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L’intégration de la « démarche de non-perte nette de biodiversité » (No Net Loss of Biodiversity) dans les évaluations environnementales des projets et des documents de planification est un des instruments de politique publique visant à enrayer l’érosion de la biodiversité. Elle a pour objectif un bilan écologique neutre du projet d’aménagement ou du document de planification par le biais d’étapes successives d’évitement, de réduction et de compensation. Ainsi, la compensation écologique, dernière étape de la démarche de non-perte nette de biodiversité, est mise en oeuvre lorsque des impacts résiduels importants persistent malgré la réalisation des étapes précédentes (voir la présentation de ce numéro spécial des Cahiers de droit pour une définition détaillée de la compensation écologique).

La démarche de non-perte nette de biodiversité est appliquée dans de nombreux pays, par exemple aux États-Unis, au Canada, en Australie ou encore dans les États membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne. La compensation écologique a été introduite outre-Rhin par la loi relative à la protection de la nature (Bundesnaturschutzgesetz[1]) en 1976 qui pose le cadre de l’évaluation environnementale dans laquelle est intégrée la démarche de non-perte nette de biodiversité[2].

Le cadre législatif et réglementaire ainsi que les pratiques de compensation en Allemagne ont pour particularité de s’être orientés dès les années 90 vers une anticipation et une planification de la compensation écologique dans les documents d’aménagement, appuyées en particulier par la mise en place d’un système de compensation mutualisée (à savoir des actions de restauration écologique, réalisées en amont de tout projet d’aménagement, qui serviront à compenser les impacts de plusieurs aménagements). Ces développements, impulsés par les communes, résultent du constat du faible niveau de mise en oeuvre de la compensation écologique, en raison notamment d’un foncier peu disponible sur un territoire allemand fortement urbanisé[3].

Dans le présent article, nous souhaitons mettre l’accent sur les spécificités du système allemand de la compensation sur le plan à la fois législatif et pratique. Nous tenons à préciser qu’il ne s’agit pas d’un article juridique à proprement parler, mais plutôt d’une présentation des points forts et des limites de ce système qui a fait l’objet d’encore peu de publications anglophones et francophones.

Au-delà de la description du système allemand de la compensation, trois questions ont guidé nos réflexions : Quels sont les facteurs expliquant le cadre législatif actuel de la compensation ? Existe-t-il des décalages entre les obligations législatives et la mise en oeuvre sur le terrain ? Quelle est la contribution de la compensation écologique à l’objectif de non-perte nette de biodiversité ?

Notre travail s’appuie tout d’abord sur une revue de la littérature germanophone et anglophone (articles scientifiques, textes de loi, guides) pour parvenir à une vision d’ensemble de la législation et de la réglementation allemandes relatives à la compensation. Notre analyse se base ensuite sur des entretiens semi-directifs menés auprès d’une vingtaine d’acteurs[4] de la compensation du Land du Bade-Wurtemberg pour comprendre la mise en oeuvre de la compensation sur le terrain et recueillir des témoignages sur les enjeux importants et l’efficacité écologique de la compensation. Cette phase d’entretiens devait également nous permettre de percevoir d’éventuels décalages entre la loi et la mise en pratique concrète de la compensation.

La revue de la littérature et les entretiens ont fait émerger sept caractéristiques notables que nous présentons dans la section 2. Dans la limite des informations disponibles, nous abordons également dans cette section l’éventuel décalage entre obligations législatives et mise en oeuvre pratique. La compréhension des propos exposés dans la section 2 nécessite cependant de se familiariser au préalable avec le cadre général de la compensation en Allemagne, décrit dans la section 1.

1 Le cadre général de la compensation en Allemagne

La partie qui suit expose les principaux déterminants des modalités de mise en oeuvre de la compensation écologique en Allemagne, à savoir l’organisation fédérale de l’État, les différents types de compensation possibles ainsi que les textes législatifs encadrant la démarche de non-perte nette de biodiversité.

1.1 L’Allemagne, un État fédéral

Au sein de l’État fédéral qu’est l’Allemagne, la répartition des compétences entre la Fédération (Bund) et les États fédérés (Länder) a des implications sur la compensation écologique d’un point de vue aussi bien législatif que pratique.

La répartition des compétences législatives est inscrite dans la Loi fondamentale (Grundgesetz)[5]. Les domaines de la protection de la nature, de l’affectation des sols et de l’aménagement du territoire font l’objet de ce que l’on appelle une « compétence concurrente » (konkurrierende Gesetzgebung)[6], c’est-à-dire que « les Länder peuvent exercer ces compétences aussi longtemps que la Fédération ne les exerce pas[7] ». La Loi fondamentale précise également que les Länder ne sont pas définitivement dessaisis de ces trois domaines (hormis en ce qui concerne les principes généraux de protection de la nature, de protection des espèces ou encore des espaces naturels marins)[8], car « ils peuvent […] édicter des lois qui contredisent la législation fédérale[9] ». Cette pratique étant néanmoins bien encadrée par les lois fédérales existantes dans le domaine de l’environnement et de l’aménagement du territoire, nous constatons que les Länder n’utilisent leur compétence concurrente que pour préciser et compléter ainsi qu’adapter ces dernières à la marge.

Par ailleurs, les Länder ont généralement la charge de la mise en oeuvre pratique des lois[10], ce qui correspond à une certaine « séparation des responsabilités : le travail législatif est laissé à l’ordre du gouvernement fédéral, et l’exécution de la loi fédérale relève des entités fédérées[11] ».

Il résulte de cette compétence exécutive des Länder une variabilité des règles et des pratiques de compensation dont il est difficile d’avoir une vision globale, comme le reconnaissent les acteurs de la compensation que nous avons rencontrés. C’est pourquoi nous présentons dans notre article des exemples relatifs au Bade-Wurtemberg, qui est un Land bien avancé en matière de compensation.

1.2 Les types de compensation

Trois types de compensation sont envisageables selon la législation allemande relative à la protection de la nature[12]. Le premier type de compensation est appelé Ausgleich. Il s’agit d’une compensation requérant une équivalence fonctionnelle stricte et le respect du critère de proximité, c’est-à-dire que les fonctions écologiques (par exemple, la formation du sol) rendues par l’habitat dégradé doivent être restaurées à l’identique avec le maintien d’une connexion fonctionnelle et spatiale entre le site dégradé et le site compensatoire.

Le deuxième type de compensation possible est appelé Ersatz. Ce terme désigne des mesures de substitution destinées à assurer une compensation pour la dégradation des fonctions de l’habitat avec des critères relâchés d’équivalence fonctionnelle et de proximité. Les mesures Ersatz sont utilisées en remplacement de la compensation de type Ausgleich lorsque cette dernière est jugée insuffisante ou non applicable.

La compensation Ausgleich avait la préférence de l’Administration allemande jusqu’en 2010, année où une modification de la loi sur la protection de la nature est venue mettre sur le même plan les compensations Ausgleich et Ersatz. L’abandon de la préférence de l’Administration pour une équivalence écologique stricte et une compensation réalisée à proximité du lieu d’impact est une réponse apportée aux difficultés de mise en oeuvre de la compensation. De ce fait, la compensation était auparavant assez peu mise en oeuvre, notamment en raison de difficultés à trouver du foncier et d’une acceptabilité limitée de la part des propriétaires fonciers[13]. Notons également que le Code de la construction, qui fixe le cadre de la compensation écologique pour les projets d’aménagement urbain, ne fait pas la distinction entre Ausgleich et Ersatz[14].

Figure 1

Représentation schématique des procédures environnementales pour les projets d’aménagement allemands (exemple pour un projet de parc éolien)[15]

Représentation schématique des procédures environnementales pour les projets d’aménagement allemands (exemple pour un projet de parc éolien)15

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Enfin, le cadre législatif allemand autorise un paiement financier (Ersatzzahlung) au titre de la compensation sous deux conditions : si la compensation en nature est impossible (dans le cas des impacts paysagers, par exemple) ou si la compensation en nature est insuffisante pour contrebalancer l’intégralité des impacts.

1.3 Le panorama du cadre législatif allemand relatif à la démarche de non-perte nette de biodiversité

Les principales procédures faisant intervenir la démarche de non-perte nette de biodiversité dans le cadre de projets d’aménagement découlent du droit européen et du droit fédéral (voir la figure 1).

La démarche de non-perte nette de biodiversité s’appliquant aux projets d’aménagement est déclinée à travers cinq lois fédérales : la loi sur l’évaluation environnementale[16], la loi sur la protection de la nature[17], le Code de la construction[18], la loi sur l’eau[19] et la loi sur la conservation de la forêt[20]. Nous décrivons brièvement ci-dessous chacune de ces lois et leur implication en matière de compensation écologique.

Tout d’abord, le cadre général de l’évaluation environnementale (appelée Umweltverträglichkeitsprüfung ou UVP) découle de la loi sur l’évaluation environnementale (UVPG). Cette dernière concerne les projets de grande ampleur et s’applique à toutes les espèces animales et à la diversité biologique, au sol comme support physique (Fläche), au sol comme ressource naturelle (Boden), à l’eau, à l’air, au climat, au paysage, aux êtres humains (en particulier à leur santé), au patrimoine culturel ainsi qu’aux interactions entre ces différents éléments[21]. La mise en oeuvre d’une évaluation environnementale systématique ou au cas par cas est définie par l’UVPG selon les types de projets et leurs caractéristiques.

Par ailleurs, la loi sur la protection de la nature (BNatSchG) définit plusieurs procédures. La première est la procédure d’évaluation environnementale s’appliquant lorsqu’un projet d’aménagement dégrade un site Natura 2000[22] : elle est appelée Fauna-Flora-Habitat-Verträglichkeitsprüfung (FFH-VP). La deuxième est la procédure mise en oeuvre lorsqu’un aménagement est susceptible d’avoir un impact sur certaines espèces protégées : on la nomme spezielle artenschutzrechtliche Prüfung (saP). Cette dernière relève du droit allemand visant à protéger les espèces animales et végétales et leurs habitats (Artenschutzrecht). Enfin, la troisième procédure, appelée Eingriffsregelung, a une portée plus générale que les procédures propres aux sites Natura 2000 et aux espèces protégées, car elle concerne la biodiversité en général.

La démarche de non-perte nette de biodiversité de l’Eingriffsregelung présente la particularité d’être également déclinée dans le Code de la construction (BauGB). C’est la localisation du projet d’aménagement qui permet de discriminer le cadre législatif mobilisé pour sa mise en oeuvre[23]. L’Eingriffsregelung de la loi sur la protection de la nature est mobilisée[24] pour les projets réalisés en dehors des zones construites (zones encore non urbanisées appelées Außenbereich, par exemple pour un projet de parc éolien ou d’autoroute). Pour les projets situés dans les zones couvertes par un plan d’urbanisation (Bebauungsplan ou B-Plan), c’est l’Eingriffsregelung du Code de la construction qui s’applique (zones appelées Innenbereich, par exemple pour un projet de construction d’habitations ou d’une zone commerciale)[25].

Les milieux aquatiques sont concernés par deux cadres législatifs. D’une part, la loi sur la protection de la nature (BNatSchG) mentionne explicitement, parmi ses objectifs, la protection des eaux marines et continentales et de leurs fonctions écologiques[26]. Elle souligne en outre la nécessité de conserver les bandes riveraines[27] et elle désigne comme milieux protégés par défaut tous les cours d’eau, les plans d’eau, les zones humides (tourbières, marais, roselières, prairies humides, ripisylves, etc.) et les eaux saumâtres et marines (prés-salés, vasières, etc.)[28]. En cas d’impacts sur ces milieux, la démarche de non-perte nette de biodiversité de l’Eingriffsregelung — BNatSchG s’applique. D’autre part, la loi sur l’eau (WHG) vise à une gestion durable des masses d’eau, tout en conciliant leurs usages. En ce qui concerne l’environnement, son but est le maintien et l’amélioration des fonctions écologiques des milieux aquatiques (notamment via la renaturation[29], la protection des bandes riveraines[30] ou encore la restauration des continuités écologiques des cours d’eau[31]). La démarche de non-perte nette de biodiversité est mentionnée pour les écosystèmes terrestres et les zones humides impactés dans leur bilan hydrique par les usages de l’eau[32] : ces impacts doivent être évités et compensés s’ils sont non négligeables (la compensation est en général monétaire[33]). En résumé, les impacts sur les milieux aquatiques et leur compensation ne font pas l’objet d’un dispositif particulier. Ils sont intégrés aux dispositifs de la loi sur la protection de la nature (BNatSchG). La loi sur l’eau (WHG) n’évoque la question de la compensation que dans le cas où la gestion des masses d’eau a un impact indirect sur le bilan hydrique des milieux terrestres et humides qui leur sont inféodés.

Enfin, la loi sur la conservation de la forêt (BWaldG) complète le panorama des principales législations requérant une démarche de non-perte nette de biodiversité pour les projets d’aménagement provoquant un défrichement. Les lois forestières de chaque Land en précisent les modalités d’application. Par exemple, dans le Bade-Wurtemberg, les impacts écologiques mais aussi économiques et sociaux sont estimés lors de l’évaluation de l’impact du défrichement. La loi forestière du Bade-Wurtemberg précise par ailleurs qu’une compensation financière est envisageable lorsque les impacts du défrichement ne sont pas intégralement compensés par des mesures en nature comme un reboisement[34].

L’évaluation des impacts environnementaux n’est pas imposée uniquement aux projets d’aménagement, mais également aux documents de planification. Cette exigence, qui découle du droit européen[35], a été traduite dans la législation fédérale aussi bien pour les plans des communes[36] que pour des échelons de planification et administratifs supérieurs (Regionen, Länder et Bund)[37]. Ainsi, la plupart des documents d’urbanisme sont soumis à une évaluation environnementale, appelée Umweltprüfung, pour appliquer l’Eingriffsregelung. Les autres plans et programmes font l’objet d’une d’évaluation stratégique environnementale (Strategische Umweltprüfung).

Le panorama du cadre législatif allemand de la démarche de non-perte de biodiversité ainsi dressé, nous mettrons en exergue les caractéristiques du système allemand dans la section suivante.

2 Les spécificités du système allemand de la compensation

Dans cette partie, nous présentons les particularités de la compensation en Allemagne. Elle se distingue tout d’abord par son caractère complet, car toutes les composantes de la biodiversité sont considérées. Ensuite, sa bonne mise en oeuvre est permise par la cohabitation de différents modes de compensation, par le recours à la compensation mutualisée et par l’implication du secteur agricole. Enfin, bien qu’absente des documents régionaux d’aménagement, la compensation fait l’objet d’une planification à l’échelle des documents d’urbanisme, ce qui permet son anticipation à une échelle géographiquement pertinente.

2.1 Une nature considérée dans sa globalité

Une des particularités du système allemand de la compensation réside dans la considération de la biodiversité dans sa globalité. L’Allemagne dispose en effet d’un cadre législatif propre aux espèces et aux habitats protégés (Artenschutzrecht) et un cadre législatif s’appliquant à la biodiversité en général, dont la biodiversité non protégée (Eingriffsregelung). La compensation écologique est donc déclinée selon les exigences de ces deux cadres distincts. Il est intéressant de souligner ici la bonne mise en oeuvre sur le terrain des obligations de compensation pour la biodiversité non protégée (Eingriffsregelung), contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays européens, par exemple en France[38].

Dans cette section, nous souhaitons présenter les modalités de mise en oeuvre de la démarche de non-perte nette appliquée à la biodiversité non protégée (Eingriffsregelung) et en souligner la complexité en raison de sa déclinaison dans deux cadres législatifs distincts.

Les modalités de mise en oeuvre de l’Eingriffsregelung diffèrent selon qu’elles doivent se conformer aux exigences de la loi sur la protection de la nature (BNatSchG) ou du Code de la construction (BauGB). Comme l’indique le tableau 1, on peut noter parmi les points communs l’objectif de la compensation, qui vise à conserver la capacité fonctionnelle des écosystèmes et des paysages. Les caractéristiques de la compensation divergent en revanche sur le mode d’organisation de la compensation, la compensation financière n’étant pas autorisée dans le cadre du BauGB[39].

Une autre source de variabilité dans la mise en oeuvre de la compensation est le rôle joué par les Länder dans l’application des lois fédérales. On constate ainsi des différences entre les États fédérés dans les modalités de mise en oeuvre de l’Eingriffsregelung — BNatSchG[40], par exemple en ce qui concerne les méthodes de calcul des besoins de compensation[41]. Enfin, du fait de la souveraineté laissée aux communes en matière de planification (kommunale Planungshoheit)[42], ces dernières disposent d’une certaine latitude dans l’application de l’Eingriffsregelung — BauGB lors de la rédaction de leurs documents d’urbanisme[43].

Tableau 1

Caractéristiques de la compensation écologique selon la réglementation Eingriffsregelung[44], [45], [46], [47]

Caractéristiques de la compensation écologique selon la réglementation Eingriffsregelung44, 45, 46, 47

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2.2 Des exigences de compensation variables selon le niveau de protection de la biodiversité

Le droit relatif aux espèces et aux habitats protégés (Artenschutzrecht), qui fait l’objet du chapitre 5 de la loi sur la protection de la nature (BNatSchG), n’impose pas les mêmes exigences de compensation selon le niveau de protection des espèces et des habitats. Ainsi, comme nous le verrons ci-après, une partie de la biodiversité protégée se voit appliquer les dispositions prévues pour la biodiversité dite ordinaire.

Les paragraphes 39 à 43 de la loi sur la protection de la nature décrivent le niveau de protection le plus large appelé « protection générale » (Allgemeiner Artenschutz). Aucune liste d’espèces et d’habitats bénéficiant de ce niveau de protection générale n’est indiquée, car ce dernier se décline plutôt sous la forme d’une série de règles (par exemple, l’interdiction de couper les haies sauvages entre le 1er mars et le 30 septembre, ou encore l’obligation de s’assurer que les lignes électriques à moyenne tension ne présentent pas de danger d’électrocution pour les oiseaux). De manière implicite, la protection générale implique que toutes les espèces et tous les habitats bénéficient d’un certain niveau de protection, avec toutefois des règles souples pour ne pas bloquer les projets d’aménagement.

Certains habitats et espèces protégés font par ailleurs l’objet d’une démarche de non-perte nette spécifique[48]. Il s’agit des espèces listées dans l’annexe IV de la directive européenne Habitats[49], des espèces d’oiseaux européens telles que définies selon la directive européenne Oiseaux[50], des espèces listées dans le décret sur les espèces protégées[51], ainsi que d’autres espèces menacées pour lesquelles l’Allemagne a une forte responsabilité de conservation (le décret listant ces espèces n’est pas encore paru[52], mais il existe des projets de recherche pour les identifier[53]). À l’issue d’une procédure d’évaluation environnementale, appelée spezielle artenschutzrechtliche Prüfung, ces espèces font l’objet de deux types de mesures présentées ci-dessous.

Les mesures Continuous Ecological Functionality (CEF), appelées en allemand Vorgezogene Ausgleichsmaßnahmen, sont des mesures de compensation devant être effectives avant que l’impact du projet se produise, d’où le terme vorgezogen qui signifie « anticipé ». Par exemple, l’espèce dérangée par le projet d’aménagement devra avoir adopté le nouvel habitat issu de la compensation avant le début des travaux. Les mesures CEF impliquent une équivalence fonctionnelle stricte entre l’habitat dégradé et l’habitat restauré (compensation dite Ausgleich). Les mesures de compensation envisageables sont la restauration d’écosystèmes, la création d’écosystèmes, l’évolution des pratiques de gestion et la création d’habitats de substitution (nichoirs et gîtes). Les mesures CEF ne peuvent être réalisées qu’au cas par cas et doivent se situer à proximité fonctionnelle du site dégradé.

En cas d’insuffisance des mesures CEF, une demande de dérogation doit être faite, par exemple s’il n’existe aucune alternative au projet ou s’il s’agit d’un projet d’intérêt général[54]. Dans ce cas, des mesures de compensation, appelées Maßnahmen zur Sicherung des Erhaltungszustands ou mesures Favourable Conservation Status (FCS), doivent être mises en place pour garantir le maintien dans un bon état de conservation de la population des espèces concernées à l’échelle d’une région biogéographique[55].

Lorsque des espèces et des habitats protégés autres que ceux cités précédemment sont dégradés, ce sont les règles de l’Eingriffsregelung — BNatSchG qui s’appliquent en matière de compensation écologique. Ce sont donc des règles plus souples, telles que précisées dans la section précédente, qui s’appliquent. Un relâchement du critère de proximité et d’équivalence est ainsi possible.

2.3 Une utilisation des trois modes de compensation pour une prise en compte intégrale des impacts

Le système allemand exploite l’ensemble des modalités d’organisation de la compensation, à savoir : au cas par cas, par mutualisation et via un fonds. L’utilisation complémentaire de ces modes d’organisation permet de tendre, en principe, vers une compensation intégrale des biens environnementaux, paysage compris[56]. L’existence de pratiques variables entre les Länder ne permet pas d’avoir une vision claire de la modalité la plus utilisée. Néanmoins, nos échanges avec les praticiens de la compensation dans le Bade-Wurtemberg montrent que la compensation au cas par cas est majoritairement utilisée dans ce Land pour la compensation des impacts des projets d’aménagement.

2.3.1 La compensation au cas par cas

La compensation au cas par cas peut, d’une part, être mise en oeuvre pour contrebalancer les impacts sur la nature dans sa globalité (dans le cadre de l’Eingriffsregelung). D’autre part, elle est obligatoire pour les mesures CEF et FCS dont font l’objet les espèces et les habitats protégés à l’échelle européenne et certaines espèces menacées pour lesquelles l’Allemagne a une forte responsabilité de conservation (Artenschutzrecht ; voir la section 2.2).

Il n’existe pas de méthode harmonisée de dimensionnement de la compensation[57] au cas par cas en Allemagne. Pour la biodiversité protégée (Artenschutzrecht), les ratios compensatoires sont au dire des experts[58]. Les méthodes varient également pour la compensation au cas par cas réalisée dans le cadre de l’Eingriffsregelung, bien que celles définies par les Länder pour la compensation mutualisée puissent être utilisées. Comme nous le verrons dans la section 2.3.2, ces dernières convertissent les pertes et les gains écologiques en écopoints. Dans ce cas, certains Länder, comme le Bade-Wurtemberg, autorisent le placement des écopoints excédentaires générés par la compensation au cas par cas dans un Ökokonto, c’est-à-dire un système de compensation mutualisée[59].

La Fédération a porté pendant plusieurs années un projet de décret visant à harmoniser les méthodes de dimensionnement de la compensation au niveau national. Cependant, face à l’opposition des Länder, le décret[60] adopté en 2020 n’est finalement applicable qu’aux projets portés par la Fédération elle-même (par exemple, un projet de voie ferrée).

2.3.2 La compensation mutualisée

La compensation mutualisée en Allemagne prend le plus souvent la forme d’un compte (Ökokonto[61]) où sont comptabilisés des crédits d’écopoints correspondant à la valeur des biotopes restaurés par anticipation[62]. Les impacts résultant du projet d’aménagement sont convertis en une dette d’écopoints. Le porteur de projet devra ensuite honorer cette dette en achetant le nombre d’écopoints équivalent dans un Ökokonto ou en utilisant des écopoints qu’il a lui-même générés en amont du projet d’aménagement. Les gains en écopoints sont apportés par la réalisation d’actions favorables à la biodiversité (création, amélioration de biotope) mises en oeuvre par un propriétaire foncier. Ces écopoints pourront venir compenser la dette d’écopoints du porteur de projet dès lors qu’ils renvoient au même compartiment environnemental dégradé (espèces et biotopes, sol, eau, etc.). Dans le cadre d’un Ökokonto, les surfaces restaurées peuvent être de taille importante ou de petite taille, sans être nécessairement contiguës.

La compensation mutualisée est appliquée dans le cadre de l’Eingriffsregelung, c’est-à-dire la démarche de non-perte nette de bio-diversité dédiée à la biodiversité non protégée. La biodiversité protégée (notamment par les directives européennes Habitats et Oiseaux) ne peut pas faire l’objet d’une compensation mutualisée. L’Eingriffsregelung étant déclinée dans la loi sur la protection de la nature (BNatSchG) et le Code de la construction (BauGB), il en est de même pour les Ökokonten. Il existe ainsi deux types d’Ökokonten : ceux relevant de la BNatSchG (naturschutzrechtliches Ökokonto) et ceux relevant du BauGB (baurechtliches Ökokonto).

Quel que soit le type d’Ökokonto (BNatSchG ou BauGB), la compensation mutualisée doit en principe apporter des effets à long terme et faire l’objet d’un suivi et d’activités d’entretien (sans pour autant que la réglementation soit plus précise à ce sujet)[63]. En pratique, la compensation par Ökokonto est engagée pour une durée d’au moins 25 à 30 ans[64].

Dans le cadre des Ökokonten sous BNatSchG, les Länder ont la possibilité de préciser (en général par décret) les modalités pratiques de mise en oeuvre de la compensation mutualisée[65], ce qui n’est pas le cas pour les Ökokonten sous BauGB (du fait de la liberté laissée aux communes pour exercer leur compétence en matière de planification).

Dans les Länder disposant d’un décret instaurant un Ökokonto — BNatSchG, les méthodes d’évaluation des écopoints sont généralement précisées, de même pour les distances autorisées entre l’impact et le site de compensation (voir l’encadré ci-dessous)[66].

Il existe dans chaque Land une agence, appelée Flächenagentur[67], qui joue le rôle d’agent intermédiaire facilitant la mise en relation entre les propriétaires fonciers et les porteurs de projet. La Flächenagentur propose également des conseils sur le calcul des écopoints et la conception des actions de compensation. L’appui de la Flächenagentur n’est pas obligatoire, et la mise oeuvre de la compensation par Ökokonto peut se faire sans que le porteur de projet ou le propriétaire foncier fasse appel à cet agent intermédiaire.

2.3.3 Le fonds de compensation

Le dernier mode d’organisation de la compensation utilisé en Allemagne est le fonds de compensation. Celui-ci est utilisé dans le cadre des impacts paysagers, puisque ceux-ci ne peuvent pas être compensés en nature[72], et lorsque les mesures compensatoires sont jugées insuffisantes pour compenser en nature l’intégralité des impacts (Ersatzzahlung).

Dans le Bade-Wurtemberg, les porteurs de projet versent cette compensation financière à une fondation appelée « Fondation pour la protection de la nature du Bade-Wurtemberg » (Stiftung Naturschutzfonds Baden-Württemberg). Cette fondation, placée sous la présidence du ministre de l’Environnement du Bade-Wurtemberg, est une structure de droit public. Les fonds collectés servent à financer des actions favorables à la biodiversité : protection d’espèces, restauration d’habitats, mais également formations et communication sur la protection de la nature.

Les projets de restauration financés par la Fondation sont généralement portés par les collectivités territoriales. Ils sont souvent de grande ampleur et insérés dans le paysage régional, conduisant à des projets de restauration cohérents sur le plan écologique. Une proximité géographique relative est garantie entre le site compensatoire et le site dégradé par l’aménagement, car le projet de restauration est mis en oeuvre sur le territoire de l’arrondissement (Landkreis[73]) où a lieu l’impact.

Les montants gérés par la Stiftung Naturschutzfonds Baden-Württemberg varient selon les années en fonction du nombre de projets d’aménagement et du niveau d’investissement qui s’y rattache. Le fort développement de l’éolien dans le Bade-Wurtemberg a généré des montants importants versés à la Fondation étant donné les impacts paysagers induits[74]. Depuis 2017, la Fondation gère plusieurs millions d’euros par an[75], ce qui permet la réalisation de projets de restauration ambitieux.

2.4 Une compensation mutualisée rendue possible par une évolution réglementaire initiée par les praticiens

Historiquement, ce sont les Ökokonten relevant du Code de la construction qui ont vu le jour en premier au cours des années 90 pour répondre aux besoins en matière de mesures compensatoires des communes afin d’anticiper les besoins de compensation dans le cadre de l’aménagement de leur territoire[76]. Les Ökokonten relevant de la loi sur la protection de la nature se sont ensuite développés en s’inspirant largement des Ökokonten sous BauGB.

Les Ökokonten ont pu voir le jour suite à différentes modifications des lois sur la construction et de la nature survenues entre 1993 et 2010 (voir le tableau 2). Avant ces modifications, la compensation de type Ausgleich (équivalence fonctionnelle stricte et à proximité) était à réaliser en priorité quelle que soit la biodiversité impactée (protégée et non protégée). Les modifications successives de la BNatSchG et du BauGB ont conduit à l’abandon de cette priorisation de l’Ausgleich permettant ainsi une mise en oeuvre plus systématique d’une compensation de type Ersatz (équivalence relâchée). Le relâchement des exigences d’équivalence écologique et l’assouplissement du critère de proximité sont les deux raisons majeures ayant permis le développement de la compensation par Ökokonto.

Tableau 2

Évolution de la réglementation Eingriffsregelung ayant conduit à l’apparition de la compensation mutualisée[77], [78]

Évolution de la réglementation Eingriffsregelung ayant conduit à l’apparition de la compensation mutualisée77, 78

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2.5 Des interactions fortes entre le milieu agricole et la compensation

Les agriculteurs, en tant que propriétaires et gestionnaires fonciers, sont des parties prenantes de la compensation en Allemagne, et ce, à plusieurs titres. Comme dans la plupart des pays, la disponibilité de foncier pour la compensation est généralement conditionnée à celle du foncier agricole, les mesures compensatoires y étant souvent mises en oeuvre. L’utilisation des terres agricoles pour mettre en oeuvre la compensation écologique conduit à un défaut d’acceptabilité de la part des agriculteurs vis-à-vis de cette compensation[79]. Diverses initiatives ont émergé en vue d’améliorer le niveau d’acceptabilité et de faire en sorte que la profession agricole soit impliquée dans la compensation, aussi bien dans la mise en oeuvre des actions de compensation que dans le choix du foncier.

Tout d’abord, des contrats spécifiques entre agriculteurs et maîtres d’ouvrage peuvent être conclus dans certains Länder pour mettre en oeuvre des mesures compensatoires sur du foncier agricole, tout en garantissant que ce foncier reste utilisé à des fins productives[80]. C’est le cas, par exemple, en Bavière et dans le Bade-Wurtemberg. Ce type de compensation est appelé « compensation intégrée à la production » (produktionsintegrierte Kompensation ou PiK) et est en général mis en place dans le cadre de l’Eingriffsregelung. Ces contrats de compensation impliquent la rémunération, par l’aménageur, de l’agriculteur pour la mise en place de pratiques agricoles favorables à la biodiversité au titre de la compensation (allant au-delà des obligations de bonnes pratiques et d’autres subventions déjà accordées aux pratiques agroécologiques, afin de garantir l’additionnalité). Les mesures PiK n’étant pas explicitement mentionnées dans la législation et la réglementation en place (BNatSchG, NatSchG et ÖKVO), des travaux sont en cours dans le Bade-Wurtemberg pour aider à la définition de ce type de compensation[81]. La plupart des mesures PiK actuellement mises en oeuvre dans le Bade-Wurtemberg le sont pour compenser l’impact des plans d’aménagement des communes[82]. En raison de la nouveauté du dispositif PiK dans le Bade-Wurtemberg, il n’est pas encore possible de tirer des conclusions relatives à l’amélioration de l’acceptabilité de la compensation du point de vue des agriculteurs et à l’efficacité écologique du dispositif.

Par ailleurs, les vergers traditionnels (prés-vergers) font l’objet d’une attention particulière dans le sud de l’Allemagne, notamment dans le Bade-Wurtemberg, car ils ont contribué à façonner le paysage, et les habitants y sont donc fortement attachés[83]. Leur intérêt est tel que la restauration et l’entretien d’anciens vergers peuvent constituer des mesures de compensation écologique, y compris dans le cadre d’un Ökokonto sous BNatSchG ou BauGB[84].

Enfin, il peut parfois exister une relation entre les opérations de remembrement agricole (Flurbereinigung ou Flurneuordnung) et le choix de sites de compensation. Lors d’un remembrement, les agriculteurs peuvent se délester des petites parcelles isolées de leur foncier agricole (plus difficiles à exploiter, car non attenantes aux grandes parcelles). Si, à la suite du plan de remembrement (Flurbereinigungsplan), ces parcelles ne sont plus utilisées à des fins agricoles et ne sont pas destinées à être des zones à vocation naturelle[85], elles peuvent faire l’objet de mesures de compensation, par exemple dans le cadre d’un Ökokonto communal, dans le cas où elles présenteraient un potentiel d’amélioration de leur valeur écologique[86].

2.6 Une planification obligatoire de la compensation dans les documents d’urbanisme mais qui a ses limites

Pour aborder la planification de la compensation, il importe de décrire au préalable les différentes échelles de l’aménagement du territoire allemand et les documents qui leur sont associés.

L’aménagement du territoire au niveau supracommunal s’est développé en Allemagne peu avant la Première Guerre mondiale, suite à la prise de conscience des effets négatifs de l’industrialisation et de l’urbanisation sur les conditions de vie des populations[87]. Ces développements ont intégré très tôt les enjeux relatifs à la nature et au paysage dans l’aménagement[88]. Ainsi, il existe encore aujourd’hui deux types de documents de planification pour chaque échelle géographique allant du Land au quartier : un document relatif à l’aménagement du territoire en général (Raumplanung), qui contient les orientations et les règles d’aménagement, et un document spécifique de la planification du paysage (Landschaftsplanung), qui contient des orientations concernant la protection et la gestion durable de la nature et du paysage. La figure 2 permet de visualiser l’imbrication des échelles de planification et les documents d’aménagement associés. Chacun de ces documents doit respecter les orientations du document élaboré à l’échelle supérieure.

Les documents préparés à l’échelle du Land et à une échelle de planification non administrative, appelée « région » (Region), donnent les grandes orientations dans l’aménagement du territoire et fournissent un état des lieux des ressources naturelles (sol, biotopes, eau, etc.).

À une échelle plus locale, les documents d’urbanisme sont rédigés en deux temps : dans un premier temps, un document préparatoire, appelé « Plan d’utilisation du sol » (Flächennutzungsplan ou FNP), est réalisé à l’échelle de la commune ou d’un groupement de communes pour définir les usages du sol, y compris les usages naturels et les zones protégées. Dans un deuxième temps, le « Plan d’urbanisation » final (Bebauungsplan ou B-Plan) est adopté à l’échelle d’un quartier, d’un bâtiment ou d’un espace. Les FNP et les B-Pläne sont plus détaillés que les documents de planification des échelons supérieurs en ce qui concerne les règles d’usages du sol et la nature des aménagements réalisés.

Il est intéressant de noter que la rédaction du plan relatif à la nature et au paysage réalisé à l’échelle de la commune ou du groupement de communes (Landschaftsplan) fait intervenir une analyse des zones de potentiels conflits d’usage entre, d’une part, les objectifs de préservation de la nature et du paysage et, d’autre part, les objectifs d’aménagement prévus dans le FNP ou les B-Pläne existants[90]. Cependant, les dispositions des documents de planification du paysage ne sont pas toujours contraignantes, c’est-à-dire que les documents d’aménagement général ne sont pas obligés d’en tenir compte (le caractère non contraignant de ces documents est valable quelle que soit l’échelle de planification considérée ; il dépend également des Länder).

Figure 2

Échelles de planification en Allemagne et documents associés (représentation simplifiée)[89]

Échelles de planification en Allemagne et documents associés (représentation simplifiée)89

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Cette rapide description de l’organisation du territoire allemand et de son aménagement étant faite, nous pouvons aborder la planification de la compensation. Nous verrons que cette planification existe au niveau des documents d’urbanisme (voir les sections 2.6.1 et 2.6.2), mais qu’elle demeure encore imparfaite en raison de dispositifs d’exemption (voir la section 2.6.3).

2.6.1 Les principes de la planification de la compensation dans le cadre de l’aménagement urbain

Le Code de la construction impose aux communes l’anticipation de la compensation (au cas par cas et/ou par Ökokonto) pour les aménagements prévus dans leurs documents d’urbanisme. La décision sur les mesures de compensation à mettre en place se prend au cours de l’évaluation environnementale (Umweltprüfung), à l’occasion d’un processus de mise en balance (Abwägung) des intérêts publics et privés qui prend également en compte les intérêts qui ont trait à la protection de la nature et du paysage[91]. La commune a plusieurs options pour prévoir la compensation liée à ses documents d’urbanisme[92] : elle peut identifier des surfaces destinées à la compensation (et décrire la nature des mesures à mettre en place), mais également contractualiser la mise en oeuvre de la compensation avec l’acteur privé qui porte le projet d’aménagement[93], ou encore prévoir de réaliser la compensation sur son propre foncier.

Ainsi, lors de la réalisation de son document d’urbanisme préparatoire (FNP), la commune peut identifier des surfaces qui pourront servir pour de la compensation[94], par exemple en se basant sur les préconisations faites dans le Landschaftsplan. Les surfaces peuvent dès la rédaction du FNP être allouées à un impact[95], mais la commune n’y est pas obligée, ce qui lui laisse plus de liberté pour l’étape finale de la planification[96].

Les mesures de compensation du document d’urbanisme final (B-Plan) peuvent se trouver dans le même B-Plan ou dans un autre B-Plan[97]. En cas d’identification des surfaces compensatoires dans le FNP, une compatibilité entre celles prévues par le B-Plan et celles du FNP est requise[98].

À noter que ces dispositions impliquent des exigences relâchées par rapport à la proximité géographique entre l’impact et la compensation, qu’elles permettent la mise en oeuvre de mesures de compensation anticipées (Ökokonto) et que les critères d’équivalence fonctionnelle sont relâchés (pas de différence entre la compensation Ausgleich et Ersatz). C’est la commune qui porte la responsabilité de réaliser la démarche de non-perte nette de biodiversité et de prévoir la compensation quand elle est nécessaire[99]. En revanche, la mise en oeuvre et le suivi de la compensation, ainsi que leur financement, sont du ressort du porteur de projet[100].

2.6.2 L’exemple de la ville de Pforzheim

Pour illustrer notre propos, nous avons choisi d’étudier l’anticipation de la compensation par un groupement composé de quatre communes dans le Bade-Wurtemberg. En effet, dans ce Land, certaines communes se sont regroupées en une association de droit public, appelée « association de voisinage » (Nachbarschaftsverband)[101]. Au sein de cette association, les communes se concertent sur les usages du sol afin de rédiger conjointement le document d’urbanisme préparatoire (FNP) à l’échelle du groupement de communes. Notre exemple concerne le Nachbarschaftsverband de Pforzheim qui inclut, outre la ville de Pforzheim, les communes de Birkenfeld, d’Ispringen et de Niefern-Öschelbronn.

2.6.2.1 La planification à l’échelle du groupement de communes

Le FNP[102], c’est-à-dire le plan préparatoire d’utilisation du sol à l’échelle du groupement de communes, reprend les dispositions indiquées dans le plan dédié au paysage et à la nature (Landschaftsplan) pour, d’une part, éviter les aménagements sur les zones à haute valeur écologique et, d’autre part, identifier et cartographier les surfaces de compensation. Ces dernières sont présentées ci-après.

Le Landschaftsplan[103] de Pforzheim identifie et cartographie des zones de recherche de surfaces de compensation qui présentent le meilleur potentiel d’amélioration de valeur écologique. Les biotopes de haute qualité écologique sont donc considérés comme moins appropriés puisque présentant un potentiel d’amélioration faible. Le Landschaftsplan préconise le recours à ces zones pour réaliser la compensation sans que cela soit toutefois une obligation puisqu’il spécifie qu’il est possible de rechercher des surfaces compensatoires en dehors de ces sites à haute valeur potentielle.

Le Landschaftsplan contient une analyse des conflits d’usage du foncier (Konfliktanalyse) sur le territoire du groupement des quatre communes, qui inclut les étapes suivantes : une estimation des surfaces qui feront l’objet d’un aménagement sur la base des documents d’urbanisme existants (FNP et B-Pläne), une estimation des besoins de compensation (surfaces et types de biotopes concernés) et une identification des biotopes et des paysages protégés par la loi[104] sur le territoire.

L’impact des aménagements sur les espaces naturels et le paysage est estimé en multipliant chaque surface à aménager par un coefficient maximal de surface constructible (Grundflächenzahl)[105] qui varie en fonction du type d’aménagement. Ainsi, ce coefficient est de 80 % pour les zones commerciales, de 60 % pour les zones résidentielles et de 20 % pour les jardins familiaux.

On alloue ensuite à chaque impact une note entre 1 et 3, qui correspond au niveau de conflit anticipé entre l’aménagement et les intérêts de la protection de la nature et du paysage. Cette note dépend de l’état initial du site en ce qui concerne différents « biens » à préserver (paysage, biotopes, usages récréatifs, eau, climat, sol), ainsi que de la présence de biotopes et de paysages protégés[106]. La note 1 est attribuée aux impacts faisant l’objet d’un niveau de conflit faible à moyen ; les notes 2 et 3, à ceux présentant un niveau de conflit respectivement fort et très fort. Le Landschaftsplan déconseille de prévoir des aménagements sur toutes les surfaces associées à un niveau de conflit 3.

Le besoin de surfaces compensatoires est calculé en multipliant la surface maximale constructible de l’aménagement par le niveau de conflit. Ainsi, un aménagement associé à un niveau de conflit 1 nécessite une surface de compensation égale à la surface maximale constructible, tandis qu’un aménagement associé à un niveau de conflit 3 nécessite une surface de compensation égale à trois fois la surface maximale constructible[107].

Ainsi, le Landschaftsplan de Pforzheim calcule un besoin total de compensation égal à 577 hectares et cartographie 678 hectares qui pourraient servir à couvrir ce besoin (les zones de recherche de surfaces de compensation mentionnées plus haut).

Selon le Landschaftsplan, la littérature recommande d’identifier des surfaces de compensation égales au moins au double des surfaces dégradées par les futurs aménagements, ce qui est bien le cas puisque les impacts sont estimés à 262 hectares.

Plusieurs arguments sont avancés pour justifier le fait que la surface des zones identifiées pour la compensation soit beaucoup plus importante que la surface des impacts. D’une part, conserver une marge de manoeuvre pour choisir la localisation de la compensation est nécessaire puisque les aménagements pris en compte ne sont que des prévisions qui peuvent évoluer. D’autre part, il n’y a pas de garantie que le foncier identifié soit effectivement disponible pour de la compensation, car le Landschaftsplan n’est pas réalisé à l’échelle de la parcelle et ne prend pas en compte le régime de propriété du foncier : prévoir une zone de recherche de surfaces de compensation importante peut donc pallier la difficulté liée au refus de certains propriétaires privés ne souhaitant pas utiliser leur foncier aux fins de compensation. Par ailleurs, toutes les parcelles incluses dans les zones de recherche de surfaces de compensation ne se prêtent pas à la compensation, car certaines peuvent déjà faire l’objet de mesures de compensation de B-Pläne existants, ou bien ne pas présenter un potentiel d’amélioration écologique suffisant. Enfin, le groupement de communes de Pforzheim estime qu’un « surdimensionnement » des surfaces permet de limiter la hausse des prix du foncier de compensation dans un contexte où la demande de compensation est en hausse : l’augmentation de l’offre en surfaces de compensation évite que le prix soit fixé par une poignée de propriétaires qui pourraient profiter de cette situation. Conscientes de la pression foncière exercée sur les surfaces agricoles, les communes précisent dans le Landschaftsplan que la mise en oeuvre de la compensation devra se faire, dans la mesure du possible, en conciliation avec la production agricole (gestion extensive des prairies, plantation de bandes fleuries, etc.).

2.6.2.2 La planification à l’échelle d’un aménagement

Comme nous l’avons indiqué précédemment, le FNP est un document d’urbanisme préparatoire. Les aménagements effectivement réalisés sont précisés dans les différents B-Pläne, établis à une échelle plus fine. Nous présentons ci-après un exemple de B-Plan adopté en 2007, élaboré pour la construction d’une usine de production de granulés de bois couplée à une installation de méthanisation[108].

Une entreprise s’est adressée à la Ville de Pforzheim pour obtenir de l’aide sur la recherche d’un site approprié pour la construction de cette usine. Le projet a reçu le soutien de la Ville de Pforzheim, qui a entamé la procédure d’adoption du B-Plan couvrant une surface de 2,1 hectares. Le site, consistant en des terres agricoles en friche, se situe à proximité d’une décharge. Il est identifié dans le plan régional (Regionalplan) comme faisant partie d’un corridor écologique (Grünzug). Dans le FNP et le Landschaftsplan, il est identifié comme surface agricole et est inclus dans les zones de recherche de surfaces de compensation. De ce fait, la Ville a demandé à l’Administration (Regierungspräsidium) l’autorisation (Zielabweichungsverfahren) de mener le projet d’aménagement malgré le classement comme corridor écologique dans le Regionalplan, autorisation qui a été accordée. En parallèle, elle a engagé la modification du FNP pour y faire apparaître le nouvel aménagement.

Le foncier appartenant à la Ville de Pforzheim, son acquisition par l’entreprise pour la réalisation du projet a été nécessaire. Le projet est attenant à un biotope protégé selon la loi sur la protection de la nature du Land (NatSchG), à savoir une haie bocagère présentant une grande biodiversité. L’évaluation environnementale (Umweltbericht) du B-Plan a conclu à un besoin de compensation sur le site du B-Plan lui-même, sur une surface de 0,2 hectare (surface de la construction : 1,6 hectare)[109]. La mesure compensatoire prévue est la plantation d’arbres et d’arbustes pour compenser à la fois les impacts sur les espèces et les biotopes, et les impacts paysagers. La plantation d’espèces ligneuses permettra en effet de créer un écran visuel et de compenser les impacts indirects de l’aménagement sur le biotope attenant. Les impacts écologiques du projet et les gains apportés par la mesure compensatoire ont été convertis en points par mètre carré grâce à la méthode utilisée pour les biotopes par la Ville de Stuttgart. Le coût de la compensation et de l’acquisition du terrain pour la compensation a été estimé à 67 000 euros.

2.6.2.3 La démarche de non-perte nette de biodiversité appliquée à l’échelle d’un nouveau quartier

Nous présentons ci-après une démarche complète de non-perte nette de biodiversité (mesures d’évitement, de réduction et de compensation) appliquée à l’aménagement d’un nouveau quartier.

Le plan d’urbanisation (B-Plan) du quartier Hegenach/Südoststadt[110], adopté en 2005, prévoyait l’urbanisation d’une zone de 18,24 hectares (dont 3,8 hectares de terrains communaux) pour y construire des maisons individuelles et des maisons jumelées. La Ville de Pforzheim justifiait ce choix par un argument économique, à savoir contrer la tendance observée selon laquelle les familles aisées quittaient la ville pour trouver des terrains constructibles ailleurs.

L’évaluation environnementale[111] du projet de construction faisait un état des lieux des composantes environnementales concernées par le projet et listait les mesures d’évitement, de réduction et de compensation à prévoir (voir le tableau 3). Celles-ci ont été reprises dans la version adoptée du plan d’urbanisation.

Tableau 3

Impacts du plan d’urbanisation et mesures d’évitement, de réduction et de compensation sur la zone de l’aménagement

Impacts du plan d’urbanisation et mesures d’évitement, de réduction et de compensation sur la zone de l’aménagement

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Afin de calculer le besoin en compensation externe à la zone d’aménagement, la valeur des biotopes, de la faune et de la flore avant et après aménagement a été convertie en écopoints. La méthode de la Ville de Stuttgart est citée, mais le calcul n’est pas détaillé. La surface des impacts prise en compte est seulement de 14,2 hectares, car le quartier comprend des parcelles qui étaient déjà construites ou classées en zone constructible (selon l’article 1a du Code de la construction, la compensation pour ces zones n’est pas obligatoire).

Trois surfaces de compensation sont identifiées (6,22 hectares) en-dehors du territoire du B-Plan. Elles font partie des parcelles pré-identifiées aux fins de compensation dans le document de planification du paysage de Pforzheim (Landschaftsplan). Elles se situent à une distance de 1 à 3,5 kilomètres de l’aménagement. On remarque que seule une des trois mesures de compensation concerne les mêmes habitats que ceux qui ont été dégradés (vergers et prairies). Le coût des mesures de compensation, acquisition du foncier inclus, est estimé à 470 000 euros par la Ville.

Il résulte du bilan entre état initial et final un déficit de 65 479 écopoints (voir le tableau 4). Les impacts sont cependant considérés comme entièrement compensés, car le document précise que la méthode faune-flore-biotope de la Ville de Stuttgart ne permet pas de comptabiliser l’impact positif des actions concernant les biotopes sur d’autres composantes environnementales comme le sol et l’eau, et que les mesures d’évitement, de réduction et de compensation sont conduites sur toute la superficie de la zone d’aménagement et non pas seulement sur les 14,12 hectares impactés.

Tableau 4

Bilan des impacts du plan d’urbanisation sur la faune, la flore et les biotopes

Bilan des impacts du plan d’urbanisation sur la faune, la flore et les biotopes

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Cet exemple illustre plusieurs limites de la mise en oeuvre de la démarche de non-perte nette de biodiversité par les communes. Tout d’abord, la méthode de dimensionnement de la compensation n’est pas détaillée, et le bilan écologique global du projet est considéré comme positif sans réelle argumentation chiffrée. Ensuite, aucune mesure compensatoire CEF n’a été prévue pour compenser les impacts sur les habitats d’espèces protégées (pie-grièche écorcheur, torcol fourmilier, etc.). Nous formulons deux hypothèses quant à cette absence : l’ancienneté de l’exemple (auquel ne s’appliqueraient pas les dernières évolutions législatives) ou le résultat d’une approximation à l’image de l’argumentation produite pour justifier le bilan déficitaire en ce qui concerne les écopoints. Enfin, une des surfaces de compensation extérieure à la zone d’aménagement est déjà identifiée dans un autre B-Plan comme surface destinée à « la protection, à l’entretien et au développement du paysage ». L’additionnalité pourrait donc ne pas être totale.

L’exemple proposé ici suscite en outre plusieurs commentaires sur le processus d’évaluation, de mise en oeuvre et du suivi de la compensation. Il semble que l’évaluation environnementale du B-Plan et la planification des mesures de compensation ait été conduite par le service de la Ville lui-même, aucun bureau d’études n’étant cité. Un contrôle par l’Administration avant l’adoption du B-Plan est prévu par le Code de la construction[112], mais cette dernière n’a en général que 30 jours pour prendre position. La réalisation effective de certaines mesures de réduction et de compensation est par ailleurs incertaine, par exemple pour les mesures tributaires de la forme du bâti (végétalisation sur toitures plates ou peu pentues), qui n’est pas connue au moment de l’adoption du B-Plan. Une autre faiblesse du processus de mise en oeuvre de la compensation porte sur le statut de propriété des surfaces compensatoires extérieures à l’aménagement. Ce dernier n’est pas clairement explicité dans le B-Plan et le document ne contient aucune annexe visant à expliquer comment le foncier sera sécurisé. Il semble que la commune ait estimé le coût de son achat, au moins pour certaines d’entre elles mais sans plus de détail. Une incertitude est enfin à noter sur l’entretien de la compensation et sa durée, le B-Plan ne précisant pas si le coût estimé de la compensation comprend l’entretien des mesures, et si oui pour combien de temps.

2.6.3 Les limites de la mise en oeuvre de la compensation dans le cadre de l’aménagement urbain

L’anticipation, imposée par le Code allemand de la construction (BauGB), des mesures compensatoires associées aux aménagements prévus par les documents d’urbanisme, est une réelle avancée par rapport aux législations d’autres États européens. Le cadre réglementaire français prévoit, par exemple, la réalisation d’une étude d’impact lors de l’élaboration du plan local d’urbanisme, mais ne contraint pas les municipalités à prévoir les surfaces compensatoires associées à l’aménagement de leur territoire[113]. Malgré le caractère novateur du Code allemand de la construction, des limites ont néanmoins été évoquées par différentes parties prenantes de la compensation et de l’aménagement du territoire en ce qui concerne les pratiques de la compensation par les communes.

Un premier point d’achoppement concerne une procédure accélérée (beschleunigtes Verfahren) du Code de la construction permettant la réalisation d’aménagements sans qu’aucune évaluation environnementale soit mise en oeuvre. Autorisée par le paragraphe 13a du BauGB, elle exonère de l’Eingriffsregelung certains plans d’urbanisation (B-Pläne) situés dans le coeur urbain des communes (dans le cadre d’un renouvellement de B-Plan, ou bien pour établir un nouveau B-Plan dans une zone qui n’en faisait pas encore l’objet, mais qui se trouve entourée de zones déjà urbanisées). Cette exonération est totale pour les B-Pläne dont l’emprise au sol est inférieure à 20 000 mètres carrés, tandis qu’elle est accordée à l’issue d’un examen préliminaire sommaire destiné à exclure des impacts environnementaux importants pour les B-Pläne dont l’emprise au sol est comprise entre 20 000 et 70 000 mètres carrés[114]. Dans l’article ajouté en 2017 au BauGB, cette exonération a été étendue aux nouveaux B-Pläne d’une emprise au sol de moins de 10 000 mètres carrés directement attenants aux zones déjà urbanisées, afin de résoudre le problème du déficit de logements auquel sont confrontées notamment les grandes villes et les villes universitaires. Selon l’article 13b, seuls les B-Pläne dont la réalisation a été engagée formellement avant le 31 décembre 2022 sont concernés par cette exonération, mais la prolongation du paragraphe 13b (qui a déjà eu lieu une fois), voire sa pérennisation, font l’objet de vives critiques. De fait, ces dispositions n’ont pas eu les effets escomptés pour réduire la tension sur le marché du logement dans les villes concernées par ce phénomène et s’opposent aux objectifs des politiques publiques de protection de la nature et du paysage. Sur la base d’une analyse de 250 B-Pläne de 242 communes, un rapport publié en 2020 par l’Office fédéral de l’environnement[115] a démontré que le paragraphe 13b est surtout utilisé dans les petites communes rurales pour la construction de maisons individuelles. Ces communes ayant généralement des moyens humains, financiers et techniques limités, les dispositions du paragraphe 13b leur permettent de mettre en place une procédure administrative plus simple et moins coûteuse. Du point de vue des conséquences environnementales, le recours au paragraphe 13b a augmenté la consommation des terres et facilité l’artificialisation de terres agricoles et naturelles situées en zone péri-urbaine. C’est pourquoi les associations environnementales (le Naturschutzbund Deutschland e. V. (NABU) par exemple) ou les professionnels de l’aménagement (architectes paysagistes via le Bund Deutscher Landschaftsarchitekten) militent contre la pérennisation du paragraphe 13b dans le Code de la construction au motif que celui-ci contribue à l’érosion de la biodiversité et évince les citoyens du processus de participation. Ainsi, en dépit du fait que l’Allemagne requiert l’anticipation des mesures de compensation associées aux documents d’urbanisme, le recours par les communes au paragraphe 13b du Code de la construction vient limiter la mise en oeuvre de la compensation.

La seconde limite à la mise en oeuvre de la compensation dans le cadre des aménagements urbains est liée à la faiblesse des contrepoids existants pour encadrer la marge de manoeuvre importante dont disposent les communes dans leur choix d’aménagement (kommunale Planungshoheit). Dans le cadre de la mise en balance des intérêts publics et privés qui prévalent en matière d’aménagement (Abwägung der Belange), les communes ne sont pas tenues de toujours prioriser les intérêts environnementaux devant d’autres intérêts économiques et sociaux lors de l’adoption des documents d’urbanisme finaux (B-Pläne). C’est ce que l’on constate pour les exemples des B-Plan de Pforzheim[116] : dans le premier exemple, l’aménagement a été autorisé sur une surface qui avait été identifiée dans le FNP comme foncier de réserve pour la compensation. Dans le deuxième exemple, le bilan écologique du projet est considéré comme positif sans réelle argumentation chiffrée. Par ailleurs, le contrôle des pratiques des communes en matière de compensation est peu efficace. Les mesures compensatoires prévues par les B-Pläne sont vérifiées par une autorité administrative environnementale (untere Naturschutzbehörde), mais il y a ensuite peu de contrôles effectués par l’Administration en ce qui concerne la bonne mise en oeuvre de la compensation et son efficacité[117]. L’action des associations de défense de l’environnement est ensuite limitée par le fait qu’elles ne peuvent aller en justice que lorsque la législation européenne est violée. Les coûts élevés des frais de justice sont par ailleurs dissuasifs et poussent les associations environnementales à ne saisir la justice que lorsqu’elles sont certaines de gagner[118]. Enfin, la mise en oeuvre de la compensation se heurte à la difficulté de sécuriser juridiquement à long terme le foncier privé et la contractualisation de l’entretien de la mesure de compensation, et ce, malgré l’existence de l’outil des Ökokonten. Par exemple, l’inscription de mesures de compensation dans le cadastre[119] contribue fortement au déclin de l’acceptabilité des agriculteurs pour mettre en place la compensation[120].

L’autonomie importante laissée aux communes dans la planification de leur aménagement et les exemptions d’évaluation environnementale permises par le Code de la construction conduisent certaines parties prenantes à penser qu’une bonne mise en oeuvre de la compensation par les communes découlerait avant tout de la volonté politique des élus[121].

Nous venons de voir que les communes ont, en règle générale, l’obligation d’anticiper la compensation écologique associée aux aménagements prévus dans le cadre des FNP (« plans d’utilisation du sol ») et des B-Pläne (« plans d’urbanisation »). Cette planification de la compensation n’est toutefois pas complètement aboutie puisque la planification communale ne s’harmonise pas toujours bien avec les documents adoptés à une échelle supracommunale (régions, Länder).

2.7 Une planification de la compensation absente des documents régionaux d’aménagement

Au vu du rôle important joué par les plans dédiés au paysage et à la nature (Landschaftspläne) dans l’anticipation des besoins de compensation à l’échelle des communes, nous pourrions nous attendre à un rôle similaire joué par les plans réalisés à l’échelle de la région (Landschaftsrahmenplan) et du Land (Landschaftsprogramm). L’objectif de ces documents est de faire un état des lieux des biens environnementaux à protéger : biotopes, faune, flore, sol, eaux souterraines et de surface, climat et paysage[122]. Les corridors écologiques identifiés dans ces documents sont donc à considérer comme des zones prioritaires pour la compensation dans les documents généraux d’aménagement et les documents d’urbanisme[123]. Cependant, l’exercice d’identification des besoins et des surfaces de compensation, tel que pratiqué à l’échelle des communes, n’est généralement pas fait pour les niveaux supérieurs de la planification[124], aussi bien dans le document relatif à la nature et au paysage que dans le document d’aménagement général. Cela tient d’abord au fait que ces documents sont destinés à définir les grandes orientations de l’occupation du territoire (surfaces préférentielles pour le développement de l’éolien, corridors écologiques, etc.), mais que le détail des aménagements n’est pas connu au moment de leur adoption. En outre, l’échelle de réalisation du document au niveau du Land n’est pas suffisamment précise. On remarque ensuite que ces documents n’ont pas toujours de valeur prescriptive forte, comme l’a montré l’exemple du B-Plan de Pforzheim analysé plus haut (voir la section 2.6.2) : la Ville a reçu l’autorisation des autorités pour construire sur un terrain identifié comme faisant partie d’un corridor écologique dans le Regionalplan.

Il est également intéressant de remarquer qu’en dépit des attentes soulevées[125] par l’apparition, dans les années 2000, des Ökokonten régionaux (cadre de la BNatSchG) et des intermédiaires de compensation mutualisée (Flächenagenturen), ces derniers ne contribuent généralement pas à une planification régionale de la compensation, se contentant d’assurer la mise en relation d’un aménageur et d’un porteur de projet de compensation anticipée.

Des initiatives de planification régionale de la compensation émergent néanmoins. C’est le cas, par exemple, du projet de recherche RAMONA, dont l’objectif est de repenser les stratégies de compensation à l’échelle de la région de Stuttgart pour aboutir à un équilibre entre aménagement, protection des sols, conservation de la nature et maintien de l’agriculture. La région (Region) de Stuttgart étant très densément peuplée, il est difficile de trouver du foncier disponible pour la mise en oeuvre de la compensation écologique, ce qui conduit à d’importants retards pour les constructions dont les impacts requièrent des surfaces compensatoires importantes. À partir de scénarios, les partenaires du projet (chercheurs, association environnementale, syndicat de région, municipalités, intermédiaire de compensation mutualisée) souhaitent développer des approches de planification de la compensation permettant de concilier différents objectifs : aménagement du territoire, protection des sols, conservation de la nature et du paysage, et maintien de l’agriculture[126].

Nous pouvons également citer l’exemple de la région de Bodensee-Oberschwaben, qui a lancé en 2009 un projet de coopération régionale entre communes pour la recherche de surfaces compensatoires[127]. Le projet a abouti à la création en 2014 d’une société dédiée (ReKo GmbH) qui rassemble le syndicat de la région (Regionalverband), les 3 arrondissements de la région et 52 communes (sur les 87 que compte la région). Depuis 2018, la société est dotée d’un capital d’environ 3 millions d’euros destiné à l’achat d’écopoints issus de mesures Ökokonto. Elle utilise également un système harmonisé de calcul des gains et des pertes écologiques et paysagères en écopoints[128]. Depuis la création de la société, toutes les communes ont pu satisfaire leurs besoins de compensation par l’achat d’écopoints, et le prix des écopoints dans la région a chuté de 30 % (le prix des écopoints étant négocié). En outre, la société encourage les communes à acheter des écopoints pour des mesures de compensation situées dans les corridors écologiques visés dans le Regionalplan.

Bien que l’échelle régionale s’avère pertinente pour planifier les étapes d’évitement (évitement des zones à enjeux) et de compensation (identification de zones à restaurer pour reconstituer les corridors écologiques), elle reste trop peu prescriptive et peu précise pour avoir un impact de grande ampleur sur les décisions d’aménagement des échelles inférieures. Ainsi, l’échelle des documents d’urbanisme reste aujourd’hui la seule où la démarche de non-perte nette de biodiversité est anticipée à l’échelle d’un territoire, et il n’est pas facile de faire en sorte que cette démarche s’intègre dans un cadre régional cohérent.

Conclusion

L’Allemagne a une expérience de la compensation relativement ancienne puisque cette dernière est introduite dès 1976 à travers la démarche de non-perte nette de biodiversité de la loi fédérale sur la protection de la nature (BNatSchG). Dans notre article, nous avons tout d’abord souligné les principales caractéristiques du système allemand de la compensation, ce dernier étant encore largement méconnu, car peu étudié dans la littérature internationale. D’abord, ce système a la particularité de s’appliquer à la biodiversité dans sa globalité via une démarche de non-perte nette spécifique de la biodiversité protégée (dans le cadre de l’Artenschutzrecht) et une seconde spécifique de la biodiversité non protégée (appelée Eingriffsregelung). Il autorise ensuite des exigences de compensation variables selon le niveau de protection des espèces et des habitats, ce qui est la preuve d’une forme de pragmatisme du législateur pour ne pas trop bloquer l’aménagement du territoire. Les trois modes d’organisation de la compensation (au cas par cas, par mutualisation et via un fonds) sont par ailleurs utilisés et parfois combinés pour tendre vers une compensation intégrale des impacts. Les liens forts entre l’agriculture et la compensation sont une autre caractéristique du système allemand de la compensation. Un défaut d’acceptabilité des agriculteurs vis-à-vis de la compensation accentue néanmoins les difficultés d’accès au foncier sur un territoire allemand déjà fortement urbanisé et dense. Pour renforcer cette acceptabilité et mieux impliquer les agriculteurs, des mécanismes de compensation écologique intégrée à la production agricole (PiK) ont été mis en place dans certains Länder, dont le Bade-Wurtemberg. Enfin, l’anticipation de la compensation dans les documents d’urbanisme est une autre spécificité du système allemand. Les communes ont la responsabilité de réaliser la démarche de non-perte nette de biodiversité pour les aménagements prévus par le plan préparatoire d’utilisation du sol (Flächennutzungsplan) et le plan d’urbanisation final (Bebauungsplan). Elles ont également la responsabilité de prévoir la compensation si elle s’avère nécessaire. Ainsi, si le porteur de projet ne fait pas la compensation sur son propre foncier, les communes doivent identifier les surfaces destinées à la compensation et organiser sa mise en oeuvre, le financement de la compensation restant du ressort du porteur de projet. Il y a donc une approche et une gestion homogènes de la compensation à l’échelle de la commune étant donné que ce sont les municipalités qui se préoccupent de la mise en oeuvre de la démarche de non-perte nette de biodiversité sur leur territoire. De façon plus générale, on constate que les communes dotées d’un document de planification du paysage (Landschaftsplan) présentent en moyenne une plus grande proportion d’espaces naturels, une plus grande densité d’écotones boisés et une meilleure préservation des prairies par rapport aux communes qui n’en sont pas dotées[129].

Au-delà d’une simple description, nous avons souhaité mettre en avant les facteurs expliquant le système actuel de la compensation en Allemagne. Il est le résultat de plusieurs vagues de modifications du cadre législatif fédéral impulsées très tôt par l’État allemand, dès les années 90. Cette évolution législative s’est opérée sous l’impulsion des communes qui avaient de grandes difficultés à trouver du foncier pour réaliser les mesures compensatoires associées à leur développement urbain. L’évolution du cadre législatif fédéral a eu deux grandes conséquences. La première est l’anticipation de la compensation dans les documents d’urbanisme des communes, mentionnée au paragraphe précédent. La seconde est l’apparition de la compensation mutualisée (Ökokonto) comme modalité supplémentaire de mise en oeuvre de la compensation pour des impacts sur la biodiversité non protégée (Eingriffsregelung). La suppression de la préférence de l’Administration allemande pour une compensation de type Ausgleich, c’est-à-dire une compensation requérant une équivalence écologique fonctionnelle stricte, et le relâchement du critère de proximité entre le site dégradé et le site compensatoire ont permis le développement des Ökokonten. En effet, le relâchement des contraintes d’équivalence stricte a permis une substitution entre les biens naturels dégradés et compensés (un biotope dégradé pouvant être compensé par un biotope de nature différente). Cette substituabilité a été rendue possible par l’élaboration de méthodes au niveau des Länder qui convertissent les pertes (liées à l’aménagement) et les gains (issus de la compensation) en écopoints. Une équivalence en écopoints est ainsi obtenue, et non plus une équivalence écologique. De plus, le relâchement du critère de proximité pour la réalisation de la compensation a permis un échange des écopoints dans des régions dites naturelles pouvant présenter une superficie importante. Les échanges d’écopoints entre le porteur de projet et celui qui réalise la mesure compensatoire s’en trouvent ainsi facilités. Du fait de la flexibilité qui prévaut pour la mise en oeuvre de la compensation réalisée dans le cadre de l’Eingriffsregelung, cette dernière est la seule qui peut faire l’objet d’une planification de la compensation à l’échelle d’un territoire (contrairement à la compensation réalisée dans le cadre de l’Artenschutzrecht).

Nous avons ensuite cherché d’éventuels décalages entre la pratique et les obligations législatives en matière de compensation. Les entretiens réalisés avec les acteurs de la compensation du Land du Bade-Wurtemberg laissent entrevoir qu’il n’y a pas de véritable décalage entre le cadre législatif et sa mise en oeuvre. En revanche, les mesures de flexibilité ou d’exemption inscrites dans la loi engendrent des pratiques discutables du point de vue des acteurs interrogés. On peut citer, par exemple, la procédure accélérée du Code de la construction (BauGB) autorisant jusqu’à la fin de l’année 2022 l’élaboration de nouveaux plans d’urbanisation (B-Pläne) pour aménager des zones périurbaines sans étude d’impact et donc sans mise en oeuvre de la démarche de non-perte nette de biodiversité. Initialement proposée pour accélérer la construction de logements dans les zones urbaines en tension immobilière, cette procédure a plutôt conduit à la construction de résidences individuelles dans des communes rurales et à faciliter l’artificialisation des terres agricoles et naturelles[130]. Par ailleurs, la souveraineté laissée aux communes en matière de planification (Kommunale Planungshoheit) est souvent mise en avant par les parties prenantes de la compensation, notamment par les associations environnementales, comme un facteur limitant la mise en oeuvre des mesures compensatoires. Ainsi, toutes les communes n’auraient pas le même niveau d’engagement dans l’anticipation et la mise en oeuvre des mesures compensatoires, engagement qui dépendrait de la volonté politique des élus en place. Enfin, il nous semble important de souligner la marge d’amélioration possible dans la planification de la compensation. Cette dernière n’est pas complètement aboutie puisque la planification communale ne s’articule pas toujours bien avec les documents adoptés à une échelle supracommunale (régions, Länder). Un des freins à la mise en place d’une compensation régionale est sans aucun doute le jeu d’acteurs complexe sous-jacent aux questions d’aménagement et de compensation. Une planification régionale de la compensation suppose la coopération de nombreux acteurs du territoire (collectivités et agriculteurs notamment) qui ne disposent pas forcément d’instances officielles pour travailler de concert sur ces questions.

Enfin, nous nous sommes interrogées sur la contribution du système allemand de la compensation à l’arrêt de l’érosion de la biodiversité. Plusieurs études conduites ces dernières années sur la compensation pratiquée par les communes montrent qu’aussi bien sa mise en place sur le terrain que son efficacité écologique sont encore perfectibles. L’analyse de 88 surfaces compensatoires dans des communes bavaroises a montré que seulement un quart des mesures ont été mises en place de façon satisfaisante d’un point de vue écologique, et que 44 % des mesures n’ont pas été déployées du tout[131]. Une autre analyse conduite sur 26 mesures compensatoires communales du Bade-Wurtemberg indique que le taux de réalisation des mesures est d’environ 70 % (les mesures Ökokonto ayant été mieux mises en place que les mesures au cas par cas)[132]. Par ailleurs, la qualité de la compensation ne dépend pas uniquement de sa mise en oeuvre, mais également de son bon dimensionnement lors de la phase de planification. La très grande majorité des personnes que nous avons rencontrées souligne que la qualité et l’efficacité de la compensation sont corrélées avec la qualité du travail fourni par les bureaux d’études qui appuient les porteurs de projet dans la réalisation de l’étude d’impact (méthode de dimensionnement utilisée, puisque le choix de la méthode et/ou son application sont souvent laissés à l’appréciation du bureau d’études ou du service de l’environnement de la commune, adéquation de la mesure au terrain où elle est mise en place). Une compensation efficace et de qualité dépend également du niveau de contrôle de la part de l’Administration. Faute de moyens humains et financiers, les contrôles sont aujourd’hui insuffisants dans le Bade-Wurtemberg, ce qui laisse penser que l’efficacité écologique de la compensation est en deçà des attentes. Les praticiens[133] de la compensation du Bade-Wurtemberg émettent en outre quelques critiques vis-à-vis de la compensation mutualisée. Une d’entre elles concerne la taille des zones d’échange des écopoints pour des motifs de justice environnementale. Plusieurs zones de transaction sont en effet de grande taille, comme la zone de la vallée du Rhin qui s’étend sur environ 200 kilomètres. Ainsi, les populations humaines vivant à proximité des zones d’impact, généralement dans des zones urbanisées, ne pourront pas nécessairement bénéficier de la restauration effectuée dans le cadre de la compensation, souvent réalisées dans des espaces peu urbanisés. C’est pourquoi les personnes que nous avons rencontrées ont insisté sur la nécessité de mettre en place des mesures compensatoires sur de petites surfaces, importantes pour le maillage des réseaux écologiques, et à proximité des sites urbains dégradés. Un autre désavantage du système de compensation mutualisée est le relâchement de l’équivalence écologique, voire la possibilité de compenser des impacts sur un compartiment de la biodiversité par des actions sur un autre compartiment (par exemple : compensation d’un impact sur le sol par une action sur les habitats). La dissymétrie entre impact et compensation est particulièrement marquée pour un type de mesures appelées « ponctuelles » (mesures dont il n’est pas possible de définir la surface d’influence exacte), pour lesquelles le nombre d’écopoints est fonction du coût de la mesure[134]. Beaucoup d’acteurs estiment que l’efficacité écologique de ces mesures est ainsi surestimée, et une évaluation indépendante du décret Ökokonto a formulé la recommandation de mieux réglementer le recours à cette catégorie de mesures[135]. Enfin, un représentant d’une commune du Bade-Wurtemberg a attiré notre attention sur une dérive observée suite à l’apparition de l’Ökokonto. Les actions de restauration ne seraient plus réalisées pour elles-mêmes, mais dans la seule optique d’une compensation d’impacts, ce qui ne permettrait pas une amélioration globale de la biodiversité. Malgré ces critiques, la compensation mutualisée dans le Bade-Wurtemberg a contribué à une mise en oeuvre plus systématique de la compensation, et elle fait l’objet d’un bon niveau d’acceptabilité tant de la part des associations de défense de l’environnement que des acteurs publics, académiques et privés.

Lexique

Artenschutzrecht (« Droit de la protection des espèces »)

Droit allemand visant à protéger les espèces animales et végétales et leurs habitats

Ausgleich (« Compensation »)

Action de compensation aboutissant à une équivalence fonctionnelle stricte : restauration à l’identique des fonctions de l’habitat dégradé et maintien d’une connexion fonctionnelle et spatiale entre le site dégradé et le site compensatoire

Außenbereich (« Zone extérieure »)

Zone qui ne fait pas l’objet d’un plan d’urbanisation (B-Plan), en général en dehors des zones construites

Baugesetzbuch (BauGB )

Code allemand de la construction

Bundesnaturschutzgesetz (BNatSchG )

Loi fédérale sur la protection de la nature

Bebauungsplan (B-Plan)

Plan d’urbanisation

Eingriffsregelung (« Réglementation des interventions »)

En droit allemand, principal instrument d’atténuation des impacts sur la nature et le paysage qui s’applique également à leurs composantes non protégées

Ersatz (« Substitution »)

Action de compensation aboutissant à une équivalence fonctionnelle relâchée : restauration de fonctions différentes de celles de l’habitat dégradé sans maintien d’une connexion fonctionnelle et spatiale entre le site dégradé et le site compensatoire

Ersatzzahlung (« Paiement de substitution »)

Paiement financier destiné à compenser les impacts paysagers et les impacts d’autres composantes écologiques lorsque la compensation en nature ne permet pas de compenser l’intégralité des pertes

Flächennutzungsplan (FNP)

Plan d’utilisation du sol

Innenbereich (« Zone intérieure »)

Zone qui fait l’objet d’un plan d’urbanisation (B-Plan)

Kommunale Planungshoheit (« Compétence communale en matière de planification de l’aménagement »)

Souveraineté des communes en matière d’aménagement qui leur confère une liberté importante dans l’aménagement de leur territoire

Landschaftsplan (« Plan pour le paysage »)

Document de planification de la nature et du paysage à l’échelle de la commune ou d’un groupement de communes

Landschaftsprogramm (« Programme pour le paysage »)

Document de planification de la nature et du paysage à l’échelle du Land

Landschaftsrahmenplan (« Plan-cadre pour le paysage »)

Document de planification de la nature et du paysage à l’échelle de la région (Region)

Ökokonto (« Écocompte »)

Système de compensation mutualisée de certains Länder allemands qui consiste à placer dans un « écocompte » des crédits d’écopoints correspondant à la valeur des biotopes restaurés par anticipation

Produktionsintegrierte Kompensation (PiK) (« Compensation intégrée à la production [agricole] »)

Contrat passé entre un porteur de projet et un agriculteur pour que ce dernier mette en place des actions favorables à la biodiversité compatibles avec la production agricole en échange d’une rémunération

Regionalplan (« Plan régional »)

Document d’orientations et de règles d’aménagement à l’échelle de la région

Umweltverträglichkeitsprüfung (Gesetz über die) (UVPG)

Instrument allemand d’évaluation des incidences sur l’environnement (UVP) et loi qui lui est associée (UVPG)