifs semblent être liés au plaisir perçu, à l’utilité perçue et à la facilité d’usage perçue (Alhedaithy et Almobarraz, 2017; Alshurideh et al., 2019). En outre, ces derniers semblent être plus enclins que leurs enseignants à mettre à profit ces réseaux sociaux dans les activités d’apprentissage (Alhedaithy et Almobarraz, 2017; Hamdani, 2019; Manca et Ranieri, 2016; Roblyer et al., 2010). En effet, beaucoup d’étudiants, dans le cadre de leurs études universitaires, estiment que des réseaux sociaux comme Facebook sont rapides, pratiques, faciles d’usage, et présentent l’avantage de favoriser les échanges d’information. Ce constat est d’autant plus prégnant que l’expérience que ces étudiants ont acquise de l’usage des réseaux sociaux est importante (Mélot et al., 2016; Venkatesh et al., 2003). Cependant, l’usage de ces canaux de collaboration et d’échange semble moins recueillir l’assentiment des enseignants qui, à travers eux, voient s’installer une certaine forme d’entorse aux normes de discipline (Boudokhane-Lima et al., 2019). Dans la caractérisation des déterminants de l’intention d’usage, par les étudiants, de ces réseaux à des fins éducatives, les modèles d’acceptation de la technologie (TAM – technology acceptance model) et la théorie unifiée d’acceptation et d’utilisation des technologies (UTAUT – unified theory of acceptance and use of technology) se sont révélés assez performants (Al-Qaysi et al., 2020; Khechine et al., 2016), dévoilant les facteurs essentiels qui affectent l’intention et l’attente d’usage desdits réseaux (Alshurideh et al., 2019; Benali et al., 2018; Kouakou, 2019; Kuciapski, 2016; Morchid, 2019; Yildiz Durak, 2019). Toutefois, dans des formations déjà médiatisées à travers des plateformes de formation à distance, l’intention et l’attente d’usage des réseaux sociaux seraient-elles mues par les mêmes déterminants? Dans cette recherche, nous nous interrogeons sur l’intention et l’attente qu’ont les étudiants d’utiliser des réseaux sociaux dans le cadre de leur apprentissage. Celles-ci seraient-elles en lien avec une valeur ajoutée escomptée dans l’apprentissage, dans le contexte de l’Université virtuelle du Sénégal? Ou bien, cet intérêt croissant pour les réseaux sociaux serait-il uniquement le résultat d’un effet d’entraînement social, dans un contexte d’enseignement à distance?

Cadre théorique : la théorie unifiée d’acceptation et d’utilisation des technologies comme soubassement

Préalablement à la présentation du cadre ayant présidé à la conception de la présente recherche, il convient de décliner l’acception que nous donnons à la notion de réseau social. Dans cette optique, nous empruntons la définition produite par Boyd et Ellison (2007) à ce propos. Ainsi, nous retenons que les réseaux sociaux numériques sont des communautés d’utilisateurs connectés à travers des plateformes Web. Ces plateformes permettent à leurs utilisateurs d’y créer un profil, d’articuler une liste d’autres utilisateurs avec lesquels ils partagent une connexion et de visualiser et parcourir leur liste de connexions et celles qui sont établies par d’autres au sein de la plateforme. Il est alors possible aux membres de cette communauté de produire et de partager du contenu numérique sous forme multimédia, au sein du réseau ainsi créé.

Notre recherche s’appuie sur le modèle UTAUT. Ledit modèle associe les facteurs pouvant influencer les individus dans leurs intentions d’adoption et d’utilisation des technologies, dans divers environnements (Venkatesh et al., 2016). Il découle de l’évolution du modèle TAM, avec la prise en compte de nouveaux facteurs (Davis, 1989). Les différents modèles évolutifs TAM ainsi que les autres modèles existants ayant trait à l’adoption de la technologie illustrent, de manière claire, tout l’intérêt que présentent les modèles théoriques de l’adoption des technologies. Ce constat a amené les auteurs à synthétiser l’ensemble des modèles d’adoption de la technologie, dans le but de parvenir à une approche unifiée (UTAUT). Pour atteindre cet objectif, les huit modèles suivants ont été analysés pour en déterminer les similitudes et les différences, afin de parvenir à un modèle synthétique : la théorie de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1980), le modèle de l’acceptation de la technologie (Davis, 1989), le modèle de la motivation, la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991), le modèle combiné de l’acceptation de la technologie et de la théorie du comportement planifié, le modèle de l’utilisation des PC, la théorie de la diffusion des innovations (Rogers, 2003) et la théorie sociale cognitive (Bourdon et Hollet-Haudebert, 2009). Le modèle qui en est ressorti est composé de quatre déterminants directs de l’acceptation des usagers de la technologie. Il s’agit des attentes de performance, des attentes d’effort, des influences sociales et des conditions facilitantes. Le recours au modèle théorique UTAUT nous permet de déterminer les prédicteurs de l’intention des étudiants, d’accepter et d’utiliser les réseaux sociaux pour leur apprentissage, dans le contexte de l’UVS caractérisé par une médiatisation des activités, au moyen d’une plateforme d’enseignement à distance. Les concepts fondateurs du modèle UTAUT sont basés essentiellement sur l’attente de performance, l’attente d’effort, l’influence sociale, les conditions facilitantes, l’intention d’usage et l’attente d’usage (Venkatesh et al., 2003). Dans le contexte de notre étude, l’attente de performance relève de la croyance des étudiants voulant que le recours aux réseaux sociaux leur permette de parvenir à de meilleurs résultats dans leurs études. L’attente d’effort relève de la perception qu’ont les étudiants de la facilité d’utilisation des réseaux sociaux dans leurs activités d’apprentissage. L’influence sociale a trait à la perception qu’ont les étudiants de l’avis des personnes auxquelles ils accordent du crédit ou qui comptent pour eux sur le fait qu’ils devraient ou non mettre à contribution les réseaux sociaux dans leurs activités d’apprentissage. Les conditions facilitantes relèvent de l’impression qu’auraient les étudiants qu’il existe une infrastructure organisationnelle et technique destinée à leur apporter un soutien ou une aide dans l’utilisation des réseaux sociaux à des fins éducatives. L’intention d’usage et l’attente d’usage des réseaux sociaux pour apprendre relèvent, quant à elles, du souhait et des projections de recourir aux réseaux sociaux pour apprendre, à court ou moyen terme. En référence au modèle UTAUT, nous formulons donc les hypothèses qui suivent :

H1 L’attente d’effort influence positivement l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre.

H2 L’attente de performance a un effet positif sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre.

H3 L’influence sociale affecte positivement l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre

H4 Les conditions facilitantes ont une influence positive sur l’attente d’usage des réseaux sociaux pour apprendre.

H5 L’intention d’usage affecte positivement l’attente d’usage des réseaux sociaux pour apprendre.

Méthodologie : participants et outils de collecte et de traitement des données

Cette étude a impliqué 520 étudiants de l’UVS, créée en 2013. L’UVS comptait, pour l’année universitaire 2018-2019, 30 000 étudiants (UVS, 2020). L’échantillon de notre étude est majoritairement masculin, comptant 63 % d’hommes (n = 329) et 37 % de femmes (n = 191). L’âge des participants à l’étude se situait entre 19 et 58 ans (médiane : 23 ans), pour une moyenne de 24,5 ans (écart type : 4,8 ans).

La collecte des données a été faite par le biais d’un questionnaire en ligne (annexe A) comportant des questions ayant trait aux caractères sociodémographiques, aux études et à l’utilisation des réseaux sociaux pour apprendre. L’âge et le sexe sont les variables sociodémographiques renseignées par les données recueillies. Pour ce qui est des études, le niveau est ciblé. En ce qui concerne l’utilisation des réseaux sociaux, aux variables relevant du modèle UTAUT s’ajoutent le recours aux réseaux sociaux pour apprendre et les types de réseaux sociaux utilisés. La partie de notre questionnaire permettant de recueillir les données renseignant les variables latentes du modèle UTAUT est composée de 21 items appelant des réponses ordonnées sur une échelle de Likert à 7 niveaux. Cette dernière est ainsi constituée : 1. désaccord total, 2. désaccord, 3. léger désaccord, 4. neutre (ni accord, ni désaccord), 5. léger accord, 6. accord, 7. accord total. Cette partie du questionnaire est basée sur les éléments constituant le modèle UTAUT, elle est présentée au tableau 3. Son élaboration s’inspire des items développés dans les travaux de Maruping et al. (2017). Ces items ont antérieurement été utilisés et validés dans de nombreux autres travaux (Al-Qaysi et al., 2020; Khechine et al., 2016). La traduction des questions ainsi que leur adaptation à l’utilisation des réseaux sociaux aux fins d’apprentissage ont été coconstruites par plusieurs équipes de chercheurs, incluant les auteurs de cet article, de manière à les contextualiser à divers autres terrains de recherche africains (Nouhou et al., 2020; Nyebe Atangana et al., 2020).

Il convient de préciser, comme le montre le tableau 1, que 76,9 % des étudiants ayant répondu au questionnaire déclarent utiliser les réseaux sociaux pour apprendre, tandis que 23,1 % déclarent ne pas le faire.

Tableau 1

Recours aux réseaux sociaux pour apprendre selon le niveau d’études et le sexe (n = 520)

Recours aux réseaux sociaux pour apprendre selon le niveau d’études et le sexe (n = 520)

-> Voir la liste des tableaux

Pour les 400 étudiants ayant déclaré utiliser les réseaux sociaux dans leurs activités d’apprentissage, le tableau 2 montre la fréquence des réseaux sociaux déclarés. Nous notons que le réseau social déclaré le plus utilisé est WhatsApp (30,1 %), suivi de Google (26,7 %), puis viennent YouTube (15,3 %) et Facebook (5,9 %). Remarquons cependant que la plateforme de formation à distance de l’UVS (9,7 %), qui n’est pas un réseau social au sens de ceux déjà évoqués, est plus citée dans les réponses des étudiants que ne l’est Facebook.

Les données renseignant les variables du modèle UTAUT ont été traitées à l’aide d’un modèle d’équations structurelles mettant en oeuvre les moindres carrés partiels. La procédure plspm du logiciel R a été mise à contribution à cet effet (Sanchez, 2013). Pour rappel, les modèles d’équations structurelles relèvent des méthodes statistiques multivariées dites de seconde génération. Ils permettent, dans une même construction théorique, d’étudier à la fois la manière dont les variables latentes sont définies par les variables manifestes, qui sont mesurées, et les relations complexes entre les différentes variables latentes (Bollen, 1989; Hoyle, 2012; Rivera, 2015; Schumacker et Lomax, 2015). Les modèles d’équations structurelles reposent essentiellement sur deux méthodes d’estimation des paramètres : celle qui est basée sur l’analyse de la covariance et celle qui s’appuie sur l’analyse de la variance. Cette dernière méthode est celle sur laquelle reposent les modèles d’équations structurelles à moindres carrés partiels. Notre choix de recourir à un modèle d’équations structurelles à moindres carrés partiels est guidé par le fait que ce type de modèle s’affranchit de tout postulat de normalité de la distribution des données (Hair et al., 2019; Latan et Noonan, 2017).

Tableau 2

Fréquence de mots relatifs aux réseaux sociaux déclarés

Fréquence de mots relatifs aux réseaux sociaux déclarés

-> Voir la liste des tableaux

Résultats : effet globalement prédominant de l’influence sociale et déterminants contrastés selon le sexe et le niveau d’études

Qualité du modèle de mesure

Avant de considérer le modèle structurel, en vue d’évaluer le modèle de recherche en ce qui concerne les liens entre les différents construits ou variables latentes, il convient d’apprécier la qualité du modèle de mesure. Cette appréciation de la qualité du modèle de mesure consiste en réalité à estimer la validité et la fiabilité des construits que sont l’attente d’effort, l’attente de performance, l’influence sociale, les conditions facilitantes, l’intention d’usage et l’attente d’usage. Pour ce faire, nous avons à examiner quatre facteurs : la fiabilité des indicateurs, la fiabilité de la cohérence interne des construits, leur validité convergente et leur validité discriminante. Afin de juger de la fiabilité des indicateurs, nous examinons les charges factorielles de ces derniers; des valeurs supérieures à 0,708 sont jugées satisfaisantes. Concernant la fiabilité de la cohérence interne, son appréciation se résume à l’examen des valeurs de la fiabilité composite (FC) qui doivent être comprises entre 0,7 et 0,9 pour être jugées acceptables à bonnes, sans toutefois atteindre le seuil de 0,95, qui serait problématique. L’évaluation de la validité convergente se fait en examinant les valeurs des variances moyennes extraites (VME); pour être acceptables, elles doivent être supérieures à 0,5. La validité discriminante, quant à elle, est appréhendée à travers le critère hétérotrait-monotrait (HTMT). Des valeurs du critère HTMT supérieures à 0,9 ne sont pas souhaitées, car elles révèlent que les indicateurs du construit concerné sont plus corrélés à d’autres construits qu’à celui qu’ils définissent (Hair et al., 2019).

Tableau 3

Critères de qualité du modèle de mesure

Critères de qualité du modèle de mesure

-> Voir la liste des tableaux

La lecture du tableau 3 permet de noter une fiabilité satisfaisante des indicateurs, avec toutes les charges factorielles supérieures à 0,708. Il en est de même pour les valeurs des variances moyennes extraites qui sont toutes supérieures à 0,5, témoignant d’une validité convergente satisfaisante. Pour ce qui est de la fiabilité de la cohérence interne, nous notons des valeurs de fiabilité composite acceptables pour tous les construits, sauf pour l’intention d’usage (0,95) et pour l’attente d’usage (0,96). Cela dénote un problème de fiabilité de la cohérence interne de ces deux construits. De même, concernant la validité discriminante des construits, nous constatons une valeur du critère HTMT de 0,93 (tableau 4) entre l’intention d’usage et l’attente d’usage, lorsque pour tous les autres construits les valeurs sont satisfaisantes (< 0,9). Ce constat indique une forte corrélation entre les indicateurs de l’intention d’usage et l’attente d’usage et vice versa. Il faut remarquer qu’à la lecture des items de ces deux construits, la nuance n’est pas facile à déceler de la part des étudiants.

Tableau 4

Critère hétérotrait-monotrait (HTMT)

Critère hétérotrait-monotrait (HTMT)

-> Voir la liste des tableaux

Prédominance de l’influence sociale mise en évidence par le modèle structurel global

Les résultats du modèle structurel (figure 1) permettent de noter que toutes les variables latentes représentent de manière satisfaisante les variables mesurées qui les composent. En effet, les charges factorielles les plus faibles sont supérieures à 0,75 et tous les coefficients de cohérence interne de Cronbach sont supérieurs à 0,7. Nous pouvons retenir que, chez les étudiants de l’UVS ayant participé à l’étude, l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre est positivement affectée par l’influence sociale et l’attente d’effort. De même, l’intention d’usage et les conditions facilitantes influent positivement sur l’attente d’usage. Cela en raison des valeurs de p (< 0,05). Ainsi, 73 % de la variance de l’attente d’usage des réseaux sociaux, aux fins d’apprentissage, est expliquée par l’intention d’usage et les conditions facilitantes (R2 = 0,73). Notons, dans le même sillage, que 38 % de la variance de l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre est expliquée par l’attente d’effort et l’influence sociale (R2 = 0,38). Si l’on se réfère aux coefficients des chemins b, l’influence sociale est établie comme le principal déterminant de l’intention d’usage des réseaux sociaux par les étudiants (b = 0,41 avec p < 0,001). De plus, dans le contexte de notre étude, l’attente d’usage est essentiellement déterminée par l’intention d’usage (b = 0,79 avec p < 0,001).

Les hypothèses H1, H3, H4 et H5 que nous avions formulées sont confirmées, alors que l’hypothèse H2 est infirmée.

Figure 1

Résultats du modèle structurel

Résultats du modèle structurel

-> Voir la liste des figures

Effet de l’attente de performance modéré par le sexe

Au-delà des résultats qui précèdent, une analyse multigroupe montre une différence significative (p < 0,01) entre les hommes et les femmes (voir figure 2) du point de vue de l’effet de l’attente de performance sur l’intention d’usage des réseaux sociaux dans un contexte éducatif. Chez les hommes, l’attente de performance a un effet positif significatif (b = 0,26 avec p < 0,05) sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre. Par contre, cet effet est négatif mais non significatif chez les femmes (b = -0,11 avec p > 0, 05).

De la même manière (figure 3), il est noté une différence significative entre les étudiants de niveau licence (licence 1, licence 2 ou licence 3) et ceux de niveau master (master 1 ou master 2) en ce qui concerne l’effet des conditions facilitantes sur l’attente d’usage (p < 0,05), celui de l’attente d’effort sur l’attente d’usage (p < 0,05) et celui de l’attente de performance sur l’intention d’usage (p < 0,01). Ainsi, l’influence des conditions facilitantes est beaucoup plus marquée chez les étudiants en master (b = 0,36 avec p < 0,001) que chez les étudiants en licence (b = 0,09 avec p < 0,05). Il en est de même pour ce qui concerne l’effet de l’attente de performance sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre, qui est très important chez les étudiants en master (b = 0,99 avec p < 0,01), mais très faible et non significatif du point de vue statistique chez les étudiants en licence (b = 0,05 avec p > 0,05).

Figure 2

Coefficients des chemins selon le sexe

Coefficients des chemins selon le sexe

-> Voir la liste des figures

Effets des conditions facilitantes, des attentes d’effort et de performance modérés par le niveau d’études

Pour ce qui est de l’influence de l’attente d’effort sur l’intention d’usage des réseaux sociaux aux fins d’apprentissage, les résultats mettent en évidence une différence également significative entre les étudiants en licence et ceux en master. Cette influence est positive chez les étudiants en licence (b = 0,23 avec p < 0,001), alors qu’elle se révèle négative chez les étudiants en master (b = -0,4 avec p < 0,05).

Figure 3

Coefficients des chemins selon le niveau d’études

Coefficients des chemins selon le niveau d’études

-> Voir la liste des figures

Discussions

Le questionnement de recherche de la présente étude avait essentiellement trait aux déterminants de l’acceptation des réseaux sociaux pour apprendre, dans des formations déjà médiatisées à travers des plateformes de formation à distance. De manière précise, nous nous demandions si cette acceptation relevait d’une valeur ajoutée escomptée dans l’apprentissage ou d’un effet d’entraînement social. En substance, notre étude met en évidence le fait que l’intention d’usage des réseaux sociaux par les étudiants de l’UVS résulte d’un effet d’entraînement social plutôt que d’une valeur ajoutée escomptée.

Tout d’abord, afin de mieux positionner les résultats de notre recherche par rapport aux travaux antérieurs, il nous semble opportun d’y revenir à la lumière des hypothèses que nous avions émises. De ce point de vue, par rapport à l’hypothèse H1, nos travaux la confortent et révèlent une influence positive de l’attente d’effort sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre. Ce constat confirme bien les travaux qui montrent que l’intention d’usage et l’attente d’usage des technologies mobiles ou des réseaux sociaux, de la part des étudiants, dépendent entre autres de l’attente d’effort (Kouakou, 2019; Kuciapski, 2016; Yildiz Durak, 2019).

Par contre, relativement à l’hypothèse H2, notre étude n’a pas pu globalement mettre en évidence le moindre effet de l’attente de performance sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre. Ainsi, l’attente de performance n’aurait pas d’influence sur l’intention d’usage des étudiants de l’UVS. Ce résultat s’accorde avec les résultats antérieurs, qui ne trouvent aucun effet significatif de l’attente de performance sur l’intention d’usage de WhatsApp pour l’apprentissage des langues (Morchid, 2019). Cependant, il s’oppose aux résultats mis en évidence par Kouakou (2019), Kuciapski (2016) et Yildiz Durak (2019), qui établissent un effet positif de l’utilité perçue ou de l’attente de performance sur l’intention d’usage des technologies mobiles ou des réseaux sociaux par les étudiants.

En ce qui concerne l’hypothèse H3, notre recherche établit que l’influence sociale affecte positivement l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre. Ces résultats s’accordent avec ceux de Benali et al. (2018), Kouakou (2019), Kuciapski (2016) et Yildiz Durak (2019), qui montrent que l’influence sociale semble être un déterminant important pour les apprenants en ce qui a trait à l’intention qu’ils ont d’adopter l’apprentissage médié par une technologie mobile.

Pour ce qui est de l’hypothèse H4, nous révélons une influence positive des conditions facilitantes qui soutiennent l’utilisation des réseaux sociaux pour apprendre sur l’attente d’usage desdits réseaux de la part des étudiants de l’UVS. Ces résultats mettant en lien les conditions facilitantes et l’attente d’usage vont dans le sens de ceux mis en évidence par Mélot et al. (2016) montrant que l’accessibilité, la praticité, la rapidité et la facilité des échanges pédagogiques dans un réseau social comme Facebook expliquent l’adoption des réseaux sociaux pour apprendre dans le cadre du cursus universitaire des étudiants. Par contre, ces résultats ne vont pas dans le sens de ceux établis par Kouakou (2019) ainsi que Benali et al. (2018) relevant une absence d’effet des conditions facilitantes sur l’adoption des technologies mobiles. Ce constat serait-il en lien avec des conditions facilitantes associées à l’usage de la plateforme de l’UVS, sachant que certains étudiants citent cette plateforme dans la liste des réseaux sociaux utilisés? Cet aspect mériterait de faire l’objet d’un éclairage futur.

Par rapport à l’hypothèse H5, nos travaux mettent en évidence un effet positif de l’intention d’usage sur l’attente d’usage des réseaux sociaux pour apprendre, comme cela a été noté par des travaux antérieurs reposant sur le modèle UTAUT (Kuciapski, 2016; Mélot et al., 2016; Morchid, 2019; Yildiz Durak, 2019).

Il convient également de revenir sur la portée à donner à ce travail, du point de vue tant des limites qu’il pourrait comporter que des implications pratiques des résultats établis. Le fait que les réponses de certains étudiants semblent révéler une confusion dans l’acception de la notion de réseau social pourrait affecter la validité de ces réponses. En outre, des valeurs assez élevées de fiabilité composite sont relevées pour les construits que sont l’intention d’usage (0,95) et l’attente d’usage (0,96). Notons, dans le même sillage, la valeur du critère HTMT (0,93) entre l’intention d’usage et l’attente d’usage. Malgré la taille de l’échantillon, les constats qui précèdent réduisent quelque peu la force des résultats établis. En ce qui concerne les implications, dans le contexte de l’UVS, les résultats mis en évidence militeraient en défaveur de la mise en oeuvre de dispositifs incluant les réseaux sociaux pour apprendre. Cela en raison du fait que les étudiants semblent globalement ne pas leur attribuer un quelconque effet bénéfique sur leurs résultats scolaires.

Conclusion

Cette recherche avait pour objectif de déceler les déterminants de l’intention et de l’attente d’usage des réseaux sociaux pour apprendre. Elle impliquait les étudiants d’un établissement d’enseignement supérieur caractérisé par la médiatisation des enseignements à travers une plateforme de cours en ligne. Il était question de savoir si l’intention de recourir aux réseaux sociaux, aux fins d’apprendre, relevait d’une plus-value perçue par les étudiants, sur le plan de l’amélioration de leurs résultats scolaires, ou si elle tenait plutôt d’un effet d’entraînement social. Les résultats que nous mettons en évidence vont dans le sens de la seconde hypothèse, car l’influence sociale perçue par les étudiants est établie comme déterminant principal de l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre. Par rapport à l’attente de performance, nous notons que chez les hommes, elle affecte positivement l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre. Ainsi la différence liée au sexe relative à l’influence de l’attente de performance sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour apprendre vaut la peine d’être explicitée. Notre étude repose sur le modèle UTAUT, modèle déterministe, car l’action y est déterminée par l’intention (Bagozzi, 2007). Notons cependant que de nombreux facteurs peuvent influer lorsqu’une personne exprime son intention et le moment où elle agit réellement. L’intention, dans ce cas, n’est pas le seul indicateur de l’action, car les buts poursuivis sont aussi à prendre en considération. Bien que cet aspect soit une limitation dans nos travaux, la relation de causalité qui existe entre l’intention d’usage et le comportement réel observable a été empiriquement soutenue dans de nombreuses recherches antérieures (Davis, 1989; Taylor et Todd, 1995; Venkatesh et Davis, 2000). Il conviendrait alors de mener de futurs travaux dans le but de comprendre plus finement la manière dont les étudiants associent l’utilisation de la plateforme de l’UVS et celle des réseaux sociaux dans leurs activités d’apprentissage, sans oublier les liens qui pourraient exister entre l’acceptation des réseaux sociaux pour apprendre par les étudiants et les usages qu’en ont les enseignants. En outre, les résultats que nous avons trouvés relativement à l’effet modérateur du niveau d’études sur l’influence des conditions facilitantes sur l’attente d’usage et celle de l’attente de performance et d’effort sur l’intention d’usage nous poussent à nous demander quel lien cet effet modérateur du niveau d’études aurait avec celui de l’expérience et de l’âge mis en évidence dans la littérature. De futures recherches pourraient approfondir cette question.