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INTRODUCTION

Reconnue aujourd’hui comme la référence en matière de bonnes pratiques en santé mentale, l’approche du rétablissement (AR) implique à la fois une considération pour le processus personnel de rétablissement de l’individu et l’adoption par les intervenants, les organisations, et plus largement, la société, de pratiques axées vers le rétablissement (Commission de la santé mentale du Canada, 2015; Shepherd et al., 2008, 2010; Piat et al., 2009, 2010). Les principes, valeurs et concepts à la base de l’AR trouvent leurs origines dans les mouvements de défense des droits humains des personnes marginalisées et des groupes d’entraide, comme les Alcooliques Anonymes, durant les années 1960 et 1970, aux États-Unis. Ils ont été ensuite développés, dans les années 1980 et 1990, notamment par des personnes aux prises avec des troubles mentaux qui contestaient la notion de pouvoir et la position d’expert des professionnels de la santé dans les services en santé mentale (Shepherd et al., 2008). Aujourd’hui, c’est tout un mouvement collectif vers un changement de paradigme où des experts (universitaires, personnes en rétablissement, décideurs, gestionnaires, intervenants), de partout dans le monde, défendent des services, des systèmes et des communautés axés vers le rétablissement et le bien-être pour tous (Implementing Recovery through Organisational Change [ImRoc], https:// imroc.org/). Toute une littérature et des outils pratiques (Pelletier et al., 2020), soutiennent la mise en pratique du rétablissement à l’intérieur et hors des services de santé (Commission de la santé mentale du Canada [CSMC], 2015; Shepherd et al., 2008, 2010). Le Plan d’action en santé mentale du Québec [PASM] 2015-2020 intitulé Faire ensemble et autrement propose comme premier principe directeur des soins et services orientés vers le rétablissement. Selon Anthony (1993), le rétablissement personnel est bien plus qu’une rémission, qu’une diminution des symptômes d’une maladie ou encore que la guérison de celle-ci. Se rétablir signifie, pour les personnes qui ont (ou ont vécu) un trouble mental, un processus foncièrement personnel et unique qui vise à changer sa manière de voir la vie, ses objectifs afin de composer avec les défis, de reconnaitre ses forces et de saisir les possibilités et ressources de l’environnement (Anthony, 1993; Deegan, 2002). Pour la personne, le rétablissement va de pair avec la découverte d’un nouveau sens à la vie et d’un but, la réappropriation d’un pouvoir d’agir, la victoire sur ses peurs, à mesure qu’on réussit à surmonter les effets de la maladie mentale et à renouer avec l’estime et la confiance en soi (Anthony, 1993; Deegan, 2002). Selon Provencher (2002), quatre dimensions sont au coeur des transformations accompagnant l’expérience du rétablissement. Ces dimensions sont la redéfinition et l’expansion du soi, la relation à l’espace temporel, le pouvoir d’agir et la relation aux autres. Pour la société et les organisations de santé, le rétablissement implique de revoir les pratiques, de transformer les effectifs vers l’embauche de personnes en rétablissement, de former autrement les professionnels de la santé en reconnaissant la valeur du savoir expérientiel, de mettre en place des programmes de défense des droits et de lutte à la stigmatisation à l’intérieur de leur propre établissement, etc. C’est un changement complet de paradigme qui est demandé (CSMC, 2015; MSSS, 2015; Shepherd et al., 2008, 2010, 2014).

Alors que l’AR prend progressivement place dans les pratiques et organisations en santé mentale, le modèle conceptuel de processus de production du handicap s’installe pour guider les pratiques dans le domaine de la réadaptation (Fougeyrollas, 2010). Le modèle de développement humain et du processus de production du handicap (MDH-PPH) trouve lui aussi ses origines dans les mouvements de défense des droits humains qui, dans ce cas-ci, militent pour les droits des personnes ayant des incapacités, d’où la définition du modèle social du handicap des années 1970 (Fougeyrollas, 2010). La première version de ce modèle a été développée à partir de la politique À part…égale conçue en 1984 par l’Office des personnes handicapées du Québec [OPHQ] (1984) et de recommandations d’experts internationaux qui portaient un regard critique sur la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH) (OMS, 1980) à la fin des années 1980 (Fougeyrollas, 2010). En 1989, le Comité québécois de la CIDIH publie un modèle conceptuel illustrant la dynamique interactive entre la personne et l’environnement, laquelle est responsable des situations de participation, d’exclusion et du déni des droits humains. Amélioré au cours des années 1990 par des travaux de recherche, mis à l’épreuve et soumis à des consultations internationales, le modèle actuel, ancré dans la dimension sociale du handicap, reconnaît que les facteurs environnementaux sont centraux dans le processus de production du handicap (Fougeyrollas, 2010). Selon le MDH-PPH les situations de participation sociale résultent de l’interaction entre les facteurs personnels d’un individu, ou partagés par un groupe ou une communauté d’individus et leur environnement, ces domaines étant d’égale importance dans la compréhension des situations de handicap d’une personne, d’un groupe ou d’une communauté (Fougeyrollas, 2010).

L’intuition à l’origine de cet article est que l’AR et le MDH-PPH ont des ressemblances philosophiques importantes, voire complémentaires pour soutenir les personnes à atteindre leur pleine participation sociale. Parmi les ressemblances philosophiques notées a priori se trouvent leur origine commune dans les mouvements de défense des droits humains ainsi que leur prise en compte de l’influence importante de l’environnement sur la participation sociale des personnes, groupes ou communautés marginalisées et en situation de vulnérabilité.

Cet article a pour but de rendre visibles les ressemblances philosophiques qui se présentent entre l’AR et le MDH-PPH ainsi que d’entamer une réflexion sur l’apport mutuel de ces deux mouvements dans la lutte contre les obstacles sociaux qui nuisent à la participation sociale des personnes marginalisées ou en situation de vulnérabilité/handicap. Bien que l’AR soit une approche utilisée principalement dans le domaine de la santé mentale et que le MDH-PPH soit pour sa part utilisé dans le domaine de la réadaptation physique, les auteurs de cet article ont fait le choix d’adopter une position non clivée entre le domaine de la santé mentale et celui de la santé physique, mais plutôt une vision intégrée et holistique de la santé et de l’être humain. C’est dans cette posture que la comparaison de l’AR et du MDH-PPH a été faite.

Les questions à l’étude visées par cet article sont : 1) quelles sont les ressemblances philosophiques qui se présentent entre l’AR et le MDH-PPH? 2) Quels sont les apports mutuels et réflexions à faire émerger de cette comparaison et analyse?

MÉTHODE

Pour répondre à l’objectif de l’article, une analyse philosophique de nature herméneutique (Gadamer, 1996; Paillé et Mucchielli, 2016) a été réalisée. L’herméneutique consiste en l’art et la science de l’interprétation (Grondin, 1993). Cette méthode d’analyse de textes, usuelle en philosophie, permet non seulement de procéder à une analyse logique et sémantique du contenu de documents, mais également de considérer le contexte d’émergence de ceux-ci (Drolet, 2014; Paillé et Mucchielli, 2016). Le fait de prendre en compte le contexte sociopolitique, dans lequel les écrits analysés ont été rédigés, permet de cerner les problèmes sociaux que leurs auteurs souhaitaient mettre en relief ainsi que de mieux comprendre la finalité et la portée des documents. La perspective herméneutique fournit une interprétation des textes tout en demeurant le plus fidèle possible aux intentions des auteurs des documents. Afin d’opérationnaliser cette méthode, les étapes listées au Tableau 1 ont été réalisées.

Tableau 1

Six étapes de l’analyse philosophique

Six étapes de l’analyse philosophique

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Pour assurer une rigueur dans la réalisation de chacune des étapes de la méthode et dans l’interprétation des ressemblances, les différentes expertises des auteurs ont été nécessaires. La première auteure est professeure clinicienne, étudiante au doctorat sur l’AR et ergothérapeute ayant utilisé le MDH-PPH dans sa pratique clinique pendant dix-huit ans. La deuxième auteure est professeure-chercheuse, éthicienne spécialisée dans l’analyse philosophique et ergothérapeute ayant utilisé le MDH-PPH dans sa pratique clinique pendant dix ans. Le troisième auteur est médecin, spécialiste en santé mentale, psychiatrie et étudiant au doctorat en santé publique sur l’AR. La quatrième et dernière auteure est professeure-chercheuse, spécialisée en santé mentale et dans l’implantation de l’AR ainsi qu’ergothérapeute ayant utilisé le MDH-PPH et l’AR dans sa pratique clinique pendant cinq ans.

Étape 1 : Sélectionner le corpus de documents à analyser

Pour répondre à l’objectif et aux questions à l’étude, des textes centraux à la fois à l’AR et au MDH-PPH ont été sélectionnés. Sur la base des connaissances de l’AR et du MDH-PPH des auteurs de l’article, un choix raisonné a permis de déterminer un premier groupe de textes considéré essentiel par les auteurs de cet article experts dans les deux modèles. Ceux-ci devaient ensuite faire l’objet de l’analyse. À la suite d’une première lecture dirigée aux fins d’analyse de ce premier groupe de textes et pour bonifier la compréhension des concepts et saisir le contexte d’émergence des textes scrutés, des documents complémentaires (textes, documents audiovisuels, etc.) ont été ajoutés par la première auteure de l’article. Les ajouts à propos du contexte d’émergence des modèles ont été faits par une technique de recension par remontée bibliographique où les références des sources principales ont été consultées, et ainsi de suite. De plus, les vidéos présentant les personnes qui sont à l’origine des modèles ont été consultés sur le web pour mieux saisir leur pensée, leur compréhension et leur interprétation de ceux-ci. Le Tableau 2 présente l’ensemble des documents retenus aux fins de l’analyse.

Tableau 2

Documents retenus aux fins de l’analyse herméneutique

Documents retenus aux fins de l’analyse herméneutique

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Étape 2 : Choisir les angles de l’analyse philosophique

Pour réaliser une analyse philosophique des textes suivant une perspective herméneutique, cinq angles d’analyse ont été choisis : anthropologique, environnemental, axiologique, éthique et politique. Ce choix a été fait par la deuxième auteure de l’article, philosophe, éthicienne et détenant une expertise en analyse herméneutique.

  1. Angle anthropologique : comme l’indiquent ses racines étymologiques grecques, l’anthropologie est la science (logos) de l’être humain (anthropos). Elle cherche à circonscrire ce qui distingue l’être humain des autres êtres vivants, et de ses environnements. Cet angle d’analyse permet de dévoiler la vision de la personne au fondement des objets d’étude.

  2. Angle environnemental : l’angle d’analyse environnemental porte sur tout ce qui est autre que la personne. Il concerne le milieu (culturel, institutionnel, physique, politique, social, etc.) au sein duquel une personne évolue, vit son existence.

  3. Angle axiologique : l’axiologie, est la science (logos) des valeurs (axios) comme l’indiquent ses racines étymologiques grecques. Par cet angle d’analyse on cherche à repérer les valeurs fondamentales et sous-jacentes aux objets à l’étude.

  4. Angle éthique : l’angle éthique vise à cibler, parmi les principales théories éthiques contemporaines, celles ayant le plus d’affinités philosophiques avec les objets à l’étude. Pour ce faire, on reconnaît trois grandes familles de théories éthiques contemporaines (Provencher, 2008), soit : a) les théories conséquentialistes, dont font partie les éthiques utilitaristes; b) les théories déontologiques dont font partie les éthiques des capabilités; et c) les théories éthiques des vertus auxquelles peuvent être associées les théories éthiques du care qui trouvent leurs fondements dans les théories éthiques féministes (Drolet et Ruest, 2021).

  5. Angle politique : le mot grec polis réfère à la cité-État. Ainsi, l’angle politique vise à repérer les actions sociales de revendication prônées par les objets à l’étude. Comme la politique s’intéresse également à la notion de pouvoir, il s’agit aussi de repérer les actions qui visent la cité, c’est-à-dire la société dans son ensemble pour actualiser les valeurs et visions éthiques décrites précédemment.

Tableau 3

Exemple d’extraits selon chacun des angles philosophiques analysés

Exemple d’extraits selon chacun des angles philosophiques analysés

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Étape 3 : Lire les textes et extraire les données

Pour débuter l’analyse et extraire les données, la première auteure de l’article a lu le corpus des textes à l’étude et transcrit, dans un fichier Excel, les extraits pertinents, et ce, pour chacun des cinq angles d’analyse. Au fur et à mesure de l’extraction des données, elle a fait des premiers regroupements d’idées pour en dégager des sous-thèmes. Aussi, elle s’est assurée auprès de la deuxième auteure de l’article de la bonne compréhension des angles d’analyse. Cette première classification a ensuite été révisée par la seconde auteure de l’article pour en assurer la concordance et la cohérence. Une partie du matériel a également été soumis au troisième auteur pour validation.

Étape 4 : Repérer les ressemblances philosophiques

Une fois les données extraites et regroupées en sous-thèmes, les deux premières auteures de l’article ont agi à titre de coanalystes. Dans une démarche d’allers et de retours entre un travail collectif d’échange et un travail individuel, elles ont progressivement mis en lumière les ressemblances philosophiques et revu les regroupements d’idées. Pour soutenir leurs discussions, des schémas ont été créés par la deuxième auteure de l’article comme outil visuel de soutien à l’analyse. Pour chaque angle d’analyse, les éléments de ressemblances philosophiques entre l’AR et le MDH-PPH ont émergés.

Étape 5 : Intégrer les ressemblances philosophiques sous forme de tableaux

Pour bien en saisir les nuances, chaque élément de ressemblance a été décrit et présenté sous forme de tableaux. Ces tableaux ont été créés pour synthétiser les résultats et les illustrer par des extraits représentatifs issus des documents scrutés. Afin de s’assurer que les extraits soient évocateurs et signifiants des ressemblances philosophiques – plusieurs extraits pour chaque angle auraient pu être choisis –, tous les extraits ont été revus par l’ensemble des auteurs et ajustés au besoin.

Étape 6 : Valider le processus d’analyse

Considérant que les coanalystes avaient une expertise prédominante du MDH-PPH, une validation du processus d’analyse a été nécessaire pour l’AR. Pour ce faire, les tableaux des résultats excluant les extraits ont été présentés à une équipe de recherche spécialisée en AR. Cette équipe de recherche est sous la direction de la dernière auteure de l’article et regroupe des étudiants gradués, cliniciens et coordonnateurs de recherche de différentes disciplines (ergothérapie, psychoéducation, sociologie). Cette présentation, par angle d’analyse et éléments de ressemblance, a permis de bonifier la compréhension de l’AR et de faire émerger des points de réflexion et de discussion.

RÉSULTATS

Description brève des objets à l’étude

Avant de présenter les différents éléments de ressemblance, voici un bref résumé des deux objets de comparaison : l’AR et le MDH-PPH.

L’approche du rétablissement (AR)

L’AR se définit principalement autour de deux perspectives : (1) la personne en rétablissement personnel et (2) les pratiques axées vers le rétablissement (Piat et al., 2010; Commission de la santé mentale du Canada, 2015). Le rétablissement personnel est un terme utilisé pour décrire le combat que mènent les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale afin d’avoir une vie à la fois significative et satisfaisante (Shepherd, 2010). L’espoir est au centre du rétablissement personnel. Il est encouragé à croitre en permettant à la personne de redécouvrir ses forces, son pouvoir d’agir, son identité propre ainsi que par le contact avec des témoignages d’autres personnes qui se sont rétablies (Piat et al. 2009; Shepherd, 2008). L’AR fournit également un cadre de référence qui soutient l’évolution des services de santé mentale (Shepherd et al., 2008, 2014). Ce cadre de référence a été adopté par plusieurs pays, dont le Canada et le Québec, et utilisé pour guider plusieurs politiques et plans d’action en santé mentale (CSMC, 2015, ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2005, 2015). Tant sur le plan individuel qu’organisationnel, des indicateurs de qualité permettent de rendre compte des pratiques axées vers le rétablissement, et d’approches spécifiques basées sur les données probantes (Shepherd et al., 2010, 2014). Ces indicateurs permettent de guider la transformation des pratiques et systèmes de soins et services. Le tableau 4 présente quelques indicateurs de qualité d’une pratique axée vers le rétablissement.

Tableau 4

Indicateurs de qualité d’une pratique axée vers le rétablissement

Indicateurs de qualité d’une pratique axée vers le rétablissement

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Modèle de développement humain et du processus de production du handicap (MDH-PPH)

Le MDH-PPH est un modèle générique et anthropologique du développement humain qui « permet d’illustrer la dynamique du processus entre les facteurs personnels (intrinsèques) et les facteurs environnementaux (externes) déterminants le résultat situationnel de la performance de réalisation des habitudes de vie correspondant à l’âge, au sexe, et à l’identité socioculturelle des personnes » (Fougeyrollas, 2010; Fougeyrollas et al., 2018). Ce modèle propose une compréhension du processus de production du handicap qui n’attribue pas la responsabilité du handicap à la personne, mais à l’interaction entre les caractéristiques d’une personne (domaine des facteurs personnels) et celles de son milieu de vie (facteurs environnementaux).

Le domaine des facteurs personnels comprend trois dimensions systémiques interreliées : les facteurs identitaires, les systèmes organiques et les aptitudes. Le domaine des facteurs environnementaux est composé des facteurs physiques et sociaux. Le MDH-PPH distingue trois sous-systèmes dans le domaine des facteurs environnementaux : le micro-environnement personnel, le méso-environnement qui correspond aux contextes physiques et sociaux ainsi que le macro-environnement qui réfère aux dimensions sociétales. Le domaine des habitudes de vie est composé des activités courantes et des rôles sociaux. Ces trois domaines (personnel, environnemental et habitudes de vie) sont en interaction tout au long de la vie de l’être humain et permettent de comprendre son fonctionnement au quotidien.

Ce modèle peut être appliqué dans de nombreux champs que ce soit en gestion lors de l’évaluation d’un programme, en intervention professionnelle pour établir un portrait des situations de handicap d’une personne, dans le cadre de politiques sociales lors de l’élaboration ou de l’implantation de celles-ci ou encore en recherche et en éducation (Fougeyrollas et al., 2018). Le MDH-PPH est un modèle conceptuel explicatif d’une situation de handicap permettant de prendre en compte l’ensemble des variables en jeu, évitant ainsi d’imputer aux personnes la responsabilité des conséquences sociales des différences qui se présentent entre les individus comme le propose le modèle biomédical qui se concentre exclusivement sur les variables personnelles (Centre de recherche pour l’inclusion des personnes en situation de handicap [CRISPEH], 2021).

Ressemblances philosophiques repérées

À l’issue de l’analyse herméneutique, quatorze éléments de ressemblances ont été déterminés entre l’AR et le MDH-PPH, et ce, pour l’ensemble des angles d’analyse (anthropologique, axiologique, environnemental, éthique et politique). Ils sont repris et expliqués dans les sections suivantes.

Ressemblances anthropologiques

En ce qui a trait aux ressemblances anthropologiques entre l’AR et le MDH-PPH, c’est-à-dire à celles relatives à la conception de la personne et aux visions de l’être humain, quatre éléments émergent de l’analyse : 1) l’égalité fondamentale des êtres humains; 2) la vision développementale de l’être humain; 3) la vision de l’humain en interaction avec l’environnement; et 4) la vision humaniste de l’être humain. Le Tableau 5 présente des extraits des documents analysés qui illustrent chacune de ces ressemblances.

Il se dégage des documents étudiés qu’à la fois l’AR et le MDH-PPH défendent l’idée que tous les êtres humains sont fondamentalement égaux, en dépit de leurs différences. Peu importe les caractéristiques, les vulnérabilités, les rôles et les situations que vivent les personnes, tous les êtres humains ont la même valeur et méritent un égal respect et une égale considération. Cette conception de l’être humain amène une perspective d’égalité des pouvoirs afin d’établir des relations où les points de vue, expériences et expertises de chaque personne, peu importe ses caractéristiques, sont importants et valides.

L’AR et le MDH-PPH s’inscrivent dans une vision développementale de l’être humain, en ceci que le trouble ou l’incapacité d’une personne n’est pas une fatalité, mais une caractéristique personnelle. La pleine satisfaction envers la vie, la participation et l’inclusion sociales sont des objectifs réalistes et envisageables pour tous. L’être humain est perfectible, peut apprendre et évoluer. Il est maitre de ses décisions et a le plein pouvoir sur sa vie. L’AR et le MDH-PPH attribuent à chaque personne la capacité à s’adapter et se transformer (et il en est de même pour l’environnement).

Tant pour l’AR que pour le MDH-PPH, l’individu se développe en interaction avec l’environnement au sein duquel il évolue. Plus l’environnement est soutenant et adapté, plus il permet à la personne de se réaliser au quotidien et d’évoluer. L’AR et le MDH-PPH optent ainsi pour une approche écologique de l’être humain où l’environnement est un facteur déterminant, structurant et influençant la vie humaine et sa participation sociale.

L’AR et le MDH-PPH défendent une vision profondément humaniste de l’être humain. Ils défendent que tout individu, peu importe ses capacités, incapacités, difficultés ou différences, est digne, aussi digne que tout autre. À la fois pour l’AR et le MDH-PPH, la personne ne peut pas être réduite à une maladie, à une déficience ou à une incapacité. La commune humanité, qui confère une inhérente dignité à chacun, octroie un statut moral inestimable et inaliénable à toute personne, par-delà ses caractéristiques. Il s’ensuit que la bienveillance, la fraternité et la compassion envers autrui prédominent et transcendent les différences interpersonnelles. L’humanisme de l’AR et du MDH-PPH se manifeste par des revendications au nom de l’égalité dans la dignité, en faveur de l’égalité dans la liberté, ce qui requiert plus de fraternité.

Ressemblances environnementales

Relativement aux ressemblances environnementales entre l’AR et le MDH-PPH, deux éléments émergent de l’analyse, soit : 1) la vision multidimensionnelle de l’environnement et 2) la valorisation des environnements capabilisants. Le Tableau 6 présente des extraits des documents analysés qui illustrent chacune de ces ressemblances.

Tableau 5

Illustration des ressemblances anthropologiques entre l’AR et le MDH-PPH

Illustration des ressemblances anthropologiques entre l’AR et le MDH-PPH

Tableau 5 (suite)

Illustration des ressemblances anthropologiques entre l’AR et le MDH-PPH

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Qu’il s’agisse de l’AR ou du MDH-PPH, tous deux ont une vision multidimensionnelle de l’environnement. Celui-ci comprend des dimensions physiques et sociales, celles proximales à l’individu (les proches, la famille, etc.) et d’autres plus ou moins distales (la communauté, la société dans lequel la personne évolue, etc.).

L’AR et le MDH-PPH mettent tous deux l’accent sur l’importance de considérer les multiples dimensions de l’environnement pour soutenir les personnes dans leur pleine participation sociale. Bien que l’influence environnementale soit principalement sociale pour le rétablissement et que le MDH-PPH tient compte d’une manière plus approfondie de l’environnement physique. Les deux modèles considèrent que les barrières environnementales, quelles qu’elles soient (physiques, sociales, culturelles, etc.) influencent les actions et relations humaines et doivent être levées pour favoriser l’appartenance à la communauté et l’inclusion sociale de tout un chacun. Selon cette conception, les environnements se doivent d’être capabilisants, c’est-à-dire qu’ils doivent permettre à toutes les personnes de soutenir l’exercice de leurs droits, mais également de s’épanouir et se développer. Dans cette perspective, l’environnement est à la fois un espace de contraintes et de restrictions, mais aussi, un espace de possibilités et un outil d’évolution.

Ressemblances axiologiques

Les fondements de l’AR et du MDH-PPH se ressemblent sur le plan axiologique. Quatre catégories de valeurs émergent de l’analyse : 1) l’égalité; 2) l’autodétermination et l’appropriation du pouvoir; 3) la diversité et 4) l’inclusion et la participation sociales. Le Tableau 7 présente des extraits des documents analysés qui illustrent chacune de ces ressemblances.

L’AR et le MDH-PPH valorisent l’égalité comme valeur devant présider aux rapports humains et aux rapports entre les institutions et les personnes. Le MDH-PPH et l’AR défendent l’égalité dans les droits humains ainsi que l’équité et la justice sociale. Pour l’AR, en particulier, la valorisation de l’égalité se manifeste entre autres par la reconnaissance du savoir expérientiel (issu de l’expérience et du vécu). Que vous soyez citoyen, personne en rétablissement, clinicien, théoricien, tous les savoirs ont leur importance et leur valeur dans la compréhension et la résolution d’une situation problématique. Ce principe attribue ainsi à chaque être humain leur primauté et dignité et, en toute égalité, leur capacité à contribuer à l’édifice de la société.

Tableau 6

Illustration des ressemblances environnementales entre l’AR et le MDH-PPH

Illustration des ressemblances environnementales entre l’AR et le MDH-PPH

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D’ailleurs, la prise ou reprise du pouvoir d’agir des personnes est une valeur importante de l’AR et du MDH-PPH. Peu importe leurs caractéristiques personnelles, toutes les personnes sont autodéterminées, peuvent faire des choix pour elles-mêmes, et réaliser les activités qu’elles souhaitent faire. L’AR et le MDH-PPH se situent tous deux dans une posture émancipatrice, anti-paternaliste et anti-oppressive où la personne est maitresse de ses choix et de sa destinée.

L’AR et le MDH-PPH articulent une critique implicite de la « normalité ». Dans les deux cas, la diversité humaine est valorisée et mise de l’avant pour déconstruire la norme sociale voulant que certains humains seraient plus normaux que d’autres. L’ouverture à la différence, le droit à l’erreur, le respect et la bienveillance mutuels sont des valeurs communes importantes. C’est en ce sens qu’un profond humanisme se dégage des documents étudiés. L’AR et le MDH-PPH revendiquent ainsi une société inclusive qui élimine les obstacles à la pleine participation sociale et qui valorise des environnements de possibilités et de solidarité. Ces valeurs partagées les amènent ainsi à s’inscrire dans des courants éthiques similaires qui sont présentés à la section suivante.

Tableau 7

Illustration des valeurs partagées par l’AR et le MDH-PPH

Illustration des valeurs partagées par l’AR et le MDH-PPH

Tableau 7 (suite)

Illustration des valeurs partagées par l’AR et le MDH-PPH

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Ressemblances éthiques

Deux courants éthiques similaires aux fondements de l’AR et du MDH-PPH émergent de l’analyse : 1) l’éthique déontologique; et 2) l’éthique des capabilités. Le Tableau 8 présente des extraits des documents analysés qui illustrent ces ressemblances.

L’AR et le MDH-PPH inscrivent leur démarche dans une éthique déontologique, suivant laquelle tous les êtres humains sont porteurs de droits en raison de leur égale dignité (Drolet et Ruest, 2021). C’est d’ailleurs les mouvements sociaux qui revendiquent le respect des droits humains ou civils des personnes qui sont à l’origine de l’AR et du MDH-PPH. Dans les deux cas, des injustices sociales sont notées et la stigmatisation condamnée.

En particulier, l’AR et le MDH-PPH inscrivent leur démarche dans l’éthique des capabilités. Cette éthique s’inscrit dans une théorie qui a vu le jour à la suite des réflexions du philosophe économiste nobélisé Amartya Kumar Sen (Sen, 2000). Suivant cette théorie, il n’est pas suffisant de donner des droits aux individus. Il importe également de considérer leurs conditions d’existence propres, afin d’abattre les barrières à l’exercice réel et effectif de leurs droits. Cela implique donc pour les États et les institutions sociales de mettre en place des environnements dits capabilisants qui vont permettre aux personnes de transformer leurs (in)capacités en capabilités, c’est-à-dire en possibilités effectives de fonctionner et de réaliser leurs projets de vie (Drolet et Ruest, 2021).

Ressemblances politiques

Les visions politiques de l’AR et du MDH-PPH présentent des ressemblances philosophiques. Deux éléments de ressemblance émergent de l’analyse : 1) la réflexion critique du modèle biomédical et 2) le militantisme. Le Tableau 9 comprend des extraits des documents analysés qui montrent ces ressemblances.

L’AR et le MDH-PPH articulent d’importantes critiques au modèle biomédical. Tous deux soutiennent que celui-ci est réducteur puisqu’il cherche à traiter les maladies et leurs symptômes et qu’il dépose la responsabilité du fonctionnement sur les personnes. L’AR et le MDH-PPH considèrent tous deux que c’est l’interaction dynamique de la personne avec son environnement qui détermine son fonctionnement et sa participation sociale. Selon leurs critiques, le modèle biomédical n’aborde pas les injustices sociales et ne permet pas de les combattre.

Tableau 8

Illustration des postures éthiques partagées par l’AR et le MDH-PPH

Illustration des postures éthiques partagées par l’AR et le MDH-PPH

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Il n’est donc pas surprenant que l’AR et le MDH-PPH militent et revendiquent un changement de paradigme en santé et une transformation importante de nos sociétés. Dans les deux cas, il est impératif de revendiquer le respect des droits humains des personnes marginalisées, de dénoncer les injustices sociales et d’améliorer les conditions de vie de tout être humain, notamment de celles en situation de vulnérabilité. Les personnes, les communautés, les sociétés ont le plein pouvoir de devenir des agents de changement sociaux et de transformer les espaces de vie en environnements capabilisants pour que toute personne puisse exercer son autonomie décisionnelle, avoir accès à une pleine participation sociale et être incluse socialement.

DISCUSSION

Les questions à l’origine de cette étude étaient les suivantes : (1) Quelles sont les ressemblances philosophiques qui se présentent entre l’AR et le MDH-PPH? (2) Quels sont les apports mutuels et réflexions à faire émerger de cette comparaison et analyse? Il ressort de cette analyse herméneutique de l’AR et du MDH-PPH que les ressemblances philosophiques qui se présentent entre eux sont non seulement quantitativement nombreuses, mais également qualitativement importantes. Bien que ces résultats ne nous surprennent pas puisqu’ils confirment notre intuition de départ, ils permettent toutefois de préciser les éléments communs, d’y porter un regard plus précis, mais surtout de renforcer la portée et l’importance de leur message. Cette analyse nous a permis aussi de révéler des différences intéressantes. D’abord, l’AR reconnait avec force l’importance de l’espoir dans la reconstruction d’un projet de vie et du rôle des pairs pour soutenir le rétablissement. De plus, le MDH-PPH a démontré l’impact des éléments physiques de l’environnement sur la participation sociale des personnes alors qu’il a été très peu exploré dans l’AR. Cette analyse nous a aussi permis de constater certains apports mutuels et réflexions à faire émerger pour encore plus appuyer la lutte contre les obstacles sociaux qui nuisent à la participation sociale de nombreuses personnes.

Tableau 9

Illustration des ressemblances politiques entre l’AR et le MDH-PPH

Illustration des ressemblances politiques entre l’AR et le MDH-PPH

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Bien que l’AR et le MDH-PPH aient évolué en parallèle, sans véritablement se pénétrer mutuellement, il ressort de la présente analyse que les mouvements de défense des droits humains à l’origine de l’AR et du MDH-PPH, qui ont remis en question le modèle biomédical et revendiqué le droit à toute personne de vivre dans la dignité au sein de sociétés justes et équitables, peuvent expliquer les nombreuses similitudes philosophiques relevées entre l’AR et le MDH-PPH. Leur vision profondément humaniste de l’être humain et en interaction avec son environnement les amène à rejeter tous deux le blâme qu’on impute aux personnes vulnérables pour leur condition personnelle. L’AR et le MDH-PPH expliquent les difficultés de participation sociale et d’inclusion des personnes par les contextes de vie, les organisations sociales et les systèmes au sein desquels elles évoluent. Cette vision sociale permet d’expliciter leur compréhension de la situation de ces personnes, voire de toute personne, et de justifier les changements politiques et dans les pratiques qu’ils revendiquent tous deux dans les services de santé et au sein de nos sociétés. L’AR et le MDH-PPH mettent ainsi en lumière l’importance du militantisme et des mouvements sociaux pour transformer les systèmes et faire de nos sociétés des espaces justes et bienveillants.

Cette origine commune, où les personnes marginalisées ou en situation de vulnérabilité ont pris la parole et revendiqué d’être considérées avec dignité et égalité afin d’avoir accès à une pleine participation sociale, a été source de transformations sociales importantes au sein des sociétés occidentales. Le militantisme de l’AR et du MDH-PPH a ainsi non seulement favorisé plus de justice sociale, mais également plus de justice épistémique. Les concepts de justice et d’injustice épistémiques (Fricker, 2007) réfèrent aux équités et iniquités relatives à la production des connaissances et à la valeur accordée à une personne à produire des savoirs et des discours crédibles. Le fait que l’AR et le MDH-PPH aient contribué à mettre de l’avant la parole de personnes marginalisées ou en situations de handicap et à rendre cette parole crédible et importante est un autre gain social important, lequel a favorisé des rapports sociaux plus égalitaires. Des groupes sociaux marginalisés ont, par cette reprise de parole, repris un pouvoir d’agir, lequel résulte du militantisme de l’AR et du MDH-PPH ainsi que de leurs luttes contre les obstacles sociaux. Ils ont ainsi contribué à la lutte contre la stigmatisation, à l’amélioration de certaines politiques publiques et au développement des connaissances sur le rétablissement et le processus de production du handicap.

En particulier, la posture éthique de l’AR présente plusieurs affinités avec les éthiques féministes traitant de la justice épistémique (Fricker, 2007), suivant laquelle il importe de valoriser la parole des personnes ayant un trouble mental. L’AR, dans sa critique du modèle biomédical, rappelle en effet l’importance de valoriser de manière égale les savoirs expérientiels, théoriques et professionnels. Elle invite les professionnels de la santé à quitter leur posture d’expert et à adopter une posture égalitaire dans la relation thérapeutique. Elle incite également les organisations à mettre en place pour leurs personnels (administratifs, cliniques, gestionnaires) des espaces de formation par et avec des personnes marginalisées où l’échange égalitaire est favorisé et considéré dans les pratiques et prises de décision (Shepherd et al., 2014). Ce changement de paradigme, nécessaire à l’évolution de nos approches biopsychosociales, appuie une perspective globale et sociale de la santé où on s’adonne à transformer les représentations sociales envers la diversité et les façons de faire (Fougeyrollas, 2010). À la fois l’AR et le MDH-PPH défendent cette perspective, et même plus, offrent des moyens et des outils concrets pour le faire.

Le MDH-PPH appuie l’importance de l’interaction entre la personne et son environnement. La qualité de la participation sociale dépend de cette interaction entre les caractéristiques des personnes et la qualité inclusive des milieux, contextes, systèmes (Fougeyrollas, 2010). Il nous invite à comprendre une situation dans cette perspective d’influence mutuelle et à y intervenir directement en mettant l’accent sur les transformations nécessaires de nos micro, méso et macro-environnements. L’AR offre des outils et oriente vers des approches qui répondent et soutiennent justement ces changements dans nos organisations sociales et systèmes (Shepherd et al., 2014).

Cet exercice exploratoire de comparaison et d’émergence des ressemblances et apports mutuels nous aura permis de réaliser la force de la comparaison de ces deux mouvements importants qui nous invitent tous les deux à une réflexion majeure sur nos systèmes. Nous remettons en question la dichotomie qui oppose la santé mentale à la santé physique, laquelle est notamment véhiculée par le modèle biomédical. L’AR et le MDH-PPH se logent à la même enseigne que nous à ce sujet, mais leurs modèles sont principalement et traditionnellement associés à la santé mentale pour l’un et la santé physique pour l’autre. Nos organisations et nos systèmes étant majoritairement orientés et dirigés par une approche biomédicale, il est difficile pour ces modèles de faire exploser leurs frontières pour une application réelle d'une approche holistique de la santé.

Beaucoup de chemin a été parcouru pour arriver aujourd’hui à reconnaitre la parole des personnes marginalisées ou en situations de handicap. Cela dit, il reste encore beaucoup à faire pour transformer nos organisations et systèmes et ainsi créer, pour tous les êtres humains, des lieux et espaces de vie égalitaires, humainement déterminés et transformateurs.

Limites de l’étude

Cette étude présente des limites qui méritent d’être relevées. D’abord, les objets de l’étude sont de nature différente. Le MDH-PPH est un modèle conceptuel schématisé et développé pour analyser, décrire et expliquer le phénomène qu’est le handicap (Fougeyrollas, 2010, p. 148). L’AR n’est pas en soi un modèle conceptuel, mais une approche, un cadre de référence et parfois nommé une philosophie ou un paradigme (Shepherd et al., 2008, 2010; 2014). De plus, notre méthode de type exploratoire présente des limites qui devraient être corrigées dans une étude plus approfondie. Par exemple, le choix du corpus de textes non issu d’une revue exhaustive de la littérature et non validé par un comité d’experts externes peut avoir orienté l’analyse. L’analyse initiale repose aussi sur deux co-analystes qui ont leurs propres biais influençant ainsi l’analyse herméneutique. Finalement, l’étape de validation des éléments d’analyse et ressemblances aurait dû impliquer deux comités externes, un pour l’AR et un pour le MDH-PPH.

Néanmoins et malgré ces limites, les résultats sont originaux, uniques, ils demeurent inspirants et contribuent à renforcer l’importance d’une vision sociale des injustices et obstacles pour soutenir la participation sociale des personnes marginalisées ou en situation de vulnérabilité et de handicap.

CONCLUSION

L’analyse des ressemblances philosophiques entre l’AR et le MDH-PPH est d’intérêt pour toute personne engagée à contribuer à la participation sociale des personnes marginalisées ou en situations de handicap. Les résultats de l’analyse mettent en évidence que les ressemblances sont quantitativement et qualitativement signifiantes selon les angles philosophiques étudiés. L’étude des visions anthropologique, environnementale, axiologique, éthique et politique a permis de faire un pas de recul et de constater l’impact considérable et concret que les mouvements sociaux issus des collectivités ont eu pour contrer les injustices sociales et épistémiques, favoriser l’inclusion et promouvoir les droits des personnes vulnérables. Ce modèle et cette approche souvent utilisés en réadaptation auprès d’individus, doivent continuer de nous inspirer dans la poursuite des luttes amorcées pour des systèmes et des sociétés inclusives et pour plus de justice sociale et épistémique. Leur synergie complémentaire peut aussi nous inspirer à perpétuer leurs visions de l’humain, leurs valeurs d’égalité, d’autodétermination. Ils doivent nous inspirer à militer pour des environnements capabilisants qui favorisent et soutiennent la participation sociale et l’inclusion de tous dans nos sociétés où encore beaucoup de travail reste à faire pour y parvenir. Par exemple, le MDH-PPH pourrait s’inspirer davantage du vocabulaire utilisé dans le domaine du rétablissement. De plus, tout ce qui se rapporte à l’AR s’applique à la fois à la santé physique et la santé mentale. En effet, les personnes qui sont confrontées à des situations de handicap vivent le même processus de rétablissement, peu importe la nature de leur déficience. Comme toute personne, leur santé mentale est parfois ébranlée. La recherche, l’enseignement et les services en santé physique pourraient aisément inclure l’AR dans l’approche de toute personne qui chemine sur la voie d’une meilleure santé et d’une plus grande participation sociale.