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Le texte intitulé « Racisme anti-noir et suprématie blanche au Québec : déceler le mythe de la démocratie raciale dans l’écriture de l’histoire nationale » paru dans un récent numéro du Bulletin d’histoire politique mérite réponse et exige une analyse détaillée, en raison de ses dérives rhétoriques et accusatrices[1]. Nous pensons en effet que ce genre de texte constitue une régression dans les méthodes argumentatives et même quant aux règles éthiques qui définissent la recherche historique et qui assurent des échanges sereins entre les membres de toute communauté scientifique.

Son auteure, Geneviève Dorais, professeure à l’UQAM et spécialiste de l’Amérique latine, soutient en substance que la « majorité blanche » et « plusieurs milieux universitaires francophones » auraient nié la virulence du racisme anti-noir dans la province (136), notamment au moyen de comparaisons favorables avec la violence de l’esclavage et du racisme dans la société américaine (136-137). Il existerait ainsi un « mythe de la bienveillance québécoise » en la matière (137), à l’image de représentations qui ont eu cours en Amérique latine. Elle se propose donc d’oeuvrer au « démantèlement » de ce même mythe (137). Dorais propose en outre un agenda à la fois introspectif et historiographique, consistant à « accepter de prendre conscience des mécanismes du mythe de la bienveillance raciale à l’oeuvre dans l’écriture de l’histoire du Québec » (147) et à « recentrer le passé québécois au coeur du récit anti-noir qui a façonné l’ensemble des sociétés américaines coloniales et postcoloniales » (147). Cela en raison du fait, entre autres, que le passé des Noirs au Québec aurait été victime « d’ostracisme historique » (138).

Ces propos pourraient à la rigueur contribuer à un débat historiographique intéressant, fournir une occasion de confrontation de perspectives théoriques articulées et de données empiriques nouvelles ou de réinterprétations stimulantes ; ils pourraient même donner lieu à une tentative de circonscrire ou de prendre la mesure des phénomènes allégués. Si la soi-disant « mise au rancart » (138) des Noirs dans l’écriture de l’histoire québécoise, la distorsion du récit de leur expérience par des mythes et le parallèle avec l’Amérique latine étaient soit corrigés (pour les deux premiers éléments), soit prouvés (pour le dernier), le monde de la recherche aurait la possibilité de faire des gains nets. Dorais prend cependant une tout autre direction que celle de la recherche historique et du débat historiographique.

Elle a plutôt choisi la mise en accusation moralisante, les insinuations, les généralisations non étayées et la formulation de thèses douteuses sur la psyché collective des Québécoises et Québécois. Cela est plutôt stupéfiant dans une revue savante, particulièrement dans une discipline qui depuis des décennies a tout fait pour prendre ses distances avec les objets préconstruits du sens commun et surtout de la mémoire, afin de tenter au mieux d’objectiver et de comprendre le passé, c’est-à-dire la manière dont les humains sont entrés en relation et ont transformé leurs sociétés[2]. Rappelons seulement ici Max Weber, pour qui « partout où l’homme de science intervient avec son propre jugement de valeur, il cesse de comprendre pleinement les faits[3] ». Deux décennies plus tard, insistant aussi sur l’importance de l’objectivation, Marc Bloch comparait l’historien au biologiste en notant que « pour la biologie, il n’y a pas de bons ou de mauvais microbes. Il y en a pour le médecin[4] ». On comprend que selon lui, pour l’historienne ou l’historien sérieux, il n’y a pas de mauvais ou de bons acteurs sociaux et que l’historien n’est pas un médecin qui guérit les âmes meurtries. Il appelait aussi à ne pas se faire juge, disant avec humour que « si le jugement ne faisait que suivre l’explication, le lecteur en serait quitte à sauter la page[5] ». Le problème, ici, est que le texte de Dorais ne contient que des jugements et aucune explication.

Cette régression disciplinaire est malheureuse. Une telle rhétorique accusatrice, à laquelle les médias (anti) sociaux nous ont habitués, ne rend en effet aucunement service à l’histoire des oppressions et discriminations. Cette histoire a plutôt tout à gagner de la puissance de persuasion inhérente à des recherches de qualité et à des argumentaires rigoureux qui ont d’ailleurs d’autant plus de force qu’ils évitent justement le prêchi-prêcha que déplorait Marc Bloch.

Regardons donc de plus près les procédés analytiques et rhétoriques déployés par Dorais. Cinq d’entre eux retiendront notre attention. Ce sont, dans l’ordre : 1) la disqualification fondée sur la couleur de la peau ou la langue des chercheurs ; 2) le recours à une forme pour le moins imprécise (et parfois même farfelue) de psychohistoire ; 3) le remplacement de mythes historiographiques allégués par de nouveaux mythes ; 4) la mise en oeuvre de comparaisons qui n’expliquent rien ; 5) la stigmatisation des chercheurs francophones du Québec, en tant que relais de la suprématie blanche. Nous verrons que ces thèses ne tiennent pas la route, se contredisent et ne répondent ni aux critères élémentaires de la recherche en sciences sociales, ni même à l’éthique implicite de l’argumentation qui devrait y présider[6]. Nous avons là, en fait, un bel exemple des dérives de la mouvance récente dite « woke » (car supposément « éveillée »[7]), mouvance que même des chercheuses et chercheurs désireux de pratiquer une histoire engagée et pertinente devraient vouloir éviter, justement pour assurer la crédibilité d’une véritable histoire critique.

Avant que certaines personnes ne prennent pour acquis que les débats dans notre discipline se feront dorénavant sur la base d’affirmations morales ou identitaires péremptoires qui clôturent à l’avance l’espace d’examen critique de la robustesse des preuves et des arguments mis de l’avant pour justifier une conclusion sur un sujet donné, nous croyons qu’il peut être utile de déconstruire cette rhétorique stigmatisante pour montrer qu’elle est loin de faire avancer nos connaissances sur l’histoire des divers groupes sociaux dominés.

Enfin, un dernier mot de préambule s’impose : ce texte est écrit par deux personnes qui, comme c’est fort probablement le cas de la majorité des chercheuses et des chercheurs, pensent que la validité des analyses proposées par les historiennes et les historiens se vérifie en soupesant les arguments présentés dans les textes et non en scrutant les particularités physiques ou morales de leurs auteurs. Car, tout comme il n’existe pas de science « juive », « prolétarienne », « bourgeoise », « créole » ou « catholique », il n’existe pas de connaissances validées qui gardent le caractère des individus qui les ont établies : Einstein était juif, mais la relativité restreinte n’est pas juive, quoi qu’aient pu en penser les nazis et autres groupes antisémites. D’ailleurs, le fait que les publications scientifiques – en sciences humaines et sociales davantage que dans les sciences de la nature – soient évaluées en « double aveugle » (les noms des auteures et auteurs étant biffés avant de faire évaluer les textes) confirme l’idée que « la vérité sort de la bouche des aveugles ». En effet, ne connaissant pas les personnes derrière les textes, celles qui les évaluent sont ainsi forcées de s’en tenir au contenu et non au capital symbolique ou aux stigmates de ces personnes justement rendus invisibles le temps de l’évaluation[8]. Bien que ce soit alors plus difficile, cette norme doit aussi s’appliquer à la lecture des textes publiés et qui portent alors évidemment la marque de leurs signataires. La critique rationnelle d’un texte doit se fonder uniquement sur le contenu explicite des écrits et non sur des insinuations tirées de la consonance des noms ou autres caractéristiques physiques. Venons-en maintenant aux propos de Dorais.

Raciser les chercheuses et chercheurs qui osent se pencher… sur l’histoire des rapports raciaux

Il est donc pour le moins étonnant, du moins au premier abord, qu’un texte censé alimenter la réflexion sur l’histoire du racisme stigmatise une chercheuse ou un chercheur non pas en fonction des idées avancées, mais de la couleur de sa peau et de sa génétique. La professeure Dorais dit vouloir « sonder les silences » (148, 150) allégués de la recherche en histoire et souligner la façon dont a été « rédui [t] au silence » (154) l’apport des communautés noires. Comme il est évident que le choix des thèmes de recherche est lié de manière complexe à la trajectoire sociale et académique de chaque chercheuse et chercheur, et que les thèmes à la mode varient beaucoup avec le temps et les conjonctures sociales et économiques, on s’attend à ce qu’une enquête sur les « silences » déploie une méthode appropriée pour expliquer l’absence de recherches sur la question qui l’intéresse, à savoir celle des personnes racisées. Or, on découvre plutôt qu’à défaut d’argumenter, Dorais recourt à une simple disqualification fondée sur le faciès. À la lumière de l’état de la discipline historique, il est sidérant de devoir rappeler que confondre d’emblée personnes et arguments anéantit toute possibilité d’un échange scientifique rationnel et d’une conversation respectueuse.

Dorais consacre plus de trois pages de son texte à une note critique que Jean-Philippe Warren, professeur à Concordia dont les travaux portent depuis longtemps sur l’histoire du Québec, a rédigée sur un livre de David Austin portant sur l’activisme des sixties à Montréal. Cette recension est parue dans le Bulletin d’histoire politique en 2014. Le propos de Warren, dit-elle, « démontre bien la difficulté que nous éprouvons, en tant que membres de la majorité blanche et francophone, à mettre en branle un processus d’introspection sérieux sur la façon d’imaginer les possibilités d’un passé québécois racisé » (151). D’apparence simple et banale, cette seule phrase soulève en fait un grand nombre de problèmes : 1) le langage psychologisant (le besoin d’ « introspection »), mais sans méthode définie et qui relève donc de la « psycho pop » ; 2) l’irréfutabilité affirmée (« démontre bien »), mais non démontrée et en fait indémontrable ; 3) la rhétorique accusatrice (le manque de « sérieux ») ; et 4) la caricature de l’historiographie en cause. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces façons de parler (ou plutôt d’écrire) récurrentes chez Dorais.

Limitons-nous, pour le moment, à la question des conditions de validité du discours historique. Sans que Dorais ne discute vraiment du contenu précis des commentaires de Warren – faute probablement d’une connaissance adéquate du contexte historique –, elle les relègue d’emblée au rang des « réflexes défensifs » propres à un « universitaire blanc » (151). Face à cette hypothèse psychologique facile, une question se pose : si un chercheur noir avait formulé les mêmes réserves sur le livre d’Austin, Dorais les aurait-elle critiquées en invoquant la même psychologie spontanée du « réflexe défensif » ? Si un chercheur noir avait souligné, par exemple, qu’Austin avait une maîtrise parfois contestable de l’histoire des années 1960 en citant le fait qu’il croit qu’Andrée Ferretti (vice-présidente du Rassemblement pour l’indépendance nationale) est un homme, aurait-on pensé qu’il faisait preuve de réflexe anti-noir ? On peut en douter et penser que l’explication est en fait ad hoc et purement stigmatisante et ce d’autant plus que Dorais est mal placée pour analyser sur le fond les propos d’Austin et de Warren, étant donné que sa spécialisation (l’Amérique latine) ne concerne pas le Québec des années 1960 et 1970.

Bien sûr, Dorais nous assure que son « but n’est certainement pas de pourfendre spécifiquement ou personnellement Warren » (151). C’est pourtant précisément ce qu’elle fait. Faire d’emblée référence à la couleur de la peau d’un chercheur ou d’une chercheuse, c’est plus qu’un argument ad hominem ; c’est même bien au-delà du « spécifique » ou du « personnel », on en conviendra. C’est explicitement faire le choix de « raciser » a priori la recherche et faire l’économie de la confrontation des données et des perspectives, travail long et coûteux qui rapporte moins vite en capital symbolique que de se positionner en autorité morale de ses confrères et consoeurs, l’énoncé « nous éprouvons » étant bien le marqueur d’une porte-parole autoproclamée de la « majorité blanche et francophone » (151). L’auteure note aussi curieusement que Warren ne « nomme pas » la subjectivité d’Austin, que dit-elle, « l’on sait noire et anglophone » (151), comme si cette information sur les caractères ethnolinguistiques de l’auteur – qu’un grand nombre de lecteurs ignoraient par ailleurs sûrement – impliquait de ne plus le critiquer.

Ce n’est pas tout. Dorais prétend à des pouvoirs étonnants – qui flirtent, au choix, avec le surnaturel ou la psychanalyse – à partir de la lecture d’une seule recension. Elle prétend savoir « comment la subjectivité blanche et francophone de Warren » a guidé son compte rendu (151). On pourrait pourtant avoir un doute sur la « subjectivité blanche et francophone » de Warren considérant son patronyme à consonance écossaise et le fait qu’il enseigne dans une université anglophone, mais passons. Pour couronner le tout, après cette plongée – à distance ! – dans la psyché profonde d’un auteur, suivent les accusations à peine voilées de racisme : « il s’agit ici de déceler de quelle façon opère l’idéologie de la démocratie raciale dans les travaux de chercheur.euse.s blanc.he.s et francophones » (151-152). On pourrait à la limite comprendre qu’un psychologue, un psychanalyste ou peut-être même un psychiatre, exerçant des professions aux méthodes spécifiques, puissent s’embarquer dans un tel projet au cours de nombreuses séances en cabinet. On nous permettra cependant de douter qu’une historienne, serait-elle de grand talent, possède les outils conceptuels appropriés pour entreprendre un si vaste projet. Quoi qu’il en soit, le plus problématique est évidemment l’essentialisme patent qui se trouve à la base de telles idées sur les « francophones » et les « Blancs », généralisations aux antipodes de toute la recherche historique qui, depuis les années 1960 au moins, a au contraire fait la critique des catégories générales réifiées, des catégories essentialistes qui – il faut le rappeler – ont toujours été au fondement de tous les racismes à travers l’histoire.

On apprend aussi que si Warren a critiqué la méthodologie de l’ouvrage en cause (Fear of a Black Nation), ce n’est pas vraiment pour des raisons méthodologiques, mais bien parce que la lecture de cet ouvrage constitue une « réflexion dérangeante pour un.e Blanc.he » qui refuse d’être « tourmenté.e par [des] conséquences épistémologiques » (152). Encore ici, aucun argument ni méthode, mais une affirmation péremptoire de psychologie spontanée présentée comme évidente. Les raisons véritablement racistes ou xénophobes de certains refus (comme celui de la relativité d’Einstein, par exemple) sont complexes à identifier et demandent des enquêtes ardues[9]. Seule une « méthode » arbitraire permet d’affirmer de façon tautologique et sans plus de raison qu’une critique cache en fait une peur, une insécurité ou une « fragilité ». Il n’est pas inutile ici de rappeler que ce type de raisonnement est de la même eau que ceux mis en oeuvre dans les accusations de sorcellerie[10]. Se portant à la défense de l’auteur critiqué par Warren, qui notait la faiblesse de la bibliographie francophone de l’ouvrage (18 références à des documents québécois en langue française sur un total de 308 références bibliographiques, parmi lesquelles aucune historienne ou historien québécois, hormis Marcel Trudel) dont il avait la charge de faire le compte rendu selon les normes habituelles de la discipline, Dorais – parlant ainsi à la place de l’auteur critiqué – affirme que « le peu d’oeuvres francophones sur l’histoire de la présence noire à Montréal et au Québec dans la bibliographie d’Austin reflète bien plus l’anémie du champ qu’un niveau de français déficient » (153). Nonobstant le fait que la question du niveau de français d’un auteur trouve normalement sa réponse en lui parlant (Warren lui-même n’ayant fait aucune remarque dans son texte sur la capacité de s’exprimer en français d’Austin), le commentaire de Dorais est en fait contradictoire : elle minimise la production francophone et la participation de maisons d’édition francophones à l’histoire des Noirs alors que ses notes de bas de page, très fouillées, montrent exactement le contraire, c’est-à-dire que ces productions et participations sont bien réelles. Nous reviendrons plus loin sur cette méconnaissance de l’historiographie.

Rappelons ici qu’il ne s’agit pas pour nous de trancher entre les positions de chercheurs débattant d’une question donnée, ici l’histoire des Noirs au Québec, comme pourraient le faire des experts, mais bien d’analyser un texte qui constitue un révélateur de tendances récentes dans l’interprétation de l’histoire. Disqualifier les propos d’une ou d’un collègue ou même lui nier toute légitimité en raison de sa couleur de peau et de son statut universitaire est certainement un geste inhabituel dans la discipline, geste qui empêche en fait un examen raisonné des thèses et perspectives en cause. Les controverses en sciences de la nature comme en sciences sociales et humaines sont normales et courantes, mais suivent habituellement des règles qui excluent les arguments ad hominem et surtout, dirions-nous, ad colorem[11]. Il serait bien sûr tentant d’évoquer un racisme inversé si l’expression n’avait pas déjà autant d’adeptes dans le champ politique. Aussi, si nous étions friands de la même méthode, nous nous interrogerions : comment Dorais, femme blanche et universitaire, peut-elle faire l’histoire des Latino-Américains ? Qui donc l’a spécialement autorisée en ce sens ? À quel guichet moral doit-on s’adresser avant de discuter des groupes racisés ou dominés ? Et comment pourra-t-on s’assurer, a priori, que ses « réflexes anti-groupes racisés » auront été neutralisés quand elle écrira sur l’histoire de groupes racisés et, pareillement, que ses « réflexes pro-Blancs » auront été désamorcés quand elle écrira sur son propre groupe ?

Le principe de symétrie nous a toujours paru une méthode utile pour tester la plausibilité ou l’absurdité d’un énoncé qui semble banal. Il suffit en effet de modifier le sujet du verbe et de se demander si cela est plausible. Nous pensons que ces questions adressées de manière rhétorique à la professeure Dorais sont absurdes et sommes convaincus que ses défenseurs le penseront aussi. Alors pourquoi ces mêmes questions et insinuations auraient-elles un sens quand elles sont appliquées à un professeur « blanc » qui aborde de manière critique et réflexive (comme doit l’être toute recherche) l’histoire des Noirs ?

Les périls de la psychologisation de l’histoire

Outre ces manoeuvres de disqualification primaires et préscientifiques, il nous faut aussi prendre garde à un autre procédé rhétorique, celui des arguments fondés sur l’inconscient, puits sans fond dans lequel on peut facilement trouver sans contrainte toute explication qui nous convient. Dorais affirme en introduction espérer « susciter des discussions » (137), une invitation que nous accueillons avec plaisir, mais elle ne semble pas nous laisser le choix de nos conclusions, le résultat du débat étant prévu d’avance. Pour elle, il s’agit de débusquer un racisme proprement atavique, de « sonder plus avant les silences et les préjugés anti-noirs qui non seulement sous-tendirent la fondation de la nation québécoise, mais qui continuent encore aujourd’hui, de façon consciente ou non, à orienter notre rapport à l’enseignement et à l’écriture de l’histoire dans les institutions collégiales et universitaires du Québec » (137). Outre la forme assez particulière de cette invitation à « discuter », la thèse est grosse, énorme même : le racisme anti-noir 1) a « sous-tendu » la fondation du Québec et 2) il imbibe, consciemment ou non, l’écriture professionnelle de l’histoire. Tentons d’analyser de plus près ces affirmations péremptoires, jamais étayées par quelque source ou méthode définie.

On nous permettra d’insister : il ne s’agit pas pour nous de défendre l’historiographie québécoise ou même « canadienne-française », mais simplement de décortiquer la logique et la cohérence interne du texte de Dorais. On décèle assez rapidement une première contradiction pour le moins curieuse : Dorais démontre en fait que l’histoire des Noirs est loin d’avoir été réduite au silence et que le monde francophone de la recherche en a été partie prenante depuis longtemps et continue de l’être. La première section de son texte (138) comprend une longue liste d’auteures et d’auteurs et de références à leurs travaux ; ces historiennes et historiens, intellectuelles et intellectuels et militantes et militants ont mis en lumière l’histoire des Noirs et du racisme au Québec et au Canada (138 et note 7). Dorais souligne en outre leur présence dans l’espace public et indique en note ne mentionner qu’un exemple de production pour chacune et chacun, afin de donner un « aperçu du champ » (note 7). Ce champ est donc, selon ses propres dires, plus vaste. Une exégèse de la même longue note révèle au demeurant que : 1) l’histoire des Noirs et du racisme au Québec et au Canada a fait l’objet de publications dans des revues américaines, canadiennes ou internationales, cela tant en histoire, qu’en droit, en lettres ou en arts ; 2) des auteurs francophones y ont contribué ; 3) des maisons d’édition francophones rigoureuses (comme les PUM ou Septentrion) ont publié ces travaux ; 4) des études publiées au départ en anglais ont été traduites en français par des éditeurs francophones (comme les Éditions de l’Homme ou VLB). Sans aller jusqu’à mener une enquête photographique, on peut penser que certains des auteures et auteurs sont de « couleur blanche ».

Plus loin, après avoir soutenu la thèse d’une « mise au rancart dans la production historiographique » (138) et réaffirmé que les personnes afrodescendantes étaient l’objet d’un « déni de mémoire » (139), Dorais se contredit encore en nous invitant à suivre la voie empruntée par les mêmes études évoquées précédemment (la note 10 renvoyant à la note 7), avant d’ajouter d’autres références importantes, dont les travaux de Sean Mills – que la « logique » de notre collègue devrait cibler comme un « homme blanc » – traduits en français par des maisons d’édition (comme Hurtubise) qui ont dû estimer qu’il existait un lectorat francophone pour ces thèmes (voir sa note 11). Il en va de même de cet ouvrage sur l’histoire des Noirs dans les années 1960 à Montréal traduit en français chez Lux (note 33), de ce francophone (si l’on prend le risque de se fier à la graphie de ses nom et prénom !) ayant publié en anglais sur le N-Word (note 38) et pour finir de cette anglophone ayant publié chez XYZ, maison toute francophone, une histoire de la race dans la littérature québécoise au XXe siècle (note 38).

Voilà invalidée de l’intérieur même du texte, et sans chercher plus loin dans les bibliographies, la proposition d’une « mise au rancart dans la production historiographique ». Il y a de toute évidence un intérêt et des lieux de diffusion pour la recherche en histoire des Noirs et du racisme. Bien sûr, un bon sophiste pourra toujours dire qu’il en faudrait davantage, mais on pourrait en dire autant d’à peu près tous les objets de recherche. Examinons maintenant les autres « personnes de paille » (notre traduction du dépassé, car sexiste, « straw men ») ou épouvantails auxquels Dorais fait appel.

Elle affirme, toujours sans preuve ou argumentation un tant soit peu étayée, que si une « grande majorité de […] concitoyen.ne.s blanc.he.s continue de faire la sourde oreille et refuse de sonder les implications du racisme systémique au Québec » (138), ce serait en raison de « l’exclusion de facto des personnes de couleur du passé québécois, et ce, autant dans les champs mémoriels de la majorité blanche du Québec que dans l’enseignement de l’histoire et dans la production savante qui se fait au sein de nos universités francophones » (138). A-t-elle sondé les plans de cours des départements d’histoire de la province avant affirmer une telle chose ? Comme aucune référence ne vient appuyer son propos, il faudrait croire ce discours sur parole, au mépris d’un état des lieux en enseignement et en recherche. Il faut dire, à sa décharge, qu’il est probablement difficile de mesurer l’étendue des « champs mémoriels » des Québécoises et Québécois… Curieusement, la note 15 de son texte recèle des exemples intéressants de mémoires de maîtrise sur la place et la représentation des Noirs en histoire, travaux francophones d’ailleurs. Il semble donc que des professeurs (moins inconscients que d’autres ?) aient finalement considéré que ces thèmes étaient dignes d’être investigués, qu’il était possible de le faire et que l’encadrement des étudiantes et étudiants concernés en valait la peine (David Austin a, par exemple, complété sa maîtrise en histoire à l’Université de Montréal en 2007).

On peut d’ailleurs s’intéresser à la distribution des thèmes de recherche au fil des ans, dans l’ensemble de la communauté historienne. On observe alors qu’ils varient énormément : moins de travaux aujourd’hui sur la Nouvelle-France ou l’histoire économique et beaucoup plus sur l’histoire des femmes et l’histoire culturelle, entre autres[12]. On pourrait même faire l’histoire sociale (ou la sociologie historique) de ces changements qui reflètent la composition changeante des cohortes d’étudiantes et d’étudiants[13], de leurs origines sociales, etc. Ainsi, on observe – sans surprise – que les femmes sont surreprésentées dans le domaine de l’histoire des femmes tout comme les hommes le sont dans celui de l’histoire des sciences. Si expliquer ces tendances est intéressant, difficile et utile, les dénoncer ou les attribuer à des « stratégies » visant à « invisibiliser » ceci ou cela est plus facile, mais ne contribue en rien à la connaissance. Comme le disait Spinoza : « ne pas rire, ne pas déplorer, ne pas détester, mais comprendre ». Et tout comme les bons sentiments font de la mauvaise littérature, il est certain qu’ils engendrent aussi de la mauvaise histoire. La discipline doit plutôt être libre de « moraline », selon le mot de Nietzsche, cette substance qui vicie le jugement de l’historien, mais lui apporte l’illusion d’une supériorité morale.

Parler d’exclusion ou de mise au rancart suppose la présence d’acteurs agents de ces actions, qu’il faudrait dès lors identifier. Il nous semble plus fructueux d’observer qu’à une époque donnée certains thèmes ne sont pas explorés faute de personnes décidant de les aborder et d’en faire la promotion, cela pour des raisons multiples qu’il faudra alors établir. Car si la notion d’agentivité des personnes a un sens, alors il faut identifier les sujets des verbes et abandonner les formulations indirectes qui laissent dans l’ombre (invisibilisent ?) les actions des personnes responsables et les transforment ainsi en marionnettes soumises à un vaste surmoi collectif composé de « préjugés » conscients ou inconscients. On retrouve cette histoire sans sujet sous la plume de notre collègue quand elle affirme que la mémoire de l’esclavage à une époque reculée et la manière dont l’expérience des Noirs a été falsifiée (sous le couvert de mythe) nous auraient toutes deux été léguées, transmises (par on ne sait qui ni comment) et expliqueraient tant les attitudes contemporaines du grand public que celles des chercheurs.

Attardons-nous au cas des chercheurs, plus facile en principe à appréhender que le grand public, entité mal définie, comme l’est d’ailleurs la notion d’opinion publique[14]. D’après Dorais, « il faudra également prendre conscience, en tant que collectivité savante majoritairement blanche, que le mythe de la bienveillance ou de l’innocence raciale alimente, avec beaucoup plus d’impacts qu’on n’ose le croire, la production historiographique francophone issue de nos départements d’histoire » (140). « Prendre conscience » ? « Qu’on n’ose le croire » ? Qui a ainsi doté Dorais de cette faculté de clairvoyance alors que ses collègues, à l’en croire, pataugent au même moment dans le racisme inconscient ? Mais notons surtout le sophisme : au lieu de tenter d’établir un fait pour ensuite en tirer des conséquences, on le postule d’emblée pour ensuite tenter de le faire passer subrepticement pour déjà démontré en insistant aussitôt pour dire qu’il est moralement important d’en « prendre conscience ». On navigue là encore dans la logique circulaire des inquisiteurs. Rappelons en effet qu’autant Giordano Bruno que Galilée, accusés d’hérésie, ne pouvaient que s’en excuser et expier leur péché, car tenter de nier le « fait » qu’ils étaient hérétiques constituait pour leurs juges une preuve supplémentaire de leur hérésie[15].

Plus audacieuse encore est la thèse (toujours postulée) que la mémoire de l’esclavage à l’époque de la Nouvelle-France et du Régime britannique aurait laissé, par un mécanisme non précisé, une empreinte non seulement profonde, mais déterminante dans les mentalités, et ce, par-delà les siècles. Après avoir cité des auteurs pour lesquels la question de la mesure de l’ampleur du phénomène de l’esclavage ne se pose même pas (144-145) – alors que la mesure des choses est un enjeu important de connaissance – Dorais fait le saut dans le temps présent : « ces raisonnements invitent les historien.ne.s à recentrer leurs études du passé québécois sur l’expérience vécue des personnes réduites en esclavage sous les régimes français et britannique au Québec, pourtant laissée en plan des grands récits nationaux, ainsi que sur les conséquences à long terme sur la psyché collective du Québec » (145). Dans la même veine, une « absence d’introspection collective explique que les contributions des collectivités noires à l’histoire du Québec, d’une part, et les conséquences à long terme de l’esclavage des Africain.e.s et de leurs descendant.e.s dans la société québécoise, d’autre part, figurent toujours parmi les moteurs de changement les plus ignorés dans l’étude et l’enseignement du passé québécois » (140). Ici, il faudrait choisir : s’il y a « ignorance », « absence d’introspection » et « mise au rancart » tant en enseignement qu’en recherche, comment diable « la psyché collective » en serait-elle si profondément marquée, même inconsciemment ? Quels furent les relais souterrains de cette expérience… ignorée ? Mystère. Mais cela ne semble pas gêner Dorais, qui présente encore ses thèses comme des faits établis et insiste plutôt sur l’importance de se « recentrer » sur ce qu’elle considère comme fondamental pour la modernisation de la « psyché » québécoise.

Du reste, il faudrait expliquer comment d’autres expériences tout aussi ignorées ont pu percoler ou non dans la « psyché collective » (à moins que ce processus massif, énorme et indémontrable ne concerne que les personnes racisées ? mais alors il faudra nous expliquer pourquoi). Appliquons – encore par souci de symétrie – ce mode de « raisonnement » au cas d’un autre groupe massivement dominé et minorisé juridiquement dans le passé : les femmes. Doit-on croire que les Québécoises issues de l’immigration de France aux XVIIe et XVIIIe siècles doivent aujourd’hui composer avec les « conséquences à long terme », dans la « psyché collective », de « l’expérience vécue » des Filles du roi ? Ce serait là un programme de recherche original, tout comme la recherche d’autres legs inconscients d’Ancien Régime (seigneurial, par exemple). On nous permettra cependant de douter de sa valeur heuristique tant il ne peut mener qu’à des explications circulaires qui rappellent celles invoquant, au Moyen Âge, la vertu dormitive de l’opium.

Dorais aborde néanmoins une question plus précise et susceptible de débats argumentés et non plus simplement ancrée dans le vague insondable de la « psyché », celle de l’impact institutionnel de l’esclavage durant les périodes qui ont suivi son abolition. Citons ce qui aurait mérité d’être formulé comme une problématique, et non, à nouveau, sur le ton inquisiteur (« devront ») de la vérité révélée qu’il faudra désormais admettre : « les historien.ne.s devront également continuer à mieux comprendre […] comment le passé esclavagiste de la Nouvelle-France a affecté les conditions d’émergence des institutions économiques et politiques modernes et blanches au Québec. Ainsi, elles et ils devront également réfléchir à la construction sociale et historique de la catégorie raciale blanche – devant mener, par exemple, à l’association implicite entre Blanc.he.s et Canadien.ne.s français.es – et aux particularités des préjugés anti-noirs au Québec pour y soutenir l’idée d’un être libre et moderne (nécessairement blanc) » (145).

Quelques remarques s’imposent ici sur ces formulations parfois obscures. La première proposition (sur l’émergence des institutions « modernes et blanches ») est suivie de la note 37 qui rappelle que les marchands de Montréal étaient liés à la traite. Le lecteur qui n’a pas lu la note se sera laissé bluffer, car cette note ne réfère en rien aux institutions modernes. L’esclavagisme au temps de la Nouvelle-France a-t-il vraiment pesé sur l’émergence de l’État providence provincial ? D’Hydro-Québec ? Des municipalités ? Vastes interrogations dont on lirait avec intérêt les résultats et surtout la méthode. On relèvera de surcroît que le Canada, dans cette rhétorique, n’est pas concerné, de la même manière que les chercheurs anglophones échappent aux foudres de Dorais. La Nouvelle-France fait pourtant partie de l’histoire canadienne, à ce que l’on sache. La fin de la citation nous offre cependant un élément de réponse : « l’association implicite » entre blancheur de la peau et origine canadienne-française. Les Canadiens anglais, quant à eux, ne sont pas sujets à cette association et ont donc su, en expurgeant leur propre inconscient collectif d’une histoire odieuse, trouver les voies de la vertu. Le prêche – car c’est bien un discours de cet ordre – de Dorais vise à moraliser des Québécois blancs et francophones, ce qui est typique des nouveaux discours « woke » qui ont envahi les médias sociaux, mais qu’on peut s’étonner de lire dans une revue savante.

Déconstruire des mythes en les remplaçant… par ses propres mystifications

Dorais ne s’encombre à peu près jamais d’empirie. Elle s’y essaie cependant parfois. C’est ténu, pour le moins, en ce qui a trait à la construction de la « catégorie raciale blanche » à partir de « préjugés anti-noirs » (145). Voyons les preuves offertes. Des Canadiens français ont « compar [é] » (145) leur état à celui d’esclaves. Une théoricienne littéraire, elle, a donné des exemples de racisme tirés des écrits de Louis-Joseph Papineau. Dorais la cite et fait sien son propos : « “il est impossible de penser la structure de l’État canadien et de la soi-disant nation québécoise sans penser la violence coloniale, indissociable en Amérique de la violence de ce marché de chair noire” » (147). C’est clair : l’affirmation est « sans appel » (147) dit Dorais et quiconque oserait penser la chose possible et surtout argumenter en ce sens est implicitement voué aux gémonies. Avis aussi à ceux et celles qui osent parler de cette « soi-disant » nation, même si ce sont des actrices et acteurs de l’histoire qui utilisent le terme et non des historiennes ou des historiens. Ces sophismes d’autorité sont de grosses ficelles qui cachent mal une incapacité à traiter ces questions en historienne et non en moraliste autoproclamée. Est-il vraiment nécessaire de rappeler le cours d’introduction à la méthodologie ? Des métaphores et des rapprochements douteux ne font pas une preuve. Quelques lettres de Papineau ne donnent pas accès à la « soi-disant » nation québécoise et il y a un gouffre entre une correspondance privée et la « structure de l’État canadien ».

Dorais s’en prend aux thèses de chercheurs qui se sont penchés sur l’histoire de l’esclavage au Québec au temps de la Nouvelle-France et au début du Régime britannique. C’est apparemment de bonne guerre, car les interprétations historiques sont constamment revisitées, corrigées et amendées, parfois même invalidées ; c’est là le propre de la recherche dans toutes les sciences tant naturelles que sociales. On pourrait donc se croire ici sur un terrain plus sûr, celui du débat historiographique.

La critique de Dorais se fait en deux temps. D’abord, après avoir soutenu que « force est de constater à quel point les travaux universitaires francophones s’intéressent peu aux contributions des Afro-descendant.e.s dans la société québécoise » (139) (ce qui, on l’a vu, est en bonne partie inexact), Dorais prend à partie Marcel Trudel et Arnaud Bessière. Les travaux du premier remontent au tout début des années 1960 et sont donc véritablement pionniers[16]. En bon historien de tendance positiviste soucieux de l’historiographie, Trudel rappelait même d’entrée de jeu que ce n’était « pas la première fois que l’on trait [ait] de l’esclavage au Canada français » et rappelait les contributions de Jacques Viger et Louis-Hyppolite Lafontaine, de même que celles de Benjamin Sulte. Il notait cependant que, jusque-là, « personne encore n’avait tenté d’écrire une histoire exhaustive de cet esclavage[17] ». Et au lieu de se lancer dans une dénonciation facile et arbitraire d’un « silence » entretenu ou d’une invisibilisation active et malveillante de la part de ses prédécesseurs ou de ses contemporains sur ce passé, il offrait simplement son travail d’historien méticuleux au lecteur qui allait juger sur pièce. Quant à Arnaud Bessière, son livre, paru en 2012 dans une collection prestigieuse quoique non académique des Publications du Québec, se donnait pour but de montrer comment les Noirs « depuis plus de quatre siècles […] font partie intégrante de l’évolution de la société québécoise […] [et] ont contribué à son essor et continuent de le faire […] même s’ils ont longtemps été relégués au second plan[18] ».

Portant son regard inquisiteur sur ces travaux anciens et récents, Dorais ne confronte ni les données ni les problématiques. Elle préfère encore une fois se concentrer sur « l’inconscient ». Les conclusions de Trudel quant à la bienveillance des maîtres sous l’Ancien Régime « continuent d’alimenter, de façon consciente ou non, les récits de nombreux.se.s historien.ne.s. » (139) ; Bessière, lui, n’aurait pas réussi à « s’affranchir des préjugés anti-noirs » de ces antiques travaux (139 et note 13). L’accusation est grave et devrait au moins être étayée. Bessière aurait donc fait son travail en étant imbibé de préjugés anti-noirs ? Surtout, il faudrait, une fois encore, choisir : si les « récits de nombreux historiens » sont marqués par ce mythe de bienveillance, c’est donc qu’ils parlent de l’histoire des Noirs et s’y intéressent. Et quels sont précisément ces « récits » ? Mystère, Dorais ne nous le dit jamais ; elle débat encore ici avec un épouvantail de sa fabrication.

Revenons sur le terrain des réalités ou phénomènes historiographiques qui seraient en jeu. Selon notre collègue, par exemple, « les historien.ne.s du Québec déploient différentes stratégies afin de minimiser l’expérience de l’esclavage des personnes noires dans le passé québécois » (143).

Énième insinuation non étayée et, selon cette logique du soupçon, ne pas parler du sujet X ou Y serait en fait une manière de minimiser ou d’invisibiliser X ou Y. Car si elles et ils « déploient » des « stratégies », c’est donc bien consciemment. Ainsi, selon Dorais, certains (Trudel, Bessières et même l’anglophone Greer) évoquent des rapports moins brutaux qu’ailleurs dans les Amériques (143 et note 29), alors que « d’autres mettent de l’avant dans leurs analyses la faiblesse quantitative du passé esclavagiste canadien par rapport à son voisin du Sud » (143). Enfin, « d’autres encore insistent de façon corollaire sur la prétendue insignifiance économique de l’esclavage des personnes noires au Québec, et au Canada » par rapport à l’économie des plantations aux États-Unis et dans le reste du continent (143-144). Pour Dorais, la question du caractère massif ou non des oppressions subies par les Noirs ne se pose même pas. La chose est étrange dans un texte qui prétend mettre en lumière « les conséquences à long terme de l’esclavage des Africain.e.s et de leurs descendant.e.s » (140). Par un curieux effet de retour, emportée par sa rhétorique accusatrice, Dorais banalise la violence, l’étendue et les conséquences profondes de l’esclavage tel que vécu aux États-Unis. Faut-il le rappeler, l’histoire comparée sert justement à montrer en quoi un parcours historique donné (celui du Québec, des États-Unis, etc.) est spécifique, ce qui implique nécessairement de donner une mesure (même imparfaite et qualitative) des choses. Comparer et amalgamer sont deux opérations distinctes. S’attarder à cet enjeu fondamental de toute recherche, ce n’est pas nier, bien entendu, la violence inhérente et le caractère horrible de toute occurrence d’esclavage. Enfin, la montée récente de l’histoire dite « connectée » ne doit pas mener l’historien à être complètement déconnecté de la spécificité des réalités historiques locales…[19]

Dorais résume ses critiques en affirmant que « ces interprétations reposent tantôt sur des lectures superficielles des sources, tantôt sur des preuves solides. Un problème se pose cependant dans chacun de ces cas de figure : celui d’un désir non avoué, voire inconscient, de banaliser l’expérience de l’esclavage des personnes noires dans le passé québécois » (144). Inutile de le dire, la circularité du raisonnement est ici totale : le « désir » (invérifiable) postulé est ensuite confirmé par un procès d’intention qui balaie au passage les « preuves solides ». Et comme ce « désir » vise à « banaliser » l’expérience de « l’autre », on s’approche dangereusement de la logique complotiste. Pourtant, ce sont justement les preuves apportées qu’il faut soupeser. Dorais, elle, ne prend pas la peine de distinguer ce qui est « solide » de ce qui est « superficiel », au profit du basculement dans l’univers très commodément indémontrable et pseudo-psychanalytique du « désir non avoué » et de « l’inconscient ». La régression méthodologique que constitue l’appel arbitraire à l’inconscient est patente et même pire que ce que pouvait proposer dans les années 1920 l’historien français Georges Vattier dans son Essai sur la mentalité canadienne-française[20]. On a depuis tiré les leçons de la fragilité de telles « méthodologies » qui sondent les reins et les coeurs de fantômes sociaux[21].

Selon Dorais, les auteures et auteurs qu’elle critique auraient minimisé, caché ou ignoré volontairement que l’esclavage a eu un « impact à long terme », des « conséquence [s] sur le présent » et qu’il y aurait des « legs au niveau économique, politique ou psychologique de l’esclavage sur la société québécoise » (144). On s’attendait, en toute logique, à ce qu’elle nous présente cet « impact », ces « conséquences » et ces « legs ». Ce n’est malheureusement pas le cas. Il faut alors se contenter d’affirmations et d’insinuations, que les lectrices et lecteurs pressés prendront pour de nouveaux « faits » historiques. Le choix des termes importe : des « impacts » ou des « legs », ça se nomme et se circonscrit, même imparfaitement. Surtout, ces notions impliquent des mécanismes de transmission. Mais la défense de Dorais est imparable et toujours aussi catégorique : la question de la mesure, même imparfaite et relative, ne se pose pas (144 et suivantes).

Des comparaisons peu éclairantes

Ce qui est censé nous éclairer dans la démarche proposée est la mise en oeuvre d’une perspective dite « hémisphérique » (137), c’est-à-dire un usage abondant de littérature et de textes sud-américains plaqués sur le cas québécois. Cette perspective aurait pour vertu, nous dit-on, de « remettre en question l’exceptionnalisme des mythes qui ponctuent les récits nationaux des sociétés américaines » (137). Aussi, Dorais fait appel à une « approche comparative avec l’évolution récente de l’historiographie latino-américaine », tout en misant sur « une littérature scientifique qui a su révéler plusieurs angles morts de l’étude du passé de la région, spécifiquement ceux en lien avec la nature et le fonctionnement de la suprématie blanche au sein des sociétés latino-américaines » (137).

Voyons cela de plus près. Elle adresse à nouveau des remontrances aux « spécialistes de l’histoire du Québec » (147). Ils feraient en effet l’erreur de « trop vouloir comparer l’institution de l’esclavage sous les régimes français et britannique avec celle de leurs voisins du Sud », ce qui aurait empêché de voir ses conséquences profondes (147), conséquences qu’elle n’a – rappelons-le – jamais identifiées clairement ni analysées. D’ailleurs, « trop » par rapport à quelle norme ? On l’ignore. Pourtant, ce choix n’a-t-il pas une certaine pertinence, vu la proximité géographique des États-Unis et le poids important de ce pays dans l’histoire du Canada et du Québec ? Le plus étonnant est que Dorais, spécialiste de l’Amérique latine, préfère les rapprochements entre le Québec et des pays comme l’Uruguay ou Cuba. Le lecteur jugera qui se fait prendre à « trop vouloir comparer ».

Grâce à cette « méthode » comparative, elle affirme que « le mythe de l’innocence raciale au Québec, soit le refus par une majorité de Québécois.e.s de reconnaître le fonctionnement du racisme systémique et l’omniprésence de la suprématie blanche dans leur société, n’est pas sans rappeler les dynamiques inhérentes au mythe de la démocratie raciale en Amérique latine » (140).

« N’est pas sans rappeler » ? On est ici dans l’association d’idées, chère aux psychanalystes, et on peut en effet toujours trouver des ressemblances entre deux entités ; ainsi, les bâtons de dynamite et les couteaux sont tous les deux des outils et des armes et, à ce titre, pourraient donc être tous les deux laissés dans les magasins en vente libre… Suit une longue plongée (140 à 143) dans des textes traitant de la construction et déconstruction en Amérique latine du mythe de la démocratie raciale. Après lecture et relecture de cette partie du texte et des notes à l’appui, qu’apprend-on sur le Québec ? Car rappelons-le, cette approche « hémisphérique » est censée débusquer le mythe d’une démocratie raciale ayant cours dans la belle province. Notre collègue conclut tout de même à un « enseignement d’importance », soit que ce mythe se bâtit « en opposition à un contre-exemple d’inclusion raciale qui serait pire que le nôtre » (141), les États-Unis occupant cette position. C’est tout ce qu’on est censé avoir « décelé ». Qui plus est, les tensions raciales américaines passées et actuellement exacerbées peuvent de facto nous laisser penser qu’il s’agit bien d’un contre-exemple.

Un Québec qui « aime s’imaginer entièrement blanc » : la mise en accusation du Québec et des chercheurs francophones

On l’a remarqué, Dorais accuse le monde de la recherche de silences coupables et d’exclusion (consciente ou inconsciente, on ne sait trop) des personnes racisées. Elle s’en prend en fait à deux entités qui, si elles sont liées, sont néanmoins assez distinctes, en l’occurrence le Québec comme société et, de façon plus circonscrite, les chercheuses et chercheurs francophones. Voici comment elle caractérise le cas québécois : « entêtement » et « refus d’introspection » de la majorité blanche en matière de racisme (138). Si la proposition précédente est susceptible d’investigation et d’administration d’une preuve, notre professeure ne s’en tient pas là et bifurque vers la caricature. Elle cite un papier, paru dans le magazine culturel Spirale (note 65), qu’elle trouve « des plus inspirants » et dont elle fait siens les propos : « “ [l] a culture blanche, au Québec […] s’exprime à travers un auto-préservationnisme qui va sans aucun doute se refermer sur lui-même. Elle a l’intensité du chien qui, poursuivant sa queue, ne dévie jamais de son petit cercle et ne confronte pas l’infinie étroitesse de ce repli” » (151). Faut-il vraiment commenter ce genre de défoulement primaire dans une revue savante ? Spirale est un magazine culturel de tendance postmoderne en dialogue avec les travaux de Jacques Derrida et qui se déclare « interculturel ». On ne voit cependant pas en quoi ces diatribes morales peuvent contribuer à faire avancer notre discipline, qui est structurée par d’autres règles éthiques et méthodologiques, dont la critique des sources.

On pourrait se croire en terrain plus solide, de la part d’une professeure- chercheuse, en ce qui a trait à sa critique de la communauté universitaire. Elle clive d’emblée cette même communauté en fonction de la langue. Dorais s’interroge : « pourquoi nous, chercheur.euse.s des départements d’histoire d’universités francophones du Québec, évitons les pistes de recherche qu’investissent nos pairs d’autres champs disciplinaires et institutions d’enseignement ? » (139). La formulation, à nouveau, est celle de la moralisatrice qui pose en porte-parole autoproclamée prétendant parler au nom (et à la place) d’un collectif imaginaire (« nous » !) pour enrôler chercheuses et chercheurs dans son programme en les culpabilisant d’avoir ignoré un sujet qu’elle juge essentiel. Or, on a déjà noté l’existence de francophones et de maisons d’édition francophones traitant de l’histoire des Noirs et du racisme ; la liste des domaines s’allongerait de beaucoup si on incluait d’autres groupes dominés et opprimés (dans le passé ou encore de nos jours) comme les Autochtones, les femmes, les prostituées, les vagabonds, les ouvriers, les aliénés, etc. Il est à tout le moins étonnant que nombre de collègues mettent de côté les préjugés de classe, de race et de genre, par essence liés à leur personne (si on raisonne à la manière de Dorais), pour investiguer ces objets. Peut-être, tout simplement, que cela les intéresse et qu’ils les trouvent pertinents tant pour l’histoire que pour le temps présent. Et tant mieux si d’autres font de même ou encore décident de s’intéresser à des sujets que n’affectionne pas Dorais ou qui ne les enferment pas dans leur « communauté ».

L’explication de Dorais quant au prétendu évitement de certains sujets par les francophones est aussi commode que peu probante. Les explications étant toujours simples et monocausales dans son paradigme, tout cela découlerait du « manque flagrant de diversité » des corps professoraux (139). Surtout, « dans l’ensemble de nos départements d’histoire […] une écrasante majorité blanche contrôle le contenu des cours, des programmes spécialisés, des publications passées et à venir, sans parler de l’orientation des nouveaux champs de recherche à investir ou encore de la composition des comités d’expert.e.s qui recommandent aux instances gouvernementales les projets de recherche qui méritent le financement de l’État » (140). Le sophisme par amalgame est évident. Si des « Blancs » sont aux commandes, ils blanchissent nécessairement les cursus, les parutions savantes et les budgets. Dorais suppose aussi tacitement que si les embauches montraient plus de diversité ethnique (une diversité bonne à atteindre en soi à titre d’égalité des chances), ces nouveaux professeurs noirs ou autres vont nécessairement travailler sur l’histoire de leur groupe ethnique. Un tel présupposé, outre qu’il suinte un essentialisme pourtant habituellement dénoncé avec raison, risque même de culpabiliser des personnes qui oseraient ne pas étudier leur propre groupe ethnique et s’aventurer sur d’autres pistes. C’est en tout cas ce que permet de penser le mode de raisonnement psychologisant adopté par notre collègue.

Les conséquences attendues de ce présupposé (jamais interrogé) sont aussi ahurissantes que circulaires : la recherche actuelle étant raciste et « racisée », « racisons » les corps professoraux ce qui débouchera enfin sur des recherches elles-mêmes « racisées ». Ira-t-on jusqu’à rappeler aux futurs collègues noirs, maghrébins ou asiatiques qu’ils ne devraient surtout pas se pencher sur d’autres objets que les groupes racisés dans lesquels on les enferme ? Et les organismes subventionnaires devraient-ils refuser du financement à ces personnes qui « trahissent » leur communauté en se consacrant à un autre domaine de recherche ? [22] Enfin, dans l’autre sens, on peut se demander si un « Blanc » étudiant une communauté noire ou asiatique ne serait pas accusé (et donc coupable…) d’appropriation culturelle ?

Il est désolant de constater que ces errements noient littéralement quelques propositions de bon sens comme cette invitation à « approfondir, au Québec, notre compréhension des mécanismes de fonctionnement du concept de race, et certainement les codes qui en gèrent l’émergence et l’évolution dans une société donnée » (150). Voilà en effet une proposition scientifiquement pertinente et une telle problématique pourrait se doubler d’une discussion posée de l’historiographie, de la présentation de sources, etc. Malheureusement, cette idée à peine lancée, Dorais retombe, dans le même paragraphe, dans la mise en accusation des « milieux universitaires francophones » qui devraient écouter les « sérieuses mises en garde » des historiennes et historiens de l’Amérique latine (incluant donc Dorais elle-même) et des « militant.e.s de l’anti-racisme » (150). Une proposition de recherche a maintenant besoin de « mises en garde » ? De recours à l’autorité morale de militants ? On croit rêver !

Tout ce clivage et les accusations adressées à un groupe linguistique laissent peu de mystère sur la planche de salut : suivre l’exemple des travaux Canadian qui, de par leur essence même – et pour des raisons obscures – seraient d’emblée plus avant-gardistes et donc plus justes que les autres. Lisons Dorais : « notre communauté historienne pourra s’inspirer des travaux des spécialistes […] qui ont mis au jour le mythe de la bienveillance et de l’innocence raciale par rapport aux héritages de l’esclavage des Africain.e.s et Afro-descendant.e.s dans la société canadienne » (147-148). Au demeurant, ces études canadiennes « offrent un cadre théorique et analytique pour sonder les silences sur la question des inégalités raciales qui animent la production savante en histoire du Québec » (148). Mêmes effets salutaires attendus du recours au cas latino-américain : « certain.e.s historien.ne.s se sont appliqué.e.s à recouvrer des instances oubliées de telles mobilisations noires […] et plus spécifiquement au sein de pays qui, à l’instar du Québec, aiment s’imaginer entièrement blancs, tels que l’Uruguay ou le Panama par exemple » (148). Friande de perspectives postcoloniales, Dorais adopte paradoxalement une posture proprement coloniale envers les chercheurs francophones qu’elle se donne pour mission d’évangéliser.

Dernière caricature : celle de la production historienne québécoise actuelle. L’article de Dorais, comme son titre l’indique, s’est donné pour objectif de débusquer « le mythe de la démocratie raciale dans l’écriture de l’histoire nationale » (136). Cette idée de « mythe » – toujours martelée, mais jamais argumentée – lui tient à coeur, car le terme apparaît plus de vingt fois dans son texte de 20 pages. Or, elle ne donne jamais le moindre portrait de cette histoire dite nationale ou de ses tendances actuelles. Donc, comment y repérer des « mythes » ? Pis, il faut bien mal connaître la production scientifique et ne jamais fréquenter sérieusement la Revue d’histoire de l’Amérique française ou le Bulletin d’histoire politique pour soutenir que l’historiographie québécoise francophone est marquée par un « récit national hégémonique » qui expliquerait « les silences que porte l’historiographie québécoise sur la question des inégalités raciales » (150). Nouvel épouvantail, si besoin était, pour alimenter une logorrhée de lieux communs, dont celui du nationalisme ethnique atavique des francophones.

Dès lors, si on n’examine pas cette histoire nationale, si on ne la connaît pas, comment conclure à une exclusion intentionnelle des Noirs ? Dans les dernières lignes de son texte, Dorais stipule que « l’absence de la présence noire dans l’histoire nationale du Québec prend rapidement une signification autre qu’une simple omission. Il s’agirait en fait d’une condition essentielle à la construction de l’être moderne et éclairé des Amériques postcoloniales. Les récits d’émancipation nationale au Québec ne semblent pas avoir échappé à cette structure narrative » (155). Parlant de « structure narrative », on reconnaît ici la rhétorique postmoderne typique qui se gargarise de phrases s’amusant à faire se côtoyer des termes opposés : absence présente, présence absente, etc. Il semble que, pour Dorais, le processus d’exclusion des Noirs, pourtant le fruit d’un inconscient collectif massif et séculaire, soit perpétué par un petit groupe de « Blancs ». On nage ici dans un certain univers complotiste. Adoptons un instant cette « logique » et réécrivons sa conclusion : « l’absence de l’histoire nationale dans le texte de Dorais prend rapidement une signification autre qu’une simple omission. Il s’agirait en fait d’une condition essentielle pour construire en êtres racistes et attardés les chercheurs francophones et pour se poser, elle, en être moderne et éclairé. Les récits woke d’émancipation ne semblent pas échapper à cette structure narrative ».

Conclusion

Inutile d’aller plus loin. Ce genre de discours empêche toute discussion rationnelle, tout examen posé des arguments et raisonnements. Son auteure se place d’emblée hors de l’éthique de l’argumentation chère à Habermas et somme la lectrice ou le lecteur de se repentir des péchés qu’elle a identifiés[23]. C’est dommage, car l’histoire des oppressions et discriminations exige plutôt la rigueur, le travail patient et l’élaboration de thèses solidement étayées, et non un discours moralisateur qui est la négation de l’esprit scientifique qui est au fondement, comme on l’a dit, de notre discipline. Cela n’empêche bien sûr personne, à titre de citoyenne ou citoyen, de se libérer de ses démons dans une revue idéologique de son choix (Spirale, par exemple). Mais on nage en pleine confusion intellectuelle quand on mélange, de manière arbitraire et sans méthode, des articles savants et sérieux (quoique toujours imparfaits et faillibles) d’un côté et, de l’autre, des dénonciations, disqualifications des personnes, plongées en apnée dans la psyché des individus et des groupes, le tout mâtiné d’essentialisme et de culpabilisation. En fait, tout rapproche le discours de Dorais du prêche catholique. L’autoflagellation étant aussi une pratique bien connue en religion, elle s’inclut elle-même dans sa mise en accusation urbi et orbi. D’aucuns seront, en un sens, soulagés d’apprendre qu’elle « ne prétend aucunement être exempte de ces réflexes anti-noirs » (note 68). Comme notre collègue affectionne beaucoup l’introspection et l’inconscient, laissons-la faire ce travail sur elle-même. Car n’étant pas friands de sa « méthode », on évitera de sonder plus profondément son inconscient pour tenter d’expliquer son ton sentencieux et ses obsessions, ici retraduites dans un langage pseudo-savant qui semble viser davantage à sublimer l’inconfort de son identité disciplinaire qu’à contribuer à l’étude rationnelle et argumentée des tendances passées, présentes et futures de l’écriture de l’histoire du Québec.