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Le 31 mai 2020, Daniel Turp prenait sa retraite du monde universitaire, après 40 ans d’investissements passionnés à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. À l’invitation de la Société québécoise de droit international, plusieurs de ses collègues avaient prévu de le célébrer en s’invitant dans l’enceinte de son dernier cours. Sournoisement, la pandémie de Covid-19 s’est immiscée dans leurs plans. Qu’à cela ne tienne, nous avions aussi planifié d’éditer un ouvrage dédié à sa carrière de professeur en droit international. La pandémie n’a pas eu raison de ce projet, bien qu’elle en ait grandement retardé son lancement.

Cet ouvrage est donc l’oeuvre d’amis, de collègues et d’anciens étudiants, d’ici et d’ailleurs, universitaires comme praticiens, qui ont accepté d’écrire pour Daniel.

L’ouvrage prend la forme d’une ode aux différentes passions de Daniel.

Celle pour les questions relevant du droit international général nous amène au coeur d’une préoccupation de Daniel, celle de poursuivre l’oeuvre des grands internationalistes généralistes. Au niveau national, cette préoccupation s’est concrétisée par son investissement aux premières heures pour la création d’une société québécoise du droit international forte et rassembleuse et d’une revue québécoise de droit international rigoureuse et susceptible de diffuser le savoir québécois. Au niveau international, l’idée de créer un concours de plaidoirie interuniversitaire visait à former des générations d’internationalistes francophones et francophiles capables de maîtriser les bases et les notions complexes du droit international général. Mais surtout, cette passion pour le droit international s’est concrétisée par 40 ans d’enseignement auprès de plusieurs générations d’étudiants par le monde ! En ce sens, Daniel fut l’un des pionniers de l’enseignement du droit international de manière concrète et ancrée dans la réalité du fédéralisme canadien.

Celle pour la défense des peuples prend racine dans sa propre histoire et s’est perpétuée au travers de celle du Québec, qui porte elle-même la marque de Daniel. Cette passion pour la liberté, l’autodétermination et l’indépendance des peuples s’est matérialisée dans le cadre de sa carrière de professeur, mais l’a aussi mené à prendre une part active en politique québécoise et canadienne. À son retour dans le monde universitaire, Daniel a offert au peuple québécois une proposition de constitution du Québec, fruit de ses recherches tant en droit constitutionnel, en droit international que de ses années de parlementaire engagé.

Celle pour la défense de l’environnement nous rappelle la bataille juridique menée par Daniel et ses étudiants pour empêcher le Canada de se retirer du Protocole de Kyoto. Cette épopée aura été un prélude à une bataille encore plus imposante contre le gouvernement canadien dans l’affaire de la vente des blindés à l’Arabie Saoudite. Dans tous les cas, son intérêt pour la protection de l’environnement ne s’est pas démenti, les Québécois ayant souvent l’occasion de lire l’engagement de Daniel pour la cause dans les journaux.

Celle, enfin, pour l’amour des arts fait le pont entre la carrière de professeur de Daniel et sa nouvelle carrière. Car si certains ont cru que Daniel se retirerait tranquillement dans une maison de l’île verte pour y passer les prochaines années, ils se sont trompés. Récemment diplômé en musicologie, il se consacre aujourd’hui à cette passion que ce soit à travers la création de l’Observatoire québécois d’art lyrique, la publication de L’Opéra – Revue québécoise d’art lyrique, ou encore sa présidence du Conseil d’administration de l’Opéra de Québec.

Ainsi, Daniel aura été bien plus qu’un professeur. L’ouvrage laisse transparaître l’engagement, le dévouement et l’influence dont la carrière de cet homme de passion est parsemée. Les textes qui le composent témoignent de cette vie plurielle. Ils sont répartis en trois sections. La première présente des hommages personnels relatant chacun à leur manière un fragment de la contribution de Daniel. La deuxième contient des articles scientifiques dédiés à traiter d’une question de droit international relevant d’une des passions de Daniel. La troisième reprend des textes d’opinion signés par Daniel et publiés dans divers médias.

Le lecteur pourrait s’étonner de ne pas retrouver une section dédiée précisément au droit international des droits de la personne. Or, ce choix est délibéré et le lecteur attentif percevra plutôt la marque des droits de la personne comme intrinsèque à chaque thème et à chaque contribution de cet ouvrage. L’humain, l’humanité et l’humanisme ne peuvent être dissociés car ces concepts apparaissent au coeur de l’oeuvre de Daniel. Cet ouvrage reconnait l’apport inestimable de Daniel à la transmission des savoirs, aussi vastes soient-ils, avec pour ultime but de rendre notre monde plus humain.

Cher Daniel, d’un point de vue plus personnel, bien que tu n’aies finalement jamais été officiellement notre professeur, tu as marqué nos vies respectives. D’un soutien constant, nous prodiguant des conseils bienveillants, tu nous as soutenues avec enthousiasme et engagement dans chacun de nos projets. Surtout, en participant à créer notre chère Société québécoise de droit international il y a maintenant 40 ans, tu nous as permis de faire partie d’une communauté foisonnante d’idées et de projets, une Société distincte mais ouverte sur le monde…