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Introduction

Face à la pandémie de COVID-19 et par suite de la décision de fermeture de l’ensemble des établissements, universités comprises, différentes stratégies ont été adoptées pour assurer la continuité des enseignements. Dans ce contexte, la distanciation physique est préconisée comme mesure préventive contre la propagation du virus COVID‑19. Ainsi, de manière croissante, il est fait appel aux technologies numériques afin de poursuivre les activités d’enseignement/apprentissage. Des plateformes d’enseignement à distance sont alors déployées dans l’urgence sans vraiment tenir compte des facteurs qui risqueraient d’entraîner leur acceptation ou leur rejet par les apprenants. Sur le plan de l’acceptation, le modèle TAM (Davis, 1989; Davis et. al., 1989) est largement utilisé pour son appréhension (Granić et Marangunić, 2019). La validité de ce modèle a été éprouvée, menant à son extension pour prendre en charge de nouveaux facteurs jugés pertinents. En effet, comme l’avancent Collin et Karsenti (2013), les profils culturels et les contextes favorables ou défavorables à l’adoption des technologies relèvent de dimensions environnementales qui induisent des variations dans le rapport aux technologies qu’il serait nécessaire de prendre en compte.

Alors, dans l’utilisation des plateformes, l’accessibilité technologique, dans laquelle nous pouvons inscrire la connectivité à Internet, affecterait positivement la facilité d’usage perçue (Y.‑H. Lee et al., 2014). D’autre part, la qualité de l’action du tuteur ou de l’enseignant est également désignée comme facteur affectant l’acceptation des plateformes de formation à distance (Al-Fraihat et. al., 2020; Cho et Cho, 2014; B.‑C. Lee et al., 2009; L. Pham et al., 2019; Valencia-Arias et al., 2019; Zanjani et al., 2016), dans la mesure où elle influence le parcours d’apprentissage et la persévérance des apprenants (Ma et al., 2015). L’accompagnement serait donc déterminant et soutiendrait la réussite des étudiants et, plus généralement, des apprenants. Il serait alors important de permettre l’interaction entre l’enseignant et les étudiants afin d’assurer la satisfaction de ces derniers à distance (Abdous et Yen, 2010). En plus, cette interaction serait un élément central des apprentissages dans des environnements à distance, car elle favoriserait la construction des connaissances en apportant un soutien essentiel aux apprenants (Robinson et al., 2017). Cependant, contrairement à ce qui précède, l’implication du tuteur ou de l’enseignant semble ne pas avoir d’influence sur l’utilité du dispositif d’apprentissage en ligne perçue par les apprenants (Ibrahim et al., 2018; Y.‑H. Lee et al., 2014).

Le caractère subit et inédit de cette crise liée à la COVID-19 fait que bon nombre d’établissements, apprenants et enseignants compris, semblent ne pas avoir été préparés aux modalités d’enseignement qui ont actuellement cours. Le risque est alors grand de voir des pratiques de la modalité en présence transposées dans les nouveaux dispositifs, laissant l’apprenant désemparé face à des ressources qui lui seraient fournies sans un accompagnement tenant compte de la distance. En outre, les apprenants sont éparpillés sur toute l’étendue du territoire, dans les zones les plus reculées, avec les difficultés de connexion à Internet qui les caractérisent. Alors, nous nous posons la question de l’acceptation des technologies éducatives, précisément des plateformes de formation à distance, dans un tel contexte. De manière précise, dans le dispositif de formation à distance mis en place à l’ENSETP de Dakar en vue de poursuivre les activités pédagogiques, l’implication du tuteur et la connectivité Internet affectent-elles l’acceptation de la plateforme de formation par les étudiants?

Cadrage théorique basé sur le modèle TAM étendu à l’implication du tuteur et à la connectivité

Le modèle d’acceptation des technologies – TAM (technology acceptance model)

Le modèle d’acceptation des technologies – TAM, qui s’appuie sur la théorie de l’action raisonnée, conçoit l’acceptation comme étant déterminée par l’utilité perçue du système et la facilité d’usage perçue. L’utilité perçue a trait au degré auquel un individu croit que l’utilisation d’un système améliorera considérablement ses performances. La facilité d’usage perçue, quant à elle, se rapporte au degré auquel un individu croit que l’utilisation du système lui demandera peu ou pas d’effort (Davis, 1989). L’utilité perçue du système et la facilité d’usage perçue ont une influence directe sur l’attitude d’un usager. En outre, le modèle TAM postule que les intentions compotementales dépendent de l’attitude et de l’utilité perçue. De même, la perception de la facilité d’usage d’un système influe considérablement sur la perception de son utilité (Davis et al., 1989).

Modèle de recherche et hypothèses

L’implication du tuteur ou de l’enseignant : elle est considérée comme centrale dans l’acceptation des plateformes de formation à distance (Volery et Lord, 2000). Elle peut être comprise à travers l’aide, la sollicitude et l’attention manifestées envers l’étudiant par le tuteur ou l’enseignant (B.‑C. Lee et al., 2009) ainsi qu’à travers l’engagement dont ce dernier fait montre dans ses différents rôles : soutien pédagogique ou organisationnel, accompagnement socioaffectif, voire assistance technique (Depover et Orivel, 2012). Nous formulons les hypothèses qui suivent relativement à cette implication du tuteur.

H1 – L’implication du tuteur affecte l’utilité de la plateforme FAD de l’ENSETP, perçue par les étudiants qui participent à la formation.

H2 – L’implication du tuteur affecte le plaisir perçu par les étudiants, dans l’usage de la plateforme FAD de l’ENSETP.

H3 – L’implication du tuteur affecte la facilité d’usage de la plateforme FAD de l’ENSETP, perçue par les étudiants.

La connectivité ou l’accès à Internet : elle relève de l’accessibilité technologique (Y.‑H. Lee et al., 2014) et reflète la facilité avec laquelle, à travers la qualité de la connexion à Internet, les utilisateurs ont accès à la plateforme de formation à distance. Les hypothèses H4 et H5 ci-dessous mettent l’accent sur les effets supposés de la connectivité sur le plaisir et la facilité d’usage perçus.

H4 – La connectivité à Internet affecte la facilité d’usage de la plateforme FAD de l’ENSETP, perçue par les étudiants.

H5 – La connectivité à Internet affecte le plaisir perçu par les étudiants, dans l’usage de la plateforme FAD de l’ENSETP.

Le plaisir perçu : il relève de la dimension hédonique de la motivation qui déterminerait l’usage des technologies (Alexandre et al., 2018; Bailey et Pearson, 1983). Le plaisir perçu pourrait s’appréhender, dans notre cadre, comme un état émotionnel agréable, une réponse affective positive par rapport aux activités menées sur la plateforme, sans autres considérations en lien avec la performance (Davis et al., 1992; van der Heijden, 2004). Les hypothèses H6, H7 et H8 suivantes mettent en jeu le plaisir perçu.

H6 – L’utilité perçue influe sur le plaisir perçu dans l’utilisation de la plateforme de formation à distance de l’ENSETP.

H7 – La facilité d’usage perçue influe sur le plaisir perçu dans l’utilisation de la plateforme de formation à distance de l’ENSETP.

H8 – Le plaisir perçu affecte l’intention d’usage de la plateforme de formation à distance de l’ENSETP.

Intention d’usage, facilité d’usage et utilité perçues : il s’agit des facteurs initiaux du modèle TAM. L’utilité perçue serait comprise dans notre contexte comme le niveau de croyance qu’aurait l’étudiant quant à l’amélioration de son apprentissage qui résulterait de l’utilisation de la plateforme. La facilité d’usage perçue renvoie à la croyance qu’aurait l’étudiant en la possibilité d’utilisation de la plateforme de formation à distance avec le moindre investissement quant aux efforts (Davis, 1989). Les liens présumés entre ces facteurs sont traduits par les hypothèses H9, H10 et H11 qui suivent.

Figure 1

Modèle de recherche

Modèle de recherche

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H9 – La facilité d’usage perçue affecte l’utilité perçue par les étudiants dans l’usage de la plateforme de formation à distance de l’ENSETP.

H10 – L’utilité perçue influence l’intention d’usage de la plateforme de formation à distance de l’ENSETP.

H11 – La facilité d’usage perçue affecte l’intention d’usage de la plateforme de formation à distance de l’ENSETP.

La figure 1 qui précède synthétise les hypothèses H1 à H11 qui font l’objet de notre recherche. Nous y mettons en relation les concepts du modèle TAM, que sont : l’intention d’usage, l’utilité perçue, le plaisir perçu et la facilité d’usage perçue, avec la connectivité et l’implication du tuteur. Ces deux derniers concepts sont introduits pour étendre ledit modèle en référence aux travaux qui établissent leurs effets directs ou indirects sur l’intention d’usage des plateformes de formation à distance (B.‑C. Lee et al., 2009; Y.‑H. Lee et al., 2014; Volery et Lord, 2000).

Une méthodologie quantitative mettant en oeuvre un modèle structurel à moindres carrés partiels

Participants

Cette recherche a concerné 225 étudiants inscrits dans les différents programmes de formation de l’ENSETP. Par suite de la fermeture officielle des établissements d’enseignement supérieur, survenue le 16 mars 2020, les autorités rectorales de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ainsi que la direction de l’ENSETP ont encouragé la mise en place de dispositifs de formation à distance dans le but d’assurer la continuité pédagogique. C’est dans ce cadre que les auditeurs participant à notre étude ont suivi différents modules de formation, durant les mois de mars, avril et mai 2020, conformément à la stratégie de résilience face à la COVID‑19 mise en place à l’ENSETP. Il convient également de relever, à la lumière du tableau 1, que l’échantillon de notre recherche est à 78 % composé d’hommes (n = 176) et à 22 % de femmes (n = 49). L’âge moyen des répondants est de 32,8 ans avec un minimum à 20 ans et un maximum à 56 ans. Cette moyenne laisse transparaître la présence d’adultes en reprise d’études.

Tableau 1

Caractéristiques des répondants (n = 225)

Caractéristiques des répondants (n = 225)

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Recueil des données

Notre étude s’appuie sur une enquête par questionnaire en ligne. Ce dernier comportait, en plus des questions recueillant les caractéristiques sociodémographiques telles que le sexe et l’âge, 18 items repris au tableau 2. Ces items relèvent de la connectivité, de l’implication du tuteur, de la facilité d’usage perçue, du plaisir perçu, de l’utilité perçue et de l’intention d’usage. Les réponses prévues sont de type fermé et tiennent sur une échelle de Likert à cinq points : 1. pas du tout d’accord, 2. pas d’accord, 3. neutre (ni d’accord ni en désaccord), 4. d’accord, 5. entièrement d’accord.

Traitement des données

Afin de tester les hypothèses émises, les données recueillies sont soumises à un traitement statistique reposant sur un modèle d’équations structurelles. Ce modèle met en oeuvre la méthode des moindres carrés partiels (PLS‑SEM). À cette fin, le logiciel SmartPLS (SmartPLS GmbH, s.d.) est mis à contribution. Le recours à cette méthode se justifie par la taille de notre échantillon, le fait que nous sommes dans une dynamique de tests d’hypothèses et la distribution des données (Hair et al., 2017). Rappelons que les coefficients d’asymétrie (skewness) des données varient entre ‑1,3 et 4,3. Les coefficients d’aplatissement (kurtosis) sont compris entre ‑1,8 et 1,9. Pour cette raison, nous ne pouvons supposer que les données suivent une distribution normale. Ainsi, la qualité de construit et les coefficients des chemins de notre modèle ont été déterminés à l’aide de l’algorithme PLS. La significativité statistique des facteurs de qualité et des coefficients du modèle résulte d’une méthode d'autoamorçage[1].

Résultats : confirmation du modèle TAM et mise en lumière des effets de l’implication du tuteur et de la connectivité

Le modèle de mesure : quelle validité?

Dans le traitement réservé aux données de cette étude, nous nous sommes d’abord préoccupés de l’absence de multicolinéarités des prédicteurs des construits et de la validité du modèle de mesure (Hair et al., 2011). Afin de nous assurer d’une absence de multicolinéarités, nous considérons les valeurs des facteurs d’inflation de la variance (FIV). L’examen du tableau 2 nous permettant de noter que ces valeurs sont toutes inférieures à 5, nous pouvons alors retenir que notre modèle de mesure ne souffre pas de problèmes de multicolinéarité. L’analyse des charges factorielles, de la fiabilité composite et de la variance moyenne extraite (VME) permet de juger de la validité du modèle de mesure. Nous remarquons, à la lecture du tableau 3, que les charges des différents items sont toutes supérieures à 0,6. De même, les VME, qui renvoient le degré auquel les variances des indicateurs reflètent celles des variables latentes, présentent des valeurs supérieures à 0,5. Identiquement, la fiabilité composite, qui rend compte de la cohérence interne des construits, est pour tous les construits supérieure à 0,7 (tableau 2).

Dans le même sillage, afin d’évaluer la validité discriminante de notre modèle de mesure, nous faisons recours au rapport hétérotrait-monotrait (HTMT)[2] des corrélations (Henseler et al., 2015). De ce point de vue, notre modèle de mesure s’avère satisfaisant, car tous les rapports HTMT sont inférieurs à 0,85, comme le montre le tableau 3. En raison des éléments qui sont présentés dans ce qui précède, nous pouvons avancer que notre modèle de mesure jouit d’une validité satisfaisante.

Tableau 2

Critères de qualité du modèle de mesure

Critères de qualité du modèle de mesure

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Tableau 3

Critère HTMT de validité discriminante du modèle de mesure

Critère HTMT de validité discriminante du modèle de mesure

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Modèle structurel : test des hypothèses

L’évaluation du modèle structurel s’appuie essentiellement sur les valeurs du coefficient de détermination R2 des variables endogènes, celles de la taille des effets 2 et celles des coefficients de chemins β et de leur significativité statistique. Nous avons, pour déterminer ces éléments, mis en oeuvre une méthode de bootstrapping accéléré à correction de biais (BCa) avec un nombre de sous-échantillons égal à 5 000 (Hair et al., 2017).

En ce qui concerne le niveau de détermination des variables endogènes de notre modèle, la figure 2 nous permet de constater que l’implication du tuteur et la facilité d’usage perçue expliquent 42 % de la variance de l’utilité perçue (R2 = 0,42). La variance du plaisir perçu est quant à elle expliquée à 48 % (R2 = 0,48) par l’implication du tuteur, la connectivité, l’utilité perçue et la facilité d’usage perçue. Pour ce qui est de la variance de la facilité d’usage perçue, elle est à 38 % (R2 = 0,38) expliquée par la connectivité et l’implication du tuteur. Enfin, la facilité d’usage perçue et l’utilité perçue expliquent 42 % de la variance de l’intention d’usage de la plateforme de formation à distance de l’ENSETP.

Figure 2

Modèle structurel

Modèle structurel

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Intéressons-nous à présent à la taille 2 des effets mis en évidence dans notre modèle structurel. Afin d’en juger, nous nous référons aux travaux de Cohen (1988) qui admettent un effet faible lorsque2 = 0,02, moyen pour 2 = 0,15 et important quand 2 = 0,35. La lecture du tableau 4 nous permet de déceler un effet important de l’implication du tuteur sur la facilité d’usage perçue (2 = 0,378). L’effet de l’utilité perçue sur l’intention d’usage (2 = 0,097), celui de la connectivité sur la facilité perçue (2 = 0,114), celui de l’utilité perçue sur le plaisir perçu (2 = 0,128) et celui de l’implication du tuteur sur l’utilité perçue (2 = 0,156) pourraient être considérés comme faibles à moyens. Par contre, avec des tailles d’effets inférieures à 0,09, nous pourrions reléguer les effets de toutes les autres variables latentes dans la catégorie des effets faibles.

Tableau 4

Résultats du modèle structurel

Résultats du modèle structurel

p < 0,05 ** p < 0,01

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Dans l’évaluation du modèle structurel, sa pertinence prédictive requiert également notre attention, à travers l’analyse de la redondance en validation croisée, précisément par l’examen du coefficient Q2 de Stone-Geisser (Fernandes, 2012; Hair et al., 2017; Tenenhaus et al., 2005). La mise en oeuvre d’une méthode de blindfolding[3] par redondance croisée nous permet d’obtenir, comme le montre la figure 2, des valeurs de coefficients de Stone-Geisser toutes positives. Cela tant pour la facilité d’usage perçue (Q2 = 0,26), l’utilité perçue (Q2 = 0,32) et le plaisir perçu (Q2 = 0,32) que pour l’intention d’usage (Q2 = 0,28). Ce constat nous permet alors d’avancer que chacune des équations structurelles de notre modèle est satisfaisante du point de vue de la pertinence prédictive.

Le tableau 3 et la figure 2 nous montrent que la connectivité affecte de manière positive et statistiquement significative la facilité d’usage de la plateforme d’enseignement à distance perçue par les étudiants de l’ENSETP (β = 0,273 et p < 0,01). Pareillement, l’implication du tuteur affecte positivement et significativement, du point de vue statistique, la facilité d’usage perçue (β = 0,496 et p < 0,01), le plaisir perçu (β = 0,139 et p < 0,05) et l’utilité perçue (β = 0,361 et p < 0,01). Alors, nous retenons les hypothèses H1, H2, H3 qui respectivement postulent des effets de l’implication du tuteur sur l’utilité perçue, le plaisir perçu et la facilité d’usage perçue. Pour les mêmes raisons, l’hypothèse H5 supposant que la connectivité affecte la facilité d’usage perçue (β = 0,273 et p < 0,01) est retenue. En outre, nous relevons que la facilité d’usage perçue influence l’utilité perçue (β = 0,374 et p < 0,01), le plaisir perçu (β = 0,287 et p < 0,01) et l’intention d’usage (β = 0,256 et p < 0,01). De la même manière, l’utilité perçue affecte le plaisir perçu (β = 0,341 et p < 0,01) et l’intention d’usage (β = 0,316 et p < 0,01). Le plaisir perçu influence également l’intention d’usage (β = 0,182 et p < 0,05). En raison du constat qui précède, les hypothèses H6, H7, H8, H9, H10 et H11 sont retenues.

Seulement, les effets de la connectivité sur le plaisir perçu ne sont pas statistiquement significatifs (β = 0,1 et p > 0,05). Ainsi, l’hypothèse H4 présumant un effet de la connectivité sur le plaisir perçu est rejetée.

Notre modèle structurel, illustré par la figure 2, s’accorde avec le modèle de recherche que nous avons présenté à la figure 1, sauf pour une hypothèse. Ce modèle de recherche est constitué de 11 hypothèses, dont 10 sont confirmées. Une seule hypothèse est rejetée. Il s’agit de l’hypothèse H4 postulant des effets de la connectivité sur la facilité d’usage perçue. Le modèle structurel mis en oeuvre valide donc le modèle de recherche, relativement aux hypothèses H1, H2, H3 et H5 à H11.

Discussion : quels sont la portée et le positionnement des résultats établis?

En ce qui concerne l’implication du tuteur, nos résultats établissent une influence modérée de l’implication du tuteur sur l’utilité de la plateforme de formation à distance perçue par les étudiants. Ils s’accordent avec les résultats de recherches antérieures qui établissent l’influence des actions du tuteur ou de l’enseignant sur l’engagement et la persévérance des apprenants (Ma et al., 2015). En effet, l’incitation du tuteur à l’interaction, par la mise en oeuvre de stratégies pédagogiques visant à encourager les interactions interhumaines sur les plateformes de formation à distance, affecte positivement l’engagement affectif et comportemental des apprenants. Cette incitation à l’interaction contribue à la réduction de l’insatisfaction émotionnelle et comportementale (Cho et Cho, 2014). Notons que de manière générale, la qualité des actions du tuteur ou de l’enseignant est un déterminant de l’intention d’usage des plateformes par les apprenants (Al‑Fraihat et al., 2020; Valencia-Arias et al., 2019; Zanjani et al., 2016). Précisément, elle affecte positivement l’utilité perçue, la facilité d’usage perçue et l’intention d’usage (Abdous et Yen, 2010; B.‑C. Lee et al., 2009).

À l’opposé, d’autres travaux mettent en évidence des résultats contraires aux nôtres en ce qui a trait aux effets de l’implication du tuteur. Ainsi, l’attitude du tuteur n’affecterait pas l’utilité perçue (Ibrahim et al., 2018; Y.‑H. Lee et al., 2014). Dans le même sillage, les travaux de Q. T. Pham et Tran (2020) concluent que l’implication du tuteur n’avait pas d’effet sur l’acceptation, par les étudiants, des plateformes de formation à distance.

Pour ce qui a trait à la connectivité, nos résultats s’opposent également à ceux de Q. T. Pham et Tran (2020) qui ne trouvent aucun effet de la connectivité sur l’acceptation des plateformes de formation à distance. Nos résultats sont cependant en accord avec ceux de Y.‑H. Lee et al. (2014) qui établissent que l’accessibilité technologique influe positivement sur la facilité d’usage perçue.

Relativement aux effets de la facilité d’usage perçue sur l’utilité perçue, de l’utilité perçue et de la facilité d’usage perçue sur le plaisir perçu et l’intention d’usage, ce travail s’inscrit dans la lignée des nombreux travaux ayant validé le modèle TAM (Farahat, 2012; Teo et al., 2019; Yeou, 2016).

Dans notre étude, rappelons que nous avons constaté que l’implication du tuteur ainsi que la connectivité à Internet affectent la perception et les usages de la plateforme. Le fait que notre analyse se focalise sur les intentions comportementales des apprenants en constitue une limite. Il serait intéressant d’approfondir ces travaux par l’étude des traces des étudiants sur la plateforme afin de pouvoir confronter les intentions déclarées à l’usage réel des différents outils de la plateforme. Pour reprendre les propos de Jaillet (2005) :

Pour s’assurer de la réalité des utilisations, une requête informatique informe régulièrement le serveur de l’usage par l’utilisateur. Ainsi, il est possible de traiter toutes les traces laissées et de définir objectivement les profils d’usagers. C’est, par exemple, ce qui permet de connaître précisément les durées de connexion dans chaque lieu. À partir des logs informatiques (traces de l’activité enregistrée et stockée sur le serveur) les comportements individuels sont relevés en termes d’assiduité, [de] disponibilité et d’implication.

p. 56

Conclusion

L’objectif de cette recherche était de déceler les probables influences de l’implication du tuteur et de la connectivité à Internet perçues par les étudiants sur l’acceptation des plateformes de formation à distance par ces derniers. Nous avions notamment émis les hypothèses que l’implication du tuteur affecterait l’utilité perçue, le plaisir perçu et la facilité d’usage perçue; tandis que ces trois derniers facteurs influenceraient l’intention d’usage des plateformes de formation à distance. En plus, nous présumions que la connectivité aurait un effet sur la facilité d’usage perçue et le plaisir perçu. Les résultats obtenus établissent l’influence de l’implication du tuteur sur l’utilité perçue, le plaisir perçu et la facilité d’usage perçue, ainsi que celle de la connectivité sur l’utilité perçue. Notre travail vient s’ajouter à la longue liste de travaux ayant confirmé le modèle TAM. Notre étude, dans ce contexte de pandémie qui impose les technologies éducatives à la quasi-totalité des acteurs de l’éducation, montre que le recours aux plateformes de formation à distance ne doit pas se réduire à un dépôt de ressources numérisées. Il ne devrait pas s’agir de laisser l’apprenant se débattre seul avec les difficultés de divers ordres, en lien avec le contenu des apprentissages et l’accès à la technologie. Il s’agira, dans le contexte de l’ENSETP, de s’assurer de la disponibilité technologique en général et de la connectivité Internet en particulier. Un tutorat de qualité s’avère également primordial pour éviter tout rejet, par les apprenants, de la plateforme de formation à distance qui vouerait à l’échec la volonté de continuité pédagogique.