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L’importance des interactions de qualité dans l’oral à l’école

L’apprentissage du langage oral est multifactoriel. Parmi les facteurs qui l’influencent, l’environnement social dans lequel l’enfant évolue joue un rôle fondamental, notamment grâce aux opportunités de communication qui lui sont offertes (Hoff, 2006). En contexte éducatif, l’école maternelle en Belgique francophone devrait représenter un environnement social propice au développement langagier puisqu’elle est fréquentée par 94 % des enfants dès l’âge de 3 ans[1]. Néanmoins, la simple fréquentation d’un milieu éducatif ne s’avère pas suffisante pour favoriser le développement du langage oral (Cantin et al., 2012). Pour observer son enrichissement, le milieu fréquenté par l’enfant doit être de qualité.

La qualité d’un milieu éducatif est notamment déterminée par la qualité des interactions qui y règnent. L’étude de Sabol et al. (2013), réalisée sur un échantillon de 2 419 enfants âgés en moyenne de 4,6 ans, démontre d’ailleurs que la qualité des interactions en classe, évaluée par l’outil d’observation Classroom Assessment Scoring System (CLASS®) (Pianta et al., 2008), représente le meilleur prédicteur des compétences langagières ultérieures de l’enfant. Cela signifie que plus le milieu éducatif offre des interactions de qualité, plus l’enfant développera un niveau élevé de langage oral. Dès lors, la qualité des interactions représente un enjeu pour la maîtrise du langage oral des enfants et mérite d’être analysée. Cette nécessité est particulièrement importante dans le contexte belge francophone où de récentes réformes de l’enseignement[2] placent la maîtrise du langage oral au coeur des objectifs prioritaires de l’école maternelle. Cette mesure a d’ailleurs abouti à l’engagement d’orthophonistes ayant comme mission d’accompagner les personnes enseignantes de maternelle pour soutenir au mieux le langage oral des enfants.

Comme illustré à la Figure 1, l’outil Classroom Assessment Scoring System (CLASS®) permet d’estimer le niveau de qualité des interactions en classe selon 10 dimensions réparties en 3 domaines : 1) le soutien émotionnel, 2) l’organisation de la classe et 3) le soutien à l’apprentissage. La qualité de chaque dimension est évaluée sur une échelle de Likert à 7 niveaux : faible (1-2), moyenne (3-4-5) ou élevée (6-7).

Figure 1

Représentation des domaines du CLASS® et de leurs dimensions

Représentation des domaines du CLASS® et de leurs dimensions

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Le soutien émotionnel fait référence à la mise en place d’un contexte chaleureux (Pianta et al., 2008). Dans les classes démontrant un niveau de soutien émotionnel de qualité élevée, le personnel enseignant instaure un climat positif où chacun se respecte et éprouve du plaisir à interagir (climat positif). Le climat est exempt de toute négativité comme l’humiliation, le sarcasme ou la moquerie (climat négatif). L’adulte reconnaît les signaux précurseurs d’une difficulté émotionnelle ou cognitive et y réagit rapidement et efficacement (sensibilité de l’adulte). Enfin, il accorde de l’importance au point de vue des enfants en intégrant leurs idées, en favorisant leur autonomie et en les incitant à exprimer leur opinion (considération pour le point de vue de l’enfant) (Leroy et al., 2017b). Grâce à ces comportements de l’adulte, l’enfant profite d’un contexte sécurisant lui permettant d’apprendre et de se développer, notamment sur le plan de l’oral. Cette base sécurisante est particulièrement importante pour les enfants ayant un niveau langagier faible, car sans elle ils n’osent participer aux échanges conversationnels avec le personnel enseignant et leurs pairs. Un climat émotionnel bienveillant a donc une incidence positive sur leur développement langagier (Gosse et al., 2014).

L’organisation de la classe renvoie, quant à elle, aux actions du personnel enseignant qui permettent aux enfants de réguler leurs comportements (gestion des comportements), d’intégrer des routines leur laissant la possibilité de participer aux activités (productivité) et de maximiser leur intérêt lors des apprentissages (modalités d’apprentissage) (Curby et al., 2009; Emmer et Stough, 2001). Dans une classe où l’organisation est de qualité, les enfants connaissent les routines et sont constamment engagés dans des activités. Le personnel enseignant, ayant planifié au préalable chaque dispositif pédagogique, peut être immédiatement disponible et soutenant dans les apprentissages. Tant les enfants que l’adulte sont ainsi pleinement disposés à interagir, ce qui favorise le soutien du langage oral (Cabell et al., 2019; Leyva et al., 2015).

Enfin, le soutien à l’apprentissage décrit la manière dont les personnes enseignantes favorisent le développement cognitif (développement de concepts), réagissent aux commentaires des enfants (qualité de la rétroaction), et utilisent des pratiques de modelage langagier (modelage langagier) (Pianta et al., 2008). Puisqu’un niveau de qualité élevé dans ce domaine reflète notamment l’utilisation fréquente de pratiques stimulant le langage (comme la répétition et l’extension des énoncés, la verbalisation et l’autoverbalisation parallèle, etc.), il n’est pas étonnant que ce dernier soit fortement associé au développement langagier des enfants (Burchinal et al., 2008; Carr et al., 2019). Le recours fréquent à ce type de stratégies par le personnel enseignant est, en effet, positivement lié à l’augmentation du vocabulaire des enfants (Cabell et al., 2015).

Outre cette dimension du modelage langagier, les deux autres dimensions du soutien à l’apprentissage, à savoir la « qualité de la rétroaction » et le « développement de concepts », apparaissent également comme capitales pour le langage. Ce dernier faisant référence aux discussions suscitant un haut niveau de réflexion chez l’enfant, une amélioration, même minime, de sa qualité peut faire progresser considérablement la réussite éducative des enfants, notamment en augmentant la compréhension du vocabulaire (Curby et al., 2009). Enfin, la « qualité de la rétroaction » rend compte des échanges conversationnels commencés par le personnel enseignant et ayant pour objectif d’accroître la compréhension lors des apprentissages ainsi que la persévérance des enfants. Cette possibilité de prendre part à des conversations de plusieurs échanges entre un adulte et un enfant s’est d’ailleurs révélée véritablement bénéfique pour le développement langagier (Justice et al., 2018; Zimmerman et al., 2009).

De manière générale, profiter d’interactions de qualité en maternelle favorise le développement langagier optimal des enfants. Plus précisément, le domaine du soutien à l’apprentissage est particulièrement associé au langage. Cela témoigne de la pertinence d’étudier la qualité des interactions afin de promouvoir le langage oral des enfants. Il s’agit d’ailleurs de l’objectif poursuivi par cette recherche.

La qualité des interactions dans les classes d’éducation préscolaire à l’international

De plus en plus d’études ont permis d’évaluer le niveau de qualité des interactions (au Québec : Bouchard et al., 2017; Duval et al., 2016; aux États-Unis, dans une revue systématique de la littérature : Perlman et al., 2016; dans une revue de la littérature : Slot, 2018). Globalement, une tendance se dessine dans les observations internationales. Le soutien émotionnel et l’organisation de la classe sont généralement de qualité moyenne-élevée, alors que le soutien à l’apprentissage présente plutôt des scores faibles. C’est le cas notamment pour le Danemark (Slot et al., 2018), l’Australie (Tayler et al., 2013), la Chine (Hu et al., 2016) et la majorité des États-Unis (Perlman et al., 2016). Concernant le contexte belge francophone de la présente étude, une seule étude exploratoire a été réalisée auprès d’un échantillon de 17 enseignantes s’occupant d’enfants de 4 ans (Leroy et al., 2017a). Leurs conclusions suivent cette tendance internationale, avec des scores moyens de 5,30 (ET = 0,90) au soutien émotionnel, de 5,23 (ET = 0,72) à l’organisation de la classe, et de 2,46 (ET = 0,79) au soutien à l’apprentissage.

Des variations notables entre les pays sont toutefois à considérer. Par exemple, pour la maternelle 5 ans, la Finlande (Pakarinen et al., 2010), souvent remarquée pour la qualité de son modèle éducatif (Bernier et al., 2017), tend à afficher des scores sensiblement plus élevés pour les trois domaines avec, notamment, des scores de qualité moyenne pour le soutien à l’apprentissage. Le Québec affiche également des scores plus élevés au domaine du soutien à l’apprentissage avec des scores moyens-faibles pour la maternelle 4 ans (Bouchard et al., 2017). Au contraire, certains pays comme l’Espagne et le Chili exposent des scores sensiblement plus faibles aux trois domaines pour la maternelle 4 ans (Slot, 2018).

Au-delà des disparités entre les pays, d’importantes variabilités entre les personnes enseignantes au sein d’un même échantillon sont notables. Plusieurs études se sont ainsi intéressées à ces variations en vérifiant si différents profils de qualité des interactions se démarquaient dans leur population (Bouchard et al., 2021; Hu et al., 2016; LoCasale-Crouch et al., 2007; Salminen et al., 2012). Selon les pays, les résultats décrivent entre 3 et 5 profils de la qualité des interactions. Ces profils se distinguent au niveau du soutien à l’apprentissage pour l’étude américaine (LoCasale-Crouch et al., 2007) et l’étude québécoise (Bouchard et al., 2021), alors qu’en Finlande, ils sont différents sur le plan du soutien émotionnel (Salminen et al., 2012).

Étudier les variations interindividuelles en distinguant des profils de qualité des interactions dans le personnel enseignant s’avère particulièrement intéressant. En effet, l’influence sur le langage des enfants est susceptible de varier en fonction du profil de la personne enseignante. Par exemple, dans l’étude de Curby et al. (2009), les profils ayant les scores les plus élevés à la dimension « développement de concepts » sont ceux les plus associés aux gains en vocabulaire des enfants. De plus, les profils ayant les plus hauts niveaux de qualité (Salminen et al., 2012), et plus précisément des scores plus élevés au soutien à l’apprentissage (Bouchard et al., 2021), correspondent aux personnes enseignantes qui favorisent une approche pédagogique centrée sur les enfants. Cette dernière fait référence aux pratiques soutenant leur développement émotionnel et favorisant leurs capacités à résoudre leurs problèmes de façon autonome. Ces pratiques se sont montrées particulièrement bénéfiques pour le développement émotionnel et l’engagement des enfants (Anders, 2015). Celles-ci sont à la base de pratiques d’étayage du langage oral, comme le modelage langagier (Bouchard et al., 2010).

Dès lors, circonscrire les profils d’interaction permettrait également de proposer des dispositifs de développement professionnel ajustés aux besoins des personnes enseignantes, en vue de favoriser le développement du langage des enfants. L’individualisation des dispositifs constitue d’ailleurs une clé de leur efficacité (Markussen-Brown et al., 2017). C’est pourquoi cette recherche vise à décrire finement la qualité des interactions dans les classes de maternelle belges francophones en détaillant précisément les profils d’interactions.

En résumé, une tendance générale est observée dans les interactions offertes en éducation préscolaire à l’international selon laquelle le soutien émotionnel et l’organisation de la classe sont de qualité moyenne-élevée, alors que le soutien à l’apprentissage est de qualité faible. Malgré ce portrait général, une certaine hétérogénéité entre les pays, et plus précisément entre les personnes enseignantes, ressort. Ainsi, analyser la qualité des interactions, et plus spécifiquement les profils d’interactions du personnel enseignant, s’avère essentiel dans la quête du soutien du langage oral à l’école.

Objectifs et hypothèses

Cette recherche vise à contribuer à une meilleure compréhension du niveau de qualité des interactions dans les classes de 2e maternelle en Belgique francophone, soit des classes qui accueillent des enfants de 4 à 5 ans. Pour ce faire, cette étude aura comme objectif a) de décrire la qualité des interactions de ces classes et b) d’analyser finement les profils d’interactions existants au sein du corps enseignant.

Concernant la description générale de la qualité des interactions, nous nous attendons à des résultats similaires à l’étude de nos compatriotes, Leroy et al. (2017a), avec un niveau de qualité moyen-élevé pour le soutien émotionnel et l’organisation de la classe, et un niveau faible pour le soutien à l’apprentissage. 

La plus-value de cette recherche réside dans l’analyse fine des profils d’interactions. Ceux-ci décrivent de manière combinée les caractéristiques de chaque personne enseignante dans les trois domaines d’interaction (soutien émotionnel, organisation de la classe et soutien à l’apprentissage). Jusqu’à présent, aucune recherche similaire n’a été réalisée en Belgique francophone. Conformément aux données disponibles dans la littérature (Bouchard et al., 2021; Hu et al., 2016; LoCasale-Crouch et al., 2007; Salminen et al., 2012), nous devrions ne pas répertorier plus de cinq profils distincts.

MÉTHODOLOGIE

Cette section décrit les personnes participantes, l’instrument de collecte, le protocole de recherche ainsi que les analyses statistiques effectuées.

Personnes participantes

L’échantillon de cette étude est composé de 92 enseignantes[3] (91 femmes et 1 homme) de 2e maternelle de 73 écoles belges francophones provenant de la région liégeoise. L’échantillonnage était aléatoire et stratifié en fonction du niveau socioéconomique de l’école. Cet indice socioéconomique est déterminé annuellement par la Fédération Wallonie-Bruxelles et disponible en libre accès. Il est dégagé sur la base du revenu moyen, du niveau de diplôme, du taux de chômage et de l’activité professionnelle des habitants du lieu de résidence des enfants inscrits dans l’école[4]. Cette variable socioéconomique doit être prise en compte en raison de son influence potentielle sur la qualité des interactions. Les écoles fréquentées par des enfants plus défavorisés sur le plan socioéconomique sont susceptibles de proposer des interactions de moindre qualité (LoCasale-Crouch et al., 2017).

Le choix du groupe d’âge (4 à 5 ans) a été motivé par le fait qu’à 4 ans, les prédictions langagières sont valides et les trajectoires langagières peuvent être ajustées si nécessaire (McKean et al., 2015). Les enseignantes ont en moyenne 21,02 (ET = 10,50, intervalle [0-39]) années d’expérience en tant qu’enseignantes de maternelle et détiennent toutes un bachelier professionnalisant en orientation préscolaire d’une durée de 3 ans[5]. Cinq d’entre elles détiennent un bachelier supplémentaire en psychomotricité et une enseignante a obtenu un master supplémentaire en psychopédagogie. Les classes dont elles s’occupent sont composées en moyenne de 14,43 (ET = 3,83, intervalle [8-25]) enfants. La moitié de l’échantillon s’occupe de classes exclusivement composées d’enfants de 2e maternelle (âgés de 4 à 5 ans), 25,56 % travaillent avec des classes de niveaux hétérogènes de 2e et 3e maternelle (âgés de 5 à 6 ans), 15,56 % d’entre elles travaillent avec des classes composées d’enfants de 1re (âgés de 3 à 4 ans) et 2e maternelle, et, enfin, 8,89 % de l’échantillon gèrent des groupes classes composés des trois niveaux de maternelle.

Instrument de collecte de données et protocole

Le Classroom Assessment Scoring System®, version Pre-K (Pianta et al., 2008) permet de mesurer la qualité des interactions entre la personne enseignante et les enfants ainsi qu’entre les enfants eux-mêmes. Comme mentionné précédemment, cet outil standardisé d’observation évalue 3 domaines subdivisés en 10 dimensions (cf. Figure 1). Ces domaines ont été évalués lors de 4 cycles de 30 minutes (20 minutes d’observation et 10 minutes de codage) par deux observatrices certifiées[6], entre septembre 2020 et février 2021. Chaque dimension est ainsi évaluée sur une échelle de Likert allant de 1 à 7 qui détermine des scores faibles (1-2), moyens (35) ou élevés (6-7).

Les observations avaient lieu en matinée et aucun aménagement pédagogique n’était recommandé afin de prendre en compte les routines de la classe. Comme préconisé par les concepteurs de l’outil, les moments récréatifs n’ont pas fait l’objet de l’observation. Cet outil, utilisé internationalement, a été validé au Québec par Bouchard et al. (2017) en maternelle 4 ans. Les indices de cohérence interne oscillent entre 0,85 et 0,92 pour le soutien émotionnel, entre 0,76 et 0,89 pour l’organisation de la classe et entre 0,81 et 0,89 pour le soutien à l’apprentissage selon les recherches exposées par les concepteurs de l’outil dans le manuel (Pianta et al., 2008).

Analyses statistiques

Des analyses statistiques descriptives ont permis de dresser un état des lieux de la qualité des interactions en 2e maternelle en Belgique francophone. À la suite de ce portrait global, une analyse statistique d’agrégation numérique (en anglais cluster analysis) rend compte des profils de la qualité d’interaction présents dans les classes. Cette dernière a été réalisée en considérant les scores obtenus aux domaines du Classroom Assessment Scoring System® (soutien émotionnel, organisation de la classe et soutien à l’apprentissage), de façon combinée, donnant ainsi des informations précises sur les caractéristiques des personnes enseignantes dans les trois domaines d’interaction. La technique de Ward et la mesure de distances euclidiennes au carré ont été employées, car elles permettent d’augmenter le nombre de points communs entre les enseignantes, assurant ainsi une certaine harmonie dans les groupements (Aldenderfer et Blashfiel, 1984).

Cette analyse d’agrégation numérique a dévoilé trois scénarios possibles : un scénario à deux profils, un scénario à trois profils et un scénario à cinq profils. Les deux premiers scénarios rassemblaient sous un même profil des enseignants ayant des modes d’interactions pourtant très différents. Dès lors, le choix du scénario à cinq profils est apparu comme celui reflétant le plus fidèlement la réalité de terrain. Ces profils ont d’ailleurs ensuite été comparés afin de vérifier qu’ils se distinguent significativement sur le plan statistique. Le postulat de normalité n’était pas satisfait pour le domaine du soutien à l’apprentissage. Lors d’un examen plus approfondi des données, quatre données extrêmes se sont révélées être potentiellement à l’origine de cette absence de normalité. Ces quatre données ont été remplacées par la prochaine valeur la plus élevée. De cette manière, la normalité a pu être respectée pour réaliser les tests ANOVA. Dans l’intention de spécifier les différences entre chaque profil, des tests post hoc ont été menés. L’ensemble de ces analyses ont été réalisées avec le progiciel SPSS.

RÉSULTATS

Dans cette section, seront présentés le niveau de qualité des interactions de classes belges francophones de 2e maternelle et les différents profils d’interactions qui en découlent.

Niveau de qualité des interactions en 2e maternelle

Une analyse descriptive de chaque domaine a pu être réalisée à partir des observations menées dans les 92 classes participantes. Le Tableau 1 expose la moyenne, l’écart-type et l’étendue de chaque domaine mesuré par le Classroom Assessment Scoring System® et de chaque dimension qui les constitue.

Tableau 1

Analyse descriptive de la qualité des interactions observée en classe de maternelle par domaines

Analyse descriptive de la qualité des interactions observée en classe de maternelle par domaines

Note : *Score inversé : la note de 1 équivaut à un score de qualité élevée.

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Les scores du soutien émotionnel se situent à un niveau de qualité moyen-élevé (M = 5,44, ET = 1,14), de même que ceux associés à l’organisation de la classe (M = 5,33, ET = 1,35). Toutefois, pour ces deux domaines, une certaine variabilité peut être observée entre les enseignantes. À titre d’exemple, le coefficient de variation de la dimension « climat négatif » est de 0,61. Par ailleurs, le domaine du soutien à l’apprentissage est caractérisé par un niveau de qualité faible (M = 1,77, ET = 0,80). Même si les dimensions composant ce dernier domaine démontrent également une certaine variabilité entre les enseignantes, aucun score moyen ne dépasse 4,50. Ainsi, aucune classe n’est représentée par un niveau de qualité élevée pour ce domaine.

Afin de visualiser la variabilité entre les enseignantes, la Figure 2 représente la proportion d’enseignantes ayant obtenu des scores de qualité faible (1-2), moyenne (3-5) ou élevée (6-7) dans chaque domaine.

Au soutien émotionnel, plus de la moitié (59 %) des enseignantes démontrent des scores de qualité moyenne, tandis que 38 % présentent des scores de qualité élevée. Quant à l’organisation de la classe, près de la moitié (49 %) des enseignantes affichent des scores de qualité moyenne et une proportion de 45 % a des scores de qualité élevée. Ainsi, pour ces deux domaines, très peu d’enseignantes (respectivement 3 % et 6 %) obtiennent des scores faibles.

Figure 2

Proportion des enseignantes en fonction du niveau de qualité des scores obtenus à chaque domaine

Proportion des enseignantes en fonction du niveau de qualité des scores obtenus à chaque domaine

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Concernant le soutien à l’apprentissage, l’inverse se produit. En effet, aucune classe n’atteint des scores de qualité élevée (voir Figure 2). La majorité (90 %) est caractérisée par des scores faibles et seulement 10 % des classes parviennent à des scores de qualité moyenne. De manière générale, la qualité des interactions renvoie à des scores moyens à élevés aux domaines du soutien émotionnel et de l’organisation de la classe, alors que le domaine du soutien à l’apprentissage est majoritairement représenté par des scores de qualité faible.

Profils de la qualité des interactions

Sur la base de ces premiers constats, l’analyse d’agrégation numérique révèle cinq profils distincts d’enseignantes. La Figure 3 illustre les analyses descriptives pour les trois domaines du Classroom Assessment Scoring System® selon les cinq profils mis en exergue.

Figure 3

Représentation des moyennes de chaque profil d’enseignantes selon la qualité des interactions

Représentation des moyennes de chaque profil d’enseignantes selon la qualité des interactions

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Le profil 1 (12 % de l’échantillon; n = 11) possède les scores les plus élevés dans chaque domaine de la qualité des interactions, avec des scores de qualité très élevée au soutien émotionnel (M = 6,52, ET = 0,37)[7] et à l’organisation de la classe (M = 6,74, ET = 0,23) et un niveau de qualité moyen au soutien à l’apprentissage (M = 3,49, ET = 0,60). Le profil 5 (11 % de l’échantillon; n = 10), au contraire, est représenté par les scores les plus faibles dans chaque domaine avec des scores se situant dans la moyenne faible pour le soutien émotionnel (M = 3,22, ET = 0,69), et des scores faibles pour l’organisation de la classe (M = 2,80, ET = 0,60) et pour le soutien à l’apprentissage (M = 1,03, ET = 0,06).

Le profil 2 (39 % de l’échantillon; n = 36), quant à lui, s’apparente au profil 1 avec également des scores de qualité élevée au soutien émotionnel (M = 6,15, ET = 0,49) et à l’organisation de la classe (M = 6,32, ET = 0,39), mais diffère de ce premier profil au niveau du soutien à l’apprentissage, où il présente des scores faibles (M = 1,84, ET = 0,44). Il est à noter que seuls ces deux profils exposent une moyenne plus élevée pour l’organisation de la classe comparativement à leur score au soutien émotionnel.

Enfin, les profils 3 (n = 26) et 4 (n = 9), représentant respectivement 28 % et 10 % de l’échantillon, se définissent par des modèles relativement similaires avec des scores faibles au soutien à l’apprentissage (profil 3 : M = 1,36, ET = 0,31; profil 4 : M = 1,35, ET = 0,39). Toutefois, les scores du profil 3 tendent vers des scores de qualité moyenne-élevée pour le soutien émotionnel (M = 5,35, ET = 0,53) et l’organisation de la classe (M = 4,89, ET = 0,51), alors que le profil 4 tend vers des scores de qualité moyenne-faible pour ces deux domaines (respectivement M = 4,10, ET = 0,25; M = 3,69, ET = 0,25).

Des analyses de la variance ont permis de vérifier la singularité de chaque profil sur le plan statistique. Le Tableau 2 expose les résultats de ces différentes analyses. Au niveau du soutien émotionnel, les scores varient en fonction du profil (F[4, 87] = 98,102, p < 0,001). Les tests post hoc démontrent que le profil 1 est significativement distinct du profil 3 (p < 0,001), du profil 4 (p < 0,001), et du profil 5 (p < 0,001). De même, le profil 2 se distingue significativement du profil 3 (p < 0,001), du profil 4 (p < 0,001), et du profil 5 (p < 0,001). Le profil 3 se dissocie significativement du profil 4 (p < 0,001) et du profil 5 (p < 0,001). Enfin, le profil 4 et le profil 5 sont également significativement différenciés (p = 0,008). En revanche, le profil 1 et le profil 2 ne peuvent être significativement distingués pour ce domaine (p = 0,354).

Tableau 2

Résultats des analyses de la variance

Résultats des analyses de la variance

Note : ***p < 0,001.

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Les scores relatifs à l’organisation de la classe varient également en fonction du profil (F[4, 87] = 215,516, p < 0,001). Les tests post hoc révèlent que le profil 1 est significativement dissocié du profil 3 (p < 0,001), du profil 4 (p < 0,001), et du profil 5 (p < 0,001). Semblablement au profil 1, le profil 2 se différencie significativement du profil 3 (p < 0,001), du profil 4 (p < 0,001), et du profil 5 (p < 0,001). Le profil 3 se singularise significativement du profil 4 (p < 0,001) et du profil 5 (p < 0,001). Enfin, les profils 4 et 5 sont également significativement différents (p < 0,001). De la même manière que pour le domaine du soutien émotionnel, les profils 1 et 2 ne sont pas significativement dissociés (p = 0,089) pour le domaine de l’organisation de la classe.

Concernant le soutien à l’apprentissage, les scores diffèrent en fonction du profil (F[4, 87] = 89,702, p < 0,001). Les résultats des tests post hoc affirment que le profil 1 se différencie significativement du profil 2 (p < 0,001), du profil 3 (p < 0,001), du profil 4 (p < 0,001) et du profil 5 (p < 0,001). Le profil 2 est significativement distinct du profil 3 (p < 0,001), du profil 4 (p = 0,013) et du profil 5 (p < 0,001). Par contre, aucune différence significative n’est attestée sur le plan statistique entre les profils 3 et 4 (p = 1,00), les profils 3 et 5 (p = 0,202) et les profils 4 et 5 (p = 0,423) pour ce domaine du soutien à l’apprentissage.

DISCUSSION

L’objectif de cet article était de contribuer à la compréhension de la qualité des interactions dans les classes de 2e maternelle en décrivant celles-ci et en analysant finement les profils d’interactions des personnes enseignantes. Nos résultats démontrent des scores moyens de qualité moyenne-élevée au soutien émotionnel et à l’organisation de la classe. Ces résultats corroborent ceux de l’étude exploratoire de Leroy et al. (2017a), également réalisée en Belgique francophone. D’un point de vue international, nos résultats à ces deux domaines sont relativement similaires à ceux rapportés par les pays scandinaves (Pakarinen et al., 2010; Slot et al., 2018), souvent remarqués pour la qualité de leur système éducatif (Bernier et al., 2017), et ceux du Québec (Bigras et al., 2020; Bouchard et al., 2017, 2021). Ils apparaissent par ailleurs plus élevés que ceux recueillis dans d’autres pays comme la France, le Portugal, le Chili, l’Espagne, la Chine ou encore l’Australie (Bigras et al., 2020; Cadima et al., 2010; Hu et al., 2016; Leyva et al., 2015; Sandstrom, 2012; Tayler et al., 2013).

Notre étude situe donc la Belgique francophone parmi les pays obtenant les moyennes les plus élevées aux domaines du soutien émotionnel et de l’organisation de la classe en maternelle. Des niveaux élevés à ces deux domaines indiquent, entre autres, un climat sécurisant, la considération des besoins de l’enfant, une gestion adéquate des comportements inappropriés et des modalités d’apprentissage adaptées. Autant d’éléments qui constituent la base d’un terrain propice à l’utilisation de pratiques de stimulation langagière. Bien qu’une certaine variabilité entre les scores soit observée, ces résultats s’avèrent donc encourageants pour le soutien langagier à l’école maternelle.

Toutefois, nos résultats au soutien à l’apprentissage sont, quant à eux, moins optimistes. La moyenne obtenue est très faible et seuls 10 % de notre échantillon atteignent des scores de qualité moyenne. Ces résultats sont moins élevés que ceux de nos compatriotes belges en 2017 (Leroy et al., 2017a) ainsi que ceux obtenus à l’international (Bigras et al., 2020; Bouchard et al., 2017; Cadima et al., 2010; Pakarinen et al., 2010; Sandstrom, 2012; Slot et al., 2018). Comparativement au soutien émotionnel et à l’organisation de la classe, obtenir des scores plus faibles au soutien à l’apprentissage est fréquent, les scores de 5 à 7 sont d’ailleurs très rarement atteints (Pianta et al., 2016). Néanmoins, nos résultats sont très éloignés de l’intervalle situé entre 3 et 4, considéré comme les valeurs à atteindre pour espérer une amélioration des compétences, notamment langagières, chez les enfants (Burchinal et al., 2010; Pianta et al., 2016).

Des résultats faibles au soutien à l’apprentissage témoignent de rétroactions centrées sur l’assimilation de connaissances au détriment des processus métacognitifs (La Paro et al., 2004) et de l’utilisation limitée de pratiques d’étayage langagier. Nos résultats sont en accord avec les données de la littérature stipulant que ces pratiques d’étayage, pourtant bénéfiques au développement du vocabulaire des enfants (Barnes et Dickinson, 2018) sont rarement utilisées en classes préscolaires (Justice et al., 2018; Piasta et al., 2012; Salminen et al., 2012). De telles pratiques sont d’autant moins utilisées avec les enfants ayant un développement langagier plus faible (Barnes et al., 2017) qui, par ailleurs, en profiteraient davantage que leurs pairs (Wasik et Hindman, 2014). Ces constats reflètent l’importance de comprendre l’origine de scores faibles au soutien à l’apprentissage pour, ultimement, soutenir le développement langagier.

Une explication de ces scores faibles pourrait résider dans la qualité structurelle, susceptible d’influencer la qualité des interactions en classe (Pianta et al., 2005). La qualité structurelle est déterminée par les décisions politiques (Slot, 2018) et fait référence au contexte dans lequel les interactions prennent place. Elle est associée à la taille du groupe, au ratio adulte/enfants et au niveau de formation du personnel enseignant (Duval et al., sous presse). Une revue de littérature (Slot, 2018) démontre une relation positive entre des interactions de qualité et un ratio enseignant/enfants réduit. Pour ce qui est de la taille du groupe, les études sont partagées (Maxwell et al., 2001; Decker-Woodrow, 2018; Bigras et al., 2020), mais les résultats tendent à conclure qu’un nombre d’enfants réduit dans la classe serait positivement lié à une meilleure qualité des interactions (Slot, 2018).

Dans notre étude, les enseignantes étaient souvent seules avec l’entièreté du groupe. Ainsi, le ratio moyen de 14 enfants par enseignante pourrait en partie expliquer nos résultats faibles au soutien à l’apprentissage, d’autant que pour certaines classes, les enfants sont âgés de 3 à 5 ans. En effet, plus les enfants sont jeunes, plus il existe une variabilité dans leur développement, notamment sur le plan langagier, ce qui complexifie la tâche du personnel enseignant (Bouchard et al., 2020). Outre ces éléments, la qualité des orientations pédagogiques (Anders, 2015), le niveau de connaissances du personnel enseignant sur l’apprentissage des enfants (Schachter, 2017) et la formation continue (Markussen-Brown et al., 2017) sont autant de paramètres qui pourraient également influencer la qualité des interactions.

Quoi qu’il en soit, le domaine du soutien à l’apprentissage étant le plus associé aux progrès langagiers (Burchinal et al., 2008; Carr et al., 2019), nos données démontrent toute la nécessité de soutenir le personnel enseignant afin d’améliorer la qualité des interactions dans les classes de maternelle. Les interactions peuvent être significativement enrichies par des dispositifs de développement professionnel ciblés (Pianta et al., 2016) et individualisés (Bergeron-Morin et al., 2020; Markussen-Brown et al., 2017; Neuman et Wright, 2010). L’individualisation de ces dispositifs passe d’ailleurs par la compréhension du profil d’enseignement.

Notre étude met en exergue cinq profils distincts de la qualité des interactions en 2e maternelle en Belgique francophone. Le profil 1 (12 % de l’échantillon), qualifié par les scores les plus élevés aux trois domaines, est opposé au profil 5 (11 %), représenté par les scores les plus faibles à chaque domaine. Typiquement, avec une moyenne de 6,52 (ET = 0,37) au soutien émotionnel, les personnes enseignantes du profil 1 ont tendance à prendre part aux activités avec enthousiasme, à féliciter et à encourager fréquemment les efforts fournis par les enfants. Elles tendent à connaître les besoins éducatifs et émotionnels des enfants et à y répondre de manière appropriée. Elles accordent généralement de l’importance aux centres d’intérêts des enfants et les encouragent à être autonomes en leur confiant des responsabilités dans la classe. Ces profils offrent donc un climat très chaleureux favorisant la prise de risque de la part des enfants dans leurs apprentissages. Ces comportements se sont d’ailleurs révélés très favorables au développement de l’oral d’enfants ayant un niveau initial plus faible que leurs pairs (Gosse et al., 2014) pour lesquels une base émotionnelle sécurisante leur permet d’oser prendre part aux échanges conversationnels et donc de s’améliorer sur le plan de l’oral.

Concernant le domaine de l’organisation de la classe, avec une moyenne de 6,74 (ET = 0,23), les personnes enseignantes du profil 1 ont tendance à offrir continuellement des activités aux enfants, à donner des consignes précises de sorte que chaque enfant sache précisément ce qui est attendu et ne perturbe donc pas les apprentissages. De manière générale, ces enseignantes accompagnent efficacement les enfants avec une variété de modalités d’apprentissage de telle façon qu’ils restent perpétuellement motivés dans leurs apprentissages et qu’ils conscientisent les objectifs d’apprentissage.

Enfin, pour ce qui est du domaine du soutien à l’apprentissage, ces personnes enseignantes tendent à privilégier la compréhension plutôt que l’apprentissage par coeur en recourant à des activités stimulant les capacités de raisonnement et d’analyse, en permettant aux enfants d’être créatifs et en établissant certains liens entre les concepts enseignés et les connaissances antérieures. Globalement, ces personnes enseignantes suscitent quelques conversations de plusieurs échanges qui accroissent leurs apprentissages, la compréhension, l’engagement et la persévérance. Elles peuvent utiliser certaines techniques de stimulation langagière comme le recours aux questions ouvertes, la répétition des énoncés des enfants, l’autoverbalisation et la verbalisation parallèle. Dès lors, ces profils peuvent davantage soutenir le langage oral des enfants.

À l’inverse, les personnes du profil 5 obtiennent les scores les plus faibles dans chaque domaine. Ceci signifie qu’en termes de soutien émotionnel, avec une moyenne de 3,22 (ET = 0,69), le ton de voix des personnes enseignantes est plus directif; elles tendent à moins prendre part aux activités, à moins féliciter les réussites des enfants. Il y a peu de sourires, peu d’enthousiasme dans les classes supervisées par des profils de type 5. Certaines marques de climat négatif peuvent apparaître comme des commentaires sarcastiques, des cris et des menaces de punition.

Au niveau de l’organisation des classes de profils 5, avec une moyenne de 2,80 (ET = 0,60), les attentes comportementales ont tendance à ne pas être formulées clairement, impliquant un désarroi de la part des enfants qui semblent ne pas toujours savoir ce qui est attendu d’eux. Régulièrement, les personnes enseignantes peuvent être interrompues par des personnes tierces ou des tâches de finalisation de matériel. En conséquence, les enfants tendent à être en attente de la personne enseignante et peuvent manifester des comportements inappropriés tels que l’utilisation inadéquate du matériel, des déplacements intempestifs dans la classe ou, encore, des disputes entre enfants.

De manière générale, avec une moyenne de 1,03 (ET = 0,06) au soutien à l’apprentissage pour ce cinquième profil, l’accent est exclusivement mis sur la réalisation d’activités favorisant un apprentissage par coeur plutôt que sur la compréhension et les compétences de réflexion. Très peu de conversations sont observées. Étant donné le climat peu chaleureux et les comportements peu soutenants au niveau des apprentissages, le langage oral est moins soutenu dans ce type de classes.

Entre ces deux profils opposés se trouve le profil 2 (39 %), se distinguant du profil 1 uniquement par ses scores faibles au soutien à l’apprentissage. Dès lors, les comportements du profil 2 sont similaires à ceux du profil 1 pour ce qui a trait au soutien émotionnel et à l’organisation de la classe. Ainsi, leurs classes sont très chaleureuses et l’organisation y est optimale. Toutefois, avec une moyenne de 1,84 (ET = 0,44) au soutien à l’apprentissage, peu d’activités favorisant la compréhension des concepts et les compétences analytiques sont proposées. Quelques conversations de plusieurs échanges peuvent apparaître, mais cela demeure plutôt rare. Les techniques de stimulation du langage oral sont également peu exploitées.

Les profils 3 (28 %) et 4 (10 %), quant à eux, sont indifférenciés du profil 5 sur le domaine du soutien à l’apprentissage. Ils se différencient par leurs scores aux domaines du soutien émotionnel et de l’organisation de la classe. De manière générale, de par ces scores, les classes du profil 3 sont plutôt chaleureuses (avec une moyenne de 5,35, ET = 0,53 au soutien émotionnel) et organisées (avec une moyenne de 4,89, ET = 0,5 à l’organisation de la classe). Cependant, certaines périodes peuvent être caractérisées par un manque d’enthousiasme de la part des personnes enseignantes, un manque d’engagement dans les activités et par des interruptions en raison de la finalisation de la préparation de matériel ou par des éléments externes à la classe.

Concernant les profils 4, avec une moyenne de M = 4,10 (ET = 0,25) au soutien émotionnel et une moyenne de 3,69 (ET = 0,25) à l’organisation de la classe, ils ont davantage tendance à réaliser leurs tâches de manière machinale sans enthousiasme tangible. Certaines marques de comportement négatif peuvent être présentes, mais sont moins fréquentes que dans le profil 5. L’attention des personnes enseignantes est plus portée sur la tâche que sur les enfants.

Ces résultats corroborent l’étude de LoCasale-Crouch et al. (2007), basée sur 692 classes. Cinq profils étaient également dégagés avec un profil 1 de haute qualité et un profil 5 de faible qualité. Toutefois, ils enregistrent deux profils satisfaisants (profils 1 et 2) sur le niveau de soutien à l’apprentissage, alors que nous n’en observons qu’un seul (profil 1). Leurs profils satisfaisants correspondent à 32 % de leur échantillon, ce qui représente une proportion plus importante que la nôtre, à savoir 12 %. Ceci témoigne encore une fois de l’importance d’accompagner le personnel enseignant dans leur défi quotidien de soutenir le langage des enfants grâce aux interactions enrichies.

Ainsi, les enseignantes de quatre profils (2-3-4-5) bénéficieraient d’un accompagnement, notamment en matière de soutien à l’apprentissage, dont l’étayage langagier fait partie. Toutefois, la littérature pointe toute la difficulté de modifier les pratiques de soutien du développement langagier (McDonald et al., 2015; Pianta et al., 2014; Scarinci et al., 2015). Une des difficultés réside dans la capacité à pouvoir s’ajuster continuellement au niveau langagier de l’enfant (Cunningham et al., 2015). Des profils comme les profils 2, qui atteignent un niveau de soutien émotionnel élevé attestant d’une certaine sensibilité de l’enseignante envers les enfants, possèdent la base requise pour pouvoir entreprendre un accompagnement visant l’augmentation du nombre de pratiques d’étayage langagier. Au contraire, pour parvenir à l’utilisation de telles pratiques, des étapes intermédiaires ayant pour objectif la capacité de s’ajuster à l’enfant seront nécessaires pour le profil 5. Ceci confirme toute la nécessité de baser les dispositifs de développement professionnel sur les profils.

En permettant de comprendre plus finement comment le personnel enseignant interagit avec les enfants, cette étude espère contribuer à la poursuite de la recherche sur la façon d’augmenter les pratiques d’étayage langagier.

LIMITES

Certaines limites, inhérentes à toute recherche scientifique, peuvent être soulignées. Tout d’abord, cette recherche a pris en considération des classes parfois composées de plusieurs groupes d’âge. Cette diversité a pu influencer les résultats obtenus. Néanmoins, le choix de ne pas exclure de telles classes a permis de s’approcher de la réalité du terrain où, régulièrement, différents groupes d’âge sont rassemblés en une seule classe. De plus, cette recherche a été menée principalement dans les régions liégeoises. Il serait intéressant de confirmer nos résultats dans d’autres régions. Cependant, cette étude a tenu compte des contextes socioéconomiques des écoles observées, assurant ainsi une certaine variabilité socioculturelle.

CONCLUSION

L’objectif de cette recherche était d’étudier finement la qualité des interactions des personnes enseignantes de 2e maternelle en Belgique francophone. Les résultats mettent en lumière des besoins d’accompagnement des personnes enseignantes au niveau du soutien à l’apprentissage, dont le soutien au langage oral fait partie. Cette recherche révèle également des profils variés de personnes enseignantes sur le plan de leurs interactions avec les enfants. Certains profils d’enseignants offrent un climat très chaleureux, plus propice à la mise en place de pratiques de soutien au langage oral, alors que d’autres ont tendance à négliger ce soutien émotionnel, pourtant essentiel au soutien du langage oral de certains enfants. Ces constats témoignent de l’importance de la formation continue et encouragent la poursuite de recherches scientifiques quant aux ingrédients actifs nécessaires à l’efficacité de dispositifs de développement professionnel individualisés visant le soutien du langage oral.