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Cher Daniel,

Comme tu peux le remarquer en prenant connaissance du présent liber amicorum, ta carrière de professeur a inspiré de nombreuses générations d’internationalistes au Québec et de par le monde. Aussi, suis-je choyé de pouvoir participer à cet hommage, plus que mérité, qui souligne une exceptionnelle carrière aux multiples facettes.

Avant de rappeler en quelques lignes le riche parcours de mon estimé collègue, je me permettrai quelques remarques plus personnelles. Cher Daniel, je te dois beaucoup. C’est toi qui m’as ouvert les portes de la Société québécoise de droit international (SQDI) en 2002 alors que j’étais ton étudiant à la maîtrise. C’est toi qui m’as ouvert les portes du Réseau francophone de droit international (RFDI) et m’a initié au Concours de plaidoirie Charles-Rousseau en 2003. Mon implication au sein de la SQDI et au sein du RFDI ont profondément marqué ma carrière. J’y ai trouvé des ami.es, des complices et de fidèles collègues avec qui j’aime collaborer. Merci, Daniel, de ta confiance et de ton amitié. Si, formellement, j’écris cet hommage à titre d’actuel président de la SQDI, c’est surtout à titre d’ancien étudiant, collègue et ami que j’aimerais souligner l’importance de ta contribution sur le plan scientifique.

À travers mon parcours académique, j’ai eu le plaisir d’être ton étudiant plus d’une fois. Brillant communicateur et pédagogue, tes enseignements restent encore gravés dans ma mémoire. Que ce soit dans le cadre de ton cours sur la personne et le droit international ou encore de ton cours général sur le droit international public, ta façon d’enseigner m’aura profondément marqué. Enseignant dynamique et engagé, ta passion pour le droit international était communicative. Sensible et à l’écoute des étudiant.es, tu as toujours su mobiliser ces derniers et ces dernières afin d’échanger et de débattre sur divers enjeux touchant le droit international.

Brillant théoricien, tu étais également un juriste engagé et militant. Durant ta carrière, tu as eu bien évidemment l’occasion d’enseigner le droit international et le droit constitutionnel à de très nombreuses générations d’étudiantes et d’étudiants à l’Université de Montréal. Cela dit, et c’est un élément central de ta carrière qu’il importe de souligner, les étudiant.es de nombreux autres universités, institut et académie ont pu bénéficier de tes enseignements. La liste n’est pas exhaustive, tu m’excuseras, mais je souligne notamment tes enseignements à l’Université Paris X (Nanterre) en 1986, à l’Université Jean Moulin (Lyon III) en 1987 et 2001 puis de 2003 à 2013; à l’Université libre de Bruxelles en 1989; à l’Université de Genève en 1990 et 2013, à l’Université d’Alberta en 1993; à l’Université Harvard (Visiting Scholar) en 1996; à l’Université de Paris XI (Paris-Sud) en 1996, 2003 et 2007; à l’Université Laval de 2012 à 2014; à l’Institut international des droits de l’Homme de Strasbourg en 1988 et enfin, à la très prestigieuse Académie de droit international de La Haye en 1995 et 2005, dont tu es l’un des très rares membres au Québec. À l’évidence, tes enseignements auront marqué et continueront de marquer les générations. Merci, Daniel, pour la passion et les connaissances que tu as si bien su communiquer au fil des ans.

Faute d’espace, je passe sous silence les dizaines d’étudiantes et d’étudiants dont tu as supervisé les travaux de recherche. Que ce soit à la maîtrise ou au doctorat, ton écoute, ta disponibilité et tes connaissances auront permis à de nombreuses chercheuses et de nombreux chercheurs de réaliser leurs ambitions. La rédaction d’une thèse ou d’un mémoire est certes une épreuve que l’on traverse « en solitaire », mais le fait de nous savoir épaulés par un professeur de ta trempe et de ta notoriété est toujours rassurant.

Brillant enseignant, tu étais aussi un chercheur et publiciste aguerri. La liste de tes publications est pour le moins impressionnante. Tes domaines d’intérêts furent multiples : droit constitutionnel, droit international, droits fondamentaux (aspects constitutionnels et internationaux), constitutions nationales et droit international, traités internationaux, rapports entre le droit international, le droit canadien et le droit québécois, francophonie et droits fondamentaux, diversité culturelle, diversité linguistique et droit international, droit des relations économiques internationales, libreéchange nord-américain, etc. Ta curiosité intellectuelle t’aura amené à publier près d’une quinzaine de livres[1] et plus d’une soixantaine d’articles scientifiques[2] sur tous ces sujets. Si ta contribution fut importante dans plusieurs domaines du droit international, celle-ci me semble tout particulièrement importante en droit international des droits de la personne et en particulier sur le droit des peuples à l’autodétermination. À ce titre, il me semble impossible de ne pas faire le lien entre ta carrière politique et cet intérêt marqué pour les enjeux liés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le Québec n’est peut-être pas devenu le Québec souverain que tu souhaitais, projet pour lequel tu as milité et travaillé quand tu étais député au Parlement (député de Beauharnois-Salaberry de 1997 à 2000) et à l’Assemblée nationale (député de Mercier de 2003 à 2008), mais tes écrits sur le droit à l’autodétermination et sur un éventuel projet de constitution québécoise restent des ouvrages majeurs et incontournables sur cette question.

Enseignant, chercheur, politicien, tu auras aussi été un militant. Avocat de formation, tu n’as pas hésité à mobiliser les tribunaux québécois et canadiens afin d’éveiller le public sur divers enjeux et problématiques. Je me rappelle d’ailleurs de l’époque, pas si lointaine, où nous étions devant la Cour supérieure du Québec et la Cour fédérale afin de faire stopper le transfert par le Canada de prisonniers afghans vers les prisons de Guantanamo, ou encore d’empêcher le gouvernement fédéral d’accompagner les États-Unis et ladite Coalition of the willing dans le cadre de la guerre en Irak de 2003.

Cela dit, c’est probablement ton long combat judiciaire contre l’octroi des licences d’exportation autorisant la vente de véhicules blindés à l’Arabie saoudite qui aura le plus marqué les esprits. Si tu as finalement dû baisser pavillon en Cour suprême, lorsque celle-ci a refusé d’entendre l’appel au printemps 2019, cette démarche aura très certainement sensibilisé le grand public sur des enjeux fondamentaux et certaines incohérences de la politique étrangère canadienne[3].

Je terminerais ce modeste hommage en soulignant que la pandémie mondiale nous aura empêchés de souligner ton départ à la retraite comme nous l’avions planifié. Tes collègues et ami.es avaient l’intention d’assister à ton dernier cours dispensé à l’Université de Montréal à l’hiver 2020. La pandémie aura eu raison de nous malheureusement… Qu’à cela ne tienne, nous avons eu notre revanche! La publication du présent liber amicorum constitue pour la SQDI et la Revue québécoise de droit international notre façon de te dire merci et de souligner l’affection, l’amitié et le respect que nous avons pour toi. Merci, Daniel.

Enfin, je me permets de remercier chaleureusement les directrices de ce numéro, mes collègues et complices de toujours, les professeures titulaire et associée Geneviève Dufour et Kristine Plouffe-Malette. Merci mesdames de l’occasion qui m’est donnée de contribuer à cet hommage, ô combien mérité, pour notre distingué collègue et ami, le professeur Daniel Turp.

Amitiés,
François. Ton étudiant, collègue et ami.