Corps de l’article

Introduction

Les possibilités et contraintes de bien-être des hommes gais relèvent fortement du climat socioculturel et politique des lieux habités (Pachankis et Bränström, 2018). Nous référons ici au bien-être subjectif (Diener, 2009 ; Veenhoven, 2008), qui renvoie à deux dimensions : 1) la satisfaction à l’égard de la vie ou certains domaines de la vie et 2) le fait de se sentir bien ou d’être heureux, qui se traduit par des émotions positives (joie, fierté, etc.). De nature cognitive, la satisfaction à l’égard de la vie constitue un jugement conscient et global sur sa propre existence, alors que le sentiment d’être plus ou moins heureux, de nature affective, reflète la balance entre le caractère agréable ou désagréable de sa propre vie émotionnelle. En plus d’être sujets à différentes manifestations de discrimination systémique limitant leur accès à la sécurité (Davis et al., 2020), à l’emploi (Waite, Ecker et Ross, 2019), à la santé (Pachankis, Hatzenbuehler, Hickson, Weatherburn, Berg, Marcus et Schmidt, 2015), ainsi qu’au logement et à l’éducation (Koehler, Harley et Menzies, 2018), les hommes gais font face à plusieurs contraintes affectives, sociales et identitaires, qui sont particulièrement exacerbées dans les milieux peu favorables à l’homosexualité.

D’abord, ils ont accès à peu de repères durant leur socialisation pour comprendre leur sexualité et faire sens de leur différence. Devant la quasi-inexistence de modèles homosexuels positifs, ils intègrent souvent l’idée que leur « mode de vie » n’est pas conforme aux attentes de leur entourage (Courduriès, 2011) et s’imaginent difficilement un projet de vie satisfaisant dans un monde hétérosexuel (Mendès-Leite, 2011). Leur bien-être peut aussi être affecté par une intériorisation de l’hétérosexisme (Beard, Eames et Withers, 2017 ; Hunt, Morandini, Dar-Nimrod et Barlow, 2020), soit l’idéologie inscrite dans les institutions, pratiques sociales et interactions quotidiennes qui privilégie systématiquement l’hétérosexualité et en fait un idéal normatif auquel il faut se conformer (Chamberland et Lebreton, 2012), générant chez les hommes gais des sentiments de honte, de culpabilité et de solitude (Fuks, Grant Smith, Peláez, De Stefano et Brown, 2018). Plusieurs font également l’objet de maintes formes de violence sociale et institutionnelle à caractère homophobe, à fortiori dans certains pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’Est, d’Océanie, d’Amérique latine et des Caraïbes (Flores et Park, 2018; Lamontagne, d’Elbée, Ross, Carroll, du Plessis et Loures, 2018). En somme, il ressort que les hommes gais qui vivent dans les sociétés plus fermées à l’homosexualité apprécient moins leur vie que les autres (Lemke, Tornow et PlanetRomeo.com, 2015 ; Pachankis et Bränström, 2018).

Le Canada et le Québec, avec leur niveau de vie élevé ainsi que leurs politiques favorables à l’immigration et à la diversité sexuelle, projettent à l’international l’image de lieux multiculturels particulièrement attrayants pour les personnes LGBTQ+. Plusieurs hommes gais choisissant de s’y installer espèrent accéder non seulement à des conditions socioéconomiques avantageuses, mais aussi à un environnement social permettant une vie plus satisfaisante en tant qu’hommes gais (Adam et Rangel, 2015 ; Poon, Li, Wong et Wong, 2017). Bon nombre y voient l’opportunité de pouvoir échapper à l’hétérosexisme perçu dans leurs milieux d’origine, vivre leur sexualité plus confortablement et établir une relation conjugale, voire fonder une famille, avec la personne de leur choix (Fuks et al., 2018 ; Karimi, 2018). Or on en sait peu sur la manière dont les espoirs de ces hommes gais pour améliorer leur vie sociale et intime se concrétisent ou non sur leur bien-être après avoir immigré. Pourtant, s’intéresser à leur bien-être permet de mieux saisir la résultante globale de cette migration, et de voir si ce choix les a effectivement aidés à améliorer leur vie, en tenant compte de leurs propres attentes (Hendriks et Bartram, 2019).

La littérature suggère qu’en immigrant dans différents centres urbains canadiens, plusieurs hommes gais peuvent effectivement accéder à une certaine sécurité et liberté et peuvent en outre intégrer des milieux LGBTQ+ où ils sont susceptibles de trouver davantage de soutien pour mieux vivre leur orientation sexuelle (Logie, Lacombe-Duncan, Lee-Foon, Ryan et Ramsay, 2016 ; Nakamura, Chan et Fischer, 2013). Il apparaît d’ailleurs que, dans les nations plus favorables à l’homosexualité (Pachankis et Bränström, 2018), l’expression ouverte de l’orientation sexuelle (Beard, Eames et Withers, 2017) ainsi que l’identification et l’intégration à une communauté LGBTQ+ (Petrocchi, Pistella, Salvati, Carone, Laghi et Baiocco, 2020; Scroggs, Durtschi, Busk, Goodcase et Jones, 2020) favoriseraient le bien-être des hommes gais, mais cette relation ne semble pas avoir été étudiée chez les immigrants, qui vivent des expériences et contraintes particulières.

En effet, il est bien documenté que malgré les nouvelles possibilités sur les plans social et intime que rencontrent ces hommes après avoir immigré au Canada, plusieurs doivent composer avec des sources potentielles de discrimination pouvant se croiser, en plus de faire face à différents conflits d’identités et d’appartenance, comme le mentionnent notamment Fournier, Hamelin Brabant, Dupéré et Chamberland (2018) dans leur revue de littérature intégrative sur les expériences post-migratoires d’immigrant·es gais et lesbiennes. Par exemple, certaines études illustrent combien ils peuvent être stigmatisés pour leur orientation sexuelle ou leur expression de genre au sein de leur propre groupe diasporique ou religieux (Chbat, 2017 ; El-Hage et Lee, 2016 ; Gray, Mendelsohn et Omoto, 2015) ; d’autres mettent aussi en lumière le racisme (MIDI, 2015) et la xénophobie dont ils peuvent faire l’objet dans la société d’accueil en général (Huang et Fang, 2019) et dans les milieux gais en particulier, où ils vivent souvent du racisme sexuel (Corneau, Després, Caruso et Idibouo, 2017 ; Lewis, 2016 ; Poon et al., 2017). Celui-ci se décline en trois dimensions principales : les stéréotypes (attribution de caractéristiques sexuelles selon le groupe racial ou ethnoculturel), le fétichisme (préférence sexuelle envers un groupe racial ou ethnoculturel spécifique) et le rejet (exclusion systématique d’individus d’un groupe racial ou ethnoculturel lors de rencontres intimes) (Corneau et al., 2017 ; Plummer, 2007). Enfin, certains défis d’adaptation sont aussi notés dans les écrits, comme la difficulté à développer un réseau social parmi les membres de la société d’accueil (Gagnon, 2019 ; Nakamura, Kassan et Suehn, 2017) ou à maîtriser les codes de rencontre de la culture gaie nord-américaine (Poon et al., 2017).

En résumé, on sait que le bien-être des hommes gais est tributaire des lieux où ils vivent, et que plusieurs tentent d’améliorer leur vie intime et sociale en immigrant dans des sociétés plus ouvertes à l’homosexualité comme le Canada et le Québec. À ce titre, certaines possibilités et contraintes rencontrées par ces immigrants gais sont évoquées dans la littérature, mais on ne sait pas bien comment elles se répercutent sur leur bien-être. De plus, à l’exception de quelques études (Chbat, 2017 ; Corneau et al., 2017 ; El-Hage et Lee, 2016 ; Gagnon, 2019 ; Roy, 2013), peu de recherches ont été menées en contexte québécois. Pour combler ces écarts, nous tenterons de montrer dans cet article comment les expériences sociales et intimes d’hommes immigrants gais vivant au Québec façonnent leur bien-être en contexte post-migratoire, en nous appuyant sur les résultats d’une recherche qualitative. Notons que nous référons plus particulièrement aux relations sociales amicales, familiales et professionnelles, ainsi qu’aux relations intimes sexuelles ou amoureuses romantiques. Les résultats présentés ici sont issus d’un projet plus large en santé communautaire qui vise à comprendre comment les expériences d’hommes immigrants gais vivant au Québec façonnent leur bien-être.

Approche théorique

Notre façon d’appréhender les expériences sociales et intimes des immigrants gais puise principalement dans l’approche théorique compréhensive de la sociologie de l’expérience de Dubet (1994). Cette approche permet de comprendre le sens que les individus donnent à leur réalité, en tenant compte de la façon dont ils mobilisent le contexte social dans lequel ils sont, contexte qui vient structurer les conduites individuelles. L’auteur nous invite à tenir compte de la subjectivité des individus, conçus comme des acteurs sociaux, en s’intéressant non seulement à leurs actions, mais aussi à leurs représentations (pensées, façons dont ils se construisent la réalité) et à leurs sentiments (émotions et sensations éprouvées).

Dubet identifie également trois grandes logiques d’action autour desquelles s’articule l’expérience, et qu’on peut chercher à saisir pour donner un sens aux actions, représentations et sentiments déployés dans une situation. 1) Dans la logique d’intégration, l’acteur intègre les conduites, pensées et valeurs qui lui sont transmises, et se définit par ses appartenances culturelles et identitaires. Dans le cadre de notre projet, il s’agit de voir les appartenances des immigrants gais vivant au Québec, en regardant notamment leurs rapports aux milieux et réseaux gais, à la société québécoise et à leurs communautés d’origine. 2) Dans la logique de la stratégie, l’acteur cherche à optimiser les ressources du contexte social qui sont disponibles pour lui afin de tirer parti de sa situation. Nous tenterons de mettre en lumière les possibilités et contraintes avec lesquelles les immigrants gais expérimentent leur vie sociale et intime au Québec, ainsi que les stratégies qu’ils déploient à cet égard. 3) Dans la logique de subjectivation, l’acteur tente d’être auteur de sa propre existence et prend un recul sur lui-même et sur le monde pour identifier ce qui peut entraver ou favoriser son autodétermination. Pour nous, cela implique de considérer que ces hommes peuvent porter un regard critique sur leur vie sociale et intime au Québec et identifier ce qui façonne leur propre bien-être.

Méthodologie

Collecte et analyse des données

Nous avons mené 25 entretiens qualitatifs individuels semi-dirigés de 1 h à 2 h 45 entre avril et septembre 2016. Des questions ouvertes ont été posées aux participants pour obtenir une vue d’ensemble de leur vie au Québec à travers quatre dimensions : 1) économique et matérielle, 2) sanitaire, 3) identitaire et 4) sociale et intime. Cet article se focalise sur cette dernière dimension, qui s’est avérée particulièrement riche en contenu et déterminante pour le bien-être des participants. Les thématiques abordées comprenaient les relations amicales, familiales, professionnelles, sexuelles et amoureuses, le rapport aux milieux et réseaux gais, à la société québécoise et à leurs communautés d’origine et enfin la discrimination vécue. Tout au long des entretiens, nous avons amené les participants à expliciter les actions, représentations, sentiments et stratégies déployées, ainsi que les éléments qui les rendent plus ou moins heureux et satisfaits de leur vie sociale et intime au Québec. Certaines notes de contextualisation ont aussi été prises dans un journal de bord.

Les données ont été analysées selon un processus continu et itératif d’analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2012). Nous avons d’abord révisé et annoté librement les transcriptions des entretiens pour bien nous approprier le corpus, puis nous les avons examinées rigoureusement avec le logiciel NVivo pour dégager inductivement les thématiques saillantes qui ressortaient des discours. Chaque unité de sens pertinente a ainsi été repérée puis codée selon un ou plusieurs thèmes correspondants, classés parallèlement dans un schéma conceptuel évolutif. Durant ce processus, nous avons cherché à voir comment les thèmes identifiés étaient reliés et nous avons émis différents constats et réflexions liés à notre objectif de recherche, que nous avons confrontés à notre matériau empirique et à la littérature existante.

Après l’analyse préliminaire des entretiens individuels, nous avons complété la collecte de données en réalisant trois groupes de discussion, en décembre 2017, avec 14 participants de l’échantillon initial. Ces échanges nous ont permis d’enrichir, réajuster ou creuser certaines pistes d’analyse dans le but d’assurer une « double vraisemblance » (Dubet, 1994) des résultats aux yeux de l’équipe de recherche et de nos interlocuteurs, renforçant ainsi la pertinence des analyses.

Participants

Le recrutement des participants a été fait par le biais d’applications de rencontre et de listes de courriels, et avec l’aide de personnes en contact avec la population cible. Nous avons ciblé un échantillon de jeunes hommes ayant des relations sexuelles ou amoureuses avec d’autres hommes (HARSAH) ayant immigré volontairement, provenant de pays où les lois, politiques et attitudes sociales posent de fortes contraintes sur l’expression de l’homosexualité et résidant dans les principaux centres urbains et pôles d’immigration du Québec. Les critères de sélection étaient libellés comme suit : être un HARSAH ; avoir entre 18 et 35 ans ; être né et avoir grandi hors du Canada, des États-Unis, de l’Australie et de l’Europe de l’Ouest ; résider à Montréal ou Québec depuis au moins deux ans ; pouvoir s’exprimer en français et enfin ne pas avoir le statut de réfugié ou être en processus de demande d’asile.

Les 25 participants recrutés étaient âgés de 20 à 35 ans. Tous s’autodésignaient comme gais ou homosexuels, sauf un, comme bisexuel. Treize résidaient à Montréal et 12 à Québec. Originaires d’Amérique latine (10), du Maghreb (5), d’Asie (4), du Moyen-Orient (2), d’Afrique subsaharienne (2), des Caraïbes (1) et du Caucase (1), seulement cinq ont vécu plus de cinq ans au Canada. Treize avaient obtenu la résidence permanente ou la citoyenneté canadienne et 12 étaient résidents non permanents. Une moitié des participants se déclaraient athées, agnostiques ou non pratiquants, l’autre moitié s’identifiant comme catholiques (6), musulmans (3) ou bouddhistes (2). Tous, excepté les deux plus jeunes, avaient entamé ou complété des études universitaires. Dix-neuf occupaient un emploi et 14 étaient étudiants, parallèlement ou non à leur emploi. La plupart gagnaient moins de 35 000 $ par an. La grande majorité était célibataire et sept étaient en couple avec un autre homme, deux étant mariés avec leur conjoint. Aucun n’avait d’enfant. La plupart avaient immigré seuls, trois avec leur frère et deux avec leur conjoint.

Résultats

Rappelons que nous avons interrogé nos interlocuteurs sur ce qui les rendait plus ou moins satisfaits et heureux en regard de leur vie sociale et intime au Québec, pour comprendre comment ces expériences façonnent leur bien-être. Les éléments ressortis sont présentés autour de quatre grands constats, correspondant aux sections suivantes. Les noms des participants sont des pseudonymes.

Une reconnaissance comme gai dans la société d’accueil : regard des autres, regard sur soi

Même s’ils peuvent encore craindre de vivre de l’homophobie au Québec, presque tous s’y sentent plus acceptés que dans leur société d’origine. Plus de la moitié précisent que ceci fait partie des éléments les plus favorables à leur bien-être dans leur société d’accueil.

J’ai connu plein de monde au travail, à l’école. J’avais plein d’amis, puis j’ai senti que le monde n’allait pas me juger parce que j’étais gai. Ils me donnaient la bienvenue, ils étaient vraiment gentils avec moi.

Esteban, 20 ans, résident temporaire, célibataire

Dissimulant généralement leur orientation sexuelle avant d’immigrer, tous sauf un l’expriment maintenant ouvertement au Québec, dans certaines situations (pour 14 d’entre eux) ou en toutes circonstances (pour les 10 autres). De pair avec la distanciation de leurs milieux d’origine et l’accès à l’égalité juridique, vivre au Québec favorise également, aux dires de plusieurs, une meilleure acceptation, voire une normalisation, de leur propre orientation sexuelle. Plus de la moitié témoignent d’une nouvelle liberté pour être eux-mêmes, leur ayant permis de se délester d’un poids, d’être moins honteux et plus confiants ou fiers, et ainsi ressentir un plus grand bien-être au quotidien.

Les aspects les plus satisfaits ici à Québec c’est pouvoir vivre comme je veux : je peux me sentir indépendant, et je peux assumer encore plus mon orientation sexuelle. Je peux être plus réconcilié avec moi-même. […] Après, je vais avoir plus de confiance en moi à cause de ça. […] La confiance en soi-même, ça dépend de l’entourage !

Khalil, 25 ans, résident temporaire, célibataire

Précisons néanmoins que pour deux participants d’origine asiatique, cet espoir d’affranchissement ne s’est pas concrétisé, en raison de difficultés à rencontrer des partenaires intimes ou d’un désir de protéger leur réputation auprès d’une communauté diasporique devenue trop intrusive.

Tous sauf un se représentent leur attirance pour les hommes en termes d’orientation homosexuelle. Toutefois, la majorité émet certaines réserves à être catégorisés socialement comme gais, ou encore évite stratégiquement de mettre de l’avant cette identité dans leurs interactions en dehors de leur vie intime, par pudeur ou peur d’être étiquetés. À l’inverse, un tiers des participants considèrent que cette orientation sexuelle influence substantiellement leur rapport aux autres et leur quête de bien-être. Fiers d’être gais ou revendiquant les causes LGBTQ+, leur orientation sexuelle est pour eux bien plus qu’un détail anecdotique et ils en font une identité sociale, voire politique. Harry (30 ans, citoyen canadien, célibataire) l’illustre clairement, en faisant le parallèle avec sa couleur de peau :

Cette identité-là joue beaucoup dans ma vie, dans la manière dont on me perçoit. Ce n’est pas quelque chose de juste banal ! Tout comme être noir, c’est une identité… Bien, on pourrait dire que ça a adonné que j’ai la peau noire, tout simplement ! Mais je pense que c’est la société qui crée les identités aussi. Si dans la société c’était banal d’être gai, aussi banal que prendre une crème glacée, ça ne serait pas une identité ! […] C’est parce que c’est quelque chose qui a été problématique ! Des gens sont morts pour ça !

Ce témoignage montre bien que ces immigrants gais demeurent régulièrement vus à travers le prisme de la différence et considérés comme « autres », souvent bien malgré eux. Nous verrons dans la prochaine section comment se tisse leur vie sociale à travers ces différents rapports d’altérité, mais aussi d’appartenance.

Un réseau social tissé à travers différents rapports d’altérité et d’appartenance

La plupart des participants se disent globalement contents de leur vie sociale, et la moitié considèrent leur réseau amical comme comptant parmi les aspects les plus satisfaisants de leur vie québécoise. Au contraire, quelques-uns en sont très déçus et se sentent isolés. Ils estiment manquer d’activités sociales, d’amis ou amies québécois·e·s en particulier, ce qui constitue leur plus grande source de déception et tristesse en contexte post-migratoire. Bien que le Québec soit ethnoculturellement diversifié et qu’une grande partie de sa population soit immigrante, la représentation populaire du terme Québécois·e·s reprise par nos participants renvoie généralement aux personnes nées et ayant grandi au Québec, majoritairement blanches et de culture francophone et laïques d’héritage catholique. Notons par ailleurs que si tous les participants gardent contact avec leur famille dans leur pays d’origine (contact généralement positif), cet article se focalise sur les liens entretenus au Québec.

Bien que la plupart des participants comptent des Québécois·e·s dans leur cercle amical, la moitié peinent à tisser des liens plus serrés avec les membres de leur société hôte, jugés globalement avenants mais distants. Les aborder apparaît plus exigeant que prévu et requiert un effort additionnel pour ceux qui maîtrisent moins bien le français ou qui sont plus introvertis. Certains expliquent d’ailleurs avoir acquis dans leurs milieux d’origine des réflexes stratégiques de timidité, retrait et repli sur soi pour préserver une façade hétérosexuelle, ce qui leur nuit pour rebâtir leur réseau en contexte post-migratoire québécois :

Ma socialisation a un poids. Du coup, je me fais difficilement des amis. […] Je rentre dans une carapace. […] J’ai toujours été comme ça depuis que j’étais en Afrique. Ici, ça a été beaucoup plus accentué parce que quand je venais d’arriver, je ne connaissais pas beaucoup de gens, j’étais plus avec mon frère qui était surtout ami avec des Africains.

Boubacar, 24 ans, résident temporaire, célibataire

De plus, une majorité de participants rapportent des expériences de racisme et de xénophobie plus ou moins directs et, pour huit d’entre eux, cela fait partie de leurs principales déceptions dans cette société.

Il est passé chez moi, il a vu le Coran. On a parlé, après on a voulu commencer… des petits baisers. Mais je sentais un comportement un peu bizarre. […] Il a dit : « je dois partir ». Après, il m’a parlé sur l’application : « Ah tu es musulman, non non non, je ne vais pas te revoir. » […] J’ai dit : « tu es bizarre, on est au Québec, on est au Canada, je me représente que tous les gens sont ouverts ».

Khalil, 25 ans, résident temporaire, célibataire

Alors que Khalil a été rejeté d’une relation intime pour sa religion, plus de la moitié des participants témoignent de racisme sexuel vécu. Globalement, ceux d’origine asiatique et maghrébine rapportent davantage avoir été repoussés ou jugés peu attrayants par les Québécois, alors que les participants noirs et latino-américains se disent plutôt sujets à une hypersexualisation de leur origine ethnoculturelle, estimant être souvent abordés pour répondre à un fantasme d’exotisme reposant sur des préjugés.

Par ailleurs, le plus grand nombre compte dans leur entourage des personnes de leur groupe diasporique, avec qui ils entretiennent des relations généralement bénéfiques. D’autres évitent stratégiquement de s’associer à leurs « communautés ethnoculturelles », les considérant enclines au repli identitaire, aux médisances, ou véhiculant hétérosexisme et homophobie pouvant affecter leur bien-être. Certains précisent s’affilier uniquement aux personnes partageant leurs origines qui sont ouvertes aux gais, voire elles-mêmes gaies, comme Mathieu (24 ans, résident permanent, célibataire) qui, hormis ses meilleures amies compatriotes, reste à distance des Arabes :

J’évite [la communauté arabe] comme la peste ! (rires) Moi, j’ai fui le Moyen-Orient pour fuir les Arabes, parce que quand j’habitais là-bas, je menais une espèce de double vie. […] Alors j’évite ces personnes-là de la communauté arabe en général, pour pouvoir être moi-même.

Enfin, comme cette citation le suggère, même s’ils se sentent généralement acceptés comme gais au Québec, la plupart ont, à différents degrés, peur de revivre de l’homophobie et ils déploient différentes stratégies influençant leurs relations dans leur société d’accueil : dissimuler leur orientation homosexuelle à certaines personnes, s’efforcer d’être acceptés malgré l’hétérosexisme ou sécuriser leur réseau en privilégiant les personnes estimées non homophobes (voir à ce sujet Fournier, Hamelin Brabant, Dupéré et Chamberland, 2020). La section suivante montre comment les réseaux et milieux gais peuvent justement jouer un rôle clé dans leur processus d’intégration sociale comme gais et comme immigrants, bien qu’ils soient aussi source de certaines insatisfactions.

Une intégration sociale à travers les milieux gais

La grande majorité des participants rapportent fréquenter occasionnellement ou souvent les différents milieux et réseaux gais au Québec. Ceci leur permet de se divertir et de rencontrer d’éventuels partenaires intimes, mais également de socialiser avec leurs pairs et combler un besoin d’appartenance, particulièrement chez ceux ayant souffert de difficultés d’acceptation dans leurs milieux d’origine en raison de leur orientation sexuelle.

Je préfère toujours être dans les places où il y a des gais, lesbiennes, ou mélangées avec des gay-friendly. […] Pas seulement toujours caché. Donc j’essaie de casser le stress avec ça. Nous sommes bien, entre nous.

Youssef, 21 ans, résident temporaire, célibataire

De plus, une dizaine d’hommes participent à diverses activités liées aux questions LGBTQ+, cherchant ainsi à se réaliser en s’impliquant socialement pour une cause qui les touche. Quelques-uns rapportent mettre à contribution ces milieux de façon stratégique non seulement pour développer leur réseau dans leur nouvelle société, mais aussi pour améliorer leur employabilité, enjeux d’une grande importance pour les immigrants qui font déjà face à plusieurs barrières d’intégration sociale et économique.

Mon urgence, c’est trouver un emploi. Alors il faut que je développe des relations proches le plus vite possible. Ça va être plus facile de les créer avec des gais qu’avec des hétérosexuels, parce qu’avec des gais, on est tous passés par certaines choses semblables.

Alejandro, 35 ans, résident temporaire, en couple

Comme en témoigne ce récit, il paraît plus aisé à la plupart des participants de passer par ces réseaux et milieux gais pour tisser de nouveaux liens, que ce soit par recherche de sécurité, besoin de s’assumer comme gais en contexte post-migratoire ou recherche d’affinités et de points communs, surtout en contexte interculturel.

Malgré les possibilités d’intégration évoquées, les expériences des participants avec les milieux et réseaux gais ne sont toutefois pas uniquement positives et satisfaisantes. Plus de la moitié les qualifient d’étroits, superficiels ou trop axés sur le sexe :

Quand je suis arrivé, j’utilisais des applications de rencontre pour chercher des amis, commencer à sortir, voir ce que l’homosexuel faisait à Québec. Mais les gars étaient en train de chercher du sexe, sexe, sexe… Je n’aime pas ça.

Diego, 29 ans, résident temporaire, en couple

Certains rapportent même s’éloigner volontairement de ces milieux en raison de la représentation négative qu’ils en ont, ou encore dans une optique stratégique d’éviter de s’y enfermer ou d’être identifiés comme gais. D’autres ne s’y seraient pas sentis bien accueillis, notamment par rapport à leur origine ethnoculturelle. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les quelques participants se considérant plus isolés et mécontents de leur réseau social au Québec et qui souffraient particulièrement du contact difficile avec les Québécois·e·s sont également ceux qui se révèlent plus distants vis-à-vis des milieux et réseaux gais.

[Mon conjoint et moi], ça ne nous intéresse pas, la culture des homosexuels. [rires] […] Ça pourrait faciliter certaines fois d’établir des liens avec d’autres homosexuels, mais… Je pense qu’on a des difficultés à s’ouvrir. Mais on ne veut pas s’ouvrir pour se renfermer dans un milieu trop restreint.

Félix, 32 ans, résident permanent, en couple

Certains précisent qu’ils auraient aimé être davantage guidés à leur arrivée sur les codes de conduite des hommes gais québécois, notamment pour mieux se préparer à certains écueils sur le plan intime, ce que nous abordons dans la section qui suit.

La vie intime : entre exploration sexuelle et quête d’une conjugalité stable

Sur le plan intime, c’est l’exploration sexuelle et la conjugalité qui apparaissent comme centrales au bien-être des hommes interrogés, alors qu’ils sont souvent amenés à se positionner entre, d’une part, l’attrait d’une sexualité récréative libre, multiple, sans attachement et, d’autre part, la sécurité attendue d’une relation conjugale stable et possiblement monogame.

Bien que certains aient connu des expériences intimes avec d’autres hommes dans leur pays d’origine, dont deux ayant immigré avec leur conjoint, c’est au Québec que la plupart ont pu vivre leur homosexualité plus librement en raison d’une indépendance de leurs milieux d’origine, d’une meilleure acceptation de leur propre orientation sexuelle ainsi que de la facilité d’accès à des partenaires intimes, le tout dans un contexte socioculturel qui valorise une sexualité active avec différents partenaires. Plusieurs disent en retirer ou en avoir déjà retiré un certain épanouissement, notamment en explorant et exprimant une partie de leur sexualité, réprimée avant d’immigrer, mais certains ont fini par être lassés des rencontres sans lendemain.

Je ne pouvais pas vivre ma sexualité [au pays]. Je ne pouvais pas avoir des fréquentations ni coucher avec un autre garçon chez moi. […] J’ai commencé à vraiment vivre ma sexualité quand je suis arrivé ici. J’ai eu une passe où je m’amusais vraiment beaucoup. Après, je me suis rendu compte que c’est plate finalement, qu’il n’y a rien, c’est vide… C’est juste du cul. […] Je me suis retrouvé un moment où je me suis dit « je ne veux plus faire ça ».

Felipe, 26 ans, résident permanent, en couple

Parallèlement, l’idéal du couple est très présent dans leurs discours. Les sept hommes en couple se réjouissent presque tous de leur union, aspect des plus satisfaisants de leur vie au Québec et qui dure depuis quelques années pour la plupart. Au contraire, parmi les 18 célibataires, la majorité mentionne chercher activement un conjoint, pointant souvent leur célibat comme principale source de déception et démotivation dans leur vie au Québec.

Si certains évoquent surtout l’aspect romantique de la vie à deux, d’autres se représentent le couple comme un noyau de sécurité affective, pour faire face aux stress et épreuves de la vie et favoriser un bien-être au quotidien. Plusieurs voient également le conjoint actuel ou éventuel comme un partenaire de vie pour fonder un ménage, voire une famille, séquence leur semblant souvent aller de soi pour être heureux :

Moi, je sais ce que je veux. Je vois une vie avec des enfants, une grande maison, des choses comme ça. Pas une vie que tu peux changer avec le divorce.

Samir, 32 ans, citoyen canadien, célibataire

Bien que le schème normatif conjugal et familial évoqué par les participants trouve écho dans le contexte québécois, il est particulièrement prégnant dans leurs sociétés d’origine. À ce titre, quelques-uns témoignent de leur difficulté à reproduire en tant qu’homme gai cet idéal dans leur nouvel environnement social.

J’ai un peu de mal ici avec les homosexuels parce que la mentalité n’est pas très très traditionnelle. […] Quand je vois un couple hétéro qui a des enfants alors qu’ils sont encore très jeunes, j’apprécie ça ! Je me dis : « Oh ! Si j’étais hétéro, ça aurait été moi ! » (sourire) Si je pouvais, je me serais déjà marié, fait la famille et tout. C’est le côté africain de chez moi.

Boubacar, 24 ans, résident temporaire, célibataire

Par ailleurs, plusieurs participants déclarent préférer un partenaire d’origine québécoise − ou blanc, à tout le moins. Quelques-uns spécifient qu’en tant qu’immigrants, former un couple avec un membre de la société hôte favoriserait leur intégration, voire la réussite de leur projet migratoire. Le fait d’avoir un conjoint québécois a pu influencer leur décision d’immigrer ou demeurer au Québec, motiver l’apprentissage du français ou leur fournir des repères socioculturels et familiaux leur permettant de mieux comprendre leur société d’accueil et s’y enraciner.

Je ne sais pas si c’est un mauvais but, mais je me dis que si je finis avec un Québécois, marié, je peux dire « là mon immigration est vraiment réussie ».

Matias, 27 ans, résident permanent, célibataire

Discussion

Cet article explore comment les expériences sociales et intimes d’hommes immigrants gais vivant au Québec façonnent leur bien-être en contexte post-migratoire, dans une perspective globale qui tient compte du sens qu’ils donnent à leur réalité et de l’environnement social dans lequel ils évoluent (Dubet, 1994). Ainsi, nous avons mis en lumière plusieurs possibilités et contraintes (Dubet, 1994) avec lesquelles composent ces hommes et qui contribuent, d’après leur point de vue, à les rendre plus ou moins heureux et satisfaits de leur vie en terres québécoises.

Sur le plan social, il ressort de nos résultats que le bien-être des hommes interrogés dépend des possibilités à bien s’entourer dans leur société d’accueil. Même si la plupart y arrivent globalement, ils font face à plusieurs contraintes dans leurs interactions sociales, qui génèrent déception et tristesse et les rendent moins satisfaits de leur vie au Québec. Gais dans un monde où l’hétérosexualité est norme, racisés dans une société principalement blanche et portant avec eux un bagage culturel, linguistique ou religieux étranger à la majorité, ils demeurent régulièrement vus à travers le prisme de la différence (El-Hage et Lee, 2016 ; Karimi, 2018 ; Lewis, 2016 ; Roy, 2013). La difficulté à instaurer un contact satisfaisant avec les membres de la société d’accueil (Nakamura, Kassan et Suehn, 2017 ; Poon et al., 2017) et le choix de mettre ou non de l’avant une identité gaie dans leurs rapports sociaux non intimes (Fuks et al., 2018 ; Gagnon, 2019) témoignent éloquemment de ces différents rapports d’altérité dans lesquels ils sont souvent placés bien malgré eux, et qui entravent leur autodétermination.

Les participants font néanmoins état d’un sentiment général d’acceptation comme gais dans leur société d’accueil, ce qui est documenté ailleurs au Canada (Karimi, 2018 ; Logie et al., 2016 ; Poon et al., 2017). Principale source de satisfaction dans leur vie au Québec, cette acceptation de leur orientation sexuelle contribue à les rendre plus heureux et fiers d’eux-mêmes. En ce sens, bien que les milieux et réseaux gais soient pour eux contraignants à certains égards, ils s’avèrent être de véritables portes d’entrée pour leur intégration (Dubet, 1994). Fuks et ses collaborateurs (2018) vont jusqu’à dire que les fréquenter peut permettre à ces immigrants de s’intégrer à la société canadienne en général, et prévenir l’isolement dans une enclave ethnoculturelle.

On note également que les relations de nos participants avec leur groupe diasporique ne semblent pas aussi ambivalentes ou tendues que ce que plusieurs études canadiennes et québécoises rapportent (Chbat, 2017 ; El-Hage et Lee, 2016 ; Gray, Mendelsohn et Omoto, 2015 ; Karimi, 2018). À quelques exceptions près, nos participants paraissent agir assez librement en s’y affiliant de façon sélective. Nous rejoignons également Roy (2013) et Gagnon (2019) sur le fait que leur désir de se lier d’amitié avec d’autres personnes de la même origine ne s’inscrit généralement pas dans un paradigme « d’intégration dans une communauté ethnique » à l’intérieur de leur société d’accueil, mais relève plutôt d’une appartenance stratégiquement choisie (Dubet, 1994), tout en respectant leur orientation sexuelle.

Concernant la vie intime de ces immigrants gais, leur bien-être apparaît surtout tributaire des possibilités vécues en contexte post-migratoire québécois pour accepter davantage leur propre orientation sexuelle ainsi que pour explorer ou mieux vivre au quotidien une homosexualité autrefois contenue. Cela constitue pour eux de grandes sources de soulagement et d’épanouissement, en plus de favoriser leur autodétermination (Dubet, 1994).

Construire une vie de couple, voire fonder une famille, ressort également comme le pilier d’une vie satisfaisante dans leur société d’accueil. Toutefois, dans un contexte où il leur est difficile de trouver un partenaire avec qui s’engager à long terme, les attentes de plusieurs sont souvent déçues, ce qui constitue la principale contrainte à leur bien-être dans leur vie intime. Peu documenté auprès des immigrants gais, ce constat approfondit certains résultats tout de même avancés dans quelques études canadiennes. Ainsi, les sept hommes gais d’origine chinoise ayant participé à l’étude de Poon et al. (2017) partageaient tous le rêve de vivre une vie libre en tant qu’hommes gais et d’avoir un compagnon et certains hommes gais réfugiés d’origine iranienne ont mentionné dans la recherche de Karimi (2018) être déçus par ce qu’ils perçoivent comme de l’individualisme et un manque de valeurs familiales chez les hommes gais canadiens qu’ils ont rencontrés. Courduriès (2011) mentionne d’ailleurs que les hommes gais sont à la confluence de scripts culturels généraux plus traditionnels qui valorisent l’exclusivité sexuelle dans le cadre d’une relation conjugale possiblement monogame et d’autres scripts, plus spécifiques au monde masculin — et au monde gai en particulier —, qui valorisent au contraire une multiplicité de partenaires. Cette tension entre ces différentes logiques d’intégration (Dubet, 1994) résonne particulièrement pour plusieurs immigrants gais, qui sont encore plus partagés que leurs pairs québécois en raison de leur socialisation dans des milieux d’origine considérés comme davantage traditionnels.

Il importe par ailleurs de mentionner que notre échantillon est limité quant à sa taille et qu’il est composé essentiellement de jeunes hommes hautement scolarisés, célibataires, sans enfants, maîtrisant la langue de la société hôte, économiquement actifs et ayant immigré de façon volontaire et autonome dans un centre urbain depuis quelques années. Or ces caractéristiques sont associées à une meilleure intégration sociale, une plus grande capacité d’action et une conception dite occidentale de l’orientation sexuelle et de l’identité gaie. Les expériences rapportées ne sont donc pas transférables à tous les immigrants gais, notamment à ceux ayant une situation familiale ou une trajectoire migratoire différente. De plus, ces hommes devaient, pour participer à cette recherche, être suffisamment à l’aise avec leur orientation sexuelle pour en discuter ouvertement dans un contexte de recherche, ce qui n’est pas le cas pour bon nombre d’hommes gais. Enfin, bien que le vécu prémigratoire puisse influencer le parcours de ces immigrants, cette étude se focalisait plutôt sur leurs expériences post-migratoires.

Malgré ces limites, notre étude apporte une contribution appréciable en regard du champ très peu exploré que constitue le bien-être subjectif des immigrants gais. Parmi les recherches menées au Québec auprès de personnes LGBTQ+ immigrantes ou racisées, elle serait également, à notre connaissance, la première à avoir étendu sa collecte de données à une autre région que celle du Grand Montréal. D’autres études demeurent néanmoins nécessaires pour approfondir la compréhension des liens entre les expériences sociales et intimes des immigrants gais et leur bien-être. Notamment, il serait porteur de documenter le phénomène au sein d’échantillons plus larges et plus diversifiés sur le plan sociodémographique, qui ciblent des origines ethnoculturelles en particulier, ou qui tiennent compte davantage du vécu prémigratoire, afin d’avoir une vision plus complète des différents parcours.

Conclusion

En somme, notre recherche montre que le contexte post-migratoire québécois offre différentes possibilités de bien-être pour les hommes immigrants gais sur les plans social et intime et, en ce sens, vient justifier la pertinence des efforts déployés jusqu’à ce jour pour créer un environnement accueillant et favorisant l’égalité des personnes LGBTQ+. Toutefois, il est clair que différents rapports d’altérité contraignent leurs relations sociales et intimes, et à plusieurs égards. Il importe donc de poursuivre la lutte contre l’homophobie, l’hétérosexisme, le racisme et la xénophobie, et de mieux accompagner les immigrants gais dans leur intégration à travers les milieux et réseaux gais, mais aussi à l’extérieur de ceux-ci.