Corps de l’article

Introduction

Les recherches autour de l’habileté à communiquer oralement sont relativement récentes et reçoivent peu d’attention des chercheurs, particulièrement dans le domaine des sciences de la nature (De Grez et al., 2009 ; Kulgemeyer et Schecker, 2013). Pourtant, un consensus mondial apparait ces dernières années sur la nécessité de développer cette habileté chez les étudiants afin qu’ils répondent davantage aux qualifications recherchées par les employeurs (Casner-Lotto et Barrington, 2006 ; Mercer-Mapstone et Matthews, 2017). D’un point de vue sociétal, un étudiant qui développe cette habileté pourra sans doute mieux participer au débat public et scientifique.

Pour ces raisons, plusieurs programmes d’études postsecondaires à travers le monde incluent désormais dans leurs buts généraux l’apprentissage de cette habileté (Australian Qualifications Framework, 2013 ; Brewer et Smith, 2009 ; MELS, 1998 ; Rajput, 2017). Pourtant, la communication orale est souvent sous-enseignée et sous-évaluée lorsqu’on la compare à la communication écrite (Chan, 2011 ; Dumais et Granger, 2017). Il en résulte que cette habileté n’est souvent pas maîtrisée par les étudiants à la fin de leurs études universitaires (Mulder et al., 2008). D’ailleurs, plusieurs étudiants affirment ne pas percevoir la pertinence de savoir bien s’exprimer pour leur future carrière en sciences (Leggett et al., 2004).

Il demeure qu’il est possible d’enseigner comment bien communiquer lors de présentations orales (Chan, 2011). Dans l’une des rares recherches sur le sujet, McLaren (2019) a montré qu’une formation de 10 semaines à la communication orale en sciences peut changer significativement l’attitude d’un étudiant envers cette tâche pendant un cours de chimie analytique (avant et après intervention). Pour arriver à cette conclusion, cette auteure a développé un instrument qui mesure l’attitude à l’aide d’énoncés sur la motivation qu’a l’étudiant à réaliser des communications orales, l’importance que celui-ci accorde à cette compétence et la perception qu’il a de sa compétence à l’oral. Dans une autre étude, Dwyer et Fus (2002) ont utilisé plusieurs échelles complémentaires à celles de McLaren (2019) qui mesurent le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1986 ; Pintrich & de Groot, 1990), l’anxiété à produire un discours oral (McCroskey, 2009) et la compétence auto-rapportée à réaliser une communication orale (Ellis, 1995).

À notre connaissance, en dehors des travaux de McLaren (2019) et des échelles utilisées par Dwyer et Fus (2002), il existe peu d’outils pour documenter et évaluer l’attitude que les étudiants du postsecondaire adoptent face à la communication orale, notamment en sciences. De plus, ces échelles ont certaines limites. Les échelles par mesures auto-rapportées utilisées par Dwyer et Fus (2002) s’intéressent au sentiment d’efficacité personnelle (SEP), à l’anxiété à produire un discours oral et à la compétence à l’oral d’étudiants du premier cycle universitaire, mais n’intègrent pas les notions d’attitude, de perception de la pertinence et de plaisir à communiquer oralement (Boudreau et al., 2018). De plus, leurs échelles ne sont pas propres aux sciences, alors que cette discipline comporte des spécificités à l’oral bien documentées, par exemple la compréhension du contenu scientifique par le présentateur ou la capacité à adapter son discours à l’auditoire par l’utilisation d’exemples et d’analogies propres aux disciplines scientifiques (Dunbar et al., 2006 ; Kerby et Romine, 2009 ; Kulgemeyer, 2018). McLaren (2019) propose quant à elle une échelle plus globale de l’attitude vis-à-vis de la communication orale en sciences (COS). Toutefois, cette échelle ne prend pas en compte le SEPCOS de l’élève et ne semble pas avoir fait l’objet d’un processus de validation (p. ex., une analyse de la structure factorielle), qui aurait permis de distinguer ses différents construits.

D’un point de vue conceptuel, l’attitude envers la COS reste à circonscrire. De manière générale, l’attitude est souvent mesurée par composante, comme celle des croyances cognitives (Jones et Leagon, 2014 ; Tsai, 2002), du sentiment d’efficacité personnelle (Bursal, 2012 ; Riggs et Enochs, 1990) ou du plaisir (Kazempour, 2014 ; Zembylas, 2002). Or, la mesure d’une seule composante ne tient pas compte de la nature multidimensionnelle de l’attitude ni de l’interaction dynamique qui existe entre ces composantes (Barmby et al., 2008 ; van Aalderen-Smeets et al., 2012).

Dans le cadre de leur réflexion sur l’attitude des enseignants à l’égard des sciences et de l’enseignement des sciences, van Aalderen-Smeets et al. (2012) proposent un nouveau cadre de référence largement inspiré de la théorie du comportement planifié (Ajzen, 2001) et qui comporte sept composantes de l’attitude. Ce cadre de référence semble porteur, car il met non seulement l’accent sur l’interaction des composantes de l’attitude entre elles, mais propose également que la résultante de l’attitude soit le comportement observé.

À la lumière d’une absence relative d’outils et d’un cadre de référence spécifique sur l’attitude envers la COS, cet article vise d’abord à proposer un modèle théorique des perceptions et de l’attitude envers la communication orale en sciences, modèle construit à partir des principaux concepts qui leur sont associés : SEP, anxiété, plaisir et perception de la pertinence de la COS. Ces concepts correspondent à quatre des sept composantes du modèle de l’attitude créé par van Aalderen-Smeets et al. (2012) et ils s’organisent selon la même structure théorique. Puis, l’article présente une échelle conforme au modèle théorique proposé, laquelle est intitulée Perceptions et attitude envers la communication orale en sciences (PACOS) et s’appuie sur la démarche méthodologique.

Cadre conceptuel

Notre modèle théorique sur les perceptions et l’attitude envers la communication orale en sciences est tout d’abord exposé, suivi d’une description de chacun des concepts qui le composent.

Attitude

Bien que l’intitulé du modèle présente deux concepts, soit les perceptions et l’attitude, l’attitude est le concept central de cette recherche. Le terme perceptions n’est présent que pour rappeler qu’il s’agit d’un modèle centré sur l’étudiant et sur ses perceptions relativement à la COS.

Le concept d’attitude est multidimensionnel et très complexe dans son essence (Ajzen, 2001 ; Viau et al., 2004), si bien que peu d’études le définissent de manière générale. Tout comme le font Osborne et al. (2003) et Venturini (2007) pour le domaine des sciences, ce concept est préféré à ceux de la motivation ou de l’intérêt, car l’attitude est plus englobante et composée de plusieurs construits, dont le SEP, l’anxiété, le plaisir et la perception de la pertinence (Bodie, 2010 ; De Grez et al., 2009 ; Demir, 2017 ; Eccles et Wigfield, 2002 ; McCroskey, 2009). Cela dit, Potvin et Hasni (2014) rappellent la proximité sémantique de ces construits.

Le modèle élaboré dans le cadre de la présente étude reprend partiellement le cadre théorique de van Aalderen-Smeets et al. (2012) sur l’attitude des enseignants envers l’enseignement des sciences, mais est adapté au contexte de la communication orale en sciences. Notre modèle propose les quatre mêmes grandes dimensions que le cadre théorique de van Aalderen-Smeets et al. (2012), soit 1) la perception de contrôle, 2) l’état affectif, 3) la dimension relative aux croyances cognitives et 4) la dimension comportementale identifiée par l’action. Cependant, trois des composantes de leur modèle (croyances associées au genre, difficulté perçue et dépendance au contexte) n’ont pas été reprises dans notre adaptation du modèle, car seules les composantes les plus pertinentes dans le contexte des perceptions et de l’attitude envers la COS ont été retenues. Des recherches ultérieures pourraient venir raffiner le modèle, mais il s’agit d’un point de départ intéressant afin d’étudier l’attitude envers la COS de manière plus globale.

Figure 1

Proposition d’un modèle théorique des perceptions et de l’attitude envers la communication orale en sciences (adapté de van Aalderen-Smeets et al., 2012)

Proposition d’un modèle théorique des perceptions et de l’attitude envers la communication orale en sciences (adapté de van Aalderen-Smeets et al., 2012)

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Comme le montre la Figure 1, le modèle théorique des perceptions et de l’attitude envers la communication orale en sciences comprend quatre dimensions : 1) la perception de contrôle (évaluée à partir du SEPCOS), 2) l’état affectif (évalué à partir de l’anxiété et du plaisir), 3) les croyances cognitives (évaluées à partir de la perception de la pertinence) et 4) l’action (comportement).

Perception de contrôle

Elle réfère au degré de contrôle qu’un élève croit avoir sur le déroulement d’une activité en lien avec la COS et sur les résultats qui en découleront (van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen, 2013 ; Viau, 2009). Cette dimension est évaluée à partir du sentiment d’efficacité personnelle à l’oral.

État affectif

Il comprend les émotions positives et négatives que l’étudiant associe à la COS. Bien que cette dimension soit composée du plaisir et de l’anxiété, ces deux concepts ne constituent pas les deux extrémités d’une même échelle (Dewaele et MacIntyre, 2014 ; van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen, 2013). Par exemple, un étudiant peut à la fois éprouver du plaisir à réaliser une présentation orale, mais être nerveux pendant son déroulement.

Croyances cognitives

Il s’agit des croyances cognitives que l’étudiant a par rapport à la COS. La pertinence que l’étudiant attribue à la COS permet d’évaluer les croyances cognitives. La perception de la pertinence comprend à la fois l’importance et l’utilité perçues envers l’activité (Eccles et Wigfield, 2002 ; Viau, 2009).

Action

Les perceptions et l’attitude envers la COS mènent à la dimension comportementale du modèle, soit les actions posées par l’étudiant lors d’une présentation orale. Toutes ces actions, qu’elles soient posées en préparation ou lors de la présentation orale, permettent d’observer des comportements, soit la « performance » et le niveau d’engagement de l’étudiant envers cette tâche (Corriveau et Langlois, 2011 ; Fredricks et al., 2004). Puisque cette dernière dimension requiert une collecte de données particulière et une méthode de recherche différente de celles mises en place dans cet article, elle n’est pas traitée.

Sentiment d’efficacité personnelle (dimension de perception de contrôle)

Ancré dans la théorie sociale cognitive de Bandura (1977), le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) repose sur la croyance qu’a un individu de sa « capacité à réaliser une tâche [croyances d’efficacité] et de sa capacité à organiser et exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités [attentes de résultat] » (Bandura, 2019, p. 12). Le SEP n’est pas une caractéristique personnelle stable, mais plutôt une croyance qui se développe en fonction d’expériences vécues et est variable selon la tâche demandée (Bursal, 2012 ; Choi, 2003).

Selon Galand et Vanlede (2004), le SEP joue un rôle crucial sur la motivation à s’investir dans une tâche et contribue fortement à la performance, quelles que soient les aptitudes réelles de l’individu. Par exemple, un faible SEP peut mener à un désengagement envers la tâche chez certaines personnes qui ont tendance à ressasser des pensées négatives au sujet de leur incapacité à réussir, jusqu’à croire qu’il est inutile de chercher des solutions pour s’améliorer. Cette perception de soi cause du stress et les amène à adopter des comportements d’évitement envers l’activité (Bouffard-Bouchard et Pinard, 1988).

Chez un individu, le SEP trouve sa source dans quatre facteurs qui le fondent ou le modifient, décrits par Bandura (1997, 2019) :

Expérience active de maîtrise (experience ou enactive attainment)

Elle se produit lorsque l’individu vit un succès dans une tâche. L’expérience active de maîtrise renforce le SEP.

Expérience vicariante ou indirecte (modeling ou vicarious experience)

Elle repose sur l’observation d’un pair à réussir une tâche ou échouer. Elle peut contribuer à renforcer ou à fragiliser la confiance de l’observateur en sa propre capacité à réussir la tâche et, ainsi, modifier son SEP.

Persuasion verbale (social persuasion)

Elle s’opérationnalise lorsque l’individu reçoit des commentaires (p. ex., suggestions, mises en garde, recommandations) qui peuvent lui donner la confiance qu’il peut réussir une tâche. Puisque ce facteur ne se fonde pas, comme les deux premiers, sur une expérience, son effet est moindre sur le SEP, mais il peut tout de même l’influencer.

États physiologiques et émotionnels (physiological factors)

États qu’un individu peut ressentir à l’idée d’accomplir une tâche et qui peuvent avoir un effet sur sa confiance à la réussir. Il s’agit en particulier des symptômes physiques de stress, qui peuvent être perçus comme le signe qu’on ne pourra pas réussir la tâche, ce qui réduit alors considérablement le SEP.

Dans le cadre de la communication orale, les facteurs liés à l’expérience (expérience active de maîtrise et expérience vicariante), la persuasion verbale et les états physiologiques peuvent se vivre dans le cadre scolaire, à tout le moins lorsque les exposés oraux font partie de la séquence pédagogique. Par exemple, les étudiants peuvent vivre une expérience vicariante en écoutant les exposés oraux de leurs collègues de classe ou voir renforcer leur SEPCOS par la persuasion verbale reçue sous forme de commentaires de la part de ces collègues et de l’enseignant (Paradewari, 2017).

Pour fonder son SEPCOS, un individu s’appuie sur ces expériences, mais, puisque les exposés oraux sont peu pratiqués au collégial (Blanchet et al., 2017), il est possible que les étudiants manquent d’occasions pour renforcer leur SEP. Ils doivent alors se référer à des expériences vécues plus tôt dans leur parcours scolaire, sans avoir de référent récent qui leur permettrait d’actualiser ce SEP. Même lorsqu’un individu a rarement fait des exposés oraux, ces symptômes sont souvent très fortement ancrés dans sa mémoire et contribuent à fragiliser son SEP.

Tout compte fait, même si cette recherche ne s’est pas penchée précisément sur la distinction entre les différents facteurs qui influencent le SEP des étudiants, on peut certainement avancer que ces facteurs, décrits par Bandura, sont particulièrement importants pour comprendre le SEP.

Peu de recherches étudient le SEP (Amirian et Tavakoli, 2016). Demir (2017) indique que le SEP diminuerait continuellement entre la 5e et la 8e année. Dans une recherche ayant porté sur 200 présentations orales, De Grez et al. (2009) ont montré que le SEPCOS s’avère le meilleur prédicteur de la performance à l’oral. D’autres chercheurs tirent des conclusions semblables alors qu’ils ont noté que, parmi les facteurs personnels mesurés, seul le SEP était corrélé à la note finale dans un cours d’expression orale (Dwyer et Fus, 2002). Ces chercheurs ont aussi indiqué que l’augmentation du SEP et du sentiment de compétence à l’oral chez les étudiants était liée à une baisse de l’appréhension à prendre la parole.

Anxiété (dimension de l’état affectif)

Puisque le SEP a aussi un effet sur les émotions, il peut influencer le stress et l’anxiété éprouvés devant la perspective d’accomplir une tâche (Dwyer et Fus, 2002). Une caractéristique fondamentale de l’expression orale devant un groupe est justement son caractère anxiogène.

Ressentie par une majorité de gens (McCroskey, 2009), cette « anxiété à produire un discours oral devant public » ou glossophobie (public speech anxiety) a comme principale source la peur d’être jugé négativement par l’auditoire (Schlenker et Leary, 1982). Elle se caractérise par des effets physiologiques (p. ex., augmentation du rythme cardiaque), par des effets cognitifs négatifs (p. ex., difficulté à se concentrer pendant son discours) et par des effets comportementaux (p. ex., tremblements et rougissement) (Bodie, 2010).

Chesebro et al. (1992) suggèrent que l’anxiété à produire un discours oral devant public peut être un facteur aggravant d’une faible compétence à l’oral. Ainsi, les étudiants qui craignent les situations orales auraient tendance à adopter des comportements d’évitement, ce qui amplifierait leur faible sentiment de compétence, jusqu’à occulter leur réelle compétence. À l’opposé, les étudiants qui croient pouvoir bien performer lors d’un discours oral devant public ressentent généralement moins d’anxiété que ceux qui croient qu’ils échoueront (Lucchetti et al., 2003).

Chesebro et al. (1992) démontrent aussi que, chez des élèves du secondaire, l’anxiété à produire un discours oral devant public est corrélée à un plus grand risque d’échec et de décrochage scolaires. Les élèves qui réussissent moins bien à l’école ont souvent accumulé des expériences d’échec à l’oral, connaissent des difficultés scolaires générales et éprouvent un manque global de confiance en leurs capacités à réussir à l’école.

Plaisir (dimension de l’état affectif)

Le concept de plaisir se rapproche d’un point de vue sémantique de la composante affective de l’intérêt (Hidi et Renninger, 2006 ; Potvin et Hasni, 2014) et de la notion d’état affectif positif tel qu’elle est utilisée par Ng et al. (2012).

Le concept de plaisir dans un contexte de discours oral devant public n’est pas défini dans les écrits de recherche. Par contre, il est souvent utilisé dans des domaines d’études précis, à savoir l’enseignement des sciences (van Aalderen-Smeets et al., 2012), les sciences (Ainley et Ainley, 2011 ; Potvin et Hasni, 2014) ou lors de communications orales réalisées dans l’apprentissage d’une langue seconde (Batenburg et al., 2019).

Comme l’énoncent plusieurs de ces chercheurs, le plaisir, qui réfère à un sentiment positif à l’idée de faire une communication orale (van Aalderen-Smeets et al., 2012), est étroitement lié à une tâche, c’est-à-dire que le plaisir se développe « pour quelque chose » (Krapp et Prenzel, 2011 ; Renninger et Hidi, 2011). Ce plaisir émerge et s’accroit lors de l’interaction avec la tâche ou avec le sujet proposé (Hidi et Renninger, 2006).

À tout le moins dans le contexte de l’apprentissage d’une langue seconde, le plaisir éprouvé lors d’une communication orale ne semble pas un prédicteur de performance (Batenburg et al., 2019). Par contre, Boudreau et al. (2018) confirment la relation qui existe entre le plaisir et l’anxiété à produire un discours oral devant public. Or, en plus, ils indiquent que cette relation fluctue rapidement pendant la communication orale. Les cas étudiés par ces chercheurs indiquent qu’il peut exister tant des corrélations positives que négatives entre ces deux états affectifs.

Perception de la pertinence (dimension des croyances cognitives)

La pertinence que l’étudiant accorde à la COS réfère autant à l’importance globale que celui-ci attribue à cette tâche dans le domaine des sciences (Eccles et Wigfield, 2002) qu’à la perception d’utilité qu’il entrevoit pour son avenir personnel (Viau, 2009). À ce propos, Leggett et al. (2004) indiquent que les étudiants universitaires en sciences ne semblent pas avoir conscience de l’importance de l’habileté à communiquer oralement dans leur futur travail du domaine des sciences. Ces résultats sont préoccupants puisque cette habileté est souhaitée par plusieurs employeurs et est désormais prescrite dans plusieurs programmes scientifiques à travers le monde (Australian Qualifications Framework, 2013 ; MELS, 1998 ; Mercer-Mapstone et Kuchel, 2015).

Dans une des seules études sur le sujet, Edmondston et al. (2010) montrent que les étudiants universitaires de premier cycle accordent peu d’importance aux communications orales présentées par des non-scientifiques, n’accordent pas d’importance aux formations en communication scientifique et connaissent très peu ce qui définit la communication orale en sciences.

Méthode

Procédure du modèle théorique

Le questionnaire Perceptions et attitude envers la communication orale en sciences (PACOS) découle du modèle théorique présenté précédemment. Le processus d’élaboration de son échelle a été réalisé en suivant la procédure en sept étapes proposée par Dussault et al. (2007) et utilisée par Gaudreau et al. (2015) dans un contexte similaire (le SEP). Ces étapes sont présentées dans le Tableau 1, puis décrites plus en détail dans la suite de l’article.

Tableau 1

Étapes d’élaboration du questionnaire PACOS (Dussault et al., 2007)

Étapes d’élaboration du questionnaire PACOS (Dussault et al., 2007)

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Participants

Les participants à cette recherche sont des étudiants collégiaux inscrits au programme préuniversitaire de Sciences de la nature. Deux échantillons ont été constitués : un pour l’étape 5 d’élaboration (« prétest ») et l’autre pour l’étape 6 (« test auprès de la population cible »).

Échantillon et méthode de collecte de données au prétest

L’échantillon pour le prétest compte 131 étudiants, tous inscrits en première année du programme de Sciences de la nature à un même cégep de la région de Montréal au moment de leur participation (semestre d’hiver 2018).

Les formulaires d’information et de consentement ainsi que les questionnaires ont été distribués aux étudiants en classe par l’enseignant du cours, qui ne faisait pas partie de l’équipe de recherche. Les étudiants qui choisissaient de répondre au questionnaire le faisaient directement en classe. Tous les questionnaires (ceux remplis comme ceux laissés vides) étaient ensuite placés par les étudiants dans une enveloppe, qui était scellée par le dernier étudiant, de façon à ce que l’enseignant ne puisse pas consulter les questionnaires remplis. Toutes les enveloppes ont ensuite été envoyées à l’équipe de recherche.

Échantillon et méthode de collecte de données au test

L’échantillon pour le test auprès de la population cible compte 1295 étudiants, tous inscrits en première année du programme de Sciences de la nature, dans sept cégeps des régions de Montréal et de la Montérégie au moment de leur participation (semestre d’automne 2018). La procédure de collecte de données a été la même que celle décrite précédemment pour le prétest.

Considérations éthiques

Ce projet de recherche a reçu l’approbation des comités d’éthique à la recherche de tous les cégeps desquels provenaient les participants, avant le début du recrutement de ces derniers.

Saisie des données

La saisie des données a été effectuée par des assistants de recherche. Puis, 10 % de tous les questionnaires (sélectionnés aléatoirement) ont été saisis une seconde fois et comparés à la première saisie. Cette vérification a permis de s’assurer de l’exactitude de la saisie des données.

Description générale du questionnaire

Étape 1 : choix des construits à mesurer

Le questionnaire distribué aux étudiants possède :

  • des questions d’ordre sociodémographique (âge, sexe, langue maternelle, etc.) ;

  • des questions descriptives pour recenser les expériences scolaires et parascolaires en communication orale des étudiants ;

  • des énoncés sur une échelle de Likert à quatre niveaux portant sur la communication orale en général (COG) et sur la communication orale en sciences (COS).

L’échelle PACOS réfère spécifiquement aux énoncés portant sur la COS. Dans le questionnaire, les deux types de communication orale ont été définis au bénéfice des étudiants :

  1. La communication orale générale (COG) réfère à un exposé oral formel qui porte sur un sujet non scientifique. Elle implique des attitudes non verbales, un ton et une prise de parole devant un groupe ;

  2. La communication orale en sciences (COS) réfère à un exposé oral formel qui porte sur un ou des sujets scientifiques. L’exposé peut utiliser les normes de présentation propres aux sciences (méthode scientifique). La COS implique aussi des attitudes non verbales, un ton et une prise de parole devant un groupe.

Chaque énoncé portant sur la COG a été couplé avec un énoncé équivalent portant sur la COS. Cet article présentera uniquement les résultats provenant de l’échelle PACOS.

Étape 2 : création d’une banque d’énoncés

L’ensemble des énoncés de l’échelle PACOS est présenté en Annexes (Tableau 5). Ces énoncés ont été rédigés par l’équipe de recherche. Certains ont été inspirés d’énoncés tirés d’écrits de recherche et adaptés au contexte de la COS (Cameron et Dickfos, 2014 ; Demir, 2017 ; Hasni et al., 2015 ; Simpkins et al., 2006 ; van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen, 2013), tandis que d’autres ont été conçus spécifiquement pour couvrir les concepts définis dans notre cadre théorique. Plus précisément :

  • SEPCOS : Certains énoncés sont inspirés en partie des questionnaires de Cameron et Dickfos (2014) et de Demir (2017), tandis que les autres ont été développés par l’équipe de recherche. Un exemple d’énoncé pour cette variable serait : « Lorsque je donne une explication scientifique, les gens comprennent du premier coup » ;

  • Plaisir : Les énoncés ont été tirés et adaptés du questionnaire de van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen (2013) ou de questions provenant de la composante affective de l’intérêt d’Hasni et al. (2015). Un exemple d’énoncé pour cette variable serait : « J’ai beaucoup de plaisir à faire une communication orale en sciences » ;

  • Anxiété : Les énoncés proviennent d’une adaptation du questionnaire de van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen (2013). Un exemple d’énoncé pour cette variable serait : « Je me sens nerveux lors d’une communication orale en sciences » ;

  • Perception de la pertinence accordée : Les énoncés sont tirés d’une adaptation du questionnaire de Simpkins et al. (2006) et sont complétés par des questions développées par l’équipe de recherche. Un exemple d’énoncé pour cette variable serait : « Pour moi, être bon lors de communications orales en sciences est important ».

Les sources de chaque énoncé de même que la formulation de l’énoncé original le cas échéant sont présentées en Annexes (Tableau 5). Puisqu’aucun énoncé n’est conservé dans sa forme initiale (entre autres étant donné que les énoncés sont adaptés au contexte de la COS), une traduction inversée n’est pas nécessaire.

Étape 3 : choix du format

L’échelle déclarative de Likert est recommandée pour une mesure auto-rapportée, entre autres pour le SEP (Bandura, 2006). Le choix d’une échelle à quatre niveaux est justifié lorsqu’il s’agit de jeunes participants puisque ceux-ci ne possèderaient pas la capacité de bien s’évaluer sur une échelle à six niveaux ou plus (Smith et al., 2003). Toland et Usher (2016) montrent également que l’échelle à quatre niveaux donne des résultats qui respectent davantage les prémisses de la loi normale, comparativement à une échelle de six niveaux ou plus, du moins pour des élèves étatsuniens d’en moyenne 12,2 ans (6e, 7e et 8e années). Bien que nos participants soient majoritairement âgés de 17-18 ans, nous préférons être prudents et suivre les recommandations de ces études. Dans ce type d’échelle, il semble aussi souhaitable d’éliminer la valeur « neutre » que permet une échelle à cinq niveaux, étant donné qu’elle peut agir comme valeur refuge (Smith et al., 2003).

Étape 4 : évaluation des énoncés par des experts

Les 41 énoncés ainsi retenus et adaptés ont été examinés par trois professeurs collégiaux de sciences et par un professeur de français afin d’obtenir des preuves de validité de contenu, la pertinence des énoncés (par rapport à l’échelle à laquelle ils sont associés) et la formulation des énoncés (clarté). De cette analyse, deux énoncés ont été modifiés par souci de clarté et un énoncé a été ajouté ad hoc, vu le petit nombre d’énoncés pour l’échelle de la perception de la pertinence.

Un premier test a eu lieu à l’hiver 2018 de façon à identifier les construits mesurés par cet ensemble d’énoncés variés.

Étape 5 : prétest (première phase d’élaboration)

Durant la phase d’élaboration, une version préliminaire du PACOS comptant 42 énoncés à échelle de Likert à quatre niveaux a été distribuée à 131 étudiants québécois du postsecondaire inscrits au programme de Sciences de la nature (âge moyen : 17,9 ans ; écart-type : 1,0 an ; 54 garçons et 72 filles). Les données apparaissent convenables pour réaliser une analyse exploratoire suivant la méthode d’analyse en composantes principales (APC) [indice KMO = 0,889 et test de Bartlett χ2(496) = 3011 ; p < 0,001] (Tabachnick & Fidell, 2019).

Menée avec le logiciel SPSS, l’ACP indique que nos énoncés tendent à se regrouper en cinq ou six composantes, si l’on se fie au test de l’éboulis effectué à partir du tracé d’effondrement. Le modèle à six composantes a rapidement été écarté, étant donné que la sixième composante ne comporte que deux énoncés.

Au final, 10 énoncés ont été retirés du modèle préliminaire à cinq composantes, et ce, pour deux raisons : soit qu’ils apparaissent avec une saturation supérieure à 0,3 dans plus d’une composante (Field, 2017), soit qu’ils sont non univoques. Comme présenté dans le Tableau 2, le modèle retenu contient donc 32 énoncés répartis dans cinq composantes, pour une variance totale expliquée de 64,2 %.

Tableau 2

Composantes obtenues à la suite de l’ACP de la version préliminaire du PACOS (modèle final à 32 énoncés) avec la saturation factorielle et la cohérence interne (fiabilité) pour chacune des composantes

Composantes obtenues à la suite de l’ACP de la version préliminaire du PACOS (modèle final à 32 énoncés) avec la saturation factorielle et la cohérence interne (fiabilité) pour chacune des composantes

Note. n = 131.

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Les valeurs élevées d’alpha de Cronbach (α) assurent la cohérence interne (ou fiabilité) de chacune des échelles constituant les composantes puisqu’elles dépassent toutes le seuil accepté de 0,7, sauf pour l’échelle du SEPCOS sens du spectacle (Nunnally, 1978). Les saturations factorielles sont acceptables pour toutes les échelles, car supérieures à 0,3 (Field, 2017).

Dans cette version préliminaire, les énoncés associés au plaisir (van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen, 2013) et à la composante affective de l’intérêt (Hasni et al., 2015) pour la communication orale se regroupent comme souhaité dans une seule composante, ce qui semble confirmer le choix de l’étiquette du « plaisir » dans le modèle théorique pour cette composante. Étonnamment, le SEPCOS semble quant à lui se décliner en deux composantes, soit le SEPCOS sens du spectacle (« Mes présentations sont intéressantes pour l’auditoire ») et le SEPCOS normes et contenu (« Je respecte les normes propres à la communication orale »). Une telle distinction du SEPCOS à l’oral en deux composantes distinctes est apparue comme inédite dans les écrits de recherche. Il a paru pertinent de conserver ce résultat préliminaire et de tenter de le reproduire, avec la collecte de données principale, puisque la composante jusqu’alors monolithique du SEPCOS pouvait peut-être effectivement être analysée plus finement en considérant ces deux aspects.

Résultats

Étapes 6 et 7 : test auprès de la population cible et vérification de la structure factorielle (deuxième phase d’élaboration)

Une seconde version du PACOS a été préparée pour passation à un plus vaste échantillon. Un ajout de sept énoncés a été effectué afin d’enrichir les cinq composantes obtenues dans le questionnaire préliminaire : perception de la pertinence (1), plaisir (3), anxiété (1), SEPCOS sens du spectacle (1) et SEPCOS normes et contenu (1). Un énoncé a aussi été réécrit, car il pouvait être non univoque.

Cette seconde version du PACOS de 39 énoncés a été soumise à 1314 étudiants issus de la même population (âge moyen : 17,3 ans ; écart-type : 1,7 an ; 737 filles et 524 garçons) à l’automne 2018, et ce, dans sept cégeps. De ces 1314 questionnaires PACOS reçus, 19 questionnaires étaient incomplets. Le taux de données manquantes est de 1,5 % (nfinal = 1295). Un sous-échantillon d’environ 10 % (n = 133) a été aléatoirement tiré de ces données afin de réaliser une analyse en composantes principales. Les données de ce sous-échantillon montrent une excellente convenance pour produire une ACP [indice KMO = 0,964 et test de Bartlett = χ2(496) = 2528 ; p < 0,001].

Après avoir observé que des modèles entre une à quatre composantes sont non concluants (entre 34 % et 57 % de la variance expliquée), les modèles issus de l’ACP indiquent plutôt que nos énoncés tendent à se regrouper encore une fois en cinq (60,5 % de variance expliquée) ou six composantes (63,7 % de variance expliquée), si l’on se fie au test de l’éboulis. Puisque la sixième composante du deuxième modèle ne comporte que deux énoncés et que cette composante est conceptuellement difficile à étiqueter, il a été décidé de ne pas retenir ce modèle.

L’ACP (voir Tableau 3) a permis d’extraire un modèle final à cinq composantes et à 34 énoncés, pour un pourcentage de variance expliquée de 60,5 %. Le choix de retenir ce modèle a donc mené au retrait de cinq énoncés du questionnaire (numérotés et disponibles en Annexes, Tableau 6) :

  • trois énoncés dont la saturation factorielle est de 0,3 dans au moins deux composantes (énoncés nos 1, 2 et 3) (Field, 2017) ;

  • un énoncé qui ne possède pas une saturation factorielle supérieure à 0,3 (énoncé no 4) (Field, 2017) ; et

  • un énoncé qui est non univoque (énoncé no 5). Pour ce dernier énoncé (« Les communications orales en sciences, c’est “plate” »), l’ambiguïté probable proviendrait du fait que les étudiants pouvaient comprendre qu’on leur demande s’ils trouvent « plate » (ennuyeux) d’écouter ou de prononcer des exposés oraux.

Les cinq composantes retenues ont une bonne cohérence interne (α = 0,772-0,951). Le niveau de cohérence interne pour chacune des composantes est du même ordre de grandeur que dans la version préliminaire, avec une amélioration notable pour la composante du SEPCOS sens du spectacle. Le modèle final permet donc de vérifier que les 34 énoncés restants se comportent sensiblement de la même façon que dans la version préliminaire du PACOS.

Une analyse factorielle confirmatoire (AFC) avec la méthode du maximum de vraisemblance a été ensuite réalisée à l’aide du logiciel R (version 3.6.1) avec les 34 énoncés issus de l’ACP. Un modèle à cinq facteurs corrélés a été testé avec les 90 % de l’échantillon restant (n = 1162). Les tableaux des corrélations (Tableaux 7 à 11 en Annexes) pour chacun des facteurs montrent des corrélations inter-énoncés systématiquement significatives. Un tableau des saturations factorielles des énoncés est aussi disponible en Annexes (Tableau 6).

Tableau 3

Composantes et énoncés retenus à la suite de l’ACP de la version finale du PACOS avec la saturation factorielle et la cohérence interne pour chacune des composantes

Composantes et énoncés retenus à la suite de l’ACP de la version finale du PACOS avec la saturation factorielle et la cohérence interne pour chacune des composantes

Note. n = 133

La saturation factorielle pour tous les énoncés des 5 composantes est significative (p < 0,05).

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Le modèle possède des indices d’ajustement acceptables. L’indice d’erreur quadratique moyenne de l’approximation (RMSEA) avec un intervalle de confiance de 90 % est de 0,047 ∈ [0,045 ; 0,05]. La borne supérieure de l’intervalle du RMSEA respecte le seuil d’acceptabilité du critère de Bentler (2006) et de Browne et Cudeck (1992), qui spécifie que la borne supérieure doit être >0,08 pour un ajustement acceptable et <0,05 pour un bon ajustement. L’indice d’ajustement comparatif (CFI) est de 0,944, ce qui est très près du seuil de bonne adéquation de 0,95 proposé par Hu et Bentler (1999). L’indice de la valeur moyenne quadratique pondérée (SRMR) est de 0,05, ce qui est inférieur à la valeur de 0,08 considérée comme un bon ajustement par Hu et Bentler (1999).

Une analyse conceptuelle des énoncés formant chaque facteur permet de confirmer l’étiquette pour chacun d’entre eux. Les facteurs d’anxiété, de plaisir et de la perception de la pertinence étaient attendus, correspondant aux facteurs pour lesquels ces énoncés avaient été développés dans les écrits de recherche desquels ils étaient tirés.

Plaisir et anxiété

Ces facteurs ont été mesurés avec des énoncés qui se lisent, par exemple, comme suit : « J’aime réaliser des communications orales dans mes cours de sciences » (facteur plaisir) ou « Je me sens stressé lorsque je fais une communication orale en sciences » (facteur anxiété).

Perception de la pertinence

Ce facteur contient des énoncés qui portent sur la perception de l’utilité de la communication orale en sciences pour les étudiants, par exemple : « En général, apprendre sur comment réaliser de bonnes communications orales en sciences est utile », ou encore sur l’importance pour les étudiants de bien réussir les communications orales, par exemple : « Il est important pour moi d’être bon lors de communications orales en sciences ». Ces deux aspects semblent refléter deux construits distincts. C’est peut-être la raison pour laquelle l’indice de cohérence interne de l’ACP est un peu plus faible (α = 0,772) que celui des autres facteurs, mais cet indice est acceptable (Nunnally, 1978).

Deux facettes du SEPCOS sont ressorties de l’analyse des données du PACOS : le SEPCOS normes et contenu et le SEPCOS sens du spectacle. Si les deux témoignent effectivement du sentiment d’efficacité personnelle des étudiants, il appert qu’ils en soulignent des aspects différents :

  • SEPCOS normes et contenu : Il correspond à une efficacité personnelle normative, soit réussir une communication orale en s’exprimant bien et clairement, en respectant les normes et en s’assurant que l’auditoire comprend ;

  • SEPCOS sens du spectacle : Il réfère à l’intérêt suscité par la communication orale et par la performance (être intéressant, être dynamique et avoir un bon contact avec l’auditoire).

Les cinq construits du PACOS, dont les deux construits propres au SEPCOS, sont notés sur une échelle de 1 (« totalement en désaccord ») à 4 (« totalement d’accord »). Une moyenne a ensuite été calculée pour chaque construit, et ce, pour l’ensemble des répondants au PACOS. Ces moyennes sont présentées au Tableau 4. Le tableau des corrélations entre les facteurs est disponible en Annexes (Tableau 12).

Le plus faible score moyen des cinq échelles est celui du plaisir (M = 2,11 ; ET = 0,59), tandis que le plus élevé est celui de la perception de la pertinence (M = 3,19 ; ET = 0,56). Entre ces deux valeurs, le score moyen est de 2,90 (ET = 0,44) pour le SEPCOS normes et contenu, de 2,65 (ET = 0,66) pour le SEPCOS sens du spectacle et de 2,68 (ET = 0,55) pour l’anxiété. Ainsi, seul le score pour la perception de la pertinence se situe au-dessus de la graduation « en accord (3) », les quatre autres étant entre « en désaccord (2) » et « en accord (3) ». Comme attendu, l’anxiété corrèle négativement avec les quatre autres facteurs.

Tableau 4

Scores descriptifs des cinq échelles du PACOS pour 1295 étudiants de 17-18 ans en formation préuniversitaire en sciences de la nature

Scores descriptifs des cinq échelles du PACOS pour 1295 étudiants de 17-18 ans en formation préuniversitaire en sciences de la nature

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Discussion

Nous poursuivons avec une discussion sur le lien entre les deux aspects du SEPCOS au cadre conceptuel de Bandura (1977) et sur le processus de validation des échelles du questionnaire PACOS. Puis, nous terminons par une comparaison entre le modèle théorique proposé initialement et les facteurs de l’échelle PACOS finale.

SEPCOS et cadre conceptuel de Bandura

Les deux aspects du SEPCOS intitulés « normes et contenu » et « sens du spectacle » constituent une observation jusqu’alors inédite dans les écrits de recherche sur le SEP. Provenant de quatre sources (l’expérience active de maîtrise, l’expérience vicariante, la persuasion verbale ainsi que les états physiologiques et émotionnels), le SEP est généralement perçu comme un seul construit (il n’est pas défini avec une structure factorielle qui se décompose en plusieurs composantes principales) et est étudié comme tel (Chan, 2011 ; De Grez et al., 2009 ; Demir, 2017).

Néanmoins, une cohérence conceptuelle existe dans la distinction entre les deux blocs d’énoncés qui forment ces deux construits : le SEPCOS normes et contenu parle de la perception d’être efficace à l’oral et de bien s’exprimer, tandis que le SEPCOS sens du spectacle témoigne plutôt de la perception d’être intéressant et dynamique, de savoir capter l’attention du public.

Ramenée au cadre conceptuel de Bandura (1977), cette division du SEP en deux aspects suggère que les étudiants peuvent avoir des croyances d’efficacité qui sont distinctes de leurs attentes de résultat, et ce, pour les deux aspects du SEPCOS. Ces deux types d’attentes sont décrits par Bandura (2019) comme la « capacité à organiser et à exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » et « la croyance qu’a un individu de sa capacité à réaliser une tâche » (p. 193). Un exemple d’énoncé du questionnaire pour chaque type d’attente en fonction de l’aspect du SEP est proposé à la Figure 2.

Figure 2

Adaptation du diagramme de la différence entre les croyances d’efficacité et les attentes de résultat de Bandura (1977) au cas de la communication orale en sciences

Adaptation du diagramme de la différence entre les croyances d’efficacité et les attentes de résultat de Bandura (1977) au cas de la communication orale en sciences

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Croyances d’efficacité

Les croyances d’efficacité pour le SEPCOS normes et contenu se définiraient par la conviction chez l’étudiant qu’il a les connaissances scientifiques et le niveau de langue requis pour bien réaliser la tâche. Pour le SEPCOS sens du spectacle, elles seraient liées à la croyance chez l’étudiant qu’il pourra utiliser son corps efficacement ou qu’il sera dynamique lors de la présentation orale.

Attentes de résultat

Pour le SEPCOS normes et contenu, les attentes de résultat réfèreraient à la capacité chez l’étudiant de répondre aux questions de l’auditoire et d’amener auprès de l’auditoire une compréhension du contenu. Pour le SEPCOS sens du spectacle, elles seraient plutôt liées à la conviction chez l’étudiant que le « spectacle » qu’il produit aura comme effet de capter l’attention ou de susciter l’intérêt de l’auditoire.

Processus de validation de la structure interne du PACOS

Un des objectifs de cet article consistait à effectuer un processus de validation de l’échelle PACOS en suivant la procédure proposée par Dussault et al. (2007) et utilisée par Gaudreau et al. (2015). L’évaluation globale du PACOS montre que ce questionnaire possède de bonnes qualités psychométriques (alphas de Cronbach acceptables, saturations factorielles convenables, etc.). De plus, la répartition des énoncés à l’intérieur de chacun des facteurs se produit selon les attentes théoriques. Il semble donc qu’une partie ou que la totalité des échelles de mesure peut être utilisée avec une certaine assurance à des fins de recherche. Certains facteurs ne possèdent pas un grand nombre d’énoncés. Or, étant donné les hauts pourcentages de variance totale expliquée et la présence conjointe d’un grand nombre de construits mesurés (cinq construits pour 34 énoncés au total), cela peut plutôt être considéré comme une force. 

Limites

Toutefois, certaines limites usuelles sont à considérer à la suite de l’élaboration du questionnaire PACOS. Tout d’abord, l’échantillon retenu provient d’établissements collégiaux publics de la grande région de Montréal. Il ne représente pas l’ensemble des collèges de la province (autres régions et collèges privés). Aucune étude n’a encore été réalisée pour généraliser l’utilisation du PACOS dans d’autres contextes scolaires et auprès d’un échantillon de participants plus jeunes ou plus âgés. De plus, l’échantillon en est un de convenance, car il est composé de participants volontaires. Finalement, l’analyse en composantes principales et l’analyse factorielle confirmatoire gagneraient à être réalisées sur des échantillons provenant de collectes de données indépendantes (Thompson, 2004).

Concordance du modèle théorique aux analyses effectuées (ajouts des deux aspects du SEPCOS)

À l’exception du SEPCOS, qui se divise désormais en deux aspects, le modèle théorique initial semble en grande partie confirmé par cet exercice.

Figure 3

Modifications proposées au modèle théorique sur les perceptions et l’attitude envers la communication orale en sciences

Modifications proposées au modèle théorique sur les perceptions et l’attitude envers la communication orale en sciences

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Limites

Le modèle présenté à la Figure 3 comporte certaines limites. À l’instar du modèle proposé par van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen (2013), les étiquettes associées aux dimensions de l’attitude (croyances cognitives, état affectif et perception de contrôle) sont posées à partir de considérations théoriques et n’ont pas été vérifiées empiriquement. Pour valider complètement ce modèle, une recherche ultérieure mériterait de s’attarder à cette considération. De même, il serait pertinent d’essayer d’inclure les autres composantes du modèle de van Aalderen-Smeets et Walma van der Molen (2013) qui ont été retirées de la présente étude, à savoir la difficulté perçue, les stéréotypes de genre et la dépendance au contexte.

Par ailleurs, la dimension comportementale (action) n’a pas été validée dans cet article. Ainsi, il n’est pas possible de savoir si les perceptions et l’attitude envers la communication orale en sciences des étudiants se traduisent par un engagement de haut niveau lors de la préparation et de la réalisation d’une présentation orale. Ce modèle théorique mériterait aussi d’être utilisé dans un contexte d’évaluation de la dimension comportementale (action), c’est-à-dire la compétence réelle de l’étudiant en COS.

Il conviendrait d’étudier plus en profondeur l’adéquation entre les deux composantes du SEPCOS avec le diagramme des croyances d’efficacité et des attentes de résultat de Bandura (1977). Bien que notre interprétation suggère une certaine cohérence avec le cadre de Bandura (1977), un questionnaire plus exhaustif portant uniquement sur le SEPCOS normes et contenu et sur le SEPCOS sens du spectacle et qui tenterait de produire factoriellement les deux types d’attentes pour chacun des deux SEPCOS serait souhaitable.

Finalement, certaines études montrent que le sentiment d’efficacité personnelle est le facteur qui semble le plus fortement influencer la performance en communication orale devant un public (Dwyer et Fus, 2002). Puisque nos résultats suggèrent qu’il existe deux aspects au SEPCOS, il apparait opportun d’étudier le lien entre la compétence à l’oral et chacun de ces aspects du SEPCOS. De manière plus générale, il convient de se demander quel facteur parmi les cinq présents dans le modèle est le meilleur prédicteur de la compétence.