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Introduction

La crise de la COVID‑19 a engendré un passage brutal aux enseignements à distance dans une large majorité d’universités traditionnelles dans le monde. Une transformation des pratiques des étudiants, des enseignants et des établissements d’enseignement s’est imposée en un temps record. Appréhender et surtout comprendre ces processus de transformation en profondeur constitue un défi méthodologique. Dans cet article, nous éprouvons et illustrons le potentiel d’une méthodologie de recherche à partir de deux cas issus du volet « enseignement supérieur » d’une recherche plus large dont les analyses sont en cours. La méthodologie recourt à la méthode de modélisation des environnements personnels d’apprentissage (MEPA) (Felder, 2019b) pour décrire et modéliser les pratiques d’apprentissage d’étudiants universitaires avant et pendant le confinement dû à la COVID‑19, ainsi qu’à l’outil de positionnement des dispositifs d’enseignement du projet Hy‑Sup (Deschryver et Charlier, 2014) pour décrire les transformations des dispositifs d’enseignement avant et pendant le confinement.

Une première partie théorique montrera comment les transformations de pratiques d’apprentissage peuvent être décrites à partir d’une approche théorique des pratiques (Goodyear, 2020) et à la lumière des environnements personnels d’apprentissage (EPA). Elle proposera, ensuite, d’aborder la description et l’analyse des transformations des dispositifs à partir du concept de learning design, que nous traduisons par design pédagogique (Boud et Prosser, 2002) et de la typologie de dispositifs hybrides Hy‑Sup (Deschryver et Charlier, 2014).

Deux analyses de cas seront ensuite proposées. Afin d’illustrer le potentiel de la méthodologie, les analyses présentées viseront les objectifs suivants : 1) à partir des modélisations des EPA des étudiants avant et pendant la période d’enseignement à distance, déterminer des transformations dans leurs pratiques d’apprentissage; 2) apporter des éléments de compréhension de ces transformations en lien avec des caractéristiques individuelles des étudiants et leurs représentations de leurs dispositifs d’enseignement et des transformations de ces enseignements telles que décrites par leurs enseignants.

En conclusion, nous discuterons du potentiel de cette méthode de recherche pour appréhender les changements de pratiques d’apprentissage des étudiants en lien avec les transformations de leurs dispositifs de formation. Dans quelle mesure et à quelles conditions le passage à la distance a-t-il influencé les pratiques d’apprentissage des étudiants? Quelles sont les transformations de dispositifs associées aux changements de pratiques d’apprentissage des étudiants?

Cadre théorique

Articulé autour de nos deux objectifs de recherche, le cadre théorique qui suit présente les approches et les résultats de recherche récents fournissant un appui à notre démarche exploratoire.

L’environnement personnel d’apprentissage, révélateur des pratiques

Récemment, Goodyear (2020) proposait une théorisation des pratiques de conception d’espaces d’apprentissage par les étudiants universitaires, qu’il définit comme des « espaces dans lesquels l’activité des étudiants est située et soutenue par un riche mélange de ressources numériques et non numériques[1] » (p. 1045). Pour étudier ces espaces et comprendre comment les enseignants, les étudiants et les autres acteurs les conçoivent et les co-configurent avec d’autres en fonction des contextes dans lesquels ils se situent, l’auteur soutient la nécessité d’une approche théorique permettant de décrire ce que les personnes font réellement, dépassant ainsi certains postulats des modèles normatifs de l’ingénierie pédagogique. À cet égard, Goodyear (2020) considère la théorie de la pratique comme une approche heuristique féconde. Selon lui, « la théorie de la pratique procure des descriptions basées sur les processus expliquant le produit de l’activité en permettant de suivre en détail la séquence des événements à travers lesquels un processus se déploie retraçant la propagation des effets à travers les réseaux de personnes et de choses[2] » (p. 1048).

L’auteur définit le concept de pratique en citant Kemmis et al. (2014) : « une pratique est une forme d’activité humaine socialement établie dans laquelle des arrangements caractéristiques d’actions et d’activités (doings) sont compréhensibles en termes d’arrangements d’idées significatives dans des discours caractéristiques (sayings), et quand les individus et les objets impliqués sont distribués en arrangements caractéristiques de relations (relatings), et quand ce complexe de sayings, doings, and relatings « s’articule » dans un projet particulier[3] » (Goodyear, 2020, p. 1048).

Dans son article, l’auteur présente bien les fondements sociologiques de cette approche théorique et son intérêt pour les recherches en technologie de l’éducation : prise en compte de l’interaction entre un individu et son environnement, mise en évidence de structures stables, mais aussi possibilité d’appréhender des changements dans ces structures en lien avec les changements des environnements. Il dégage quatre aspects permettant de caractériser une pratique et d’en étudier les changements : la structure ou le modèle (la manière spécifique de faire une activité avec des outils spécifiques qui fait qu’on la reconnaît indépendamment d’un contexte, comme prendre des notes) et la performance (le faire et la manière de le faire à un moment donné qui font que la pratique existe et évolue); le projet ou l’objet (ce que l’on veut faire); et troisièmement son architecture : « le projet/objet de la pratique, les modèles d’action, les discours et les relations qui caractérisent la pratique, et l’arrangement des ressources sur lesquelles ils s’appuient constituent une architecture de pratique distincte[4] » (Goodyear, 2020, p. 1049). Enfin, l’auteur rappelle que ces pratiques n’émergent pas de nulle part – elles évoluent en fonction des contextes (de travail ou d’apprentissage) dans lesquels elles apparaissent – et dépendent des contextes qu’il s’agit de caractériser.

Sur le plan méthodologique, Goodyear (2020, p. 1052-1053) propose une combinaison entre un double mouvement de « zoom avant » (zooming in) et de « zoom arrière » (zooming out) pour étudier les pratiques et leurs changements. Avec le zoom avant, il s’agit de se rapprocher de ce que la personne dit et fait (avec quels outils et avec quelles intentions). Avec le zoom arrière, il s’agit de regarder comment cette pratique est reliée à son contexte et à son environnement spécifique.

Les propositions de Goodyear font largement écho à notre approche. Dans le prolongement des travaux sur les pratiques d’apprentissage des étudiants à partir du concept d’EPA depuis une dizaine d’années (Henri et al., 2008), les avancées récentes sur le plan méthodologique (Felder, 2019b) nous semblent suggérer que la modélisation des EPA constitue une méthode particulièrement pertinente pour décrire les activités d’apprentissage des étudiants dans leurs trois dimensions (modèle et performance, projet ou objet et architecture) et leurs transformations en lien avec les dispositifs de formation à l’occasion desquels elles émergent. C’est en tout cas ce que nous voudrions éprouver dans cet article exploratoire.

Ainsi, nous pensons que le concept d’EPA offre un grand potentiel pour révéler les pratiques d’apprentissage. En mobilisant des travaux antérieurs sur les EPA (Charlier, 2014; Fluckiger, 2014; Henri, 2014; Roland et Talbot, 2014; Väljataga et Laanpere, 2010), la genèse instrumentale (Marquet, 2005; Rabardel, 1995), l’ingénierie pédagogique (Paquette, 2005) et la cognition (Bégin, 2008), les récents travaux de Felder apportent une nouvelle définition de l’EPA (2019a). L’EPA est à la fois un modèle mental explicatif et culturel de l’activité d’apprentissage et le produit d’un processus de construction et de régulation mené par l’apprenant au sein d’un système d’activité d’apprentissage. Ce dernier produit à son tour un EPA, qui s’organise en une représentation subjective d’un ensemble d’instruments d’apprentissage en lien avec un projet d’apprentissage. Les instruments sont composés d’artefacts et de schèmes exprimant les actions menées dans une intention d’apprentissage, actions qui utilisent des artefacts techniques, matériels ou numériques, qui appliquent des artefacts pédagogiques que sont les stratégies cognitives et métacognitives et les formes de médiatisation des connaissances, qui visent l’acquisition d’artefacts didactiques que sont les connaissances et les compétences, et qui observent des artefacts sociaux que sont les individus ou les groupes, les règles et valeurs internes ou celles externes à l’individu (Felder, 2019a).

La MEPA (Felder, 2019b) permet d’analyser à partir du discours de l’apprenant (sayings) les représentations qu’il se fait de ses instruments d’apprentissage en lien avec ses représentations du projet d’apprentissage et de mettre en relation les actions des individus (doings) avec les objets impliqués dans l’activité (relatings). Au-delà de l’intérêt analytique de la méthode, le langage de modélisation de l’EPA de la MEPA est un outil puissant pour montrer les arrangements, les architectures des doings, sayings et relatings. Un ensemble de symboles composés de 42 éléments et de quatre types de liens permet de représenter les artefacts et les schèmes en les associant aux représentations exprimées par l’apprenant. Soulignons que la MEPA ouvre également des perspectives intéressantes pour analyser et modéliser la représentation que se font les enseignants des EPA construits par les apprenants (Molteni, 2019) et que la modélisation des EPA présente un grand potentiel réflexif (Felder, 2019c).

Modéliser l’EPA revient à appréhender comment en pratique les individus créent leur Plus, c’est-à-dire leur cognition distribuée entre l’individu et les artefacts de leur environnement (Charlier, 2017; Perkins, 1993). D’après Charlier, c’est de la relation entre l’individu et les artefacts que se construisent les apprentissages. Ainsi, la modélisation de l’environnement personnel d’apprentissage s’avère être une clé pour appréhender les pratiques d’apprentissage à partir du vécu réel des individus. Nous l’illustrerons ci‑dessous par la présentation de deux cas.

Le type de dispositif d’enseignement, contexte d’émergence des pratiques d’apprentissage

Pour comprendre les transformations des pratiques d’apprentissage des étudiants, il s’agit notamment de les situer par rapport aux dispositifs d’enseignement soutenant ou provoquant ces activités et leurs transformations. Nous disons « notamment » parce que, comme le propose le modèle systémique d’évaluation des dispositifs de formation de (Charlier et al., 2015), deux autres ensembles de variables devraient être considérés : les caractéristiques individuelles des étudiants et leurs représentations du dispositif de formation. Dans le cadre de cet article, nous insisterons en particulier sur la caractérisation des types de dispositifs considérés ou de leur design pédagogique.

Comme le définit Charlier et al. (à paraître) en référence à Boud et Prosser (2002) , le concept de learning design ou de design pédagogique désigne « l’ensemble des caractéristiques d’un dispositif de formation formant une configuration spécifique conduisant à des effets similaires à ceux d’autres dispositifs sur l’apprentissage des étudiants et l’engagement des enseignants. » Les caractérisations d’un tel design pédagogique sont souvent fondées sur des approches théoriques et normatives, telles que présentées dans Reigeluth et Carr-Chellman (2009). Le projet européen Hy‑Sup a permis de mettre en évidence des configurations spécifiques ou types de dispositifs hybrides sur une base empirique fondée théoriquement. Cette avancée sur le plan de la recherche nous paraît fondamentale. En effet, sur la base de l’analyse de la description (selon une approche de recherche mixte) de près de 200 dispositifs de formation hybrides par des enseignants issus de cinq établissements universitaires et de disciplines différentes, six types de dispositifs ont pu être décrits et 14 facteurs permettant de les différencier mis en évidence. Il en résulte un outil d’autopositionnement des dispositifs exploitables par les enseignants eux-mêmes pour caractériser leurs dispositifs.

Dans le cadre de cette recherche, nous avons utilisé la typologie Hy-Sup pour caractériser les dispositifs de formation avant et pendant la COVID 19, du point de vue des enseignants. La recherche Hy-Sup (Deschryver et Charlier, 2014) et nos recherches ultérieures (Charlier et Lambert, 2019; Charlier et al., à paraître) ont montré combien la représentation par les étudiants des types de dispositifs offerts intervenait à titre de variable médiatrice pour comprendre les effets des dispositifs sur l’expérience d’apprentissage des étudiants, raison pour laquelle nous intégrons également cette variable dans nos analyses exploratoires.

Méthode

Comme le souligne Goodyear, il n’existe pas de méthode unique pour étudier les pratiques (2020, p. 1052). Dans le cadre de cette recherche exploratoire, nous avons constitué un échantillon de cinq étudiants universitaires, cinq étudiants du postsecondaire, cinq élèves du secondaire et cinq élèves du primaire. Tous les sujets sont actifs dans le système éducatif du canton de Fribourg, en Suisse.

À partir de la MEPA (Felder, 2019b, d), un entretien d’explicitation (Vermersch, 2019) a été mené et enregistré avec chacun des étudiants et des élèves. Par son questionnement, le chercheur amène l’apprenant à expliciter sa façon d’apprendre : quelles actions et intentions, quels ressources et outils sont mobilisés, quelles connaissances et compétences sont visées, quelles stratégies cognitives sont mises en oeuvre, quelles personnes sont impliquées et quelles règles et valeur régulent l’activité. L’apprenant était invité à relater une activité représentative de son choix avant la période d’enseignement à distance due à la crise de la COVID-19, puis une activité illustrant sa façon d’apprendre pendant cette période. À partir de chaque enregistrement, un premier chercheur a produit un modèle d’EPA avant et un autre pendant la période d’enseignement à distance (voir annexe). Dans cette démarche, la pratique d’apprentissage est représentée et appréhendée par le modèle d’EPA. Le langage de modélisation de la MEPA et son modèle générique constituent la grille d’analyse et d’interprétation de la pratique exprimée dans les entretiens (Felder, 2019b).

Chaque modèle a ensuite été présenté à l’équipe de recherche, examiné et révisé en retournant aux données brutes en cas de besoin. Ce travail a été fait en recourant à l’application Web YEPA (YllYl, s.d.) qui permet dans une démarche heuristique de produire les modèles d’EPA, de les partager, de les comparer et de mener des réflexions. Conjointement, l’équipe de recherche a ainsi décelé des transformations de pratiques pour lesquelles elle a formulé des interprétations.

À partir de l’outil d’autopositionnement des dispositifs d’enseignement Hy-Sup (Collectif Hy-sup, s.d.), un entretien a été mené et enregistré avec chacun des enseignants afin de déterminer le type de dispositifs mis en place avant et pendant le confinement.

Pour rappel, voici les objectifs poursuivis par nos analyses et interprétations :

  1. À partir des modélisations des EPA des étudiants avant et pendant l’enseignement à distance, établir les transformations de leurs pratiques d’apprentissage;

  2. Apporter des éléments de compréhension de ces transformations en lien avec des caractéristiques individuelles des étudiants, leurs représentations de leurs dispositifs d’enseignement et de leurs transformations et les transformations de ces enseignements telles que décrites par leurs enseignants.

À partir de ces objectifs, nous avons formulé les questions de recherche suivantes, pour cette recherche exploratoire :

  1. Quelles transformations sont observables dans les composantes de l’environnement personnel d’apprentissage (zoom avant)?

  2. Quelles transformations sont observables dans l’architecture de l’environnement personnel d’apprentissage (zoom avant)? Autrement dit, quelles sont les transformations de l’activité elle-même, de ses intentions, ainsi que de son objet (schème) et de son architecture (association de ressources humaines et d’artefacts)?

  3. Comment comprendre ces transformations? Dans quelle mesure le passage à distance et les transformations du dispositif associées (type) sont-ils liés à des transformations de pratiques d’apprentissage chez l’étudiant (zoom arrière)?

Dans la suite, nous éprouvons cette méthode de recherche à partir des résultats intermédiaires de notre étude en nous concentrant sur les cas illustratifs d’un étudiant universitaire et sur celui d’un étudiant du postsecondaire.

Résultats

Cas 1 – Un étudiant de bachelor et un dispositif d’enseignement à l’Université

Le premier cas que nous étudions se situe dans le cadre d’un cours de deuxième année d’un programme de bachelor en pédagogie spécialisée qui réunit une soixantaine d’étudiants.

James (prénom d’emprunt) est un étudiant de 27 ans qui bénéficie d’une formation en ostéopathie antérieure à ses études de bachelor dans le domaine de l’éducation et de la psychologie. Il a également réalisé un stage au cours duquel il a développé quelques compétences en lien avec la thématique du cours en question. Il déclare chercher à comprendre la matière enseignée et poser fréquemment des questions en cours. Il se présente comme une personne-ressource pour les autres étudiants qui lui demandent souvent des précisions. Il a pour habitude de se procurer des résumés rédigés par des étudiants ayant déjà suivi le programme de bachelor, qu’il complète. James a vécu l’enseignement tout à distance globalement positivement et souhaiterait le revivre pour certains modules. Cette appréciation est nuancée par son sentiment d’avoir bâclé ses apprentissages, qui seraient moins bons selon lui.

Transformations du dispositif d’enseignement

Selon sa perception, la professeure a conçu initialement un dispositif de type 5 : le métro centré apprentissage qui se caractérise principalement par « la participation active des étudiants en présence (composante 1), la participation active des étudiants à distance (composante 2), l’accompagnement méthodologique par les enseignants (composante 10), l’accompagnement métacognitif par les enseignants (composante 11), l’accompagnement par les étudiants (composante 12), ainsi que la liberté de choix des méthodes pédagogiques (composante 13). Quant aux caractéristiques secondaires, il s’agit de l’utilisation d’outils de gestion, de communication et d’interaction (composante 4) et du recours à des intervenants et à des ressources externes au monde scolaire (composante 14) » (Lebrun et al., 2014, p. 70). Au début de la crise de la COVID‑19, l’Université a décrété l’interdiction de l’enseignement en présence et préconisé un passage à l’enseignement à distance. La professeure a adapté son dispositif, qui correspond désormais au type 6. Il est caractérisé ainsi par les auteurs (p. 70‑71) :

Ces dispositifs sont parmi les plus représentatifs de l’exploitation du potentiel technopédagogique des dispositifs hybrides de formation et exploitent de façon fréquente et exhaustive l’ensemble des dimensions constitutives de ces dispositifs de formation. Nous conservons donc la métaphore choisie, qui renvoie à « un ensemble, un lieu d’échange de matière vivante assurant à la fois l’équilibre et le développement de la vie [et à l’idée de] mise à profit de chaque élément présent au sein d’un même ensemble

Peraya et Peltier, 2012, p. 62

Avant, James perçoit le dispositif comme un cours ex cathedra où des notions théoriques sont présentées par la professeure avec le soutien de diapositives et illustrées par des situations pratiques vécues. Cette articulation avec la pratique se fait au moyen de vidéos à analyser ou de simulation sur un étudiant volontaire. Certains gestes ou concepts sont expérimentés par les étudiants en cours. Les enseignements sont ponctués d’interventions de spécialistes de certaines thématiques. James apprécie ce cours pour lequel il peut établir des liens entre sa formation antérieure, les apports théoriques et la mise en pratique.

Pendant, James perçoit les ajustements suivants au dispositif. L’enseignement est devenu entièrement asynchrone. La professeure a enregistré ses présentations qui restent similaires à celles utilisées avant, hormis la disparition des démonstrations. De plus, la professeure a structuré les activités des étudiants à l’aide de l’outil « leçon » de la plateforme Moodle, dans lequel des supports visuels, des textes et des vidéos favorisent l’articulation entre théorie et analyse de situations concrètes. Enfin, les étudiants ont dû, par groupe, trouver des exemples pour une thématique et imaginer un plan d’intervention pour une situation donnée.

Transformations de l’environnement personnel d’apprentissage

Les transformations de la pratique d’apprentissage de James présentées dans cette section sont repérées dans un mouvement de zoom avant par une approche analytique et holistique des modèles de son EPA avant et pendant l’enseignement tout à distance. Elles sont associées à des transformations du dispositif d’enseignement dans un mouvement de zoom arrière. Les modélisations de l’EPA de James avant et pendant l’enseignement tout à distance sont présentées en annexe.

Schèmes et instruments d’apprentissages. James travaille désormais la théorie à son rythme, d’une part en jouant avec les fonctions d’écoute, de pause et d’accélération des enregistrements et d’autre part, en concentrant son travail sur une courte période grâce à l’accès à tous les enregistrements dès le début. Il ne pose plus de questions et ne réalise plus les gestes pratiques, alors qu’il jugeait ces deux schèmes essentiels à sa pratique d’apprentissage. L’autorégulation occupe une plus grande place dans la pratique de l’étudiant. Il trouve des solutions par lui-même. L’étudiant pense que « le prof n’est pas là pour nous mâcher le travail, mais pour nous donner la matière ». La transition vers l’enseignement tout à distance remet en question ces rôles. La transmission des connaissances requiert plus d’autonomie de la part de l’apprenant.

Artefacts techniques. James préserve l’utilisation de la tablette pour prendre des notes et y ajoute l’ordinateur pour accéder aux ressources d’apprentissage. La plateforme Moodle apparaît dans son EPA et intervient comme artefact pivot (Roland et Talbot, 2014) entre l’accès aux ressources d’apprentissage médiatisées et une partie de leur appropriation par le travail collaboratif dans le wiki.

Artefacts pédagogiques – formes de représentations des connaissances (médiatisation). La transformation principale relève de la médiatisation de la présence pédagogique, résultante « des interactions sociales que le formateur entretient à distance avec les apprenants pour soutenir les présences cognitive et socioaffective » (p. 270), et de la présence cognitive, résultante « des transactions existantes entre les apprenants pour résoudre de façon conjointe et commune une situation problématique » (p. 266) au sens où Jézégou (2010) les définit au moyen de la fonction « leçon » de Moodle, ainsi que d’un forum et du clavardage. Par cette médiatisation, des textes et des vidéos deviennent importants dans la représentation que se fait James de sa pratique, bien que la professeure y recourût déjà avant. Aussi, le recours au résumé des années précédentes semble moins important. Notons encore que les témoignages des autres étudiants ainsi que la grille d’observation utilisée avant disparaissent.

Artefacts pédagogiques – stratégies (méta-)cognitives. James perçoit plus fortement son activité métacognitive dans cette transition entre avant et pendant l’enseignement tout à distance. Il compare lui-même ces deux moments (p. ex. « Je suis moins appliqué lorsqu’il n’y a personne en face de moi »). La disparition des démonstrations de l’enseignante a pour conséquence que James ne s’engage plus dans une observation des procédures d’accompagnement. Par contre, il considère être plus actif sur le plan de la production de ses connaissances, par la réalisation du travail de groupe.

Artefacts didactiques –compétences et connaissances. Ce ne sont plus les mêmes compétences que James développe. Les changements de stratégies cognitives et de médiatisation exposés précédemment font émerger une compétence d’explicitation d’intervention thérapeutique (simuler) à la place d’une compétence d’application d’un geste (utiliser). Ces transformations peuvent être associées à l’intégration de la production de documents multimédias (wiki) au dispositif.

Artefacts sociaux. Alors que James attache beaucoup d’importance à l’interaction sociale, la professeure ne fait plus partie de ses ressources et les étudiants ne sont quant à eux plus qu’une ressource marginale, bien que le dispositif prévoie des modalités à cet effet. Cette transformation semble plutôt imputable à une caractéristique individuelle de James : la valeur négative qu’il attribue à la réalisation des travaux en groupe. Cet effet peut être compris comme un conflit instrumental (Marquet, 2005) entre cet artefact social et l’artefact pédagogique mis en place par l’enseignante. Dans le même ordre, sa distanciation de la professeure est renforcée par la règle qu’il observe de ne pas contacter son enseignante par courriel. Ainsi, comme le dit l’étudiant : « Plutôt que d’aller demander au prof une autre explication, une autre façon d’expliquer, je réfléchissais et je me satisfaisais de ma réflexion. » Ainsi, il fait preuve d’autorégulation et tend à développer son autonomie. Enfin, l’ouverture plus large du dispositif à la planification individuelle des moments de travail s’est soldée par des difficultés de collaboration au sein du groupe d’étudiants et à une réorganisation de l’instrumentation de James qui réalise le travail seul, car il a pour règle « faire ce qui est à faire ».

Cas 2 – Une étudiante et un dispositif d’enseignement au collège (secondaire II)

Le deuxième cas que nous étudions se situe dans le cadre d’un cours de mathématique en quatrième année d’un programme de baccalauréat (maturité) au collège (secondaire II) qui réunit une vingtaine d’étudiants.

Alice (prénom d’emprunt) est une élève de 19 ans. Elle dit ne pas être très compétente en mathématique. Cependant, elle se présente comme une apprenante organisée qui participe en classe et qui réalise régulièrement les exercices, car elle veut s’améliorer. Elle apprécie beaucoup son enseignant et sa manière d’expliquer en classe, alors que pendant le confinement, elle déplore plusieurs manques : les interactions avec l’enseignant, à qui elle posait régulièrement des questions, ses explications de la théorie, ainsi que les corrections des exercices en plénière. De plus, elle affirme ne pas apprécier l’absence du professeur qui, selon elle, ne donne pas de cours en visioconférence, alors qu’il le fait avec les élèves de 3e. Cet aspect est assez frustrant pour elle, car elle n’a plus la possibilité d’interagir avec lui comme avant.

Transformations du dispositif d’enseignement

Selon sa perception, l’enseignant a conçu initialement un dispositif de formation de type 5 (le métro, présent à 80 %). Cependant, certaines caractéristiques du dispositif initial renvoient au type 1 (la scène, présent à 20 %) : l’enseignant privilégie en effet l’enseignement en présence et il n’organise pas le travail hors de la salle de classe, se limitant à mettre à disposition de ses élèves les ressources pédagogiques de nature textuelle. Ces ressources sont dispensées en format papier et le dispositif ne prévoit pas d’environnement numérique. Lors du passage à l’enseignement à distance, le dispositif de formation devient 100 % de type 1 (la scène). En effet, le dispositif ne se caractérise plus par un accompagnement pédagogique et des activités d’apprentissage. Au cours de la période d’enseignement à distance, les documents (exercice et solutions) sont fournis aux élèves par courriel.

Avant, Alice perçoit le dispositif de formation comme un cours-atelier favorisant une approche pédagogique de la mise en pratique : l’enseignant présente d’abord la théorie en classe et il donne ensuite les exercices que les élèves sont invités à réaliser en autonomie (en classe ou à la maison, en groupe ou individuellement). Les élèves n’ont pas l’obligation de réaliser des exercices. Lors de la séance suivante, l’enseignant les corrige en plénière. La révision de la théorie et la réalisation des exercices sont sous la totale responsabilité des élèves. L’étudiante dit apprécier les moments d’ateliers en classe, car elle a beaucoup d’interactions avec ses collègues et l’enseignant.

Pendant, Alice perçoit les ajustements suivants. L’enseignant se limite à communiquer le programme et à transmettre des solutions d’exercice par courriel. Il n’y a pas de séances en visioconférence. En cas de besoin, les élèves peuvent le contacter par courriel, mais Alice déplore la tardiveté de ses réponses.

Transformations de l’environnement personnel d’apprentissage

Les transformations de la pratique d’apprentissage d’Alice présentées dans cette section sont repérées dans un mouvement de zoom avant par une approche analytique et holistique des modèles de son EPA avant et pendant l’enseignement tout à distance. Elles sont associées à des transformations du dispositif d’enseignement dans un mouvement de zoom arrière. Les modélisations de l’EPA d’Alice avant et pendant l’enseignement tout à distance sont présentées en annexe.

Schèmes et instruments d’apprentissage. Une transformation importante est liée à l’introduction d’un instrument d’apprentissage pour l’organisation des tâches à réaliser, activité dont Alice doit désormais prendre le contrôle. Elle tend à reproduire l’organisation habituelle du dispositif d’enseignement. Ce changement est autorégulé par la volonté d’Alice de garder sa motivation. Sa pratique se transforme aussi dans sa façon de poser des questions à l’enseignant : elle en pose moins fréquemment et uniquement lorsqu’elle est bloquée. Ce changement est hétérorégulé par la transformation du dispositif d’enseignement, pour lequel les rétroactions de l’enseignant interviennent désormais après deux à trois jours, selon l’étudiante. Enfin, le schème mobilisé pour la révision de la matière disparaît, car les évaluations organisées en classe ne sont plus présentes. Enfin, en l’absence d’une introduction à la matière par l’enseignant, Alice complète sa pratique en consultant un dossier d’une thématique déjà travaillée (géométrie dans l’espace) afin de préparer son travail sur une nouvelle thématique.

Artefacts techniques. L’environnement technique d’Alice se numérise. Elle intègre l’ordinateur et les courriels à sa pratique afin d’interagir avec son enseignant. Cette transformation est induite par les choix de l’enseignant. Dans le but de réaliser les exercices avec un ami plus compétent, en raison de son impression de ne pas être douée en mathématique, elle recourt à deux outils de visioconférence. Dans ce cas, l’étudiante s’autorégule. En effet, l’interaction avec les pairs ne se retrouve pas dans les caractéristiques du dispositif mis en place. Enfin, la pratique d’Alice voit survenir une forme d’hybridation instrumentale (Roland et Talbot, 2014) : les solutions des exercices passent du format papier au format numérique. Cependant, c’est l’élève qui décide de ne pas imprimer les documents (fournis par le professeur par courriel) et donc de les maintenir en format numérique (autorégulation).

Artefacts pédagogiques – stratégies (méta-)cognitives. Une transformation importante de la pratique d’Alice tient à son recours à des stratégies d’autorégulation d’anticipation. L’une a trait à la planification et à la gestion des tâches. L’autre amène l’étudiante à reconnaître son besoin de revoir certaines notions avant de réaliser les exercices de la nouvelle thématique. La mise en place de ces deux stratégies est probablement due à une contrainte du dispositif qui ne prend pas en charge ces fonctions. Mais aussi, elle est rendue possible par la capacité d’autodirection d’Alice, qui se fixe pour but de maintenir l’horaire et le rythme normal des cours.

Artefacts pédagogiques – Formes de représentations des connaissances. La forme de représentation des connaissances passe des explications orales de l’enseignant aux informations écrites (présentées dans le dossier de la 3e année). Nous qualifions ce changement d’hétérorégulation du fait que c’est une décision de l’enseignant de se limiter aux échanges par courriel et aux documents écrits. En effet, l’élève déplore un manque, car elle aurait voulu pouvoir maintenir l’artefact pédagogique explications orales du professeur dans son EPA.

Artefacts didactiques – compétences et connaissances. Par cette transition, Alice perçoit le développement de sa capacité à s’adapter à une nouvelle modalité d’enseignement-apprentissage, celle de l’enseignement à distance. Il est à noter que le changement de thématique n’est pas lié à la mise à distance : il correspond à la planification semestrielle prévue par l’enseignant.

Artefacts sociaux. La transformation du dispositif d’enseignement engendre un changement du rôle de l’enseignant, qui n’est plus un pivot dans la pratique d’Alice. Pour elle, l’enseignant est une ressource qui répond uniquement aux questions sur les exercices, bien qu’elle aurait d’autres attentes. Elle pallie le manque de synchronisme des rétroactions de l’enseignant en recourant à un ami doué en mathématique pour réaliser les exercices. Alice ne recourait à cet ami que lors de la préparation aux examens. Enfin, cette transition fait émerger en elle l’idéal selon lequel l’enseignement en présence l’avait motivée à davantage s’engager dans la réalisation des exercices.

Discussion

Par cette étude de cas, nous avons éprouvé et démontré le potentiel d’une méthode de recherche recourant à la MEPA (Felder, 2019b) pour décrire et modéliser les pratiques d’apprentissage d’étudiants universitaires avant et pendant le confinement dû à la COVID‑19, ainsi que de l’outil de positionnement des dispositifs d’enseignement du projet Hy‑Sup (Deschryver et Charlier, 2014) pour décrire les transformations des dispositifs d’enseignement avant et pendant. Les deux cas présentés ont été retenus pour le caractère illustratif de la méthode de recherche visant à rendre intelligibles les transformations de pratiques. Ainsi, les résultats exposés sont illustratifs et non représentatifs des pratiques d’apprentissage.

La méthode de modélisation des EPA (Felder, 2019b) permet d’effectuer un zoom avant (Goodyear, 2020) dans les composantes de la pratique d’apprentissage de l’étudiant qui met aisément en lumière les ajouts, suppressions et substitutions d’artefacts et de schèmes d’apprentissage. Alice transforme son environnement technique du matériel au numérique pour la communication. Elle active des stratégies métacognitives d’autorégulation pour la planification et la réalisation des tâches. James s’engage activement dans le traitement cognitif des informations pour construire ses connaissances.

Toujours au niveau du zoom avant, les relations entre les composantes de l’EPA se révèlent et permettent de déceler des transformations d’intention. James réalise les activités parce qu’il aime « que les choses soient faites ». Sans cette règle interne, son engagement dans le nouveau dispositif aurait fort probablement été moindre, puisqu’il estime que c’est à l’enseignant de donner la matière. Alice planifie ses tâches pour rester motivée et engagée dans le cours. Ce type de relations entre les intentions (schèmes) et les ressources (artefacts) de l’EPA ont été bien décrites par Felder (2017) et Roland et Talbot (2014).

Au dernier niveau du zoom arrière, le recours à l’outil de positionnement et à la typologie Hy‑Sup (Deschryver et Charlier, 2014) permet de comprendre les transformations de pratiques d’apprentissage de l’étudiant en relation avec le design pédagogique du dispositif ou son type. Alice, habituée aux dispositifs prévoyant de l’interaction et du soutien entre les pairs (type 5, le métro) réorganise son EPA pour y retrouver cette caractéristique, bien que le dispositif pendant l’enseignement à distance ne le prévoie pas (type 1, la scène). Notre méthode semble prometteuse pour comprendre plus finement le rôle des dispositifs d’enseignement dans le processus de construction et de régulation de l’EPA par l’étudiant (Felder, 2017). En effet, comme la recherche Hy-Sup (Deschryver et Charlier, 2014) et nos travaux ultérieurs l’ont montré, la perception que se fait l’étudiant du dispositif d’enseignement (Charlier et Lambert, 2019a, 2020; Charlier et al., sous presse) est associée aux apprentissages perçus par l’étudiant et dans ce cas à une transformation de son EPA. Précédemment, les transformations de l’EPA avaient été associées uniquement : « prescriptions de l’enseignant, habitudes de pratiques personnelles et appréciations qualitatives que se font les étudiants des artefacts » (Felder, 2017, p. 58).

Outre ces considérations méthodologiques, nous avons pu illustrer par ces deux études de cas de manifestes changements de pratiques dus au passage à distance de l’enseignement. Contrairement à l’intuition populaire, ces changements ne correspondent pas à une subite et forte numérisation des outils et des pratiques. Si celle-ci est palpable, elle n’a que peu d’impact sur les étudiants qui ne manifestent pas de difficultés particulières à s’y adapter. Bien sûr, cela ne veut pas dire pour autant que le plein potentiel du numérique a été exploité, comme en témoigne la transformation du cas de l’étudiant au secondaire II où la transmission des exercices et l’interaction avec l’enseignant se sont faites par courriel. Ce constat soulève les problématiques de la transférabilité des pratiques et de la structuration des efforts en matière de numérisation de l’enseignement et du développement des compétences numériques. Comment comprendre par exemple que certains dispositifs prévoient une médiatisation complète du scénario pédagogique alors que d’autres ne recourent qu’à une instrumentation sommaire et toute lacunaire? Comment comprendre que MS‑Teams et Microsoft 365 ne se retrouvent selon toute vraisemblance que peu intégrés aux pratiques de notre corpus alors que ces artefacts correspondent à la solution politique et institutionnelle pour l’enseignement à distance? Ce constat révèle, nous semble-t-il, une problématique d’appropriation par les usagers des outils et des méthodes que les établissements proposent.

Sur le plan pédagogique, la mise à distance de l’enseignement a poussé les deux étudiants à s’engager dans une démarche d’autorégulation. Dans une perspective de développement de l’autonomie de l’apprenant, cette transformation semble positive. Il n’est bien sûr pas certain que tous les étudiants des deux dispositifs étudiés aient réagi de la même façon. Les caractéristiques individuelles des étudiants jouent leur rôle dans cette transformation. Toutefois, il s’avèrerait possible de concevoir un dispositif articulant présence et ouverture (Jézégou, 2010) pour que l’étudiant active des stratégies d’autorégulation et de l’adapter selon les caractéristiques personnelles de l’étudiant.

Sur le plan social, bien que les deux étudiants aient trouvé des moyens de substitution, ils déplorent le manque d’interaction avec les enseignants et les autres étudiants. Ce manque semble témoigner d’un besoin socioaffectif bien plus que d’un besoin cognitif ou didactique. Comment alors encourager une transformation afin que les dispositifs répondent à ce besoin?

Conclusion

Notre méthode de recherche centrée sur la description et la compréhension des changements de pratiques d’apprentissage en situation de transition entre deux dispositifs de formation (avant-pendant) s’est avérée fortement heuristique. Elle a permis de décrire les transformations de pratiques d’apprentissage en mettant en évidence des changements dans les constituants de l’EPA et leurs interactions, ainsi que de les comprendre en les mettant en relation avec le design pédagogique du dispositif d’enseignement, des caractéristiques personnelles de l’apprenant et des processus de construction et de régulation de l’EPA. En ce sens, cette méthode s’avère prometteuse pour la théorisation des pratiques, car, en s’intégrant à la formulation de Goodyear,

aux explications existantes basées sur les modèles de corrélation et les théories de la variance, la théorie de la pratique [la méthode recourant à la modélisation des EPA et à l’autopositionnement des dispositifs dans la typologie Hy‑Sup] ajoute les explications basées sur les processus qui expliquent les produits en suivant attentivement la séquence des événements à travers lesquels un processus se déroule et les explications basées sur les systèmes qui retracent la propagation des effets à travers les systèmes de personnes et de choses[5]

2020, p. 1048

La principale limite de la méthode présentée dans cet article tient à son application à large échelle. En l’état, elle nécessite en effet une analyse manuelle minutieuse afin de distinguer les transformations des différences entre les modèles d’EPA et d’établir les relations entre les transformations. Pour dépasser cette limite, une piste à suivre consisterait à établir une typologie de transformations s’appuyant sur des identificateurs précis. La suite de nos analyses portant sur les vingt autres cas de notre échantillon devrait permettre de faire les premiers pas en ce sens. Sur cette base, il pourrait alors être possible de déceler automatiquement un certain nombre de transformations à l’aide d’algorithmes. De premières explorations sont prévues dans le cadre d’un projet de recherche ultérieur.

Le second aspect qu’il est encore nécessaire d’éprouver tient à l’applicabilité de cette méthode aux autres niveaux du système éducatif. Tant l’outil Hy‑Sup que la méthode de modélisation des EPA ont été développés en contexte universitaire. Si les premières analyses de nos données collectées en contexte d’école primaire et secondaire I s’avèrent prometteuses, il reste nécessaire d’établir dans quelle mesure les deux outils de collecte de données permettent de mettre efficacement en lumière les transformations des pratiques d’enseignement et d’apprentissage à ces niveaux.