Corps de l’article

1. Introduction

En vue de brosser le portrait de la recherche québécoise dans le champ de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire, réalisée dans le contexte de renouvèlement et de mise en oeuvre des programmes de formation au primaire (Québec, 2001b) et de formation à l’enseignement (Québec, 2001a), l’article présente les résultats d’une analyse secondaire de 54 publications scientifiques parues au Québec de 2001 à 2020. Il met en évidence, d’une part, les intentions (contextes, problématiques et objectifs de recherche) qui animent les chercheur⋅se⋅s et alimentent les objets d’étude privilégiés et, d’autre part, les cadres conceptuels et méthodologiques (approche méthodologique, type de recherche, populations étudiées, échantillon ou corpus d’analyse, procédures de collecte et de traitement des données) qui soutiennent l’analyse des objets d’étude.

Après avoir rappelé les grandes lignes du contexte éducatif dans lequel la formation professionnelle des enseignant⋅e⋅s doit faire appel aux connaissances produites par la recherche scientifique en éducation, nous présenterons le cadre d’analyse de même que les procédures méthodologiques auxquelles nous avons recouru. Puis, à la suite de l’exposé des résultats, nous dégagerons quelques éléments d’interprétation en lien avec les caractéristiques intrinsèques à la recherche québécoise dans le champ de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire. Les apports et limites de cette recherche seront également évoqués.

2. Problématique

L’enseignement et la formation des enseignant⋅e⋅s représentent des enjeux importants dans les sociétés occidentales confrontées à la complexité des transformations sociales contemporaines, particulièrement en ce qui a trait aux processus d’appropriation et de diffusion des connaissances et à la définition de leurs fonctions sociales (Lenoir, Bourque, Hasni, Nagy et Priolet, 2020). Pour cette raison, ils sont au coeur des préoccupations de la recherche scientifique en sciences de l’éducation. En fait, l’arrivée du 21e siècle nous a permis d’assister un peu partout à travers le monde à des transformations radicales des systèmes éducatifs impliquant, entre autres actions, la formalisation de nouvelles orientations curriculaires et l’identification de démarches et de dispositifs pédagogicodidactiques correspondant à ces dernières. Destinées à guider l’action des enseignant⋅e⋅s dans les différents ordres d’enseignement, ces orientations curriculaires ont conduit, par le fait même, à une refonte de la formation des enseignant⋅e⋅s (Carnoy, 1999 ; Cox, 2003 ; Evangelista, 2013 ; Garcia-Huidobro, 2006 ; Raymond et Lenoir, 1998).

Dans ce contexte, il semble aujourd’hui acquis que la réussite d’une réforme éducative passe, entre autres, par une meilleure formation du personnel enseignant (Altet, 2009 ; Bondioli, 2004 ; Lang, 2005 ; Limonta et Cordeiro da Silva, 2013). Corolairement s’impose l’idée que cette formation doive faire appel aux connaissances produites par la recherche scientifique en éducation (dans le domaine des didactiques disciplinaires, mais aussi en évaluation, en psychopédagogie, en formation pratique), et cela, en vue d’aider enseignant⋅e⋅s et futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s à mieux appréhender les situations concrètes vécues dans le contexte complexe de la salle de classe (Altet, 2002, 2009 ; Clanet, 2009 ; Lenoir, 2021 ; Lüdke, 2005). En accord avec de nouvelles exigences en matière de professionnalisation de l’enseignement, la formation enseignante, enrichie par les contributions de la recherche, représente un important apport à la transformation de leurs rapports aux savoirs disciplinaires, aux savoirs professionnels et à la pratique en fonction d’une plus grande maitrise du processus d’enseignement-apprentissage (Marcel, Olry, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002 ; Marcel et Rinaudo, 2020). La recherche sur les processus formatifs et la mise en place de moyens de mobilisation visant le transfert des connaissances produites peuvent constituer une aide substantielle au développement professionnel des enseignant⋅e⋅s (Conseil supérieur de l’éducation, 2014).

C’est dans cette perspective que, à l’instar de différentes disciplines propres aux sciences de l’éducation, les recherches dans le champ de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire soulèvent une multitude de problématiques. Comme en témoignent de nombreux travaux parus au cours des dernières années (Araújo-Oliveira, 2018a, 2019b ; Benimmas et Araújo-Oliveira, 2019 ; Larouche et Araújo-Oliveira, 2014 ; Lebrun, 2014 ; Lebrun, Araújo-Oliveira et Lenoir, 2010 ; Lebrun, Lenoir, Araújo-Oliveira, Morin et McConnell, 2011 ; Lefrançois, Éthier, Demers et Fink, 2014 ; Martel, Cartier et Butler, 2014 ; Meunier et Bélanger, 2014 ; Moreau et Smith, 2019 ; Rousson, 2014 ; Stan, Éthier et Lefrançois, 2014), ces recherches portent notamment sur le développement du processus d’enseignement-apprentissage, sur les méthodes et démarches d’enseignement-apprentissage et sur la formation enseignante. Les chercheur⋅se⋅s étudient donc, dans des perspectives variées, tant les pratiques d’enseignement, les connaissances disciplinaires, le rapport des élèves aux savoirs que l’influence des pratiques socioculturelles et institutionnelles sur les apprentissages.

Toutefois, à notre connaissance, peu d’initiatives ont été centrées sur la présentation d’un portrait des travaux réalisés dans le champ de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire au Québec. Une telle entreprise s’avère pertinente dans le contexte de renouvèlement et de mise en oeuvre des programmes de formation au primaire (Québec, 2001b) et des orientations pour la formation à l’enseignement (Québec, 2001a, 2020) dans lequel évolue le système scolaire québécois depuis le tournant du siècle. C’est à cet égard que le présent article trouve son sens et représente une contribution pertinente et originale à ce dossier thématique qui invite à réfléchir sur l’état des lieux et les perspectives de la recherche en didactique des sciences humaines et sociales au primaire.

Comment la recherche en didactique des sciences humaines et sociales au primaire participe-t-elle aux réflexions entourant l’enseignement et la formation des enseignant⋅e⋅s ? Quelles sont les problématiques qui attirent l’attention des chercheur⋅se⋅s ? Quels objets d’études privilégient-elles⋅il⋅s ? Quelles sont les populations étudiées ? À partir de quelles bases théoriques et conceptuelles ces recherches tentent-elles d’apporter un éclairage sur ces questions ? À partir de quelles procédures méthodologiques ? Quelles perspectives théoricométhodologiques caractérisent ces procédures ? Quels sont les aspects qui mériteraient de faire l’objet d’études futures plus approfondies ? Ce ne sont là que quelques-unes des questions qui ont animé notre réflexion dans le cadre de la recherche intitulée L’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire : recension des écrits et conceptualisation[1]. Certaines données préliminaires ont fait l’objet d’un chapitre de livre (Araújo‑Oliveira, 2018b) et d’un texte synthèse vulgarisé paru dans Traces. Revue de la Société des professeurs d’histoire du Québec (Araújo-Oliveira, 2019a) ; par conséquent, nous ne reviendrons pas sur leurs conclusions. La présente contribution se veut plutôt complémentaire et propose une analyse secondaire des données de la recherche, c’est-à-dire une relecture des données à partir de la triple logique proposée par Maggi (2000) et reprise par Araújo-Oliveira (2005) pour concevoir la recherche scientifique portant sur la pratique de l’enseignant⋅e. Les publications scientifiques analysées dans le cadre de cette étude seront ainsi réorganisées en fonction de trois perspectives selon que le regard de la⋅du chercheur⋅se est centré davantage sur les pratiques prescrites (la logique du système), les pratiques déclarées (la logique de l’acteur⋅rice) ou les pratiques effectives (la logique de l’action).

3. Cadre d’analyse

Les travaux de Maggi (2000) relèvent trois logiques distinctes et complémentaires pour concevoir l’activité de l’enseignant⋅e : une conception de l’activité professionnelle de l’enseignant⋅e en tant que système prédéterminé à priori (logique du système) ; une conception de cette activité en tant que construction sociale définie par les significations subjectives des sujets impliqués dans l’action (logique de l’acteur⋅rice) ; une conception en tant que processus d’actions et de décisions orientées (logique de l’action).

Les recherches qui s’inscrivent dans la logique du système s’intéressent à l’analyse des contextes et des fondements (sociaux, historiques, politiques, économiques, légaux) entourant l’actualisation des pratiques professionnelles. On met l’accent sur la pratique en tant que système prédéterminé à priori par rapport aux sujets concernés, à leur être dans le système et à leur agir (Maggi, 2000). Elles approchent la pratique d’enseignement, notamment en termes de rôles formellement prescrits et invariables auxquels les sujets doivent s’adapter pour le bon fonctionnement du système. On parle surtout, ici, d’un discours sur la pratique ou encore de la pratique telle qu’elle est prescrite par un curriculum de formation, par un dispositif didactique (le manuel scolaire, par exemple) ou par la documentation scientifique et professionnelle.

Pour leur part, les recherches qui s’inscrivent dans la logique de l’acteur⋅rice s’intéressent davantage aux représentations et aux conceptions des praticien⋅ne⋅s au regard des différentes dimensions de leur pratique professionnelle. Submergées dans une telle logique, les recherches mettent l’accent sur la réflexion des acteur⋅rice⋅s sur leur propre expérience ; sur l’identification de leur vécu ; sur le dévoilement des aspects inconscients, des attitudes individuelles et des relations interpersonnelles ; sur la réflexion sur les interactions, les appartenances et les conflits ; sur l’expression des émotions et sentiments (Maggi, 2000). On parle ici d’un discours issu de la pratique, permettant de la décrire et de l’expliquer selon la logique interne du sujet qui la met en place ou encore d’une pratique déclarée (racontée en entrevue, consignée dans un cahier de planification en vue de la mettre en oeuvre, ou consignée dans un journal de bord personnel, par exemple).

Enfin, les recherches inscrites dans la logique de l’action sont centrées davantage sur l’analyse des pratiques concrètes mises en oeuvre par un⋅e ou plusieurs professionnel⋅le⋅s dans des contextes complexes et variés. Dans cette troisième logique, c’est l’action du sujet qui est à l’honneur. Il n’y a pas de prédominance ni d’opposition entre le sujet et sa subjectivité (la logique de l’acteur⋅rice) et les éléments prescrits et invariables (la logique du système). Tout au contraire, le système est le cours des actions intentionnelles et orientées avec « la capacité de se produire et de se modifier de façon autonome, que ce soit dans ses composantes ou dans ses objectifs » (Maggi, 2000, p. 7). En ce sens, il faut dépasser les prescriptions externes ainsi que la compréhension de vécus subjectifs pour se rendre à l’explication de l’action telle qu’elle se produit (en rapport aux choix, aux prises de décisions et aux significations que le sujet donne à son action). On parle ici, notamment, de la pratique mise en oeuvre par un⋅e enseignant⋅e et, par ricochet, des actions connexes que ces pratiques susciteront chez l’apprenant⋅e (pratiques effectives ou concrètes).

4. Méthodologie

Pour la réalisation de cette étude, nous avons fait appel à un corpus de recherche constitué de 54 écrits scientifiques publiés par des chercheur⋅se⋅s québécois⋅es dans le domaine de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire entre 2001 et 2020, soit dans le contexte de renouvèlement et de mise en oeuvre des programmes de formation au primaire et de formation à l’enseignement. Il s’agit de 18 articles de revues scientifiques évalués par les pair⋅e⋅s et de 36 chapitres de livres signés par des chercheur⋅se⋅s affiliée⋅s à une université québécoise ou canadienne et reliés explicitement à une recherche scientifique dans ce domaine réalisée au Québec, c’est-à-dire présentant une analyse primaire ou secondaire de données empiriques déjà collectées ou une réflexion plus générale sur le processus d’enseignement-apprentissage de cette discipline. Dans la liste de références, les publications qui composent le corpus d’analyse sont précédées d’un astérisque.

Les bases de données spécialisées en éducation ainsi que les outils de recherche disponibles au sein des Services des bibliothèques de l’Université du Québec à Montréal (Sophia, ERIC, Francis, Érudit, entre autres) ont été consultés à l’aide des mots-clés suivants : Sciences humaines et sociales ou Univers social ou Géographie ou Histoire et Primaire et Enseignement ou Apprentissage. Les pages Web personnelles des professeur⋅e⋅s universitaires intervenant dans le domaine de la didactique des sciences humaines et sociales au Québec ont été aussi consultées de façon à compléter la liste des recherches à être analysées. Les thèses de doctorat, les mémoires de maitrise et les rapports de recherche ont été écartés de l’analyse, car ce type de publications était en général repris par les auteur·e·s sous forme d’articles de revue ou de chapitres de livre. De plus, en raison de leur caractère succinct et incomplet, les articles de communications scientifiques et de revues professionnelles, quoique très nombreux, ont aussi été écartés de l’analyse. Il en a été de même pour les ouvrages rédigés à l’intention des enseignante⋅s ou de la formation à l’enseignement qui ne sont pas explicitement reliés à une recherche ou à des recherches scientifiques.

Les quatre questions suivantes ont servi de balises pour l’analyse et ont permis d’appréhender sous les mêmes paramètres l’ensemble des écrits. Étroitement reliées aux questionnements soulevés dans la problématique, elles renvoient davantage à la démarche scientifique mise en oeuvre par ces recherches qu’aux résultats qu’elles permettent d’en dégager :

  1. Pourquoi mène-t-on des recherches sur l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire ? (Contextes, problématiques et objectifs de recherche)

  2. Sur quoi portent les recherches sur l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire ? (Objets d’étude privilégiés)

  3. À partir de quoi étudie-t-on l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire ? (Cadres conceptuels qui soutiennent l’analyse de l’objet d’étude)

  4. Comment étudie-t-on l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire ? (Approche méthodologique, type de recherche, populations étudiées, échantillon ou corpus d’analyse, procédures de collecte et de traitement des données)

Dans la section suivante, les caractéristiques intrinsèques à la recherche québécoise dans le domaine de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire sont présentées selon les trois perspectives d’analyse discutées dans le cadre d’analyse et en fonction de chacune des questions mentionnées. Seuls les aspects prédominants seront mis en relief et discutés.

5. Résultats

5.1 Caractéristiques des recherches inscrites dans la logique du système

Les recherches qui s’inscrivent dans la logique du système représentent un peu plus de la moitié du corpus analysé (n = 29) et sont, pour la plupart, évaluatives (n = 16). Elles visent surtout l’analyse ou la validation d’un dispositif didactique (un manuel scolaire, des situations d’enseignement-apprentissage, etc.), de son efficience ou de son adéquation par rapport aux orientations officielles ou didactiques (mettre à l’essai et valider une situation d’apprentissage et d’évaluation intégrant des ressources muséales ; relever les forces et limites de la démarche proposée par les manuels scolaires, etc.). D’autres recherches ont pour but d’analyser les orientations et les prescriptions officielles en matière d’enseignement de sciences humaines et sociales au primaire (dégager les points de continuité et de rupture entre le nouveau curriculum et les anciens, décrire les finalités éducatives véhiculées dans différents programmes d’études, etc.) (n = 8) ou de proposer une façon de faire (une vision particulière) à l’égard de cet enseignement (n = 6).

Par ailleurs, alors que la majorité des recherches (n = 23) s’inscrivent dans un contexte socioéducatif marqué par d’importants changements sur le plan des programmes d’enseignement au primaire (l’introduction de l’approche par compétences, la nécessité d’avoir recours à une démarche à caractère scientifique, de nouvelles orientations qui requièrent la production et la mise en marché de nouveaux manuels scolaires, etc.), 12 recherches s’inscrivent dans un contexte que l’on qualifie de préoccupation actuelle au sein de cette didactique. C’est le cas, par exemple, des questions relatives à l’éducation à la citoyenneté, à l’étude des sujets controversés, à l’intégration des technologies dans les classes de sciences humaines et sociales au primaire et au développement de la pensée historienne.

La construction des problèmes de recherche, quant à elle, est en général basée sur une situation concrète vécue par les chercheur⋅se⋅s elles⋅eux-mêmes, soit dans leurs pratiques de recherche ou de formation, soit dans leurs pratiques de collaboration dans le milieu scolaire. C’est ainsi que 12 études relèvent comme problème de recherche des lacunes ou des difficultés observées dans l’expérience concrète des enseignant⋅e⋅s (des enseignant⋅e⋅s affirment manquer de connaissances pour mettre en oeuvre une démarche de conceptualisation ; les commentaires des enseignant⋅es signalent la complexité de l’intégration des technologies de l’information et de la communication en classe des sciences humaines et sociales, etc.) et que 13 soulignent des ambigüités identifiées dans le discours officiel (par exemple, l’on prévoit une compétence à développer au 1er cycle du primaire, mais l’on ne laisse pas de place, dans le régime pédagogique, à l’enseignement de cette discipline).

En cohérence avec les éléments de problématique et les objectifs envisagés, l’analyse des dispositifs externes produits pour appuyer et soutenir les enseignant⋅e⋅s dans leurs pratiques et les élèves dans leurs apprentissages, particulièrement les manuels scolaires de sciences humaines et sociales au primaire et les dispositifs didactiques externes produits par les chercheur⋅se⋅s (n = 18), est suivie de près par l’analyse des pratiques prescrites par les instances gouvernementales à travers les discours et prescriptions véhiculés dans les politiques publiques et les documents officiels (n = 16).

La grande majorité des recherches ne présente pas de définition explicite de leur objet d’étude (n = 19). Le peu de recherches qui le font considère cette discipline scolaire comme étant la responsable de la construction d’une représentation distanciée de la réalité humaine et sociale (n = 6) ainsi que du développement de la pensée critique et réflexive (n = 5). Elle serait également centrée sur le développement intellectuel des élèves qui renvoie, d’une part, à l’apprentissage des concepts et trames conceptuelles (n = 9) et, d’autre part, à l’acquisition d’habiletés et attitudes intellectuelles (capacité d’argumentation, rigueur intellectuelle, etc.) (n = 3).

L’absence de définition explicite des sciences humaines et sociales au primaire est cependant compensée par le recours à une multiplicité de concepts provenant de champs diversifiés comme la psychologie sociale, la didactique de l’histoire, la sociologie, etc. C’est le cas, entre autres, du concept de finalités socioéducatives (disciplinaires, scolaires, extrascolaires) et de discipline scolaire ou savoirs scolaires qui ont servi de référence respectivement à cinq recherches, du concept d’intervention éducative (souvent présenté de concert avec celui de médiation), de celui de dispositif didactique/démarche d’enseignement-apprentissage et de celui de représentation (spatiale, temporelle, etc.) abordés dans quatre recherches. C’est aussi le cas du concept de pensée historienne/géographique ou encore de celui de temps (continuité, changement, évolution) et du concept de conscience historique dont chacun est traité par trois recherches.

Il faut souligner que la description des aspects méthodologiques est occultée dans plusieurs recherches. Parmi les recherches qui les explicitent, 11 sont considérées comme étant des recherches descriptives, alors que six sont de nature théorique et proposent une réflexion conceptualisante sur cet enseignement et quatre s’annoncent comme étant exploratoires. Sur le plan de l’échantillonnage, dans la majorité des recherches, c’est un corpus de documents écrits, composé de manuels scolaires (n = 9), de documents officiels (n = 7) et de documents scientifiques (n = 5), qui fait l’objet de l’analyse. L’analyse documentaire à l’aide d’une grille d’analyse est privilégiée en tant que dispositif de collecte des données par les études alors que le traitement des données repose surtout sur une analyse qualitative des données, particulièrement l’analyse de contenu ou thématique (n = 17). Une analyse statistique (descriptive simple, corrélationnelle, tests statistiques, etc.) est privilégiée dans cinq recherches.

5.2 Caractéristiques des recherches inscrites dans la logique de l’acteurrice

Dix-sept recherches analysées s’inscrivent dans la logique de l’acteur⋅rice. Elles mettent l’accent, d’une part, sur la description de perceptions, croyances et points de vue des sujets au regard d’un ou de plusieurs aspects liés à l’enseignement-apprentissage des sciences humaines et sociales au primaire (dégager les conceptions des enseignante⋅s au regard de la configuration disciplinaire, décrire leurs représentations à l’égard du concept de démocratie, etc.) (n = 14) et, d’autre part, sur la description d’une situation d’enseignement-apprentissage au regard d’un contenu disciplinaire spécifique, de la démarche d’enseignement-apprentissage mise en oeuvre, de l’utilisation du matériel didactique déclarée par l’acteurrice, etc. (n = 5).

Deux contextes socioéducatifs actuels, majeurs et interdépendants marquent la plupart des recherches inscrites dans la logique de l’acteur⋅rice. Alors que 13 études s’inscrivent dans un contexte marqué par les changements sur le plan des programmes d’enseignement au primaire, cinq sont marquées par les nouvelles orientations prônées dans le référentiel de compétences professionnelles de la formation des enseignant⋅e⋅s. Deux recherches voient le contexte de réalisation de l’étude comme étant une préoccupation actuelle au sein de cette didactique.

Comme dans le cas de recherches inscrites dans la logique du système, la construction des problèmes de recherche repose en majorité sur une situation concrète vécue par les chercheur⋅se⋅s elles⋅eux-mêmes dans leurs pratiques de recherche, de formation de future⋅s enseignant⋅e⋅s ou de collaboration dans le milieu scolaire (n = 14). Toutefois, à la différence des premières, les études inscrites dans la logique de l’acteur⋅rice soulèvent également des problèmes de nature plus scientifique tels que l’absence ou la rareté de recherches sur la question spécifiquement étudiée (par exemple, peu d’études concernent les représentations du temps chez les jeunes du 1er cycle du primaire) (n = 4) ou des enjeux et problématiques constatés par des recherches antérieures (par exemple, la recherche souligne l’influence des manuels scolaires sur les pratiques, mais l’on connait peu les caractéristiques des pratiques ayant recours à de tels manuels) (n = 4).

Qu’elle⋅il⋅s cherchent à connaitre les représentations, perceptions, croyances, points de vue, etc. ou à décrire une situation d’enseignement-apprentissage, c’est l’analyse des pratiques déclarées (ce que le sujet pense et dit sur sa pratique ou sur des éléments ponctuels de celle-ci, ses perceptions et croyances par rapport à une composante de cette discipline, ce qu’il met ou compte mettre en oeuvre dans son enseignement) qui est privilégiée dans la totalité des études.

La définition explicite de l’objet d’étude est tout aussi occultée dans les recherches inscrites dans la logique de l’acteur⋅rice que dans celles inscrites dans la logique du système (n = 13). Elle est cependant considérée par certaines études comme étant la discipline scolaire responsable de la construction d’une représentation distanciée de la réalité humaine et sociale (n = 2), du développement intellectuel des élèves (apprentissage des concepts et des trames conceptuelles, acquisition d’habiletés et attitudes intellectuelles, etc.) (n = 2) et du développement de la pensée critique (n = 1).

Plusieurs autres concepts sont employés afin d’orienter le regard que les chercheur⋅se⋅s posent sur l’enseignement et l’apprentissage de cette discipline. C’est le cas, entre autres, du concept de représentation (spatiale, temporelle, etc.) et de celui de représentation sociale qui ont servi de référence à six recherches ; du concept d’intervention éducative (souvent présenté de concert avec celui de médiation) et de celui de finalités socioéducatives (disciplinaires, scolaires, extrascolaires) utilisé dans cinq recherches ; des concepts de dispositif didactique/démarche d’enseignement-apprentissage et de discipline scolaire ou de savoir disciplinaire abordés dans quatre recherches. D’autres concepts comme celui de démocratie, de compétence, de pédagogie par projet, d’enseignement explicite, de temps, de territoire, de raisonnement, etc. sont aussi pris en considération par un nombre restreint d’études (n = 1 ou 2).

À l’instar des recherches inscrites dans la logique du système, une proportion significative des documents analysés ne fournit pas l’information permettant de connaitre le nombre de sujets qui ont participé à l’étude, le dispositif de collecte de données ou le type de traitement de données. On note cependant que 11 recherches sont considérées comme étant descriptives, alors que trois sont exploratoires. Parmi les recherches qui explicitent l’échantillon ayant participé à l’étude, il appert que la plupart sont centrées sur de futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s (des étudiant⋅e⋅s en formation initiale à l’enseignement, en général en contexte de stage) (n = 12). Une minorité de recherche compte sur la participation des enseignant⋅e⋅s en exercice (n = 2), d’élèves (n = 1) et de conseiller⋅ère⋅s pédagogiques (n = 2). Pour ce qui est du processus de collecte des données, les entrevues orales, qu’elles soient individuelles ou collectives, ainsi que les questionnaires d’enquête sont les dispositifs employés dans la majeure partie de ces recherches (n = 10 et n = 8, respectivement). Le traitement des données repose tantôt sur une analyse qualitative de contenu ou thématique (n = 10), tantôt sur des analyses statistiques (descriptive simple, corrélationnelle, inférentielle, tests statistiques, etc.) (n = 9).

5.3 Caractéristiques des recherches inscrites dans la logique de l’action

Étant beaucoup moins nombreuses (n = 8), les recherches inscrites dans la logique de l’action ont pour but de décrire soit une pratique ou une situation d’enseignement-apprentissage au regard d’un contenu disciplinaire spécifique, de la démarche d’enseignement-apprentissage mise en oeuvre, de l’utilisation du matériel didactique, etc. (n = 4), soit les actions ou activités des apprenant⋅e⋅s soumis⋅es à ces pratiques ou situations d’enseignement-apprentissage (n = 4).

Les mêmes contextes socioéducatifs identifiés dans les recherches inscrites dans la logique de l’acteur⋅rice sont ici évoqués. Six études s’inscrivent dans un contexte marqué par d’importants changements sur le plan des programmes d’enseignement au primaire ; trois sont marquées par le sceau des nouvelles orientations prônées pour la formation des enseignant⋅e⋅s traduites la plupart du temps sous forme de référentiel de compétences professionnelles nécessaires à l’enseignement ; trois ciblent une préoccupation actuelle au sein de cette didactique. Toutefois, dans les recherches inscrites dans la logique de l’action, la prédominance de l’expérience de la⋅du chercheur⋅se dans le processus de construction des problèmes de recherche est délaissée au profit d’une révision plus importante de la documentation scientifique pertinente. On met davantage en évidence des enjeux et problématiques constatés par des recherches antérieures afin de justifier l’absence ou la rareté de recherche sur la question étudiée (peu d’études sur les pratiques effectives chez les futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s ; peu d’études sur le raisonnement des élèves en sciences humaines et sociales, etc.).

Deux catégories d’objets d’études ont été répertoriées au sein du corpus de recherches inscrites dans la logique de l’action. Les pratiques concrètes des enseignant⋅e⋅s telles que vécues en salle de classe et observées par lale chercheur⋅se (observation participante, directe ou à l’aide de la vidéoscopie) sont analysées dans quatre recherches, alors que les activités d’apprentissage mises en place par les élèves sont privilégiées dans quatre autres études.

Une seule étude présente une définition plus ou moins explicite de l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire. Cette discipline scolaire semble ainsi centrée sur le développement intellectuel des élèves par l’acquisition d’habiletés et d’attitudes intellectuelles comme la capacité d’argumentation, la rigueur intellectuelle dans le traitement des faits, etc. Les concepts de dispositif didactique/démarche d’enseignement-apprentissage et d’intervention éducative (médiation) figurent respectivement dans trois et deux recherches, alors que ceux de pratique d’enseignement, situation problème et problématisation, interdisciplinarité, pratique interdisciplinaire et apprentissage par la lecture sont aussi évoqués dans certaines études.

Quatre recherches sont conçues comme étant des recherches descriptives, alors que trois sont exploratoires et une autre, collaborative, est inscrite dans une perspective de recherche‑action. Un échantillon composé d’élèves est étudié dans quatre recherches alors que les quatre autres privilégieront des échantillons composés d’enseignant⋅e⋅s (n = 2) ou de futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s (n = 2). Par ailleurs, même si l’observation directe reste l’outil de collecte des données privilégié lorsqu’il s’agit d’analyser les pratiques effectives, l’on utilise aussi et de façon complémentaire les entrevues orales (n = 4), le questionnaire d’enquête et les tests (prétest, posttest, etc.) (n = 2), le journal de bord et des dessins réalisés par les élèves (n = 1). Pour traiter les données collectées, on fait appel notamment à une analyse de contenu ou thématique (n = 7) jumelée dans certains cas à un traitement statistique (descriptif simple surtout) (n = 5) ou lexicométrique (n = 1).

5. Interprétation des résultats

Si l’analyse des publications scientifiques à partir des quatre questions mentionnées dans la méthodologie a permis de dégager l’état de la recherche réalisée dans le champ de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire au Québec (Araújo-Oliveira, 2018b, 2019a), l’analyse secondaire et le regroupement de ces publications à partir de la triple logique proposée par Maggi (2000) et reprise par Araújo-Oliveira (2005) pour concevoir la recherche scientifique portant sur la pratique de l’enseignant⋅e (logique du système, logique de l’acteur⋅rice, logique de l’action) a permis de mettre en évidence certains traits communs qui leur sont caractéristiques.

On constate qu’à l’instar de différentes disciplines propres aux sciences de l’éducation, les recherches en didactique des sciences humaines et sociales au primaire au Québec ont soulevé au cours des 20 dernières années une multitude de problématiques, se sont dotées de différents cadres conceptuels et ont eu recours à une variété de méthodes scientifiques visant à apporter un éclairage sur un ou plusieurs aspects liés à l’enseignement, à l’apprentissage, aux savoirs disciplinaires, aux méthodes et démarches d’enseignement-apprentissage et à la formation enseignante dans le champ des sciences humaines et sociales au primaire.

Les données laissent entrevoir l’existence d’une recherche en didactique très soucieuse des changements sociaux survenus dans le système scolaire québécois et de ses finalités socioéducatives. Il s’agit, de ce fait, d’une recherche d’actualité et socialement ancrée dans les nombreux et importants changements qui ont une incidence directe sur les pratiques d’enseignement à mettre en oeuvre au sein de cette discipline scolaire. Cependant, cette recherche ne met pas toujours en évidence les lacunes sous-jacentes aux connaissances scientifiques produites dans ce domaine de recherche. Ainsi, si l’apport social et éducatif de la recherche semble être largement démontré, la pertinence scientifique reste souvent implicite, voire absente dans plusieurs études.

Les données laissent aussi entrevoir l’existence d’une recherche :

  • centrée sur une vision critique et réflexive de l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire dans la mesure où on souligne souvent la nécessité de rompre avec la fonction identitaire qui a par tradition été attribuée à ces disciplines afin de mettre en place une perspective qui vise davantage le développement de la pensée critique, de l’autonomie intellectuelle ;

  • constructiviste, voire socioconstructiviste (identifiée dans certains cadres conceptuels mis de l’avant par les chercheurse⋅s, comme l’intervention éducative, la médiation, la démarche à caractère scientifique, la pensée historienne) ;

  • inclusive (dont témoigne la multiplicité de cadres conceptuels provenant de champs aussi variés que la sociologie, la psychologie sociale, la didactique de l’histoire ou la didactique des mathématiques).

Elle permet de rendre compte de différentes dimensions de la pratique d’enseignement (didactique, pédagogique, médiatrice, épistémologique, socioaffective, etc.) (Lenoir et Vanhulle, 2006) sans pour autant perdre de vue sa spécificité disciplinaire, le rapport aux savoirs disciplinaires et les processus d’enseignement spécifiques mis en oeuvre (finalités, objets d’apprentissage, démarches d’apprentissage, outils didactiques) (Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre et Lahanier-Reuter, 2010) qui sont au coeur même du développement d’un regard didactique sur la pratique d’enseignement.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit aussi d’une recherche essentiellement descriptive aux contours méthodologiques souvent mal définis et peu explicités (absence importante d’informations concernant le processus d’échantillonnage, le dispositif de collecte ou de traitement de données). Cette recherche navigue principalement entre la logique du système (le discours sur les pratiques, les pratiques prescrites, les dispositifs didactiques soutenant les pratiques) et la logique de l’acteur⋅rice (le discours de la pratique, les pratiques déclarées) (Maggi, 2000). Les pratiques effectives mises en oeuvre par les enseignant⋅e⋅s et futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s dans des contextes complexes, de même que les activités d’apprentissage réalisées par les élèves (qui renvoient à la logique de l’action), sont ainsi beaucoup moins étudiées. En ce sens, force est d’admettre que l’articulation entre ce qui est prescrit et déclaré et ce qui se passe en salle de classe demeure peu explorée.

Comme nous l’avons souligné dans des publications antérieures, la lourdeur des dispositifs de collecte et d’analyse de données ayant recours à l’observation directe ainsi que les exigences déontologiques en matière de certification éthique et d’obtention de consentements des milieux scolaires et des parents d’élèves sont en partie responsables de cet état de fait (Araújo-Oliveira, 2015), mais la tendance à privilégier davantage la recherche appliquée ayant un impact économique élevé et à court terme (Québec, 2005) peut aussi conduire les chercheur⋅se⋅s à développer moins de recherches dans une logique d’action, en général plus exigeantes en termes de temps et d’argent (Araújo-Oliveira, 2018b).

Enfin, on note que la formation didactique dans le domaine des sciences humaines et sociales au primaire, mise en place par les programmes de formation initiale et continue des enseignant⋅e⋅s offerts par les différentes universités québécoises reste également peu connue et documentée. Alors que les orientations pour la formation professionnelle à l’enseignement ont été souvent évoquées en guise de contexte socioéducatif pour justifier la pertinence des études réalisées, il est étonnant de constater que cette formation ne fait jamais l’objet d’une analyse systématique. Quelles sont les caractéristiques de la formation didactique offerte aux futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s dans le domaine des sciences humaines et sociales au primaire ? Quelle place la formation en milieu de pratique consacre-t-elle à un réel apprentissage expérientiel (action et réflexion sur l’action) au sein de cette discipline ? La formation universitaire permet-elle une réflexion à l’égard des fondements et des orientations didactiques spécifiques à cette didactique ? Comment cette réflexion est-elle soutenue par la recherche scientifique dans le domaine ? Qui sont les formateur⋅rice⋅s qui interviennent dans ce champ et quelles sont leurs conceptions de cet enseignement ? La qualité de la formation offerte aux enseignant⋅e⋅s et aux futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s étant souvent considérée comme un indicateur du développement professionnel et de la capacité de transformation des pratiques éducatives (Conseil supérieur de l’éducation, 2014), les recherches dans le domaine de la didactique des sciences humaines et sociales au primaire au Québec gagneraient à apporter quelques éléments de réponse à ces interrogations.

7. Conclusion

Sans nier l’apport de ces recherches tant du point de vue social et scientifique que sur le plan de sa contribution à la formation des enseignant⋅e⋅s, il importe ici, cependant, de remettre en contexte le fait que les sciences de l’éducation ne font partie du paysage universitaire québécois que depuis les années 1970 à la suite du passage de la responsabilité envers la formation des enseignant⋅e⋅s à l’université et à la création de l’Université du Québec. Dans ce contexte, la réflexion entourant l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire jusqu’au début des années 1990 est restée surtout de nature théorique, publiée surtout dans des revues à caractère professionnel (Traces, Bulletin de liaison de la société des professeurs d’histoire du Québec, Courrier pédagogique québécois, Didactique géographie, Prospectives, Pédagogies, Revue de l’École Normale Laval, entre autres) et présentant peu de données empiriques (Allard, 1991).

En ce sens, force est de reconnaitre qu’à l’instar des travaux de recherche produits en didactique des sciences humaines et sociales au primaire au Québec au cours des années 1990 (par exemple, Allard, 1991 ; Deshaies, 1991, Laforest et Lenoir, 1994 ; Laville, 1991 ; Lebrun, 1993, 1995 ; Lenoir et Laforest, 1991 ; Martineau et Soulières, 1991), les publications qui ont fait l’objet de la présente analyse contribuent sans doute à combler de telles lacunes. Elles abordent la question des fondements, des finalités éducatives, des conceptions du processus d’apprentissage et des démarches d’enseignement-apprentissage associés à l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire principalement sous l’angle des pratiques prescrites dans les orientations gouvernementales et dans les manuels scolaires censés traduire en quelque sorte ces orientations et servir de médiateurs entre l’enseignant⋅e et les programmes d’études, mais aussi dans une moindre mesure sous l’angle des pratiques déclarées et effectives.

Par ces travaux, les chercheur⋅se⋅s participent à la consolidation d’un corpus de connaissances scientifiques sur cet enseignement, permettant à d’autres chercheur⋅se⋅s de réaliser une lecture critique et distanciée sur l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire au Québec dans une perspective historique. Par ces travaux, les chercheur⋅se⋅s contribuent à l’évolution d’un champ de recherche qui est en pleine ébullition, dont les fondations ont été jetées par les réflexions diverses entamées au cours des années qui ont suivi la parution du rapport Parent (par exemple, Allard, 1976 ; Boisseau, 1977 ; Choquette, 1983 ; Dupuis, 1977, 1979 ; Dupuis et Laforest, 1976 ; Johnson, 1973a, 1973b ; Lachance, 1969 ; Lapointe-Aubin, 1978 ; Lefebvre, 1964 ; Lenoir, 1979 ; Picard, 1977 ; Racette et Lefebvre, 1982), mais dont une grande part de développement sur le plan de la recherche, de la formation à la recherche et de la mobilisation de connaissances est à faire.

La mise en place de ce dossier thématique représente à nos yeux un pas dans la bonne direction. En tant que didacticien⋅ne⋅s, nous ne pouvons que nous en réjouir ! Toutefois, il faut garder à l’esprit que, même si la didactique des sciences humaines et sociales au primaire compte, dans l’ensemble des universités francophones québécoises, sur de jeunes chercheur⋅se⋅s de haut niveau, motivé⋅e⋅s et engagé⋅e⋅s, leur formation de base – souvent ancrée dans le domaine de la didactique de l’histoire au secondaire ou autres domaines connexes (histoire, éducation en situation d’urgence, éducation muséale) et, par le fait même, peu ou pas du tout reliée aux spécificités de l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire – peut rendre l’entreprise périlleuse.