Corps de l’article

Introduction

En France, des organismes publics et privés anticipent un « virage domiciliaire[1] » des politiques de santé, c’est-à-dire un déplacement partiel, mais progressif des prises en charge institutionnelles vers le domicile. En effet, on observe que des structures intervenant dans et autour du domicile des personnes atteintes de maladies chroniques, âgées ou atteintes d’un handicap assument aujourd’hui une place centrale dans le paysage médico-social français (Bungener, Le Galès et Groupe Capabilités, 2015 ; Ennuyer, 2007 ; Hennion et al., 2012 ; Puech et Touahria-Gaillard, 2018). Parallèlement, l’offre croissante et diversifiée de modalités d’habitat dit inclusif atteste du fait que les enjeux relatifs au maintien à domicile et au soutien à l’autonomie de ces populations sont aujourd’hui d’importants problèmes publics (Bertillot et Rapegno, 2019). En ce qui concerne la psychiatrie, plusieurs études ont examiné les conséquences de ce processus et ont analysé ses effets aussi bien sur l’organisation des soins que sur le quotidien des familles de personnes malades ou sur la vie à domicile avec des troubles psychiques (Blum, 2017 ; Bungener, 1995 ; Coldefy, 2012 ; Eideliman, 2009 ; Henckes, 2020 ; Velpry, 2009). En revanche, la façon dont cette domestication — au sens d’ancrage à domicile — de la prise en charge influe sur les modes d’habiter des personnes concernées reste peu étudiée, alors qu’elle a une incidence directe sur leur vie quotidienne et, plus précisément, sur leurs manières de s’approprier l’habitat.

L’appropriation est ici entendue à la fois comme l’adaptation de quelque chose à un usage défini ou à une destination précise, et comme l’action visant à rendre propre quelque chose, au sens de la posséder matériellement et symboliquement (Serfaty-Garzon, 2003). Si « l’espace approprié est significatif de la position des individus et des groupes dans la hiérarchie sociale » (Ripoll et Veschambre, 2005 : 8), l’étude de l’appropriation de l’espace domestique de personnes accompagnées en psychiatrie est avant tout un moyen de rendre compte de la place inégale qui leur est réservée dans la société, après le transfert des soins psychiatriques « de l’asile à la ville » (Coldefy, 2010) et à l’heure d’un « virage domiciliaire » préfiguré.

Il convient donc de se demander dans quelle mesure le passage[2] d’un cadre institutionnel vers le domicile a été suivi d’une transformation (ou non) des modalités de contrôle social qui traditionnellement pèsent sur les individus soignés en psychiatrie. Comment les pratiques d’accompagnement « domicile-centrées » affectent-elles les modes d’habiter de ces personnes ainsi que les processus d’appropriation de leur domicile ? Les pratiques d’accès, de maintien et d’accompagnement à domicile sont-elles effectivement productives de participation sociale ou finissent-elles par ériger de nouveaux mécanismes de contrôle social ?

Cet article[3] esquisse des réponses à ces questions à partir, d’une part, de l’observation de pratiques d’accompagnement[4] à domicile en santé mentale qui visent à compenser les désavantages sociaux entraînés par les troubles psychiatriques et, d’autre part, de l’analyse des récits des bénéficiaires de ces pratiques. L’étude se concentre sur les « appartements associatifs à visée thérapeutique », un service qui conjugue le logement accompagné[5] à des interventions médicales et socioéducatives, et qui semble constituer un terrain fécond pour comprendre comment le domicile s’intègre à la politique de santé mentale, comment il s’est transformé en « nouvelle frontière de la psychiatrie française » (Henckes, 2018) et, enfin, comment ce travail d’accompagnement influe sur les modes d’habiter des personnes vivant avec des troubles psychiques.

Après avoir décrit le terrain et la méthodologie d’enquête appliquée, je caractérise les appartements associatifs et discute des contraintes — notamment, celle de poursuivre un traitement en psychiatrie — qui pèsent sur les personnes souhaitant y accéder. Ensuite, l’article restitue le point de vue des sous-locataires que j’ai interrogé·es sur ces contraintes et sur leur façon de s’approprier leur habitat. Ce faisant, je mets en évidence les inégalités d’appropriation qui se creusent lorsque les populations logées dans des logements non ordinaires se voient imposer des mécanismes de surveillance et de régulation de leur vie quotidienne. Je propose, en conclusion, une réflexion sociologique sur les liens entre habitat, santé mentale et insertion sociale.

Enquête et méthode

Cet article s’appuie sur une enquête réalisée au cours du premier semestre de 2018 auprès d’une équipe de psychiatrie publique chargée d’accompagner une quinzaine de personnes vivant dans six logements HLM (habitations à loyer modéré) d’une métropole française. Ces logements sont loués par une association périhospitalière[6] créée et gérée par des membres d’une équipe de secteur psychiatrique et par des bénévoles. Ils sont ensuite sous-loués à des patient·es recruté·es dans la file active des secteurs psychiatriques participant à cette initiative. Au moment de mon enquête, le dispositif comprenait un studio individuel et cinq appartements collectifs. Ces derniers étaient répartis en deux colocations de quatre hommes chacune, une colocation de trois femmes, et deux de deux hommes.

L’enquête de terrain s’est déroulée en trois étapes. D’abord, j’ai participé aux réunions mensuelles de l’équipe de l’association responsable de la gestion et de l’intermédiation locative (location et sous-location des logements, interlocution avec les bailleurs sociaux, entretien et réparations éventuelles, collecte des loyers auprès des sous-locataires, etc.). Ensuite, j’ai participé aux réunions bimensuelles de l’équipe de soignant·es (un psychiatre, un psychologue, une stagiaire de psychologie, trois infirmier·ères) responsable de la sélection et du suivi des résident·es — notamment des visites à domicile à raison de deux fois par mois. Enfin, après quelques rencontres avec les sous-locataires lors de ces visites à domicile, j’ai pu mener des entretiens avec certain·es d’entre elles et eux. Trois ex-résident·es des appartements associatifs ont également été interviewé·es. L’échantillon des entretiens était constitué de quatre femmes et huit hommes âgé·es de 21 à 50 ans, et diagnostiqué·es d’une schizophrénie ou de troubles de l’humeur (troubles bipolaires et troubles dépressifs). Toutes ces personnes avaient connu des hospitalisations psychiatriques longues et/ou répétées. Parmi elles, neuf ne sont pas nées en France ou sont descendantes d’immigré·es. Aucune de ces personnes n’avait dépassé le niveau d’études secondaires, elles avaient toutes une insertion faible, voire inexistante, sur le marché du travail (trois personnes avaient une activité professionnelle dans des établissements médico-sociaux de travail dit protégé), elles étaient célibataires et, pour la plupart, avaient des liens familiaux distendus. Au moment de l’entretien, l’Allocation aux adultes handicapés[7] (AAH) était leur principale source de revenus. Avant leur installation en appartement associatif, l’ensemble de ces personnes avaient connu des situations de précarité résidentielle diverses en raison de procédures d’expulsion, de décohabitation non choisie, avaient vécu des périodes d’itinérance ou avaient vécu en foyer d’hébergement.

Les entretiens, réalisés à leur domicile, ont porté à la fois sur leurs trajectoires de vie et de traitement en psychiatrie, sur leur trajectoire résidentielle et, enfin, sur leur quotidien tant au sein des appartements associatifs que dans l’environnement extra-résidentiel. Je les ai aussi interrogées au sujet de l’accompagnement à domicile qui leur était dispensé. Dans cet article, je ne m’attacherai qu’aux éléments concernant leurs trajectoires résidentielles et à ceux relatifs à l’appropriation du domicile au regard de l’accompagnement.

Loger pour soigner, loger pour (sur)veiller : l’accompagnement en appartement associatif

Comme nous l’avons montré précédemment (Azevedo, 2016 ; Henckes, Azevedo et Quintin, 2018), la question de l’hébergement et du logement des patient·es psychiatriques est devenue un enjeu important au moment du déploiement de la politique de sectorisation — l’organisation par découpage géographique de l’assistance psychiatrique — dans les années 1970 et de la mise en place d’une politique unifiée du handicap bâtie au long des « trente glorieuses » (Ville, Fillion et Ravaud, 2020). Dans les années 1980, dans un contexte de planification des politiques sanitaires, de réduction des lits hospitaliers (et des coûts financiers sous-jacents), la critique de l’institution hospitalière — ouvertement assimilée à l’institution totale décrite par Goffman (1968) — a donné lieu à de nombreuses initiatives cherchant à élaborer des « alternatives à l’hospitalisation ». Dans le cadre d’une transformation plus ample du modèle de protection sociale français, marquée par l’émergence du nouveau management public (new public management) et par une territorialisation de l’action publique, le modèle de l’institution avec hébergement a cédé la place à des services situés au plus près du domicile des personnes soignées ou assistées (Bresson, 2018).

Historiquement, la domiciliation est une variable constitutive du système d’assistance et de protection sociale français. En réalité, l’octroi de l’assistance est conditionnel à la possession d’une adresse, comme l’indique Robert Castel, en soulignant que la domiciliation ne correspond pas seulement « à un impératif technique pour instrumentaliser la distribution des secours », mais qu’elle est d’abord « la condition de possibilité qui décide du fait d’être secouru ou non » (Castel, 1995 : 57). À la fin du XXe siècle, pourtant, plus qu’une condition de possibilité pour avoir accès à l’assistance sociale, le fait d’avoir un domicile semble être devenu une variable centrale dans l’idéal de citoyenneté en vogue actuellement dans la société française. C’est d’ailleurs l’argument soutenu par la sociologue Maryse Bresson, pour qui « le logement revêt le sens ou la forme d’une norme dans la mesure où la possession d’un toit et d’une adresse constitue une règle sous-tendue par des attentes particulièrement fortes, dont la violation peut être socialement dénoncée » (Bresson, 1997 : 114-115). Dans son analyse, fondée sur l’émergence de la figure des « personnes sans domicile fixe », elle insiste sur le fait que le logement a la même valeur normative que le travail : ce dernier garantissait autrefois l’intégration sociale des personnes et leur accès à la citoyenneté dans les sociétés capitalistes. Les appartements associatifs sont ainsi un exemple fécond pour comprendre comment le logement devient une norme et pèse sur des populations minorisées qui se retrouvent à la fois aux marges du marché locatif et de ce régime normatif de la citoyenneté, dans un contexte d’augmentation accentuée du coût du logement (Plateau, 2006) et de multiplication des formes de précarité résidentielle (Fondation Abbé Pierre, 2021 ; Lion, 2018 ; Lévy-Vroelant et Vanoni, 2014).

Au carrefour de ces transformations, les appartements associatifs répondent au double besoin d’assurer un accompagnement « domicile-centré », et de favoriser l’accès à un domicile et son maintien pour un public vulnérable à plusieurs égards. En outre, ces appartements sont une traduction, appliquée au champ de la psychiatrie, de la manière dont le milieu associatif s’est emparé de la question de précarité résidentielle. Or, le tiers-secteur est, depuis quelques décennies déjà, un des régulateurs de ce marché (Hely, 2009 ; Fijalkow, 2009). Plus récemment, leur engagement dans des actions d’intermédiation locative contribue, quoique de façon marginale, à ajuster les inégalités d’accès au logement de personnes sans domicile ou vivant dans des structures d’hébergement provisoire.

C’est dans ce contexte, à partir de la mobilisation de parents de personnes malades, d’élu·es, de bailleurs sociaux et de soignant·es, que des initiatives comme les appartements associatifs à visée thérapeutique ont vu le jour. Ni foyers d’hébergement ni logements ordinaires, ces structures ont été subventionnées par la plupart des hôpitaux psychiatriques français, et ce, dès la fin des années 1980[8]. Ce sont des logements loués dans le parc locatif social par des associations périhospitalières et sous-loués, pour une durée généralement indéterminée, à des usagers et des usagères des équipements du secteur psychiatrique, notamment des unités ambulatoires de soin comme les Centres médico-psychologiques (CMP). Les sous-locataires sont sélectionné·es par une équipe de soignantes et soignants de ces unités, et cette équipe les accompagnera à domicile après leur emménagement. Sur quels critères l’équipe effectue-t-elle cette sélection ? Quelles sont les caractéristiques valorisées par l’équipe d’accompagnement au moment de recruter les sous-locataires ? Des réponses à ces questions peuvent être trouvées dans trois documents de travail de l’équipe : son projet associatif, le contrat de sous-location passé avec l’association et avec les résident·es, et, enfin, le règlement intérieur d’habitation et de cohabitation.

Selon le projet associatif, les logements s’adressent à des « patients psychotiques ou névrotiques stabilisés, majeurs protégés ou non, en soins libres ou en programmes de soins, pour lesquels un projet de réinsertion professionnelle a été mis en place », et qui « possèdent déjà un numéro d’inscription actif de demandeur de logement [social] ». À l’inverse, ils sont « contre-indiqués » pour des personnes atteintes de « troubles cognitifs ou somatiques sévères nécessitant une surveillance particulière » ou pour des personnes atteintes de « troubles du comportement », qui ont des « difficultés à respecter les règles de vie commune » ou qui présentent des « conduites addictives ».

Quant au contrat de sous-location passé entre l’association et les résidentes et résidents, il prévoit quatre axes autour desquels s’organise l’accompagnement : « [1] la restauration, le maintien et le développement de l’autonomie du patient dans les actes de la vie quotidienne ; [2] le développement de ses capacités relationnelles ; [3] le maintien et le développement d’activités thérapeutiques et/ou professionnelles ; [4] l’accompagnement à la réalisation d’un projet de vie (par exemple, appartement individuel) ».

Enfin, le règlement intérieur prévoit un certain nombre de conditions et décrit une série de sanctions en cas de non-respect :

[…] les patients sont admis pour une période d’un an renouvelable ; la prise en charge initiale (médicale, sociale, infirmière) doit être maintenue durant le séjour à l’appartement ; l’entretien des parties communes et de l’espace privé de chacun est nécessaire ; les visites sont autorisées, jusqu’à 22 h, dans les limites du respect de la vie collective et du bon fonctionnement de l’appartement, sauf avis contraire de l’équipe ; l’hébergement d’une personne non résidente n’est pas autorisé ; la consommation de boissons alcoolisées et la prise de produits toxiques ne sont pas autorisées ; le non-paiement du loyer peut entraîner l’exclusion de l’appartement ; l’équipe se réserve le droit d’exclure un résident en cas de non-respect du présent règlement.

L’équipe d’accompagnement justifie l’application de ces critères par le besoin de « sécuriser » le projet associatif, pour reprendre une expression utilisée lors des réunions. Sécuriser, en l’occurrence, signifie prévenir les situations inquiétantes qui pourraient fragiliser les relations avec les bailleurs sociaux, ou mettre en danger l’intégrité physique et psychique des sous-locataires. L’isolement à domicile, l’incurie, l’occupation illégale des logements par des tiers, la consommation de drogues, les conflits entre colocataires ou avec les voisins sont les exemples les plus fréquemment cités. Les HLM sont décrits par nos enquêté·es comme des organismes réfractaires à loger un public très stigmatisé et qui comptent donc sur les équipes de psychiatrie pour anticiper les problèmes et intervenir s’ils adviennent — en ayant par exemple recours à des hospitalisations.

Ces mécanismes de prévention et de sanction mis en oeuvre au sein de ces appartements constituent un exemple révélateur de la manière dont le modèle treatment first (qui conditionne l’accès au logement à la poursuite d’un traitement psychiatrique) se met en place dans le travail d’accompagnement à domicile. En outre, ce conditionnement s’opère « en escalier » (Sahlin, 2012), c’est-à-dire qu’il ordonne les trajectoires résidentielles autour d’étapes et de lieux d’habitation plus ou moins autonomes : d’abord l’hébergement, puis le logement accompagné et, dans le meilleur des cas, un « logement autonome ». Suivant des initiatives (scientifiques, militantes et politiques) développées aux États-Unis et au Canada puis implantées en Europe, une approche du type « logement d’abord » (Dorvil et Boucher Guèvremont, 2013 ; Goering et al., 2011 ; Tsemberis, 2010) s’est répandue au cours des dernières décennies, au point de devenir une directive politique d’État[9] en France (Laval et Estecahandy, 2018). À rebours des approches préconisant la priorité au logement (Housing First) sans exigence de contreparties, l’équipe des appartements associatifs impose des conditions contraignantes et des modalités de surveillance à l’égard des sous-locataires, et ce, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des logements.

En dehors du domicile, les gardien·nes des immeubles sont invité·es, par exemple, à transmettre à l’équipe d’accompagnement des informations relatives aux habitudes et aux éventuels comportements déviants des résident·es. Plusieurs événements peuvent faire l’objet d’un signalement auprès de l’équipe : des bruits nocturnes, des odeurs désagréables dans les couloirs, des fréquentations jugées suspectes (des squatteurs ou dealers, par exemple). De même, les soignant·es exerçant dans les structures de soins fréquentées par les résident·es peuvent être amené·es à donner des informations à l’équipe d’accompagnement au sujet de la participation aux activités, des comportements et des habitudes des résident·es. Des absences aux activités thérapeutiques peuvent, dans ces cas, être interprétées comme des signes de non-observance du traitement psychiatrique ou de déstabilisation psychique susceptibles de compromettre le respect du règlement intérieur des appartements.

Dans la continuité de ces procédures de surveillance, les habitudes de vie à domicile des sous-locataires peuvent aussi faire l’objet d’évaluations de la part de l’équipe, notamment lors des visites qui ont lieu deux fois par mois. L’équipe considère que ces visites sont un moyen de promouvoir l’autonomie des résident·es : les sous-locataires sont incité·es à décorer leurs chambres, à partager des moments conviviaux à la maison, à fréquenter des activités thérapeutiques (ateliers divers, travail adapté, etc.) ou bien à diversifier leurs activités extra-domiciliaires quotidiennes[10] (se promener dans les espaces verts proches, fréquenter des lieux culturels, etc.). Pour l’équipe, ces injonctions s’inscrivent dans un projet d’inclusion « dans la Cité » de personnes qui, autrement, passeraient leurs journées « à ne rien faire », selon le psychiatre en tête de l’équipe. De ce fait, une personne qui se conforme aux prescriptions médicales, qui s’investit dans l’exécution de tâches ménagères et qui s’engage dans une activité thérapeutique peut être perçue par l’équipe comme une « bonne élève », pour reprendre une expression utilisée, non sans ironie, par l’un de ses membres de l’équipe lors d’une réunion. À l’inverse, toujours selon l’équipe, l’isolement dans une chambre ou le refus d’honorer un rendez-vous médical peuvent être considérés comme des signes avant-coureurs d’une « décompensation psychique ». De même, si des déplacements ou activités extra-résidentielles contreviennent aux clauses prévues dans le contrat thérapeutique, elles peuvent être interprétées moins comme des signes d’autonomisation que comme des déviances : le comportement d’une résidente, qui fréquente une église pendant la nuit et qui se présente somnolente le lendemain à son Établissement et Service d’aide par le travail (ESAT) ou lors d’une visite à domicile, a été perçu par les soignant·es à la fois comme le signe d’un manque d’engagement vis-à-vis de ses activités thérapeutiques et comme un indice d’altération de son état psychique — qui se manifesterait par l’exacerbation de ses croyances religieuses.

Faisant écho à une grille clinique répandue parmi les professionnel·les de la psychiatrie (Agneray, Tisseron et Mille, 2015 ; De Lagausie et Sudres, 2018 ; Fèvre, 2017), le psychologue que j’ai interviewé explique en effet que, « quand ça se détricote dans la tête d’un patient, souvent c’est le logement qui prend, voilà, s’il en a entre-temps. Il y a quand même cette capacité qu’a la psychose à attaquer les liens mais aussi attaquer l’habitat ». Il souligne ainsi l’imbrication qui existerait entre vie psychique et vie quotidienne ou, plus précisément, entre état psychique et modes d’habiter. Cette représentation semble coïncider avec la manière dont l’équipe d’accompagnement en appartement associatif associe fonctions psychiques et capacités d’habiter, c’est-à-dire les possibilités réelles ou supposées de vivre en logement dit autonome. Si mon analyse ne vise pas à examiner ou à contester cette articulation, elle interroge la façon dont l’équipe d’accompagnement « interprète le domicile et évalue le danger » (Léon et Rey, 2019) de déviance des sous-locataires par rapport aux normes d’habitation.

C’est donc précisément sur une interprétation clinique des comportements, des habitudes et des usages de l’espace domestique que se fonde le travail de l’équipe d’accompagnement en appartement associatif. Cela se traduit dans la manière dont des éléments du droit sont combinés à des contraintes morales, à des prescriptions médicales et à des injonctions socioéducatives. D’un côté, les personnes signent un bail de sous-location d’un an qui peut être renouvelé plusieurs fois, ce qui leur permet d’avoir une domiciliation relativement stable. D’un autre côté, les règles de sécurité énoncées dans les documents associés au bail, qui façonnent les rapports des résident·es au logement et les façons dont ils et elles peuvent se l’approprier, reflètent l’ambiguïté de leur statut de sous-locataires : ils et elles n’ont pas l’impression d’être dans une structure d’hébergement, mais ne parviennent pas pour autant à habiter pleinement leur logement et font part de sentiments d’insécurité résidentielle, ici entendue comme la crainte d’être expulsé·es ou de ne pas pouvoir renouveler le bail de location.

« J’estime pas que c’est un logement à partir du moment où il y a un contrôle » : sentiments d’insécurité et (dés)appropriation du chez-soi

Les conditions d’accès à un appartement associatif et celles assurant son maintien font l’objet d’une critique de la part de certain·es locataires lors des entretiens. En effet, une partie de ces résident·es se montrent insatisfait·es de ces conditions, mais sont contraint·es d’accepter ce contrôle sur leur vie quotidienne en raison de leur fragilité socioéconomique et de la précarité résidentielle dans laquelle elles et ils se retrouvent. M. Adamou, par exemple, explique qu’il avait « fait une crise » et s’était mis à « hurler à la maison » où il habitait seul à l’époque : « Je me rappelle que je faisais… je mettais de la musique fort et puis je me rappelle que je faisais du bruit, mais je ne savais pas à quelle fréquence, c’était puisque ça gênait les voisins. Après ils ont appelé les flics et puis ils sont venus me chercher. » L’absence à son poste de travail au cours de ces jours « de crise », puis l’hospitalisation qui s’en est suivie, ont entraîné la perte de son emploi et de son logement : « Au bout de six mois [à l’hôpital], j’avais perdu mon logement. Donc, j’avais plus d’endroit où partir. Donc, j’étais obligé de rester à l’hôpital même. » Lorsqu’il obtient le rappel de son Allocation aux adultes handicapés (AAH), une assistante sociale de l’hôpital lui parle de l’existence des appartements associatifs où il est accepté peu de temps après avec un colocataire. Au moment de son emménagement, comme la quasi-totalité des personnes enquêtées, M. Adamou ne possède que l’AAH comme ressource financière stable. Elle lui permet de régler son loyer ainsi que les dépenses annexes, mais limite considérablement ses possibilités de subvenir à ses besoins et d’accéder à des activités culturelles ou au loisir.

Dans un autre entretien, Mme Hamoud, aussi bénéficiaire d’une AAH, raconte un parcours qui donne à voir l’articulation entre les trajectoires résidentielles et les troubles psychiques. Elle explique avoir passé son enfance et le début de sa vie adulte dans le foyer familial, puis elle a vécu plusieurs années entre différents logements. Cette période de sa vie, affirme-t-elle, est marquée par des difficultés psychiques importantes et par plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, en alternance avec des retours à la maison familiale. À l’issue d’une de ces hospitalisations, en détresse financière et décidée à ne pas être hébergée par un de ses proches, elle s’installe dans un foyer de post-cure sur les conseils de son assistante sociale. Elle décrit ce séjour, a posteriori, comme quelque chose de nécessaire au rétablissement de ses liens avec sa famille (« J’ai eu des problèmes familiaux, que je n’ai plus maintenant. Maintenant ça va, puisque j’habite plus avec eux, c’est pour ça »). Cela lui permet de chercher une solution de rechange à la cohabitation avec ses parents. Après ce passage en foyer, elle se retrouve alors en appartement associatif : « un point de chute stable », affirme-t-elle. Lors de notre entretien, réalisé au moment où s’achève sa première année en appartement associatif, elle souhaite pourtant s’installer ailleurs et indique avoir effectué une demande de logement social dans un quartier proche de celui où elle habite : « J’ai fait une demande, je fais beaucoup de démarches administratives qui existent au niveau logement en France par exemple le DALO[11]. […] Parce que j’estime que ce logement pour moi n’est pas mon logement [parce qu’]on est plusieurs [et] il y a des visites donc on n’est pas, c’est pas notre logement même si on paye un loyer et qu’on a un bail. »

Elle fait référence notamment aux « visites aux chambres » effectuées par les membres de l’équipe d’accompagnement afin de vérifier que le logement n’est pas dégradé, que les pièces individuelles sont « bien tenues » et qu’elles restent propres et « bien rangées ». Ces visites ne sont pas systématiques et ont lieu lorsque l’équipe estime, après une visite à domicile, que l’hygiène des pièces communes est délaissée ou que l’état psychique d’une personne est compromis. Les sous-locataires sont prévenu·es au préalable des visites, mais n’ont pas le droit de les refuser. Il faut préciser que l’association gestionnaire investit une partie de son budget dans l’acquisition et dans le changement du mobilier (matelas, électroménager, ampoules, carrelage, etc.) en cas d’avarie ou de dégât. Pour les personnes interviewées, cela représente une source de soulagement financier, mais cela contribue aussi à la dépossession et à la désappropriation de l’espace dans lequel elles vivent. Elles se retrouvent ainsi dans des espaces déjà meublés, voire décorés, mais ne possèdent pas les moyens financiers pour acquérir des objets personnels ou estiment qu’il s’agit justement d’un lieu de vie transitoire qui ne mérite pas un tel investissement de leur part.

Ici, l’appropriation ou bien, au contraire, les sentiments de dépossession de l’espace habité peuvent être appréhendés à travers la notion de « marquage », qui renvoie à la fois aux dimensions matérielles et symboliques de l’appropriation : « le marquage, par la disposition des objets ou les interventions sur l’espace habité, est l’aspect matériel le plus important de l’appropriation » (Segaud, Brun et Driant, 2002 : 28), ce qui est inexorablement doublé d’un « marquage symbolique », destiné à « signaler une appropriation » (Brunet, Ferras et Théry, 1993 : 193). À l’appui de ces définitions, Veschambre (2004 : 73) conclut qu’« il n’y a pas d’appropriation sans marquage d’espace ». Or, le « sous-marquage » de l’espace habité des sous-locataires des appartements étudiés peut être considéré, tantôt comme un effet de leur appropriation manquée (en raison des objets déjà existants sur place ou de la perspective d’un relogement), tantôt comme le produit de cette faible appropriation (à cause notamment des contraintes présentes dans le règlement de cohabitation, du retentissement des troubles psychiques, ou du morcellement et de l’incertitude qui caractérisent leurs trajectoires résidentielles). Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de l’expression d’un manque d’attaches affectives avec le domicile habité, un aspect souligné par plusieurs personnes interrogées, alors que ces attaches constituent une dimension centrale de l’appropriation des espaces, explique Jacqueline Coutras (1987).

En ce sens, la durée des baux de location peut aussi être considérée comme source d’incertitude. Bien que les contrats puissent être prolongés, les sous-locataires sont fréquemment rappelés à la nécessité de se « projeter dans un logement autonome », ce qui contribue par ailleurs à un sous-investissement des logements, puisqu’ils sont considérés comme provisoires. C’est le cas pour M. Duplaa, vivant avec trois autres colocataires hommes en appartement associatif depuis deux semaines au moment où se déroule l’entretien : « On nous dit qu’on a un contrat d’un an mais un an [qui peut théoriquement être renouvelé à plusieurs reprises], c’est peu et je sais pas, moi personnellement je sais pas comment ça va se passer après… la cohabitation, ça va, c’est pas le problème. C’est surtout : "Qu’est-ce qu’on va faire après ?" C’est une peur que j’ai, hein ?! »

La peur ressentie par M. Duplaa est associée à la manière dont les conditions d’accès aux appartements associatifs et les conditions de maintien de ceux-ci créent une pression liée à l’injonction qui est faite aux sous-locataires d’« accéder à un logement autonome », injonction qui les conduit à assimiler leur logement à un lieu d’habitation provisoire. Suivant le raisonnement de David Grand (2015) dans son étude des épreuves d’appropriation de l’espace vécues par des personnes vivant dans des lieux d’hébergement, il est possible d’affirmer que les sous-locataires des logements accompagnés interviewé·es dans le cadre de cette étude font l’expérience, en quelque sorte paradoxale, d’être hébergé·es dans leur chez-soi[12]. D’après Grand, ce paradoxe se produit lorsque les institutions (d’hébergement pour lui, de logement accompagné dans le cas de cet article) transmettent simultanément des messages contradictoires aux personnes hébergées ou logées. En l’occurrence, l’association gestionnaire et l’équipe d’accompagnement répètent sans cesse que les « patients » sont « chez eux » tout en renvoyant ces personnes à un « projet d’autonomie » en matière de logement, sans parler du fait que ces personnes n’ont pas le statut de locataires mais, j’insiste, de sous-locataires. Par conséquent, si l’installation en logement accompagné a permis à ces personnes et à leurs colocataires de trouver un « point de chute stable », pour reprendre l’expression de Mme Hamoud, les contraintes auxquelles elles sont confrontées rendent l’appropriation de l’espace domestique difficile. En intégrant donc leur point de vue ou, plus précisément, la réception (Revillard, 2018) qu’elles et ils font de l’accompagnement à domicile, quelles leçons sociologiques pouvons-nous tirer ?

Réguler l’insertion sociale dans et par le logement : l’inégale (dés)appropriation du logement

Selon Vincent Veschambre, l’étude de l’appropriation de l’habitat ne peut se passer de l’analyse de « la dimension collective du processus d’appropriation de l’espace résidentiel avec ses conflits et ses enjeux de positionnement social » (Veschambre, 2005 : 116). Il importe donc de considérer tant les aspects politiques et organisationnels qui soutiennent les appartements associatifs, que les conditions sociales qui conduisent des personnes comme Mme Hamoud et MM. Keita et Duplaa à faire l’expérience d’une appropriation ou d’une désappropriation de leur habitat.

Cette appropriation est d’abord inégale, puisque la majorité des sous-locataires se retrouvent dans l’impossibilité d’élire leur domicile et de choisir d’y rester — deux variables, selon Kirsteen Paton (2013), directement associées à la position sociale d’un individu dans la hiérarchie sociale. Pour les sous-locataires que nous avons interrogé·es, qui se situent dans les fractions inférieures des classes populaires (Schwartz, 2011), le manque de choix au moment qui les conduit aux appartements associatifs se conjugue à la crainte d’expulsion ou à l’impossibilité de prolonger le bail de sous-location. En outre, leur parcours d’immigration (ou celui de leurs parents) peut jouer un rôle défavorable dans leurs trajectoires résidentielles, comme le montre Pascale Dietrich-Ragon (2017) dans une étude sur l’accès à l’hébergement social en Île-de-France : en comparant la trajectoire des personnes sans-domicile de la population majoritaire et de la population immigrante, et en excluant les femmes avec enfants, qui bénéficient d’une prise en charge prioritaire, on constate que l’origine est un frein à l’accès au logement.

Il s’agit aussi d’une appropriation inégale dans la mesure où les personnes sont sélectionnées au regard de leur accord préalable des conditions contraignantes de sous-location, telles que l’obligation à s’engager dans des activités de soin ou l’interdiction d’accueillir des partenaires affectifs et sexuels pendant la nuit. De même, les mécanismes de surveillance auxquels les personnes sont soumises fragilisent, voire empêchent l’appropriation matérielle et symbolique de l’habitat : bien qu’elles puissent, théoriquement, jouir comme elles le souhaitent de leur logement, les visites à domicile viennent leur rappeler qu’elles sont passibles de sanctions en cas de non-respect des règles de cohabitation. Désireuses d’accéder à une stabilité matérielle et symbolique dans leurs trajectoires résidentielles, elles sont conduites à payer non seulement un loyer mais, en quelque sorte, à payer de leur personne (Astier, 1996), puisque la permanence des logements est conditionnelle à l’adoption de conduites et de modes d’habiter. Autant de facteurs qui génèrent des sentiments d’insécurité résidentielle.

De ce fait, l’accompagnement qui est censé aider, soutenir et rendre autonomes les sous-locataires de ces logements devient vecteur de normes et d’exigences de contrepartie qui pèsent sur les bénéficiaires de politiques sociales (Astier, 2007 ; Chelle, 2012) : la norme d’avoir un domicile, mais aussi et surtout de bien l’habiter. L’équipe espère que les sous-locataires s’aligneront sur les pratiques d’habitation associées aux classes moyennes ou supérieures de la population, dans les domaines de l’hygiène, du cycle veille-sommeil, de travail, de la sociabilité ordinaire et des mobilités quotidiennes.

En dépit de l’hétérogénéité de situations que la notion de « classes moyennes » recouvre (Charle, 2003), leur position « entre-deux » — ni riches, ni pauvres (APUR, 2006) — s’exprime particulièrement dans leur choix contraint de logement et dans leurs stratégies de positionnement au sein du marché locatif à travers lesquelles elles cherchent à se distancer des lieux d’habitation et des styles de vie des classes populaires (Cusin, 2012 ; Damon, 2015). Ce sont des populations qui ont tendance à s’installer dans les territoires périurbains (Bacqué et Vermeersch, 2012 ; Jaillet, 2004 ; Vermeersch, 2011) qui privilégient des formes de liens de proximité (écoles, commerces, services, familles, amis, voisins) dans une quête de synchronisation entre vie professionnelle et vie familiale (Aragau, Berger et Rougé, 2016). Dans cette même logique, elles privilégient la convivialité et la décontraction dans les rapports interpersonnels, et considèrent donc la sociabilité comme une ressource sociale (Authier et Grafmeyer, 1997).

Si les travaux s’intéressant aux pratiques d’habitation franchissent rarement « le seuil du domicile, dont le caractère privé et intime rend malaisée l’observation sociologique » (Gilbert, 2016 : 10), quelques caractéristiques générales ont été vérifiées (Bernard, 1992) dans la façon dont les classes moyennes s’approprient l’espace domestique : elles cherchent à obtenir et à maintenir le confort domestique à travers l’acquisition d’équipements ménagers, et la répartition des pièces du domicile en fonction des usages individuels et/ou collectifs des ménages ; leur temps quotidien dans l’espace domestique s’organise autour de deux activités essentielles qui sont le sommeil et les repas, avec une priorité accordée à la convivialité familiale et aux activités de semi-loisir (jardinage, bricolage, couture, etc.) ou de loisir (télévision, écouter de la musique, lecture, etc.). Ainsi, l’encadrement assuré par l’équipe qui intervient dans les logements accompagnés peut être considéré comme une tentative d’aligner les manières d’habiter des personnes accompagnées — issues des fractions les plus fragiles des classes populaires — sur les pratiques d’habitation et les styles de vie des classes moyennes ou, en d’autres termes, du citoyen « normal » (valide, actif, domicilié, entouré, mobile, etc.)[13].

En définitive, mon enquête suggère que des initiatives comme les appartements associatifs influent non seulement sur les trajectoires résidentielles et les pratiques d’habitation des populations logées, mais aussi, par conséquent, sur la façon dont ces dernières s’approprient ou non leur lieu de vie, alors qu’il est aussi assimilé à un lieu de soin. Cette ambiguïté traduit en vérité un paradoxe qui traverse l’ensemble des pratiques de soin en psychiatrie : favoriser l’autonomie de personnes vulnérables et veiller sur leur bien-être tout en exerçant un contrôle sur leurs comportements. Si tant est que l’accès au logement soit un facteur d’autonomisation et d’insertion sociale, cette étude de cas montre qu’il s’agit en vérité d’une « autonomie sous contrôle » (Revillard, 2020) qui met à l’épreuve l’appropriation du logement.

Conclusion

En France, la structuration géographique et organisationnelle de la psychiatrie semble connaître une inflexion qui place le domicile au centre de la cartographie post-asilaire du soin. Ce mouvement s’inscrit dans le sillage d’une mutation plus profonde des politiques sociales d’insertion de populations vulnérables et marginalisées depuis les années 1980. Au sein de ces politiques, le domicile devient un lieu d’intervention sanitaire et sociale et, en même temps, une norme d’insertion sociale sur laquelle les individus doivent s’aligner. En ce qui concerne les personnes atteintes de troubles psychiques, on observe qu’elles doivent non seulement posséder une domiciliation pour être considérées comme des citoyennes à part entière, mais qu’elles sont aussi soumises à des contraintes concernant l’accès, le maintien et l’appropriation de l’habitat. L’exemple présenté dans cet article montre comment la convergence de ces processus se matérialise dans le cadre d’une modalité d’habitat dit inclusif : les appartements associatifs. Tout en cherchant à promouvoir l’autonomie des sous-locataires, l’équipe d’accompagnement met en place des mécanismes de « sécurisation » qui affectent les modes d’habiter des résident·es. Le témoignage de ces derniers et dernières éclaire sur la façon dont l’insertion sociale des personnes atteintes de troubles psychiques reste fortement contrôlée, malgré les évolutions connues depuis la réforme de l’assistance psychiatrique et de l’essor de la politique du handicap. Si ce contrôle s’exerçait autrefois à l’hôpital, des formes plus subtiles — mais tout aussi contraignantes — de régulation semblent en effet prendre forme aujourd’hui dans et à travers le domicile.