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Benoît Gaumer et Georges Desrosiers, tandem connu depuis plus de vingt-cinq ans pour ses travaux sur la santé publique au Québec, récidivent avec une biographie du fondateur et premier président du Conseil d’hygiène de la province de Québec, dédiée à la mémoire de leur collègue Céline Déziel. La plaquette de 143 pages accueille le lecteur avec un avant-propos cherchant à justifier la pertinence de cette nouvelle biographie du Dr Persillier-Lachapelle : il est peu connu des lauréats du prix Reconnaissance de carrière qui porte son nom et qui est décerné chaque année depuis 1980 par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec ; la dimension « hygiéniste » de sa carrière doit être examinée plus en détail ; et il symbolise la mission de santé publique du système de santé et de services sociaux du Québec. Les auteurs proposent donc un nouveau livre sur un sujet s’inscrivant dans l’un des champs de recherche les plus étudiés à la fin du 20e siècle[4]. Voulant, croyons-nous, éviter les critiques soulevés par François Guérard dans Scientia Canadiensis (vol. 26, p. 97-101) lors de la publication de leur Histoire du service de santé de la ville de Montréal, 1875-1975 (2002), les auteurs confirment ainsi leur intention d’ajouter à l’historiographie une version augmentée de leur notice sur le Dr Persillier- Lachapelle parue dans le Dictionnaire biographique du Canada (1998)[5].

Gaumer et Desrosiers, réitérant qu’ils croient savoir que le protagoniste de leur livre n’a eu ni enfant naturel ni enfant adoptif et qu’il a été célibataire toute sa vie, précisent qu’aucune source manuscrite ne révèle sa vie intime. Néanmoins, cette biographie plus étoffée enchaîne dix-sept courts chapitres et deux annexes sur ce médecin précurseur de la Santé publique.

Si les recherches en généalogie de Desrosiers semblent effectivement augmenter la documentation des premiers chapitres portant sur l’enfance de Persillier-Lachapelle, l’ouvrage s’adresse surtout à tous ceux pour qui il est un parfait inconnu. Ces derniers y trouveront des informations fort intéressantes malgré leur organisation non chronologique. Par exemple, « Vers le décanat » relate le discours inaugural de la session de la Faculté de médecine de l’Université McGill prononcé par Persillier-Lachapelle le 20 septembre 1900, tandis que les chapitres suivants « Cofondateur et administrateur de l’Hôpital Notre-Dame » et « La société médicale de Montréal et l’Union médicale du Canada » reviennent respectivement sur le début des années 1880 et la fin des années 1870. Cette présentation a l’avantage de rappeler les grandes étapes qui ont forgé la notoriété de Persillier-Lachapelle.

Pour le lecteur plus érudit, les nouveautés de cette biographie augmentée se font discrètes. Le style privilégié par les auteurs ne semble pas offrir bien plus que la ponctuation pour insuffler des pistes d’analyse au lecteur. L’utilisation excessive des points d’interrogation et d’exclamation souligne à grands traits les endroits où nous aurions tant aimé que les auteurs, du haut de leur expertise, étoffent leur texte. Celui-ci, d’ailleurs, ne se réfère qu’exceptionnellement à l’historiographie, qui a pourtant abordé depuis plus d’une décennie la question, entre autres, des écarts entourant les connaissances scientifiques partagées entre les francophones et les anglophones. À cet égard, la candeur de Persillier-Lachapelle lors de son discours à la Faculté de McGill, qu’il introduit par la remarque suivante : « Aussi n’ai-je pas voulu refuser l’aimable invitation qui m’était faite, bien que la difficulté avec laquelle je parle la langue anglaise m’en ait donné une forte envie » (p. 47), aurait mérité, à notre humble avis, quelques lignes tant sur les rivalités que sur les enjeux professionnels entre les francophones et les anglophones. Les études féministes ont formulé des critiques sévères à l’égard du traitement des mères de famille accablées par les discours médicaux de la Santé publique, et il est regrettable que les auteurs ne se prononcent aucunement sur ce constat.

Les annexes ajoutent au livre la possibilité de consulter des sources de première main qui, malgré la faible qualité des reproductions, offrent un réel intérêt pour l’enseignement de l’histoire de la santé et de la médecine. Ce livre offrira également l’occasion aux étudiantes et aux étudiants de se livrer à leur propre analyse, puisque celle-ci est tristement absente de cette plaquette à la couverture plutôt sympathique.