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Introduction

Les familles d’enfants avec une trisomie 21 (T21), dès le début de leur vie, consultent des spécialistes de diverses disciplines (médical, paramédical, psychologique, psychoéducatif) afin d’assurer un suivi pour faire face aux difficultés de développement et de santé de leurs enfants, liées à ce syndrome génétique (Diamandopoulos et Green, 2018). Des équipes pluridisciplinaires sont sollicitées pour procéder aux bilans d’évaluation et donner un cadre de référence aux intervenants et aux parents. Pour soutenir le plus précocement possible leur développement, leur bien-être, leur qualité de vie ainsi que celle de la famille, les professionnels ont besoin d’outils adaptés permettant d’apprécier finement les capacités des enfants dans différents domaines et de se référer à des programmes d’intervention dont l’efficacité a été prouvée. Afin d’avoir une vue d’ensemble globale des potentialités et des difficultés des enfants avec une T21, et de viser des objectifs en cohérence avec les attentes parentales et de leurs milieux de vie, il est indispensable de mettre en place une approche qui tienne compte de ces environnements et qui puisse appréhender l’évolution individuelle de chaque enfant. Lorsqu’une équipe doit élaborer un plan d’intervention individualisé, le partage des expertises doit s’effectuer sous une forme compréhensible pour tous les professionnels, quelle que soit leur discipline, et doit considérer l’enfant avec une T21 comme une personne dans sa globalité, plutôt que d’être envisagée de façon parcellaire, ou domaine par domaine. Au-delà du diagnostic, ou d’indications de niveau ou d’âge de développement (AD), ou encore de quotients intellectuels ou de développement, les familles et les milieux de vie sont davantage préoccupés par l’évolution des habiletés fonctionnelles des enfants dans divers domaines pouvant favoriser leur autonomie et leur inclusion. De nombreux tests existent pour établir des âges ou quotients de développement, ainsi que des programmes de stimulation de capacités spécifiques comme la communication, la cognition ou les compétences sociales. Mais il est essentiel de choisir des mesures d’évaluation et des programmes d’intervention étroitement liés, ayant des fondements communs.

Dans le développement typique, les habiletés fonctionnelles (dont la motricité globale et fine, la communication, les aspects cognitifs, sociaux et adaptatifs) évoluent au fur et à mesure que l’enfant grandit, ce qui permet son autonomie et son adaptation progressive à l’environnement (Bricker, 2013a). Mais qu’en est-il du développement des habiletés fonctionnelles des enfants avec une T21? Pourquoi est-ce si important d’entraîner ces habiletés chez ces enfants? Bien qu’il y ait une grande variabilité interindividuelle du fonctionnement et du développement des enfants avec une T21, les constats de retards de développement ou de déficits concernent tous les domaines, dont la cognition (Nader-Grosbois, 2020b; Patterson et al., 2013), la communication et le langage expressif et réceptif (Marchal et al., 2016; Polienska et Kapalkova, 2014), le domaine social (Deckers et al., 2016), l’autonomie ou l’adaptation (Daunhauer et al., 2014; Jung et al., 2017; Marchal et al., 2016; Will et al., 2018) ainsi que la motricité (Craig et al., 2018; Cuilleret, 2017; Kim et al., 2017). Les stimulations cognitives, les séances d’orthophonie, ainsi que la psychomotricité font partie des interventions mises en place auprès de la majorité de ces enfants avec une T21, dans les services d’accompagnement précoce ou d’autres services spécialisés ou accompagnant leur inclusion scolaire en école ordinaire. En effet, une prise en charge pluridisciplinaire, à l’aide d’un programme intégrant les habiletés fonctionnelles dans tous ces domaines, s’avère indispensable. Une série d’outils[1] visant à établir un diagnostic ou à réaliser une évaluation développementale permet de préciser un niveau ou un âge de développement et peut être adaptée à ces enfants. De même, une diversité de programmes peut soutenir le développement de l’un ou l’autre domaine, mais ils ne se traduisent pas en objectifs et activités directement liées à ce qui ressort de l’évaluation. De plus, ils permettent plus rarement une approche pluridisciplinaire des habiletés fonctionnelles des enfants. Vu l’hétérochronie de leur évolution dans des domaines distincts et les variabilités intra- et inter-individuelles importantes chez des enfants avec une T21 (bien documentée dans la littérature, voir la recension de Nader-Grosbois, 2020a), les professionnels de diverses disciplines ont besoin d’un programme qui leur permet d’en tenir compte dans leur évaluation et leur prise en charge mieux intégrée. Le présent article montrera comment le programme « Évaluation intervention suivi » (EIS) peut rencontrer ces attentes pour cette population.

Particularités de l’AEPS ou l’EIS pour évaluer et intervenir

Afin de répondre à ces attentes, l’Assessment, Evaluation, and Programming System for Infants and Children (AEPS; Bricker, 2002) a été conçu et traduit en version francophone, soit le programme EIS (Bricker, 2006, 2013a, 2013b, 2013c). L’AEPS ou EIS est un programme reliant l’évaluation et l’intervention pour des enfants de la naissance à 6 ans, voire 9 ans dans les cas où ils présentent des retards de développement ou des déficiences. Il est applicable pour des enfants présentant : un retard de développement; une déficience intellectuelle (DI) à étiologies diverses, dont des syndromes génétiques; des troubles du spectre de l’autisme (TSA); un polyhandicap; des déficiences sensorielles; ou considérés à risque de développer des incapacités secondaires. De façon originale, il s’inscrit dans une approche écologique et centrée sur la trajectoire de l’enfant (ecological and curriculum based-approach). Il s’intéresse aux habiletés fonctionnelles de l’enfant telles qu’elles se manifestent dans ses milieux de vie et à sa progression individuelle dans les différents domaines. Ainsi, il permet de fournir un portrait des habiletés fonctionnelles de l’enfant pour s’adapter dans sa vie quotidienne, en référence à six domaines, en l’occurrence, les domaines adaptatif, cognitif, communicatif, social et de la motricité fine et globale, afin de cibler les objectifs d’intervention. Il ne s’agit ni d’un instrument de dépistage, ni de tests donnant des âges de développement ou quotient de développement, ni de tests comparant les performances des enfants à des normes. Dans la logique de l’évaluation avec l’EIS, l’enfant présentant une déficience est considéré à travers son propre rythme à plusieurs moments pour refléter sa progression personnelle tout en tenant compte de l’hétérogénéité de son profil dans des domaines distincts, ainsi que des ressources et des contraintes de son environnement matériel, familial et social, pouvant elles-mêmes changer.

Le programme EIS se présente en trois volumes : un volume qui comprend le guide de l’utilisation et les évaluations (0 à 6 ans) et les deux autres volumes qui correspondent au volet intervention, respectivement pour le niveau 0-3 ans, et le niveau 3-6 ans. La structure du programme pour les deux volets suit une organisation hiérarchique en séquences (allant de niveaux, buts et objectifs des plus simples aux plus complexes) dans chaque domaine et une organisation multidimensionnelle par les six domaines d’habiletés. Chaque niveau, chaque but et chaque objectif sont repris avec une numérotation similaire pour le volet évaluation et le volet intervention, pour faciliter le repérage des activités les plus adéquates en fonction du niveau d’habiletés de l’enfant. Plusieurs formes de présentation des résultats sont possibles, dont un profil de pourcentages d’habiletés dans les divers domaines et une représentation visuelle des progrès de l’enfant.

Plusieurs critères de qualité de l’évaluation en lien avec l’intervention sont rencontrés par l’EIS, comme le partenariat possible entre tous les intervenants et la famille, la prise en compte de l’enfant dans sa globalité à travers les regards croisés, la mise en exergue des informations convergentes pour élaborer une intervention individualisée (comme l’expliquent Bagnato et al., 2010; Gao, 2008; Thurman et McGrath, 2008). L’appréciation critique de l’AEPS ou EIS découle du fait que ce programme dépasse des limites avancées à propos de tests standardisés, par des professionnels et par des chercheurs et il rencontre plus aisément les attentes d’équipes pluridisciplinaires et des familles (Bagnato et al., 2010; Gao et Grisham-Brown, 2011; Meisels, 2007; Thurman et McGrath, 2008). Ces lacunes, pour évaluer des enfants présentant une déficience ou un trouble, se traduisent par : des conditions strictes de passations pouvant être inappropriées, l’impact de différences sociales et culturelles (Meisels, 2007), des procédures ou tâches « artificielles » ou peu réalistes, hors contexte, proposées par un évaluateur non familier à l’enfant et qui peuvent induire un stress, une non-réponse de l’enfant ou une réponse en deçà de ce qu’il arrive à faire dans son quotidien ou encore un échec (Gao et Grisham-Brown, 2011; Meisels, 2007).

Études ayant utilisé l’EIS

L’EIS a été utilisé pour rencontrer différents objectifs en recherche, pouvant avoir des implications pour l’intervention. Certaines études longitudinales ont visé à identifier des trajectoires de sous-groupes d’enfants présentant un développement atypique, une DI (y compris des enfants avec une T21, ou des TSA), qui ont été évalués à plusieurs reprises à des intervalles variables de 6 mois ou d’un an, en utilisant la version 0-3 ans de l’EIS (Seynhaeve et Nader-Grosbois, 2006). Une étude transversale a examiné les liens entre les habiletés fonctionnelles dans les différents domaines de l’EIS – version 0-3 ans, des dysfonctionnements neuropsychologiques évalués avec l’outil Évaluation fonctionnelle des comportements – révisé (EFC – R; Adrien et al., 1995) et la dysrégulation de l’activité évaluée avec l’outil Grille de régulation de l’activité (GRAM; Adrien, Rossignol-Deletang et al., 2001; Adrien, Roux et al., 2001) chez des enfants présentant une DI (dont avec T21), ou un TSA se situant à un niveau développemental sensori-moteur (Seynhaeve et al., 2008). Les résultats ont montré des relations négatives significatives entre les habiletés fonctionnelles, globales et dans les différents domaines, des enfants présentant une DI et un TSA, et leurs dysfonctionnements neuropsychologiques (attention, perception, association, régulation), ainsi que leur dysrégulation de l’activité et ce, même avec un contrôle de l’AC. Des sous-groupes cliniques (clusters de cas) ont été identifiés au moyen des scores à ces trois mesures. Pour le groupe d’enfants présentant une DI, des corrélations positives et significatives ont été relevées entre l’AC et les habiletés fonctionnelles globales, et plus spécifiquement en motricité globale, en motricité fine, dans les domaines cognitif et adaptatif. Pour les enfants avec un TSA, l’AC était lié positivement aux habiletés du domaine adaptatif.

Dans une étude transversale, menée auprès d’enfants présentant une DI et tout-venant se situant à un niveau développemental de 3 à 6 ans, des relations positives significatives sont relevées entre, d’une part les habiletés fonctionnelles du domaine social de l’EIS version 3-6 ans, et d’autre part des capacités sociales mobilisant la compréhension d’états mentaux et le respect de conventions et règles sociales évaluées avec l’outil Échelle d’adaptation sociale de l’enfant (EASE; Hugues et al., 1997) ainsi que des capacités en régulation socio-émotionnelle selon des règles sociales en contexte de jeux en dyades (coopératif, compétitif avec un pair et neutre avec un adulte; Baurain et al., 2013). Au sein du groupe d’enfants présentant une DI, des sous-groupes cliniques ont pu être différenciés en utilisant les scores du domaine social de l’EIS et de l’EASE et en régulation socio-émotionnelle. Lorsque des sous-groupes cliniques peuvent être dégagés, on peut aisément repérer les objectifs et activités d’intervention proposées par l’EIS qu’il serait pertinent de mettre en place auprès de ceux-ci.

D’autres études se sont centrées sur le domaine communicatif de l’EIS afin d’étudier des effets de stratégies communicatives mises en place par des parents à l’égard de leur enfant d’âge préscolaire présentant une DI (Julien-Gauthier et al., 2012) ou ont mis en évidence des apports de l’EIS dans les pratiques d’orthophonistes (Nader-Grosbois et al., 2010). Dans certains pays européens, l’EIS version 3-6 ans a été employé par des équipes, en utilisant les volets évaluation et intervention, pour aider à l’élaboration de plan d’intervention individualisé, et le suivi d’enfants ayant diverses déficiences, bénéficiant de dispositifs d’intégration scolaire de niveau maternel (en Belgique, en France, en Bulgarie, en Roumanie notamment). L’intérêt de l’utilisation pour le suivi individualisé d’enfants, n’ayant pas ou peu de langage, a également été constaté par des équipes pluridisciplinaires (Baurain et al., 2015). Très récemment, Rivest et al. (2019) ont mené une recherche d’une part à propos des pratiques d’élaboration de plan d’intervention à l’égard de 72 jeunes enfants présentant une DI ou un retard global de développement, qui bénéficiaient des services du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ), et d’autre part, à propos de la qualité des objectifs poursuivis dans le plan d’intervention de 44 enfants, en appliquant le programme EIS, grâce à la collaboration entre les intervenantes formées et leurs familles. Les résultats montrent, à travers ce que rapportent les intervenantes, un impact de l’usage de l’EIS sur des changements dans l’organisation et le fonctionnement des équipes pour planifier et concevoir les plans d’interventions. En ce qui concerne l’évaluation de la qualité des 135 objectifs issus des plans d’intervention des 44 enfants, au moyen du Checklist for Writing Individualized Education Program/ Individualized Family Service Plan Goals and Objectives for Infants and Young Children (Notari-Syverson et Shuster, 1995), en référence à 11 critères catégorisés en cinq indicateurs de qualité : 1) les aspects fonctionnels, 2) généralisables, 3) mesurables de l’objectif, 4) la facilité à entraîner chez l’enfant l’habileté visée dans sa vie quotidienne et 5) le lien entre l’objectif et le but à long terme pour l’enfant. Les résultats indiquent que la cote de qualité moyenne par objectif est de 9,3 sur 11, ce qui reflète une très bonne qualité des objectifs inscrits au sein des plans d’intervention des enfants pour l’année ciblée.

À travers cette littérature, l’EIS s’avère être un programme très prometteur pour faciliter l’évaluation et l’intervention précoce et préscolaire d’enfants à développement atypique. Mais il est essentiel d’apprécier dans quelle mesure il peut renforcer la progression d’habiletés fonctionnelles d’enfants avec une T21, en considérant leurs rythmes variables d’évolution dans les différents domaines, afin d’améliorer de façon efficace leur autonomie, leurs apprentissages et leur inclusion sociale, par des études prévoyant des pré- et post-tests, et la comparaison à un groupe bénéficiant de l’EIS et un groupe « contrôle » sans intervention spécifique EIS. Au sein de cliniques universitaires, dans le cadre d’une consultation multidisciplinaire spécialisée, des consultations psychologiques pour évaluer les habiletés fonctionnelles de ces enfants avec une T21 ont été proposées à la demande des familles. Depuis 2012, il est mis à la disposition des parents qui le souhaitent, un accompagnement de leur enfant en utilisant l’EIS pour jumeler l’évaluation, l’intervention et le suivi. C’est dans ce contexte que la présente étude a été lancée, pour apprécier finement l’impact de la mise en place de ce programme sur base des profils individuels de ces enfants.

Objectif de l’étude

L’objectif de la présente étude est d’apprécier l’efficacité de la mise en place du programme EIS dans ses deux versions (0-3 ans et 3-6 ans), auprès d’enfants avec une T21 qui bénéficient du programme en groupes avec intervention EIS (groupe EIS), par comparaison à des enfants ayant le même syndrome génétique, de même niveau d’AD, en groupes sans intervention EIS (groupe contrôle). Ils seront évalués à trois reprises avec un intervalle de 6 mois. Ce qui correspond à une durée totale d’une année. Une appréciation de la trajectoire d’évolution des enfants avec une T21 ayant bénéficié du programme EIS sera réalisée, par comparaison à celle d’enfants appariés en AD qui n’auront pas bénéficié du programme.

Plus précisément, l’objectif se décline en deux questions-clés :

  1. Les habiletés fonctionnelles progressent-elles mieux lorsque les enfants avec une T21 ont bénéficié du programme EIS versions 0-3 ans, 3-6 ans par des stimulations spécifiques individualisées, en comparaison à d’autres enfants avec une T21 qui n’en ont pas bénéficié? Les progrès se reflètent-ils dans tous les domaines ou uniquement dans certains domaines? 

  2. Parmi les enfants avec une T21 ayant bénéficié du programme EIS versions 0-3 ans et 3-6 ans, quelle est la proportion d’entre eux qui s’améliorent mieux et montrent une meilleure progression?

Les hypothèses qui en découlent sont :

  1. Les enfants avec une T21 sont susceptibles d’améliorer plus aisément certaines habiletés fonctionnelles dans des domaines ciblés par l’application d’objectifs et activités de l’EIS sur base de leurs profils individuels, que des enfants ne bénéficiant pas de ce programme.

  2. Certains enfants avec une T21 sont plus facilement susceptibles de modifier des habiletés par ce programme, que d’autres enfants qui en ont bénéficié.

Ces hypothèses reposent d’une part, sur la modifiabilité de processus et d’apprentissages chez des enfants avec une T21, facilités par la plasticité cérébrale et l’individualisation, en ciblant les émergences et la zone proximale de développement (Vygotsky, 1978), d’autre part, sur la « susceptibilité différentielle » (Belsky, 2005), vu leurs variabilités inter- et intra- individuelles et leur sensibilité potentiellement différente comme bénéficiaires de programmes d’entrainement ou d’intervention.

Méthode

Avant de débuter cette étude clinique, le comité ad hoc d’éthique Hospitalo-facultaire de l’Université catholique de Louvain a examiné et confirmé le respect des exigences éthiques, pour tous les aspects méthodologiques et le respect du règlement des données personnelles des participants. Dans ce point, sont précisés les participants, le processus de recrutement et leurs caractéristiques, ainsi que les instruments utilisés et la procédure.

Participants

Les 43 participants sont 24 enfants avec une T21 (6 filles et 18 garçons) faisant partie du groupe EIS, d’une Consultation multidisciplinaire T21 de Cliniques universitaires, dont les parents ont suivi les suggestions d’intervention proposées par le programme EIS (Bricker, 2013a, 2013b, 2013c) et 19 enfants avec une T21 (7 filles et 12 garçons) du groupe contrôle, n’ayant pas bénéficié de l’intervention du programme EIS. Ces derniers ont été recrutés dans une école spécialisée de type 2 de Bruxelles pour enfants ayant une DI modérée. Les enfants du groupe EIS viennent également d’écoles spécialisées pour enfant ayant une DI légère ou modérée, et certains sont inclus dans une école ordinaire avec l’aide d’une école spécialisée. Les parents de ces enfants ont suivi les suggestions d’intervention proposées par le programme EIS (Bricker, 2013a, 2013b, 2013c) dont les habiletés fonctionnelles des six domaines étaient en émergence. Les enfants des deux groupes parlent le français et ont été appariés selon leur AD[2].

Instruments

Dans le cadre de cette étude, deux instruments de mesure ont été utilisés. La description et les propriétés psychométriques de chacun d’eux sont présentées ici-bas.

Inventaire du développement de l’enfant (IDE; Duyme et al., 2010)

L’IDE est l’adaptation française du Child Development Inventory (CDI) d’Ireton (1972). Cet inventaire concerne les enfants âgés de 15 mois à 5 ans et 11 mois et permet de fournir un AD dans des domaines variés (comme la socialisation, l’autonomie, la motricité fine et globale, le langage expressif et réceptif, les apprentissages des nombres et des lettres). Il permet, par sa forme systématisée, d’obtenir des informations fournies par les parents sur le développement de leur enfant. L’inventaire est composé de 70 items (pour la version brève), répartis en plusieurs échelles. Il se compose de quatre parties, en fonction des âges et des capacités attendues, en partant des enfants les plus jeunes aux enfants les plus âgés. Les parents doivent cocher « Oui » lorsque la capacité est totalement acquise et « Non » lorsque la capacité est en émergence ou non acquise. La cotation est standardisée, ainsi chaque réponse « Oui » est cotée 1 point. Le score brut qui correspond à la somme des points des « Oui » pour chaque échelle est reporté sur la grille du score pour connaître l’AD correspondant. Un AD global peut être calculé. Le score minimal pouvant être obtenu est de 6, ce qui correspond à 12 mois d’AD et le score maximum est de 70, ce qui correspond à 74 mois. Les normes ont été établies sur un échantillon d’étalonnage représentatif de la population française de 9 mois à 75 mois. Les qualités psychométriques de l’IDE sont très bonnes et celles de la version française sont bonnes et similaires à celles trouvées dans d’autres pays : sensibilité 84 %, (intervalle de confiance [IC] 95 % : 72 % - 92 %), spécificité 92 % (IC 95 % : 84 %-97 %) pour un quotient intellectuel ou quotient de développement (Gold Standard) inférieur à 86 (Duyme et al., 2010).

Programme EIS (Bricker, 2013a, 2013b, 2013c; version française traduite et adaptée par Bricker et al., 2008; voir Appendice A)

Le programme EIS est conçu pour évaluer les enfants entre 0 et 6 ans ayant des retards ou troubles de développement, des déficiences ou qui sont à risque de développer des incapacités secondaires. Ce programme évalue les habiletés fonctionnelles de l’enfant dans six domaines : 1) motricité fine, 2) motricité globale, 3) communication, 4) cognitif, 5) social et 6) adaptatif. Trois types d’évaluation sont possibles : l’observation en milieux naturels, l’évaluation formelle par des mises en situation et le rapport de famille. Chaque professionnel et les parents complètent les protocoles respectifs. La structure du programme dans chaque domaine comprend des niveaux qui incluent des buts intégrant des objectifs, qui sont hiérarchisés par ordre de complexité croissante.

Dans chaque domaine, dans le cadre de l’évaluation, les items des objectifs et buts sont côtés de façon quantitative, en référence à une échelle de Likert à 3 point, soit : 0 (ne remplit pas le critère; non acquis), 1 (remplit le critère de temps à autre; en émergence) et 2 (remplit le critère de façon constante; acquis). Pour chaque item, il est possible d’ajouter une appréciation qualitative selon les critères suivants :

  • A) avec de l’aide;

  • D) évaluation directe;

  • I) interruption du comportement;

  • M) modification et adaptation;

  • Q) qualité de la performance;

  • R) information rapportée.

Les scores quantitatifs sont obtenus par la somme des cotes aux items dans chaque domaine et ils peuvent être transformés en pourcentages, afin d’établir un profil d’habiletés fonctionnelles pour l’ensemble des domaines à un temps donné. Une représentation visuelle des habiletés et la comparaison des profils peuvent aider à apprécier les progrès à travers le temps si on effectue des évaluations à différentes périodes. Ces informations recueillies permettent de guider l’intervention, d’identifier des objectifs et des activités pouvant être proposés par les professionnels de différentes disciplines (psychologue, orthophoniste, enseignant, kinésithérapeute) et de suggérer des activités aux parents qui peuvent être intégrées dans la vie quotidienne de l’enfant. Les évaluations font l’objet d’une synthèse des habiletés acquises, en émergence et non acquises de l’enfant, dans les six domaines de l’EIS et sont accompagnées de suggestions d’intervention dans un plan individualisé d’intervention commun aux intervenants et aux parents. Ces suggestions sont simples à réaliser et s’insèrent dans les habitudes de l’enfant dans ses milieux de vie. Tous les 6 mois, une réévaluation est organisée afin de constater l’évolution de l’enfant ou les éventuelles stagnations et d’analyser l’efficacité des activités d’intervention, pour réactualiser ou optimiser le plan d’intervention individualisé.

L’EIS est conçu de manière à permettre un lien direct entre évaluation et intervention. En référence directe aux codes des niveaux identifiés des buts et objectifs suite au processus d’évaluation, l’EIS permet le ciblage des objectifs d’intervention qui peuvent être suivis pour chaque domaine considéré, et même de façon concomitante entre domaines. Pour aider les intervenants et les parents à mener à bien ces objectifs d’intervention, le Curriculum propose plusieurs rubriques concernant :

  • « l’importance de l’habileté » à développer;

  • des « activités de routines » (jeux libres, déplacements, bain, repas, habillage, etc.) pour travailler les buts et objectifs de la façon la moins intrusive possible au quotidien;

  • des « activités dirigées » formelles accompagnées de procédures pouvant faciliter l’apprentissage, ordonnées selon un étayage de l’adulte du plus directif au moins directif et qui correspondent à la forme la plus intrusive de l’intervention;

  • des recommandations pour « l’adaptation de l’environnement » ou du matériel.

Plusieurs études ont démontré la validité et l’utilité du programme AEPS. Pour l’accord inter-juges, les corrélations par coefficient de Pearson sont significatives et élevées, jusqu’à 0,97 auprès de juges formés à l’outil (Bricker et al., 1990; Bricker et al., 2008; Grisham-Brown et al., 2008; Hsia, 1993; Macy et al., 2005; Noh, 2005). Quelques autres études ont vérifié cet accord inter-juges pour un domaine spécifique, dont celui de la motricité fine du EIS (environ r entre 0,70 à 0,79; Bergeron, 2017). L’AEPS montre une haute stabilité test-retest pour un intervalle de 2 semaines (pour l’ensemble du test, r = 0,96, p < 0,001; Bricker et al., 1990).

Concernant la validité de concomitance, elle a été vérifiée par des corrélations entre les scores de l’AEPS et ceux de deux autres tests standardisés, en l’occurrence le Revised Gesell and Armatruda Developmental and Neurologic Examination (r = 0,59, p < 0,001; Knobloch et al., 1980) et le Bayley Scales of Infant Development (r = 0,88, p < 0,001; Bayley, 1969; Bricker et al., 1990; Knobloch et al., 1980; Slentz, 2008), la Battelle Developpemental Inventory (BDI; Newborg et al., 1984) et du Survey Form of the Vineland Adaptive Behavior Scales (Macy et al., 2005; Sparrow et al., 2005). Enfin, une bonne cohérence interne entre les domaines et les scores totaux de l’AEPS a été obtenue (Bricker et al., 1990; Noh, 2005).

Procédure

Pour les groupes EIS, les enfants font partie de la Consultation multidisciplinaire T21, dont les parents et certains intervenants ont suivi les suggestions d’intervention proposées par le programme EIS et qui sont venus à un intervalle de 6 mois durant une année. Le consentement parental a été demandé par le biais d’un formulaire visant à obtenir l’accord, suite à une information quant aux conditions d’engagement dans la démarche de cette recherche intégrée à l’intervention. Les différents professionnels (éducateurs/institutrices, ergothérapeutes ou kinésithérapeutes, orthophonistes) entourant l’enfant ont été contactés afin de compléter les protocoles d’évaluation de l’enfant de l’EIS pour chacun des six domaines (voir Appendices B, C et D). Les protocoles ont été complétés par les éducateurs ou institutrices, pour les domaines social et adaptatif, par les ergothérapeutes ou kinésithérapeutes pour les domaines de la motricité globale et fine, et les orthophonistes, pour le domaine de la communication.

Le protocole du domaine cognitif a été rempli, sur la base d’une évaluation directe de l’enfant, par une psychologue faisant partie de l’équipe de recherche. La passation s’est déroulée en individuel, dans un local des Cliniques universitaires Saint-Luc. Le matériel utilisé lors de l’évaluation reprenait des objets et jouets indiqués dans les items du manuel EIS, à titre d’exemples, et était adapté en fonction de l’intérêt des enfants. Les parents ont également été sollicités pour compléter les protocoles d’évaluation de l’enfant de l’EIS pour chacun des six domaines dans le « rapport de la famille ».

Pour les groupes de contrôle, dans un premier temps, des directeurs d’écoles et d’institutions spécialisées et des parents ont été contactés pour leur proposer de collaborer à la recherche. À la suite de quoi, leur a été transmis, une lettre d’information expliquant la recherche et les critères d’inclusion et d’exclusion. Le consentement parental a été demandé par le biais d’un formulaire visant à obtenir l’accord, pour les évaluations EIS. Les protocoles ont été complétés, selon la même méthode que pour les groupes EIS, mais ce groupe n’a pas bénéficié de suggestions d’intervention entre les évaluations.

Précisons que l’équipe de l’école spécialisée qui a participé à la recherche a bénéficié d’une formation au programme EIS pour pouvoir l’utiliser auprès des enfants, dont les participants de l’étude. La passation du domaine cognitif s’est déroulée dans un local de l’école spécialisée, par la même psychologue faisant partie de l’équipe de recherche. Pour les groupes d’enfants contrôle, trop peu de retour de protocoles d’évaluation de l’enfant (rapport de la famille) ont été reçu de la part des parents. Par conséquent, il ne fut pas possible de prendre en compte l’évaluation parentale des deux sous-groupes dans les analyses (voir Appendices E et F).

Précisons que l’IDE a été rempli par la psychologue sur la base : des observations réalisées durant des mises en situation de l’évaluation du domaine cognitif au temps 1, d’une séance d’observation de l’enfant (avant ou après l’évaluation) et d’un entretien avec différents professionnels et/ou parents.

Analyses

Deux groupes d’enfants (EIS vs contrôle) ont été comparés, à la fois au temps 1, au temps 2 et au temps 3 (avec 6 mois d’intervalle entre les trois temps de mesure), en utilisant le logiciel IBM SPSS Statistics. Comme deux groupes appariés sont comparés en AD, une analyse de variance à mesures répétées (ANOVA) sur les scores bruts fut appliquée. Les conditions d’application pour ces deux tests ont été vérifiées en utilisant le logiciel IBM SPSS Statistics et elles sont respectées (normalité et homogénéité des variances).

Résultats

Suite aux statistiques descriptives de l’échantillon, les résultats relatifs à l’effet du programme EIS selon les versions 0-3 ans ou 3-6 ans, seront présentés, d’une part pour les enfants se situant à un AD inférieur à 3 ans et, d’autre part pour les enfants ayant un AD entre 3-6 ans.

Caractéristiques de l’échantillon 

Le Tableau 1 présente les moyennes et les écarts types de l’AC et de l’AD des deux sous-groupes EIS ayant bénéficié de l’une des deux versions de l’EIS (< 3 ans ou 3-6 ans) et des deux sous-groupes contrôle. Il n’y a aucune différence significative entre les sous-groupes EIS et les sous-groupes contrôle en ce qui concerne l’AD. Par contre, il y a une différence significative entre les sous-groupes EIS et les sous-groupes contrôle en ce qui concerne l’AC, les sous-groupes contrôle sont plus âgés.

Effet du programme EIS

Deux groupes d’enfants (EIS vs contrôle) ont été comparés, à la fois au temps 1, au temps 2 et au temps 3 (avec 6 mois d’intervalle entre les trois temps de mesure). Des analyses de variance permettent de tester s’il y a un effet d’interaction entre les trois temps et les sous-groupes (EIS et contrôle) permettant d’évaluer si les changements entre les temps sont plus marqués dans les sous-groupes EIS par rapport aux sous-groupes contrôle, et vérifier ainsi l’efficacité du programme EIS. Dans les cas où l’effet d’interaction n’est pas significatif, les résultats quant à l’effet du programme EIS ont été examinés en comparant les performances des groupes. Les résultats relatifs à l’effet du temps sont également indiqués, afin de mettre en évidence la progression des enfants avec une T21, avec ou sans intervention EIS.

Tableau 1

Minimum, maximum, moyenne et écart-type de l’âge de développement et de l’âge chronologique en mois

Minimum, maximum, moyenne et écart-type de l’âge de développement et de l’âge chronologique en mois

Note. EIS = Programme Évaluation intervention et suivi

a Groupe EIS < 3 ans (n = 14); Groupes contrôles < 3 ans (n = 9). b Groupe EIS 3-6 ans (n = 9); Groupes contrôles 3-6 ans (n = 10).

* p < 0,05. ** p < 0,01.

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Effet du programme EIS version 0-3 ans

En motricité fine, il n’y a ni d’effet d’interaction significatif groupe*temps, ni de différence significative entre les deux sous-groupes EIS et contrôle, mais une différence significative est observée en fonction des temps. Les enfants des deux sous-groupes ont de meilleures performances en motricité fine au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 F(2) = 25,49, = 0,000.

Comme le montre le Tableau 2, en motricité globale, un effet d’interaction significatif groupe*temps a été constaté, en faveur du sous-groupe EIS F(2) = 10,75, = 0,000, qui a davantage progressé en motricité globale (savoir se tenir debout, avoir une position stable assise, savoir marcher, etc.) que le sous-groupe contrôle. De plus, il y a, pour les enfants des deux groupes, de meilleures performances en motricité globale au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 F(2) = 29,79, = 0,000. Dans le domaine adaptatif, un effet d’interaction significatif groupe*temps est mis en évidence, en faveur du sous-groupe EIS F(2) = 5,55, p = 0,007, qui a davantage évolué dans les habiletés adaptatives (savoir manger, savoir se laver, savoir s’habiller) que le sous-groupe contrôle. Pour les enfants des deux groupes, de meilleures performances dans les habiletés adaptatives au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 F(2) = 16,43, p = 0,000 sont relevées.

Dans le domaine cognitif, un effet d’interaction significatif groupe*temps est observé, en faveur du sous-groupe EIS F(2) = 6,47, = 0,004, qui montre une progression plus importante dans les habiletés cognitives (savoir imiter, jouer, résoudre des conflits, etc.) que celle du sous-groupe contrôle. Pour le sous-groupe EIS, de meilleures performances dans les habiletés cognitives apparaissent au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 F(2) = 12,65, = 0,000. Dans le domaine de la communication, il n’y a ni effet d’interaction significatif groupe*temps ni de différence significative en faveur du sous-groupe EIS. Une différence est observée, mais non significative en fonction des temps : les enfants des deux sous-groupes améliorent leurs habiletés en communication au temps 3, par rapport au temps 2 et au temps 2 par rapport au temps 1. Au niveau du domaine social, aucun effet d’interaction significatif groupe*temps et de différence significative en faveur du groupe EIS n’est observé. Toutefois, une différence significative apparaît en fonction des temps. Chez les enfants des deux groupes, une progression est constatée dans leurs habiletés sociales au temps 3, par rapport au temps 2 et au temps 2 par rapport au temps 1 F(2) = 9,67, = 0,000.

Effet du programme EIS version 3-6 ans

En motricité fine, il n’y a pas d’effet d’interaction significatif groupe*temps, mais une tendance non significative est observée entre les deux groupes, en faveur du groupe EIS F(1) = 4,04, p = 0,064. Une différence significative est également constatée en fonction des temps. La motricité fine des enfants des deux sous-groupes est meilleure au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 F(2) = 16,16, = 0,000.

Tableau 2

Scores bruts d’habiletés fonctionnelles par domaine pour les sous-groupes < 3 ans

Scores bruts d’habiletés fonctionnelles par domaine pour les sous-groupes < 3 ans

Note. EIS = Programme Évaluation intervention et suivi; ANOVA = analyse de variance à mesures répétées.

* p < 0,05. ** p < 0,01. *** p < 0,005. **** p < 0,001.

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Comme le montre le Tableau 3, en motricité globale, l’effet d’interaction groupe*temps et la différence entre les deux sous-groupes d’enfants ne sont pas significatifs, mais une différence significative est observée en fonction des temps. Les enfants des deux sous-groupes ont de meilleures performances dans leurs habiletés motrices globales au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 F(2) = 5,13, p = 0,013.

Pour le domaine adaptatif, il n’y a pas d’effet d’interaction significatif groupe*temps, mais une différence significative est constatée entre les deux sous-groupes, en faveur du sous-groupe EIS F(1) = 4,83, = 0,044. De plus, le sous-groupe EIS améliore ses habiletés adaptatives au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 : F(2) = 3,72, = 0,036.

Dans le domaine cognitif, il y a un effet significatif d’interaction groupe*temps, en faveur du groupe EIS F(2) = 4,25, p = 0,025, qui a davantage progressé dans les habiletés cognitives (savoir compter, connaître des concepts, etc.) que les enfants du groupe contrôle. De plus, le groupe EIS a de meilleures habiletés cognitives au temps 2 qu’au temps 1 et au temps 3 qu’au temps 2 F(2) = 3,65, = 0,040.

Tableau 3

Scores bruts d’habiletés fonctionnelles par domaine pour les sous-groupes 3-6 ans

Scores bruts d’habiletés fonctionnelles par domaine pour les sous-groupes 3-6 ans

Note. EIS = Programme Évaluation intervention et suivi; ANOVA = analyse de variance à mesures répétées.

* p < 0,05. ** p < 0,01. *** p < 0,005. **** p < 0,001.

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Dans le domaine de la communication, un effet d’interaction significatif groupe*temps est constaté en faveur du groupe EIS, F(2) = 14,36, p = 0,004, qui a mieux progressé que les enfants du groupe contrôle. En outre, le groupe EIS a progressé dans les habiletés communicatives lors des 3 temps F(2) = 12,67, = 0,000.

Au niveau du domaine social, il n’y a ni d’effet d’interaction significatif groupe*temps, ni de différence entre les deux groupes d’enfants. Une différence en fonction des temps est toutefois observée. Les enfants des deux groupes ont de meilleures performances dans leurs habiletés sociales au temps 2, par rapport au temps 1 et au temps 3 par rapport au temps 2 F(2) = 4,34, p = 0,022.

Enfin, comme le montre le Tableau 4, une meilleure progression est constatée pour les groupes EIS des deux groupes d’âge, entre le temps 1 et le temps 3 pour quasi tous les domaines. De 71 % à 100 % des enfants ont progressé, excepté dans le domaine social pour le groupe < 3 ans et celui de la motricité globale pour le groupe 3-6 ans.

Tableau 4

Pourcentage d’enfants qui ont progressé entre le temps 1 et le temps 3 par domaine et sous-groupes

Pourcentage d’enfants qui ont progressé entre le temps 1 et le temps 3 par domaine et sous-groupes

Note. EIS = Programme Évaluation intervention et suivi.

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Corrélations de Spearman entre les scores des différents domaines au temps 3 de chaque sous-groupe

Comme le montre le Tableau 5, concernant les corrélations de Spearman obtenues entre les domaines de chaque sous-groupe, quasi aucune différence entre ces deux sous-groupes (EIS vs contrôle) n’a été constatée. Pour les deux sous-groupes < 3 ans, les corrélations de Spearman sont majoritairement positives et significatives, montrant que plus les jeunes enfants avec T21 présentent des habiletés élevées dans un domaine, plus leurs habiletés dans les autres domaines progressent, et vice-versa, au temps 3. Pour ceux de 3-6 ans, les corrélations de Spearman sont positives et significatives entre le domaine de la communication et les domaines de la motricité fine et social.

Discussion

Rappelons que l’objectif principal de cette étude est d’estimer l’efficacité de la mise en place du programme EIS dans ses deux versions (0-3 ans) et (3-6 ans), auprès d’enfants avec une T21 qui bénéficient du programme en groupes avec intervention EIS, par comparaison à des groupes sans intervention EIS d’enfants ayant le même syndrome génétique, appariés en AD, et évalués à trois reprises avec un intervalle de 6 mois; autrement dit, une durée de 1 an. Les deux questions investiguées sont les suivantes :

  1. Les habiletés fonctionnelles progressent-elles mieux lorsque les enfants avec une T21 ont bénéficié du programme EIS versions 0-3 ans, 3-6 ans par des stimulations spécifiques individualisées, en comparaison à d’autres enfants avec une T21 qui n’en ont pas bénéficié? Les progrès se reflètent-ils dans tous les domaines ou uniquement dans certains domaines?

  2. Parmi les enfants avec une T21 ayant bénéficié du programme EIS versions 0-3 ans et 3-6 ans, quelle est la proportion d’entre eux qui s’améliorent mieux et montrent une meilleure progression?

Effet du programme EIS

Pour les deux groupes d’âge, en motricité fine, seule une différence significative à travers le temps est obtenue, ce qui témoigne d’une progression de leurs habiletés en motricité fine, avec ou sans intervention EIS. Le retard et les particularités motrices des enfants avec une T21 sont principalement affectés par la présence d’hypotonie associée à la T21 (moins d’activités de préhension, de manipulation et de transport d’objets; Cuilleret, 2017; Guidetti et Tourette, 2014; Richard, 2018; Rivière, 2005). Mais dans l’échantillon d’enfants de notre étude, cette hypotonie était relativement faible à modérée, et par ailleurs, ils font, quasi tous, l’objet d’un suivi en psychomotricité, et leurs habiletés en préhension, en coordination ou en préécriture sont travaillées à l’école (dans les groupes EIS et contrôle), ce qui pourrait peut-être expliquer ces résultats.

Il est également possible que la motricité fine, mesurée par l’EIS, de façon positive, ne reflète pas d’emblée la nature des difficultés motrices potentielles pour ces enfants. En effet, les items de la motricité fine ne ciblent pas les spécificités motrices atypiques de populations avec une T21, comme l’hypotonie, l’hypomobilité, l’hyperlaxité des ligaments et le faible contrôle postural. D’autres mesures identifiant ces spécificités ou troubles moteurs associés, induisant des faiblesses, pourraient apporter un complément d’information sur certains freins dans l’acquisition de nouvelles habiletés fonctionnelles en motricité fine. On peut donc utiliser un outil complémentaire ciblant les éventuels troubles pour mieux comprendre leur impact sur les habiletés en motricité fine en vie quotidienne.

Tableau 5

Corrélation de Spearman entre les scores bruts aux différents domaines au temps 3 de chaque sous-groupe

Corrélation de Spearman entre les scores bruts aux différents domaines au temps 3 de chaque sous-groupe

Note. MF = motricité fine, MG = motricité globale, DA = domaine adaptatif, DC = domaine cognitif, Co = communication, DS = domaine social.

* p < 0,05, ** p < 0,01.

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En motricité globale, seuls les enfants du groupe EIS du groupe d’âge < 3 ans ont mieux progressé grâce aux activités ciblées de l’EIS, que ceux du groupe contrôle. Lorsqu’on entraîne, au quotidien, ces habiletés (ramper, rester assis, marcher, jouer, etc.), les enfants avec une T21 sont plus à l’aise dans leurs habiletés mobilisant leur motricité globale. Dès lors, la prise en charge, à la fois en kinésithérapie ainsi que dans les divers milieux de vie, et avec les parents, est primordiale dès le plus jeune âge.

À propos des compétences adaptatives en vie quotidienne, les enfants avec une T21 éprouvent des difficultés et montrent des déficits dans le développement de celles-ci (Daunhauer et al., 2014; Jung et al., 2017; Marchal et al., 2016; Will et al., 2018), ce qui impacte notamment leur qualité de vie (Jung et al., 2017). Grâce à l’entraînement à la fois de la motricité globale et des habiletés du domaine adaptatif, les enfants avec une T21 ont amélioré leurs habiletés adaptatives en favorisant leur autonomie, pour manger, aller aux toilettes, s’habiller, etc. Dès lors, l’intervention EIS dans ces deux domaines contribue à diminuer leur dépendance par rapport aux proches et aux intervenants oeuvrant autour de l’enfant, ainsi qu’à soutenir son adaptation en milieux scolaires ordinaires ou spécialisés. En effet, les progrès des habiletés en motricité globale et du domaine adaptatif grâce à l’entrainement se renforcent mutuellement : l’amélioration de comportements moteurs peut faciliter et contribuer aux comportements adaptatifs dans une activité quotidienne ou d’apprentissage et inversement, de nouveaux comportements adaptatifs peuvent mobiliser des comportements moteurs mieux maitrisés. Ainsi, l’entraînement de ces deux domaines montre que lorsque les enfants progressent dans un domaine, ils s’améliorent également dans d’autres domaines (voir plus loin les liens plus fréquents entre les habiletés de domaines distincts).

Quant aux habiletés cognitives, les sous-groupes EIS des deux groupes d’âge ont progressé davantage que les deux sous-groupes de contrôle. Bien qu’il existe une variabilité interindividuelle importante entre enfants avec T21, lorsqu’on entraîne, de façon adéquate et bien ciblée, certaines habiletés (permanence de l’objet, résolution de problème, causalité, prémathématiques ou encore la conscience phonologique), les résultats indiquent une progression au fil du temps. Dès le plus jeune âge et en divers contextes quotidiens, stimuler ces habiletés peut favoriser les processus cognitifs et le raisonnement.

Concernant la communication, les résultats varient selon le groupe d’âge (< 3 ans ou entre 3-6 ans). Les deux sous-groupes < 3 ans, ayant bénéficié ou n’ayant pas bénéficié des activités EIS, ne diffèrent pas significativement dans leurs habiletés communicatives, mais ils progressent positivement et significativement en fonction du temps. Comme des retards et/ou déficits en communication précoce chez les enfants avec T21 affectent les fonctions de l’attention conjointe, de la régulation du comportement notamment ainsi que les rôles d’initiation ou de maintien de la communication, la plupart d’entre eux bénéficient d’une prise en charge en orthophonie (Grieco et al., 2015). Ce qui peut, en partie, expliquer que les résultats des deux sous-groupes, EIS et contrôle, du niveau d’AD < 3 ans ne présentent pas de différence significative dans ce domaine. Pour ce groupe d’AD plus précoce, c’est la transition vers le niveau de « production de mots et de phrases », qui s’avère plus difficile et plus lente, et cela rejoint les constats de retards et déficits langagiers, et en particulier en langage expressif chez les enfants avec une T21 (Marchal et al., 2016; Polienska et Kapalkova, 2014).

De plus, les habiletés en communication, mesurées par l’EIS, n’intègrent pas, dans la cotation quantitative, l’usage de supports de systèmes de Communication Alternative et Augmentative (CAA), comme par exemple, des pictogrammes. Ce n’est pas précisé dans les items de l’EIS, si ce n’est que tout intervenant ou parent peut le mentionner de façon qualitative. Il est nécessaire de considérer les éventuels soutiens en CAA, mobilisés lors du moment de l’évaluation et de l’intervention pour être au plus proche du profil communicatif de l’enfant, et mieux adapter encore ses stimulations d’habiletés communicatives, lors de sa prise en charge orthophonique et dans ses échanges avec son entourage. Par contre, une meilleure progression pour le sous-groupe EIS d’âge 3-6 ans est observée par comparaison au sous-groupe contrôle. L’efficacité des activités EIS en communication pour ce niveau d’âge semble plus propice à soutenir les enfants avec une T21 qui améliorent leurs habiletés en communication. Continuer à entraîner celles-ci, avec l’appui de l’orthophoniste, au-delà de l’âge précoce et préscolaire, est primordial pour limiter des incapacités secondaires et favoriser une trajectoire développementale positive, ce qui rejoint les constats de l’étude de Nader-Grosbois et al. (2010), qui soulignent des apports de l’EIS dans les pratiques des orthophonistes. Le profil d’habiletés communicatives, obtenu par l’évaluation EIS, peut également guider les stratégies parentales interactives et de communication, comme le soulignent Julien-Gauthier et al. (2012).

Dans les deux groupes d’âge, pour le domaine social, pas de différence significative entre les sous-groupes EIS et contrôle n’est constatée, mais les enfants progressent significativement en fonction du temps, avec ou sans intervention EIS. Ils semblent profiter de leurs expériences sociales dans leurs milieux de vie, en période précoce, préscolaire et début scolaire primaire. Cependant, il serait indispensable de vérifier comment ils réagissent lorsqu’ils sont confrontés à des situations sociales dites « critiques » ou « ambiguës » dans lesquelles ils doivent mobiliser des processus cognitifs de traitement de l’information sociale ou de compréhension d’états mentaux (ou théorie de l’esprit; Jacobs et al., 2020; Nader-Grosbois, 2011). Cela pourrait aider à comprendre comment ils abordent ces situations sociales et pourquoi certains de leurs comportements paraissent inadaptés socialement. L’évaluation positive des habiletés sociales par l’EIS n’intègre pas ces difficultés, régulièrement relevées chez des enfants présentant une DI ou une T21.

Enfin, les liens positifs fréquents entre les habiletés de domaines distincts, surtout pour le groupe < 3 ans, indiquent que, lorsque les enfants progressent dans un domaine, ils s’améliorent également dans les autres domaines. Ce qui démontre l’intérêt d’entraîner, dès le plus jeune âge, les habiletés fonctionnelles de façon concomitante, dans différents domaines (comme le manuel intervention EIS le prévoit), pour renforcer la progression de ces habiletés fonctionnelles. Les liens positifs entre le domaine de la communication et le domaine social pour le groupe 3-6 ans indiquent que lorsque les enfants développent l’acquisition de la pragmatique du langage, prenant ainsi en compte le contexte dans l’activité communicative, ils semblent développer davantage leurs habiletés sociales. Cependant, les domaines qui progressent dans les sous-groupes < 3 ans concernent des habiletés travaillées au sein des écoles maternelles, et sensibles aux effets du contexte dans lequel ils apprennent (présence d’un partenaire, dans un cadre d’imitations…). Ce qui renvoie à considérer l’enfant dans sa globalité et à prendre en compte l’avis de tous les partenaires oeuvrant autour de l’enfant, grâce aux regards croisés, facilités par l’outil partagé. Comme mentionné précédemment, une variabilité interindividuelle du fonctionnement et du développement des enfants avec une T21 concernant tous les domaines est observée. Cependant, à travers cette étude, la psychologue et les équipes pluridisciplinaires, qui ont utilisé l’EIS pour l’évaluation multidimensionnelle et pour l’intervention, ont relevé un suivi individualisé plus aisé et un soutien plus efficace auprès des enfants avec une T21 et de leurs parents, considérés comme de réels partenaires. S’inscrire dans une démarche commune autour d’un même programme comme l’EIS et cibler des objectifs convergents pour orienter les activités et les stimulations cognitives, communicatives, psychomotrices, de socialisation et d’adaptation sont des atouts qui se sont révélés majeurs pour optimiser l’intervention pluridisciplinaire. Cette appréciation contraste avec les difficultés de partage d’expertises de professionnels de disciplines distinctes qui visent leurs propres objectifs, avec leurs outils spécifiques, et des difficultés de concertation pour un projet d’intervention commun, rapportées par les équipes psychoéducatives spécialisées ou contribuant à l’inclusion.

Ce partenariat, ce partage d’informations autour de ce programme EIS, sont des critères de qualité reconnus internationalement, pour apprécier des instruments d’évaluation en fonction des attentes des professionnels de l’intervention précoce à préscolaire auprès d’enfants à développement atypique (Bagnato et al., 2010; Gao, 2008; Thurman et McGrath, 2008). De même que le style de passation, les trois modalités de recueil d’informations (évaluation formelle, observation en milieux naturels et rapport de famille) sont aisément accessibles et acceptées par les parents et les professionnels. L’adéquation au niveau développemental entre 0 et 6 ans, les situations d’évaluation, la flexibilité de l’évaluation (dont l’ajustement du matériel en fonction des caractéristiques des enfants, d’ordre sensoriel, culturel, affectif…) sont également relevés comme des aspects positifs de l’EIS. Ce qui implique qu’il remplit les critères d’équité et d’authenticité de l’évaluation précoce, par le fait que les mises en situation ne sont pas étranges pour l’enfant et respectent ses intérêts.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’inclusion prend de plus en plus d’ampleur et permet aux élèves à besoins spécifiques, comme des enfants avec une T21, de suivre leur scolarité dans un enseignement ordinaire, moyennant la mise en place d’aménagements raisonnables d’ordre matériel, pédagogique et/ou organisationnel. Ce programme EIS peut offrir une vue d’ensemble globale des potentialités et des difficultés de ces enfants, permettant de concevoir des plans individualisés d’apprentissage (PIA) et d’interventions et d’ajuster certains aménagements raisonnables, dans un cadre structuré et concerté par l’usage d’un outil commun, à la fois dans les milieux « ordinaires » et spécialisés. Les résultats de l’étude de Rivest et al. (2019) montrent un impact de l’usage de l’EIS sur des changements dans l’organisation et le fonctionnement des équipes pour planifier et concevoir les plans d’interventions. Ces qualités discriminatives de l’évaluation EIS pour identifier les variabilités intra-individuelles des enfants à développement atypique, leurs forces et faiblesses dans leurs profils au cours du temps de façon à réajuster l’intervention précoce correspondent encore à des critères de qualité relevés dans ce programme EIS.

Conclusion

Pour conclure, notre recherche met en évidence concernant la première question, une progression dans les habiletés fonctionnelles entre le pré- et le post-test, de façon plus importante chez les enfants qui ont été entraînés à l’aide de ce programme EIS. Les pourcentages révélant la proportion des enfants qui progressent dans le temps sont plus élevés chez ceux ayant bénéficié du programme, dans les deux versions. Cette progression est plus marquée chez les plus jeunes qui s’améliorent de façon plus nette pour certains domaines spécifiques, et certains enfants sont plus sensibles aux activités ciblées dans le programme EIS individualisé, en réponse à la deuxième question. Notre recherche a montré comment l’EIS constitue un outil facilitant le croisement des regards de professionnels d’une équipe pluridisciplinaire et des familles. Il répond bien aux attentes et aux besoins de ceux-ci pour l’accompagnement adapté d’enfants présentant une trisomie 21. Vu les résultats prometteurs quant à l’efficacité de l’EIS, de futures études peuvent se poursuivre, et dépasser les limites de la présente étude.

Limites

Premièrement, l’échantillon est relativement petit, étant donné qu’il est concentré sur les enfants avec une T21, au sein de l’ensemble des enfants suivis ayant différentes étiologies de retards de développement ou une DI, et a fortiori, l’exigence d’appariement a limité encore le nombre d’enfants pouvant être insérés dans l’étude. Des études ultérieures devraient porter sur un échantillon plus important.

Deuxièmement, vu le nombre réduit de protocoles d’évaluations de l’enfant par les parents des sous-groupes EIS, les habiletés fonctionnelles ont été évaluées et analysées uniquement sur base d’observations faites par les professionnels entourant l’enfant et recueillies à l’aide de l’EIS. Il en va de même pour l’IDE complété principalement à l’aide d’observations. Les parents sont des partenaires importants dans l’évaluation et la prise en charge de l’enfant; dès lors, il serait intéressant de pouvoir tenir compte de leurs évaluations. Une étude tirant profit de ces informations pourrait donc s’avérer intéressante.

Troisièmement, il serait enrichissant de prendre en compte le degré de la DI dans les deux groupes. Ceci permettrait d’avoir une idée de l’impact des compétences cognitives et du niveau de DI sur les habiletés fonctionnelles chez ces enfants. Notons que les enfants du sous-groupe EIS > 3-6 ans sont plus jeunes en AC que les enfants du sous-groupe contrôle (2 ans d’écart), mais avec un AD équivalent, proposant un retard plus important pour les enfants du sous-groupe contrôle. Dès lors, comparer des enfants avec un degré de DI équivalent s’avère nécessaire pour permettre de considérer la progression des habiletés fonctionnelles sur base uniquement de l’intervention. Dans ce cas-ci, il est difficile d’imputer cette progression à la seule intervention administrée au sous-groupe EIS. Dès lors, dans une étude future, il serait pertinent d’apparier les groupes sur base d’un quotient de développement ou selon un double appariement AD et AC.

Quatrièmement, pour éviter d’alourdir la tâche de l’évaluateur et d’augmenter le risque de mortalité de l’échantillon, l’IDE n’a été complété qu’au temps 1. Il aurait été judicieux de le compléter aux deux autres temps. De même, toujours pour éviter d’alourdir la tâche, les échelles de Vineland (Sparrow et al., 2015) n’ont pas été administrées. Dès lors, dans une étude future, il serait judicieux de les prendre en compte afin de mesurer les comportements adaptatifs chez les personnes évaluées.

Cinquièmement, notons que les sous-groupes EIS sont des enfants suivis par l’équipe de la consultation multidisciplinaire, dont les parents étaient désireux de participer au programme ainsi que les professionnels de l’entourage de l’enfant. Ces parents et professionnels ont une attente positive de l’apport potentiel de celui-ci. Les sous-groupes contrôle ont été constitués à partir d’un échantillon d’enfants d’une école d’enseignement spécialisé (adapté à la DI modérée) et proposant des PIA. Les professionnels de l’équipe psychoéducative et pluridisciplinaire, ainsi que les parents, ont également des attentes positives en terme, de progression des enfants par l’application et la réactualisation du PIA. Le critère d’appariement en fonction de l’AD a déterminé les enfants retenus comme groupes de comparaison. Toutefois, il serait judicieux de mener une étude randomisée à l’aveugle avec répartition aléatoire des enfants dans les sous-groupes EIS vs contrôle pour éviter un éventuel biais dans l’évaluation des deux groupes, rendant le degré d’implication des évaluateurs plus égalitaires au sein des deux groupes. Et enfin, deux domaines – la littératie et la numératie – ont été ajoutés à l’AEPS par l’équipe de Bricker. Il serait judicieux de poursuivre les études permettant d’examiner les apports et les freins de la mise en place de ces deux nouveaux domaines intégrés dans le programme EIS, pour des habiletés en lien avec des apprentissages scolaires, suite aux résultats encourageants des études de validation (dont celle de Lemire et al., 2014).