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Introduction

La « fracture numérique » est depuis des décennies défavorable aux pays de l’Afrique noire qui s’adaptent tant bien que mal aux exigences des évolutions charriées par l’ère du numérique (Fuchs et Horak, 2008; Kozma et al., 2004). L’enseignement à distance, grâce au numérique éducatif, a lui aussi tardé à se mettre en place alors que la formation en présence est restée la norme. La suspension des cours en présence, à cause de la pandémie de COVID‑19, a contraint les universités d’État camerounaises à exploiter leurs portails numériques, irrégulièrement mis à jour et parfois inaccessibles pendant des mois. La période de confinement a consisté à « mettre les cours en ligne », une opération qui dans les meilleurs des cas n’était autre que le dépôt, sur les plateformes des universités d’État, des sommaires et supports de cours rédigés pour la cause par les enseignants et les équipes pédagogiques. C’est dans de telles conditions que l’étudiant est contraint de poursuivre son apprentissage en faisant preuve d’une certaine autonomie. L’objectif de cette étude est d’explorer l’apprentissage autonome virtuel d’étudiants, tel qu’il s’est déroulé durant le confinement, pris comme mesure barrière contre la pandémie de COVID‑19 au Cameroun, avec pour conséquence exceptionnelle la poursuite des cours exclusivement à distance, à travers un environnement éducatif et numérique peu structuré.

L’environnement d’apprentissage virtuel

L’environnement d’apprentissage virtuel est un système informatique offrant un espace éducatif, connecté à un réseau Internet ou intranet, qui donne accès à une variété de contenus tout en permettant la communication entre les étudiants, d’une part, et entre eux et leurs enseignants, d’autre part (Bri et al., 2009; Jaligama et Liarokapis, 2011; Moore et al., 2011). À l’aide des ressources et des outils de cet environnement d’apprentissage, les utilisateurs peuvent interagir en temps réel et immédiatement (communication synchrone) ou de manière différée, indépendamment des conditions temporelles ou géographiques (communication asynchrone) (Cejudo, 2013; Jeremić et al., 2013).

Le nombre d’universités qui utilisent des environnements d’apprentissage virtuels pour dispenser des cours totalement en ligne ou en apprentissage mixte (à la fois en présence et en virtuel) est croissant (Hubackova et al., 2011). Les plateformes sont exploitées à cet effet en tant que systèmes de gestion de l’apprentissage offrant des possibilités en matière de gestion de l’information, de communication et d’évaluation de l’apprentissage (Hew et Cheung, 2008).

Moodle (modular object-oriented dynamic learning environment) figure parmi les plateformes d’apprentissage les plus utilisées dans le monde grâce à son interface simple et conviviale qui offre une simplicité d’utilisation et différents outils facilitant le travail individuel et collaboratif (Ayan, 2015). Moodle peut être utilisé même avec un téléphone portable (Chourishi et al., 2011). L’apprentissage collaboratif proposé en ligne permet alors aux membres du groupe de contribuer à atteindre un objectif d’apprentissage commun et à résoudre un problème ou une situation spécifique proposée par une observation systématisée, la détermination d’actions possibles, un dialogue constant et une compréhension partagée du problème analysé (Khanal, 2014; J. Kim, 2013; P. Kim et al., 2011; Murray et al., 2012).

L’apprentissage dans un environnement virtuel requiert un aménagement de stratégies pédagogiques appropriées et bien différentes de celles de la formation en présence (Kaplan et Haenlein, 2016; Mitchell, 2014). Une simple transposition des stratégies d’apprentissage de terrain aux situations éducatives en ligne compromet les résultats escomptés de la formation et augmente les risques de procrastination, d’abandon scolaire et de démotivation de la part de l’apprenant (Elvers et al., 2003; Gortan et Jereb, 2007; Stiller et Bachmaier, 2017). La motivation comme déterminant de l’apprentissage dans des contextes éducatifs en ligne gagne de l’intérêt dans une logique d’autodétermination (Borras-Gene et al., 2016; Hart, 2012; Xie et al., 2011).

L’apprentissage autonome virtuel

L’apprentissage autonome virtuel concerne les adultes, qu’ils soient des étudiants ou des professionnels en formation continue (Beluce et de Oliveira, 2015). La distance géographique entre l’enseignant et l’apprenant requiert que ce dernier ait les compétences nécessaires pour utiliser à la fois Internet et les ressources de l’environnement virtuel. Les horaires étant flexibles, l’apprenant est appelé à prendre une plus grande responsabilité visant la régulation de son propre apprentissage (Filcher et Miller, 2000). Il s’agit de stratégies d’apprentissage directement liées aux motivations de l’apprenant (Eccles et Wigfield, 2002). Sur un continuum d’autodétermination (Deci et Ryan, 2000), ces motivations sont dites autonomes (intrinsèques), sur une extrémité, lorsque l’apprenant s’implique délibérément dans une activité perçue comme amusante ou utile, en adéquation avec ses valeurs. Sur l’autre extrémité, les motivations ont trait aux contraintes et supposent que l’apprenant a le sentiment d’être obligé de s’engager dans une activité du fait des pressions. Ces dernières peuvent être externes, à l’instar de la menace d’une punition ou la promesse d’une récompense, ou alors internes, telles que la honte ou la culpabilité. L’état d’amotivation quant à lui correspond à l’absence de volonté d’agir de l’apprenant, lequel ne manifeste ni motivation autonome ni motivation contrainte (extrinsèque ou contrôlée) pour une activité.

La mesure de la motivation des étudiants dans des environnements d’apprentissage virtuels est une préoccupation de recherche importante (Hartnett et al., 2011). Apprendre en ligne sans enseignant physique, avec le risque du sentiment d’isolement qui peut parfois en résulter, la difficulté à aménager des horaires flexibles et l’accès à de nombreuses sources d’information exigent de l’apprenant une plus grande motivation que la formation entreprise en présence (Youngju et al., 2013).

La réalisation du processus éducatif en ligne, à travers les actions interactives et complémentaires, suppose aussi que les enseignants et les apprenants comprennent et utilisent des stratégies adaptées (Youngju et al., 2013). Les apprenants en ligne doivent développer les stratégies d’apprentissage cognitives (processus d’organisation, de stockage et de traitement de l’information) et métacognitives (autovérification, sélection des idées principales, traitement de l’information, gestion du temps, ressources de l’environnement d’étude, régulation de l’effort employé par l’étudiant) (Broadbent et Poon, 2015; Deimann et Bastiaens, 2010). Les stratégies métacognitives concernent la gestion des connaissances que les étudiants ont d’eux-mêmes et des processus qu’ils entreprennent d’apprendre, et apparaissent plus complexes que les stratégies cognitives (Anderson, 2013).

Méthodologie

Participants

L’évaluation de l’apprentissage autonome virtuel de l’étudiant, durant la période de confinement au Cameroun, de la mi-mars à la fin-mai 2020, étant l’objectif de l’étude, elle s’est faite auprès de 186 participants. La Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Yaoundé 1 est la plus représentée (66,7 %; n = 124), suivie de la Faculté des sciences de la santé de l’Université protestante d’Afrique centrale (21,5 %; n = 40), de la Faculté des arts, lettres et sciences humaines de l’Université de Yaoundé 1 (7 %; n = 13), et d’un institut préparatoire aux grandes écoles (4,8 %; n = 9). Les étudiants du cycle licence (niveaux 1 à 3) représentent 29,6 % de l’échantillon et les autres sont au cycle suivant, à savoir master 1 (28,5 %; n = 53) et master 2 (41,9 %; n = 78). L’âge moyen des participants est de 25,80 ans, avec un écart-type de 6,27, le plus jeune ayant 17 ans alors que le plus âgé en compte 42.

Matériel et procédure

Cette étude exploite l’outil, développé par Beluce et de Oliveira (2016), qui mesure les cinq dimensions que sont les stratégies d’enseignement, la motivation autonome, la motivation de contrôle, la démotivation et le monitorage de l’apprentissage en ligne. Il s’agit d’une échelle d’attitude de type Likert à trois niveaux : « Jamais », « Parfois » et « Toujours » auxquels correspondent respectivement les scores 0, 1 et 2. Elle mesure la fréquence avec laquelle les apprenants déterminent les stratégies d’enseignement, d’apprentissage et de motivation utilisées par les enseignants (instructeurs).

L’outil étant offert en version anglaise, il a été traduit en français par un traducteur professionnel. Un autre traducteur est intervenu ensuite pour traduire sa version française en anglais. Des locuteurs de la langue anglaise ont alors comparé cette version à l’originale et elle a finalement été jugée de bonne qualité. La version française utilisée pour la collecte des données a été modifiée, dans le cadre du travail de réflexion d’une équipe de six juges, afin d’adapter certains items aux réalités locales. En plus des items portant sur l’apprentissage autonome virtuel, nous en avons élaboré d’autres pour évaluer les conditions d’apprentissage. Ils concernent l’interactivité des cours, l’implication des enseignants, l’attractivité des cours en ligne, le volume des évaluations, la pénibilité des cours en ligne comparés à ceux dispensésaux cours en présence, la qualité de la connexion Internet et le besoin de formation nécessaire à l’utilisation des outils du numérique éducatif.

Le questionnaire a été rempli en ligne. L’enquête s’est déroulée du 21 mai au 6 juin 2020. L’engouement pour la participation aux enquêtes en ligne nous a semblé moins intense que celui que l’on peut observer lors de l’administration des questionnaires physiques. Nous avons eu l’impression que l’échelle de Beluce et de Oliveira (2016) a été conçue pour mesurer l’apprentissage tel qu’il se déroule dans un environnement éducatif virtuel conforme aux normes de structuration et de fonctionnement souhaitées, ce qui n’est pas le cas dans les universités camerounaises. Cette réalité a été prise en compte au moment de l’analyse des données.

Analyse des données

Nous avons procédé à une analyse descriptive des données pour de multiples raisons. L’échelle à trois niveaux soulève des questions d’ordre psychométrique qui divisent les chercheurs (Lehmann et Hulbert, 1972). L’enquête vise la production de résultats préliminaires, en matière de mesure de l’apprentissage autonome virtuel à travers un environnement éducatif numérique qui n’est pas encore aux normes, et elle se sert d’un outil qui n’est pas encore adapté et validé à cet effet. L’hétérogénéité des étudiants, du fait de leurs différentes appartenances institutionnelles, suppose que le recours exclusif au numérique éducatif ne s’est pas fait de manière uniforme. L’échantillon ne prétend à aucune représentativité et la prudence requiert de se garder de toute généralisation. La question de la validité externe se pose de ce fait. L’expérience décrite est précisément celle des étudiants effectivement enquêtés.

Résultats

Perception des cours en ligne

Les cours en ligne devraient en principe être interactifs, ce qui n’a pas semblé être le cas pour les étudiants enquêtés. Ils sont 72,6 % à estimer que la majorité des cours proposés en ligne durant le confinement n’étaient pas interactifs. Plusieurs cours n’ont consisté qu’en des sommaires et des documents rédigés puis déposés sur la plateforme à laquelle ils avaient accès. Cette tendance est confirmée par l’impression que les apprenants ont eue de faire face à l’absence des enseignants en ligne. Environ 42 % des étudiants estiment que les enseignants étaient virtuellement présents dans la totalité de leurs cours. Seuls 4,3 % des participants estiment que tous les cours proposés en ligne ont fait l’objet d’évaluations. Ce pourcentage est faible si l’on prend en compte l’importance desdites évaluations dans le processus d’apprentissage, qu’elles soient diagnostiques, formatives, sommatives ou de tout autre type. Les enseignants ayant généralement commencé les cours en présence avant de les continuer à distance durant le confinement, les étudiants ont été amenés à comparer leurs prestations dans les deux registres. Seulement 30,6 % des étudiants soutiennent qu’ils étaient tous aussi « intéressants » en ligne qu’en présence. Pour le reste, les enseignants ont, en général, été meilleurs dans les salles de classe et amphithéâtres physiques.

Conditions d’apprentissage

Les conditions d’apprentissage renvoient aux items du questionnaire qui portent sur les variations des dépenses d’étudiants en matière de consommation de données, les contraintes relatives au type de cours, le besoin de formation à l’apprentissage virtuel, la qualité de la connexion Internet et les outils de travail utilisés. Le tableau 1 présente les fréquences absolues et les pourcentages s’y rapportant.

Tableau 1

Conditions d’apprentissage (186 participants)

Conditions d’apprentissage (186 participants)

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La majorité des étudiants se servent uniquement d’un téléphone Android pour suivre les cours en ligne (82,14 %), contre 8,33 % qui s’y prennent uniquement à l’aide d’un ordinateur, alors que 9,52 % utilisent à la fois un téléphone Android et un ordinateur portable. C’est dire que l’accès en permanence à un ordinateur comme outil de travail fait défaut. L’augmentation des dépenses de consommation de données numériques durant la période de confinement est confirmée par 90,3 % des étudiants; en fait, 68,3 % estiment d’ailleurs que ladite augmentation est considérable. Quant à la connectivité, 39,8 % l’estiment de bonne qualité et pour le reste, la connexion Internet n’est pas fluide. S’agissant de la comparaison relative aux enseignements en présence et à distance, les répondants sont 57 % à penser que le second les expose à plus de contraintes que le premier. Pour les étudiants concernés, tout laisse croire qu’en dépit des difficultés d’accès à une connexion Internet de bonne qualité, ajoutées à l’augmentation des dépenses y relatives, la pénibilité de la formation en ligne n’égale pas celle de la formation en présence.

Apprentissage autonome virtuel

Le tableau 2 présente les items mesurant l’apprentissage autonome virtuel. Certains portent sur les stratégies d’enseignement, d’autres sur la motivation autonome, la motivation de contrôle, la démotivation et le monitorage de l’apprentissage en ligne.

Les statistiques relatives aux items concernant, en principe, les stratégies d’apprentissage indiquent, pour chacun d’eux, que moins de la moitié des participants ont répondu « Toujours ». Durant le confinement, le rapprochement des étudiants et des enseignants grâce à l’envoi et à la réception des messages en ligne est approuvé par 42 % des répondants. Pour 43 %, les conversations tenues dans les réseaux sociaux favorisent effectivement les interactions avec les camarades et les enseignants. Les forums de discussion non institutionnels conduisent toujours à l’observation, à l’analyse et à la réflexion sur le contenu proposé et sur leur apprentissage pour 45,7 %. Partager, sur les forums de discussion, avec les camarades et les enseignants, leurs expériences basées sur le cours abordé facilite systématiquement de nouveaux apprentissages chez 39,8 % seulement. De même, pour 32,8 %, les commentaires sur leurs questions et préoccupations sont faits dans un délai approprié et aident à comprendre le contenu et la réalisation des activités. Partager les stratégies qu’ils utilisent dans les cours pour comprendre de nouvelles connaissances aide 37,1 % à réfléchir sur leur apprentissage. Les commentaires d’évaluation des activités envoyés par les enseignants sont clairs, précis et fournissent des conseils pour 22,6 %. La sélection et l’organisation du contenu et des activités proposées pendant les cours évitent avec certitude la surcharge en informations et en tâches seulement chez 24,7 %.

En matière de motivation autonome, plus de la moitié des étudiants de l’échantillon participent : aux forums de discussion parce que les débats leur permettent d’approfondir la compréhension des contenus étudiés (56,5 %); aux activités de groupe parce qu’elles offrent des possibilités d’élargissement de leurs connaissances (65,1 %); aux cours en ligne parce qu’étudier est important pour eux (81,7 %) et parce qu’ils savent qu’ils doivent mettre à jour leurs connaissances pour envisager leur pratique professionnelle (77,4 %). Plus de la moitié également effectuent les activités proposées en ligne parce qu’elles favorisent la réflexion sur leurs propres apprentissages (55,4 %). De même, ils suivent les instructions sur le contenu et les activités proposées, estimant que la participation et la fréquentation de l’environnement des cours en ligne sont nécessaires à l’apprentissage (63,4 %). Les cours en ligne de la filière sont suivis avec la certitude qu’ils contribueront à développer les compétences professionnelles (68,3 %). Étudier est avant tout un privilège pour plusieurs (73,1 %), même si moins de la moitié trouvent une source de satisfaction à interagir, avec les camarades et les enseignants, et à utiliser le contenu fourni dans l’environnement (45,7 %). Échanger des idées intéressantes avec les enseignants et les camarades est un plaisir que seuls 28 % prennent toujours à participer aux débats tenus dans les forums de discussion.

Tableau 2

Items et pourcentages liés à l’apprentissage virtuel autonome

Items et pourcentages liés à l’apprentissage virtuel autonome

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Pour ce qui est de la motivation contrôlée, plus de la moitié avouent participer tout le temps aux cours virtuels pour ne pas échouer en fin d’année (59,7 %). À peine la moitié disent s’impliquer dans les activités, les débats et les rencontres virtuels pour avoir de bonnes notes (49,5 %). Les documents indiqués en ligne sont systématiquement lus avec un sentiment d’obligation de le faire (46,8 %). À peine le quart des étudiants de l’échantillon participent aux débats et discussions proposés sur leurs forums d’échange parce qu’ils seront évalués (24,2 %), ce qui se conçoit bien si l’on tient compte de ce que peu d’évaluations sont faites en ligne durant le confinement. La participation à l’interactivité virtuelle est en permanence conditionnée, chez une minorité, par la conformité aux attentes des autres à leur endroit (14 %) et l’évitement des perceptions négatives relatives à l’absence et à l’improductivité (14,5 %).

S’agissant des items portant sur l’amotivation, on relève que les participants affirment toujours savoir pourquoi ils suivent les cours en ligne (91,4 %). La grande majorité en fait systématiquement une priorité parmi d’autres occupations (89,2 %), y consacre le temps requis (95,7 %), connaissant les raisons pour lesquelles ils accèdent à la page des cours (91,4 %).

Les deux items qui renvoient au monitorage de l’apprentissage permettent de relever que peu d’étudiants affirment avoir en permanence du mal à comprendre le contenu sur lequel ils travaillent pendant les cours (14,5 %). Bien moins encore avouent leur tendance à mal formuler des commentaires sur les questions discutées dans les forums (5,4 %).

Discussion

Les résultats de l’étude menée indiquent que l’interactivité des cours en ligne ne semble pas effective pour la majorité des étudiants. Plus de la moitié estiment qu’une fois le dépôt des cours en ligne effectué, les enseignants n’ont plus assumé la suite de leurs responsabilités. Ils rapportent également que peu de cours en ligne ont fait l’objet d’une évaluation durant la période de confinement. Certains enseignants ont paru moins « intéressants » en ligne qu’ils ne le sont en présence. Les dépenses pour la consommation des données numériques ont beaucoup augmenté pour la plupart. Les statistiques descriptives semblent en faveur de l’hypothèse d’une motivation autonome plus régulière que la motivation de contrôle. Les items relatifs à l’amotivation, quant à eux, indiqueraient qu’elle n’est l’apanage que d’une minorité d’étudiants, ce qui est d’ailleurs en accord avec leur motivation autonome.

L’interactivité décriée, à tort ou à raison, par les étudiants pourrait tenir de l’absence de scénario pédagogique systématique médiatisé par les environnements éducatifs virtuels durant le confinement. Des travaux ont montré qu’un tel scénario devrait privilégier l’interlocution entre enseignants, apprenants et contenus/informations mis à disposition dans l’environnement, le renforcement de la perception d’un lien et le développement des compétences orientées vers le suivi de l’apprentissage, la gestion du temps d’étude et l’autonomie (Ayan, 2015; Khanal, 2014; J. Kim, 2013; P. Kim et al., 2011; Murray et al., 2012).

Si les stratégies d’apprentissage sont des comportements préalablement planifiés qui visent à se conformer à une tâche éducative ou à résoudre un problème ou une situation d’apprentissage spécifique (Dochy et al., 2002), il va de soi qu’elles n’entrent pas en jeu en tant que telles durant la période de confinement où les activités pédagogiques ont souvent relevé de l’improvisation et de l’amateurisme. D’autant que, en tant qu’elles jouent un rôle important dans la performance des apprenants, les stratégies d’apprentissage doivent être utilisées et comprises par ces derniers (Reeve et al., 2004; Tsai, 2009).

La motivation à apprendre à distance durant le confinement serait présente chez les étudiants en dépit des insuffisances de l’environnement éducatif numérique qui leur est proposé. Le fait pour les enseignants de n’avoir pas toujours joué leur rôle n’exclut pas, dans une telle situation, que la poursuite du cours et l’effort pour accomplir les tâches dépendent, dans une large mesure, des étudiants eux-mêmes (Deci et Ryan, 2000; Deci et Vansteenkiste, 2004; Eccles et Wigfield, 2002; Filcher et Miller, 2000). Il est certes nécessaire d’établir et d’appliquer des stratégies d’enseignement efficaces afin de motiver les apprenants (Kaplan et Haenlein, 2016; Mitchell, 2014; Stiller et Bachmaier, 2017), mais on peut présumer qu’ils ont la capacité d’opérer une construction interne et complexe qui guide, modifie et/ou maintient les actions, les objectifs et les préférences.

Les étudiants feraient preuve, en période de confinement, de motivation intrinsèque en matière d’apprentissage virtuel si l’on considère, avec Ratelle et al. (2007), qu’il s’agit de leur part d’une tendance naturelle à exercer leurs propres compétences du fait des défis, dans la recherche de la nouveauté, et à travers l’intérêt et la satisfaction dans la réalisation de la tâche elle-même. En même temps, la motivation contrôlée pourrait renvoyer à une logique de motivation extrinsèque traduite par un comportement visant l’atteinte d’un objectif souhaité sous l’angle d’une récompense (admiration par les pairs, bonnes notes, succès en fin d’année) ou de l’évitement d’événements indésirables, à l’instar de l’échec provoqué par le relâchement dû au confinement.

Compte tenu du rôle que peut jouer l’évaluation dans la motivation contrôlée de l’étudiant (Y. H. Kim, 2014), le fait qu’elle ne soit pas systématiquement faite dans les cours en ligne durant le confinement serait de nature à réduire un stimulus de la motivation extrinsèque. L’autodétermination suppose que le comportement intentionnel peut être guidé par une motivation autonome ou par une motivation contrôlée (Legault et al., 2006; Pintrich, 2004), ce qui mène à reconsidérer le fait que l’apprentissage autonome virtuel des étudiants confinés ne varie pas en fonction des facteurs environnementaux tels que les effectifs de classe et les compétences à apprendre dans un environnement virtuel, pour ne citer que ceux-là. La conception et l’application d’un monitorage de l’apprentissage semblent d’une nécessité importante pour la structuration de l’environnement éducatif virtuel offert aux étudiants et aux enseignants.

Conclusion

La pandémie de COVID-19 montre toute l’importance de la structuration de l’environnement éducatif virtuel au bénéfice de la formation dans l’enseignement supérieur au Cameroun. Les universités africaines doivent rattraper un retard considérable pour s’arrimer aux normes dans ce domaine. Cela ne se réalisera pas du jour au lendemain et la communauté éducative devra s’ajuster progressivement aux évolutions qui s’imposent d’elles-mêmes. Tout comme l’arrêté portant organisation du système LMD de janvier 2018 (Ministère de l’Enseignement supérieur, 2018) qui indique que l’une des finalités dudit système est l’apprentissage autonome de l’étudiant, la promotion du recours à l’environnement éducatif virtuel met davantage en exergue l’autonomie. Pour le moment, celle-ci ne saurait être évaluée par des outils conçus pour la mesurer dans des contextes éducatifs bénéficiant de meilleurs environnements virtuels. Des outils doivent, à défaut d’être conçus et élaborés, au moins être adaptés et validés en contexte camerounais pour évaluer l’apprentissage autonome virtuel en rapport avec les insuffisances de la réalité numérique propres à l’Afrique noire. Les considérations d’ordre psychométrique sont à prendre en compte à cet effet, de même que la mesure des stratégies d’apprentissage cognitives et métacognitives. Ces composantes n’ont pas été étudiées dans ce travail. La constitution d’échantillons plus larges sera un avantage en la matière, tout comme l’administration physique des questionnaires, en sus de l’enquête en ligne qui, somme toute, ne permet pas pour le moment de récolter au Cameroun la quantité de données escomptée par le chercheur. Les attitudes et habitudes se rapportant aux enquêtes sociales peuvent expliquer cette réalité.