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Introduction

Le Royaume d’Eswatini, une petite nation en voie de développement dans la partie sud de l’Afrique, a été soudainement confronté à la pandémie de COVID‑19 au début du mois de mars. Le 13 mars 2020, le premier cas de COVID‑19 dans le pays a été signalé et le 29 mars, le pays est entré dans une phase de fermeture partielle par suite d’une décision du gouvernement.

L’impact de la pandémie a été ressenti à tous les niveaux de l’enseignement en Eswatini – à l’école maternelle, aux niveaux primaire, secondaire et supérieur – après la déclaration de l’état d’urgence par le premier ministre le 24 mars 2020. La réponse rapide et commune des établissements d’enseignement supérieur d’Eswatini a été de fermer immédiatement les établissements et de remplacer l’apprentissage en face à face, en présence, par l’apprentissage en ligne, virtuel, qui est vu par de nombreux experts comme la réponse idéale aux problèmes éducatifs contemporains.

L’enseignement-apprentissage en ligne et les technologies de clavardage (Kunene, 2020) sont devenus, dans l’esprit public, la norme dans les quatre régions d’Eswatini, dans les établissements tant publics que privés. Les établissements dont il est question dans ce bref article ne font pas exception à la règle. Si ce grand battage médiatique a été propulsé par la pandémie, il a également ouvert des perspectives de refonte des pratiques d’enseignement et d’apprentissage et pourrait prendre en charge différents niveaux d’enseignement dans un avenir prévisible.

Cet article rassemble deux brèves études de cas afin de mettre en lumière certaines des réactions vécues par les différents acteurs du secteur éducatif. Ces études de cas ne sont pas représentatives d’une réaction générale et généralisée à la pandémie, mais offrent, chacune à sa manière, la possibilité de tirer de précieuses leçons de l’urgence et d’une situation socioéconomique qui laisse beaucoup à désirer. L’observation principale et générale qui peut être tirée des différentes réactions institutionnelles (influencées également par les décisions du gouvernement et en particulier du ministère de l’éducation) discutées ci-dessous est le sentiment initial de panique et d’urgence, suivi d’une approche plus rationnelle.

L’enseignement supérieur et la pandémie

Le Royaume d’Eswatini possède un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur, dont l’Université nazaréenne d’Afrique australe (Southern Africa Nazarene University ou SANU) et l’Université d’Eswatini (University of Eswatini ou UNESWA). L’un des effets profonds de la COVID‑19 dans de nombreux pays et en Eswatini a été de secouer l’offre d’enseignement supérieur en forçant des masses d’apprenants et d’enseignants à observer la règle (de l’Organisation mondiale de la Santé, ensuite acceptée comme règle nationale dans les textes juridiques) imposant de rester chez soi et de se protéger. Dans l’immédiateté de la situation pandémique, les établissements d’enseignement supérieur ont fait des efforts courageux pour convertir l’apprentissage traditionnel en face à face à l’apprentissage en ligne, ce qui a suscité des réactions mitigées de la part de diverses parties prenantes.

Bouleversements et défis

Dans cette étude de cas, nous avons pu observer comment la SANU et l’UNESWA ont réagi face à la pandémie. Il s’agissait aussi de réfléchir à l’état de préparation des deux établissements par rapport à l’interruption causée par la pandémie. Les interventions institutionnelles pendant la pandémie sont décrites afin d’évaluer si elles ont pu aider les parties prenantes à évoluer positivement dans ces temps incertains et, si nécessaire, de proposer des mesures en vue d’une amélioration à l’avenir. L’étude de cas suit l’approche qualitative et la collecte de données a été effectuée par le biais d’entretiens semi-structurés avec des enseignants et des étudiants des deux universités sous étude, de documents et d’analyses de matériel audiovisuel (interactions sur Google Classroom, Zoom et Moodle). Les résultats ont mis en évidence certains défis liés à l’adoption de l’apprentissage en ligne.

L’avant-COVID-19 : le socioconstructivisme et l’apprentissage actif

La SANU (2017) a adopté l’apprentissage actif et l’enseignement ouvert et à distance (EOD) comme stratégies pédagogiques innovantes pour améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage avant la pandémie de COVID‑19. L’UNESWA, de son côté, propose depuis 2018 un apprentissage mixte ou hybride (blended learning). La politique afférente à cet apprentissage/enseignement, la Blended Learning Policy (version H, avril 2020) sera prochainement adoptée par le conseil de l’Université (à propos des versions précédentes, voir Ferreira-Meyers, 2019).

La théorie socioconstructiviste (Finnegan et Ginty, 2019) se trouve au coeur de l’apprentissage actif (Annansingh, 2019; Reyes et Quintero, 2020). Le constructivisme souscrit à l’idée que nous construisons tous nos propres idées du monde à travers des expériences et des schémas individuels, et cette théorie se concentre sur la préparation de l’apprenant à résoudre des problèmes dans des situations personnellement authentiques (Grabinger et Dunlap, 1995). Dans l’optique de l’EOD (enseignement ouvert et à distance), l’apprentissage actif est généralement défini comme toute méthode, stratégie ou approche pédagogique qui engage activement les étudiants dans le processus d’apprentissage. En définissant le phénomène, Barnes (1989) souligne les principes suivants qui sous-tendent l’apprentissage actif :

  1. fondé sur l’objet visé – la tâche est appliquée et configurée selon la qualification et les résultats du module d’apprentissage;

  2. réfléchi – les étudiants réfléchissent à la signification de ce qui est appris afin d’appliquer le comportement, les connaissances, les compétences, les valeurs et les attitudes acquises au monde réel;

  3. négocié – les étudiants négocient les objectifs et les méthodes d’apprentissage avec les enseignants universitaires;

  4. critique – les étudiants doivent apprécier les différentes manières et les différents moyens d’apprendre le contenu;

  5. complexe – les étudiants doivent être capables de comparer les tâches d’apprentissage avec les complexités de la vie réelle en faisant une analyse réflexive;

  6. axé sur la situation – le besoin de la situation et du contexte est pris en considération afin d’établir les tâches d’apprentissage

  7. engagé – les tâches de la vie réelle sont réfléchies dans les activités menées pour l’apprentissage.

Méthodologie et discussion

L’étude qualitative a été menée auprès de 190 étudiants de deuxième année et de 10 enseignants universitaires de la Faculté d’éducation de la SANU et auprès de 4 enseignants et 20 étudiants (2 en 2e année et 18 en 4e année à l’UNESWA). La technique de l’échantillonnage raisonné a été utilisée pour choisir les participants à la recherche. Le critère principal de sélection de ces participants est qu’il s’agit d’étudiants à plein temps et à distance (dans le cas de l’UNESWA en particulier) qui possèdent des compétences numériques et qui sont issus d’horizons divers. En outre, les enseignants universitaires sélectionnés dans le cadre de l’étude proposent des modules au cours du second semestre (en Eswatini, l’année universitaire commence en août et se termine – normalement – en mai). En matière d’analyse et de traitement des données, soulignons qu’une analyse des discours a été appliquée aux ressources documentaires (telles les politiques institutionnelles) afin de relever les aspects liés à l’apprentissage mixte ou hybride et au socioconstructivisme. Les données récoltées par les entrevues et les interactions sur Google Classroom, Zoom et Moodle – après la transcription d’informations liées à la thématique générale de notre étude (au lieu de tout transcrire, Saldaña [2011] propose plutôt de transcrire uniquement les aspects qui contribuent aux questions de recherche), ce qui a permis un codage « à la main » rapide (nous n’avons pas utilisé de logiciels informatisés comme, par exemple, NVivo, ATLAS.ti, HyperRESEARCH et MAXQDA) – nous ont aidées à établir les thèmes suivants : politique, approche d’enseignement et d’apprentissage, engagement de l’apprenant et de l’enseignant et développement professionnel. La discussion ci‑dessous est donc organisée autour de ces thématiques.

A. Politique

En matière de politique, l’analyse du Plan stratégique 2015‑2020 de la SANU (2017) a confirmé que l’établissement impliqué dans cette étude est une future université ouverte et à distance ayant une politique d’enseignement intégrée dans les principes des approches d’apprentissage actif et axée sur l’utilisation des ressources électroniques libres (REL). Ceci est louable et conforme à la déclaration de Moscou sur la préservation de l’information numérique (UNESCO, 2011), à la déclaration de Paris sur les ressources éducatives ouvertes (UNESCO, 2012) et à la politique du secteur de l’éducation du Commonwealth (2017). Toutefois, la principale question demeure quant à l’applicabilité du modèle d’apprentissage actif, car il n’existe pas de cadre de mise en oeuvre.

B. Pratiques : avant et après la fermeture des campus

1. Avant la fermeture : formation du personnel

Trois semaines avant la clôture « physique » des écoles et des structures universitaires, la SANU a organisé un atelier pour renforcer les capacités de son personnel universitaire à plein temps sur l’enseignement et l’apprentissage basés sur la recherche, ce qui a entraîné des ajustements dans la conception, le développement et les pratiques d’apprentissage des modules. Au cours de l’atelier, il a été observé qu’au moins cinquante pour cent du personnel à plein temps utilisait un enseignement et un apprentissage améliorés par la technologie grâce à l’utilisation d’appareils mobiles personnels tels que les téléphones et les ordinateurs portables dans toutes les matières. Une forte évolution vers la prestation de services mixtes est devenue la norme après la formation. De manière générale, le mélange de cours en face à face et en ligne a aussi été bien accueilli par la majorité des étudiants qui utilisaient la connexion Wi-Fi sur le campus.

Cours en ligne

Lorsque la SANU a fermé son campus en raison de la pandémie, la direction a émis une directive selon laquelle tous les cours seraient proposés en ligne sur des plateformes électroniques – notamment Google Classroom et WhatsApp – et par courrier électronique jusqu’à nouvel ordre. À l’UNESWA, la décision a été semblable : les cours se feraient entièrement en ligne à partir de la plateforme libre Moodle.

2. Pendant la fermeture : formation du personnel

Afin d’améliorer l’efficacité de l’enseignement et de l’apprentissage, l’établissement s’est lancé dans une initiative visant à former le personnel à temps partiel à l’utilisation de Google Classroom, une semaine après la fermeture.

L’Institut d’enseignement à distance (Institute of Distance Education ou IDE) de l’UNESWA a récemment célébré son 25e anniversaire. En temps « normal », son public comprend des apprenants qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas assister aux cours traditionnels. L’enseignement est alors dispensé selon un mode d’apprentissage mixte ou hybride : cours en face à face limités et environnements d’autoapprentissage en ligne, principalement par le biais du LMS Moodle et/ou de WhatsApp. Les enseignants sont formés de façon limitée : ils participent à une orientation générale à l’enseignement à distance et hybride/en ligne.

Lorsque la fermeture du campus a été annoncée, l’UNESWA a été prise de court. La direction a encouragé tous ses professeurs et tuteurs à continuer à utiliser le mode en ligne (laissant désormais de côté toute interaction en face à face) – pour ceux qui enseignent dans l’IDE – et à commencer à faire de même – pour ceux qui auparavant ne comptaient que sur les interactions en classe. Le plan révisé (à partir de juin 2020) inclut des cours virtuels pour tout le monde, sauf les étudiants qui n’ont pas accès aux environnements numériques (les Student services ont aidé à constituer des listes de tels étudiants, dont le nombre exact n’est pas encore connu). Ces étudiants viennent sur le campus pour des cours en présence qui respectent les mesures sanitaires prescrites par le gouvernement. L’année universitaire a été prolongée de mai à octobre 2020.

Résultats

Les outils

Dans l’ensemble, l’analyse du matériel audiovisuel et des outils technologiques utilisés a confirmé la préférence des étudiants et du personnel universitaire pour WhatsApp (100 %) et le courrier électronique plutôt que pour Google Classroom (50 %).

Tableau 1

Préférences des étudiants et du personnel universitaire de la SANU

Préférences des étudiants et du personnel universitaire de la SANU

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Les réactions du personnel universitaire interrogé ont été mitigées. Les enseignants qui ont préféré Google Classroom ont considéré qu’il s’agissait d’une courbe d’apprentissage agréable, qui a permis à certains d’entre eux d’avoir une fréquentation régulière. Cependant, il a été noté que la plateforme était uniquement utilisée pour partager du matériel d’apprentissage et des devoirs. Les mêmes enseignants, partisans de Google Classroom, se sont engagés à ne pas donner de tests par le biais de la plateforme après avoir constaté que les étudiants avaient du mal à soumettre leurs devoirs à temps. De plus, ils ont décidé de ne pas pénaliser les étudiants pour les retards de soumission. En outre, les enseignants ont apprécié la fonction de correction automatisée de Google Classroom, qui, selon eux, permettrait de réduire le stress lié à la correction des nombreuses copies, vu les grandes classes.

De leur côté, les étudiants ont estimé que ceux qui avaient le privilège d’avoir accès à Internet ont pu exceller. En fait, ces étudiants ont pu accéder à diverses ressources en ligne, participer activement aux plateformes et même respecter les délais de soumission. Cependant, d’autres ont déploré le fait qu’ils aient reçu des ressources d’apprentissage qu’ils devaient lire eux‑mêmes sans le soutien des professeurs ou de leurs pairs.

Au contraire, les opposants à Google Classroom ont cité les données mobiles coûteuses, l’inscription peu impressionnante des étudiants et le manque d’appareils compatibles comme autant de facteurs dissuasifs. Un enseignant a décrit l’expérience de Google Classroom comme « déchirante et dévastatrice » à la suite de la réaction des étudiants après un appel pour un test en ligne : cet enseignant avait reçu plusieurs appels téléphoniques sur son portable lui demandant de cesser de donner des tests en ligne. De plus, certains étudiants ont demandé aux chefs de département, par le biais des forums de WhatsApp, de clarifier les réactions négatives qu’ils avaient reçues de/sur Google Classroom après avoir été soumis à des tests et à des quiz. En réponse à cela, les professeurs concernés ont noté l’écart et ont apaisé les craintes des étudiants en s’engageant à noter manuellement les copies pendant que l’établissement mettait à jour ses systèmes.

Les étudiants ont noté plusieurs obstacles à leur utilisation des plateformes électroniques sur le forum WhatsApp : « Il n’y a pas de réseau », « Ma batterie est à plat... je n’ai pas pu la recharger à cause d’une tempête la veille. » Certains ont soulevé des problèmes d’inégalité d’accès à Internet et aux appareils utilisés par les étudiants. Ils ont fait remarquer qu’ils étaient autofinancés et qu’ils ne pouvaient pas se permettre les coûteuses données Internet.

Certains professeurs ont attesté ne pas avoir d’accès au réseau dans certaines régions du pays. D’autres ont fait remarquer que le contexte actuel limitait les pratiques d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation en raison des difficultés liées aux données Internet coûteuses pour les étudiants et les enseignants. D’autre part, les professeurs dont les cours nécessitent des travaux pratiques ou des travaux de terrain ont exprimé leur frustration. À la suite des délibérations sur la plateforme WhatsApp du personnel, il a été noté que ces questions seraient clarifiées en temps utile. Ceci doit encore être mis au point.

Continuation pédagogique

Les réactions du personnel et des étudiants ont été très différentes. Certains membres du personnel ont continué ou se sont mis à enseigner en ligne (à l’UNESWA, 2 enseignants), partager des ressources, donner des devoirs et même des tests, tandis que deux autres ont rencontré de nombreux problèmes (pas de Wi-Fi à la maison, accès limité au bureau, motivation limitée pour passer à un autre environnement d’enseignement et d’apprentissage, apathie générale liée à la pandémie) et ont éprouvé de l’inquiétude et de l’anxiété.

De même, sur 20 étudiants à l’UNESWA, 12 étaient désireux de continuer à apprendre tandis que les huit autres déploraient la nouvelle responsabilité de devoir acheter des unités (d’accès à Internet), d’accéder à des ressources sans disposer des téléphones intelligents et/ou des ordinateurs portables nécessaires, de s’occuper du ménage (s’occuper de leurs frères et soeurs, cuisiner, nettoyer, etc.) ou de tâches liées au travail (le travail à domicile exigeant une refonte complète des routines dans de nombreux cas).

Afin de mieux accompagner les enseignants et les apprenants dans leur aventure en ligne, l’UNESWA a mis en place une équipe de travail comprenant des spécialistes en éducation, enseignement et apprentissage à distance et en ligne (ces membres viennent du Centre d’excellence en enseignement et apprentissage et de l’IDE; ces deux entités font partie de l’Université) qui a fait des recommandations. De toute urgence, des webinaires ont été organisés sur divers thèmes (téléchargement de ressources sur la plateforme Moodle, compétences de communication efficace pendant l’enseignement en ligne, animation en ligne, évaluation en ligne, etc.). Deux cours ont été conçus, sur Moodle, afin d’aider les enseignants à reverser leurs cours sous une forme numérique, en ligne. Ces cours ont commencé fin mai et se sont terminés fin juillet. Il sera intéressant de voir les résultats : Les enseignants sauront-ils gérer leurs cours entièrement en ligne? L’infrastructure et les ressources seront-elles suffisantes afin de mettre en oeuvre un enseignement-apprentissage par le biais du numérique, majoritairement ou uniquement? Ces questions feront partie d’une étude postérieure.

Approche d’enseignement et d’apprentissage

D’un point de vue général, les approches d’enseignement et d’apprentissage utilisées par la majorité des enseignants ne sont pas entièrement conformes aux principes des politiques de la SANU ou de l’UNESWA, alors que, sur papier, dans les politiques des établissements, le socioconstructivisme est ancré dans les principes des approches d’enseignement et d’apprentissage centrées sur l’étudiant. Malheureusement, la tendance courante dans l’utilisation de la plateforme WhatsApp est que les enseignants ont le contrôle total sur le contenu tandis que les étudiants sont des destinataires passifs, ce qui mène à une interaction limitée à la suite de laquelle les apprenants doivent se souvenir d’informations et apporter des réponses simples. Cela suggère que si l’on veut vraiment transformer l’enseignement-apprentissage en une approche socioconstructiviste, les enseignants devront encourager les étudiants à réfléchir activement au contenu du module et à s’engager dans l’application de la théorie. Une autre constatation importante est que l’utilisation d’outils technologiques ne garantit pas un apprentissage actif, mais cela dépend de son utilisation réelle. Par exemple, la littérature a indiqué qu’il est possible d’utiliser WhatsApp sans le faire de manière socioconstructiviste, c’est-à-dire axé sur la transmission d’informations contrôlées par l’enseignant.

Engagement de l’apprenant et de l’enseignant

Le déplacement des sessions de classe vers un espace virtuel a offert de nouvelles possibilités d’apprentissage actif et d’engagement des étudiants. L’apprentissage doit être associé aux interactions entre les étudiants, les animateurs (enseignants) et le contenu. Candy (1991) souligne que l’apprentissage actif prend en compte les connaissances et compétences antérieures de l’apprenant, ainsi que les technologies dont il dispose. Dans le contexte de la SANU, l’analyse du matériel audiovisuel indique que les 190 étudiants inscrits sur la plateforme WhatsApp PTD 2 sont socialement connectés et possèdent également des appareils mobiles. Cela peut également suggérer que ces étudiants sont riches en compétences numériques et prêts à assumer la responsabilité de leur propre apprentissage. La question qui se pose est la suivante : L’accès aux appareils mobiles est-il suffisant pour garantir un apprentissage significatif aux étudiants? La présence et l’orientation des enseignants sont nécessaires pour garantir un apprentissage de haute qualité sur les médias sociaux. Et les contributions des étudiants doivent se chercher activement, car la plupart des étudiants avaient l’impression que leur voix n’était pas entendue lors de la prise de décision sur les outils technologiques ou les médias à utiliser pour l’apprentissage (et nous ne parlons même pas du contenu des modules d’apprentissage).

Recommandations et conclusion

Bien que les deux établissements aient mis en place certaines politiques (sur l’apprentissage et l’enseignement mixte ou hybride, entre autres, et, lors de la pandémie, des directives sur l’enseignement en ligne) et soient conscients de l’importance des compétences numérique telles que celles qui sont nécessaires pour enseigner et apprendre en ligne, de nombreux défis quant à la formation des étudiants et des enseignants, à la compréhension des théories comme le socioconstructivisme et l’apprentissage actif tout au long de la vie et à l’utilisation des outils et plateformes restent à relever. La première réaction de ces établissements a été de rendre le contenu accessible en ligne, mais l’accès au contenu des cours peut-il être assimilé à un apprentissage significatif (voir à ce sujet, entre autres, Garrison, 2003; Mazoue, 1999; Westra, 2016)? Certainement pas. Si l’apprentissage actif et le socioconstructivisme sont la norme, les approches préférées, alors il faut aller au-delà d’une simple mise en ligne de ressources. D’un côté, il faut partir des expériences des étudiants pour, tous ensemble (apprenants et enseignants inclus), coconstruire les connaissances. De l’autre, l’apprentissage actif demande une implication importante des apprenants sur le plan de la réflexion, de la négociation et de l’engagement en vue d’une analyse critique des situations (réelles et complexes) de la société dans laquelle les parties prenantes interagissent.

Les différentes parties prenantes doivent alors bénéficier de formations, car la mise en oeuvre d’un enseignement-apprentissage en ligne implique d’assurer d’une part le développement professionnel continu du personnel enseignant à temps plein et à temps partiel. D’autre part, il faut doter les étudiants des compétences théoriques et techniques/technologiques nécessaires pour fonctionner dans un monde en constante évolution.

En outre, les établissements doivent investir dans l’infrastructure technologique pour soutenir leur approche pédagogique tout en étant conscients du contexte dans lequel ils évoluent. Les universités devront entreprendre un audit approfondi des appareils appartenant aux étudiants pour informer les stratégies d’enseignement-apprentissage alignées sur les modes de propriété des étudiants. Le personnel universitaire doit être plus largement impliqué dans la prise de décision afin de réduire les inégalités qui prévalent en raison des différences d’accès aux technologies de l’information et de la communication, aux données Internet, etc. L’établissement de partenariats avec le gouvernement et les entreprises privées à des fins de financement est impératif.

Enfin, la pandémie a fortement limité les pratiques d’évaluation dans les établissements; il est donc indispensable de proposer d’autres options d’évaluation formative et, surtout, sommative.

En conclusion, la pandémie a rendu obligatoire le passage en ligne de deux universités swazies. La situation d’urgence n’a pas permis de réaliser une analyse approfondie des besoins, des compétences et des outils utilisables dans le contexte d’un pays et d’un enseignement supérieur en voie de développement. Il faut, dès à présent, normaliser la situation en prêtant attention aux théories du socioconstructivisme et de l’apprentissage actif tout au long de la vie, ainsi qu’à leur mise en pratique.