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Alors que la recherche francophone se fait relativement silencieuse dans l’analyse des relations internationales de la région – comme les bibliographies l’illustrent, à quelques exceptions près –, ce numéro[1] a précisément pour but d’offrir un espace de dialogue interdisciplinaire afin de contribuer à une meilleure compréhension des dimensions politiques de la région arctique en insistant sur les acteurs et les processus à l’oeuvre, avec une perspective multiscalaire.

Si vanter la fertilité des rencontres entre disciplines pour enrichir les méthodes, outils et points de vue est un lieu commun de la recherche, peu de formats permettent une réelle interdisciplinarité. Ce numéro spécial comprend ainsi des contributions de politistes, juristes, géographes. Car l’Arctique n’est pas un no man’s land juridique comme on peut parfois le lire. Par ailleurs, les approches centrées sur la sécurité humaine ou sur les questions environnementales, omniprésentes, témoignent de la complexité des questions arctiques que l’on ne peut résumer à des enjeux traditionnels – ce que nous entendons évoquer à travers ce numéro.

Les rapports de pouvoir sont bien présents, mais ils se traduisent autrement. C’est ce que nous pouvons voir dans les contributions proposées, à travers la question des acteurs : autochtones ou allochtones, acteurs étatiques, non étatiques, acteurs supranationaux, acteurs arctiques ou non, etc., tous aspirant néanmoins à prendre part aux décisions qui concernent la région. Cette dimension politique s’illustre également dans la question de l’adaptation à de nouveaux enjeux, tels que les changements climatiques ou de nouvelles activités économiques, ou encore des activités économiques traditionnelles bouleversées par l’entrée dans la mondialisation. Cette dimension politique, au-delà du conflit, est visible enfin dans la question des lieux et des formats de la régulation. La plupart des textes ici réunis ont le constat de l’insuffisance, ou du moins du caractère obsolète des formats traditionnels étatiques de gouvernance. Ces derniers se trouvent court-circuités par de nouveaux formats politiques ou juridiques. La dimension éminemment politique de l’Arctique surgit alors ailleurs, et se traduit dans la science, les conférences internationales, de nouveaux régimes juridiques.

Nous allons ainsi introduire ce numéro par une réflexion sur les processus de gouvernance régionaux. Il s’agit dans un premier temps de s’interroger sur la notion même de gouvernance et sur la nécessaire perspective multiscalaire à adopter pour l’analyse des processus arctiques. Nous revenons dans un deuxième temps sur la notion de gouvernance multiniveau, une approche qui permet notamment de prendre en compte les différentes modalités d’insertion des populations autochtones dans les processus régionaux. Enfin, nous mettrons en avant la question des stratégies des acteurs non étatiques dans leur grande diversité, qui est également un des points majeurs pour comprendre le paysage politique contemporain de l’Arctique.

I – Quel format pour la gouvernance en Arctique? Les gouvernances multiscalaires et la place du multilatéralisme

En même temps que les changements climatiques comportent des risques pour les sociétés et peuvent constituer un facteur de tensions avec des implications en termes de défense et de sécurité pour les États, ils présentent également des opportunités de coopération. Quels sont les acteurs de la gouvernance arctique et comment interviennent-ils à toutes les échelles? Comment cette gouvernance évolue-t-elle dans le temps et l’espace? Comment les différentes échelles de la gouvernance se rencontrent-elles? Enfin, se construit-il une compréhension commune des risques d’instabilité émanant des conséquences des changements climatiques dans la région?

Pour Olesen (2014), on peut distinguer deux grands courants dans la littérature sur la coopération et les relations internationales en Arctique : les warners, plutôt alarmistes, et les reassurers, plutôt rassurants, (Olesen 2014 : 6). Les premiers adoptent souvent un point de vue réaliste, anticipant des tensions et des conflits; on peut citer par exemple Scott Borgerson (2008, 2013), Rob Huebert (2010, 2012) ou encore Robert Murray (2012). Les seconds s’inscrivent dans plusieurs courant théoriques, tels les libéraux, à l’instar d’Oran Young (1992). On y trouve aussi des constructivistes – citons par exemple Hossain, Zojer, Greaves, Roncero et Sheehan (2017), ou encore les travaux de Wilfried Greaves sur les problèmes de sécurité envisagés par les populations autochtones en Norvège et au Canada (Greaves 2016). Dans cette catégorie, on retrouve également les auteurs qui choisissent une approche critique; mentionnons par exemple Lassi Heininen (2018) ou Cameron Harrington et Emma Lecavalier (2014).

Les reassurers sont les plus nombreux et, pour ces derniers, la question du « pourquoi » de la coopération arctique est souvent résolue par les théories néo-fonctionnalistes qui s’inscrivent dans la lignée d’Ernst Haas (1958) : la coopération fonctionnelle crée de l’interdépendance et donc de la stabilité politique. La politique arctique serait de ce fait protégée des événements géopolitiques extérieurs à la région – les tensions russo-occidentales par exemple. C’est d’ailleurs l’argument développé par Michael Byers lorsqu’il parle « d’interdépendance complexe » dans la région, impliquant donc une coopération continue, même en temps de crise (Byers 2017). Ce serait ainsi le besoin fonctionnel de coopération qui aurait servi de catalyseur pour la construction d’institutions régionales en Arctique, et en particulier du Conseil de l’Arctique (De Pooter, dans ce numéro). À grande échelle, la coopération nécessaire fonctionne donc toujours, même si à plus petite échelle les relations entre acteurs sont dépendantes d’événements extérieurs à la région arctique. La lecture de la littérature constructiviste et les changements politiques amenés par l’administration Trump à partir de 2017 peuvent conduire cependant à adopter une certaine distance par rapport à ces théories.

Avant d’interroger la notion de gouvernance sur le territoire arctique, nous allons dans un premier temps revenir sur les principales définitions du terme, pour finalement mettre en avant les dynamiques régionales d’une gouvernance multiscalaire et multiniveaux, aux formes mouvantes et complexes.

A – La gouvernance arctique : une notion complexe et controversée

Il nous faut d’abord revenir sur la notion de gouvernance, particulièrement polysémique et de ce fait sujette à critique. Nous utilisons ici le terme de gouvernance tel que défini dans l’ouvrage pionnier de James Rosenau et Ernst Otto Czempiel, Governance Without Government (1992 : 5). La gouvernance désigne pour ces auteurs un ensemble de mécanismes de régulations, règles, principes et procédures dans une sphère d’activité fonctionnant même s’ils n’émanent pas d’une autorité formelle. En cela, elle se distingue de l’idée de gouvernement et pourrait être un contrepoids à un pouvoir hiérarchique ou trop centralisé (Kazancigil 2010), devenir une réponse à un manque de démocratie et de légitimité du pouvoir.

La notion de gouvernance est souvent objet de méfiance, car elle émerge dans les années 1980 sous l’impulsion de la Banque mondiale et des bailleurs de fonds des pays en développement dans une perspective néolibérale qui impose une idée de « bonne gouvernance ». Cette « bonne gouvernance » implique un État de droit, de la transparence et la responsabilité des dirigeants politiques devant leur population (Smouts 1998 : 149).

Alors que, selon James Rosenau et Ernst Otto Czempiel, les régimes existent seulement dans des domaines très définis (la santé, l’environnement, le commerce), la gouvernance est inséparable de l’ordre global et n’est pas limitée à une seule sphère (Rosenau et Czempiel 1992 : 9). La notion de gouvernance nous semble donc très utile pour penser les processus dynamiques et émergents que l’on voit en activité dans le domaine arctique. Elle permet en outre de mettre l’accent sur la multiplicité et la diversité des acteurs et leurs interactions continues. Cette trame informelle est le support d’actions qui sont, quant à elles, bien identifiées et bien formalisées. La gouvernance, par définition, exclut l’idée d’une organisation de contrôle centralisée, et constitue bien davantage un « mode de coordination sociale » qu’on observe particulièrement en Arctique. La gouvernance permet de penser la gestion des affaires internationales non comme un aboutissement, mais comme un processus continu (Smouts 1998 : 149). Nous faisons ainsi nôtres les mots de Marie-Claude Smouts :

La gouvernance permet de décrire ce type de configurations molles en restructuration permanente. Elle oblige à réfléchir aux possibilités de dialogue et de participation commune entre acteurs pluriels autour de problèmes d’intérêt collectif. […] L’action publique internationale qui en résulte émane de l’intersubjectivité des acteurs en relation. Elle suppose l’existence d’un « espace public », au sens de Habermas, celui dans lequel les différentes composantes d’une société exercent leur pouvoir d’expression et de critique et se construisent par la communication les unes avec les autres. Elle donne une large place aux acteurs sociaux. Elle permet de décrire les modes de gestion des affaires d’intérêt mondial qui résultent du jeu de sous-systèmes reliant des acteurs hétérogènes n’ayant ni les mêmes capacités ni les mêmes légitimités.

Smouts 1998 : 21[2]

La gouvernance introduit enfin l’idée de mécanismes flexibles, non standardisés. La gouvernance est davantage un processus qu’un ensemble de règles.

Elle n’est pas institutionnalisée et ne possède pas d’appareils bureaucratiques spécialisés. Ses modalités, ses procédures et sa composition relèvent de normes auto-produites et non d’une législation ou d’une réglementation.

Kazancigil 2010 : 36

À travers l’étude des différents modes d’inscription que la politique arctique bâtit sur plusieurs niveaux se chevauchant et se croisant à la fois de manière verticale mais également horizontale, c’est bien un processus de gouvernance que nous observons. Cette gouvernance se définit tout d’abord par ses acteurs, ce que plusieurs contributions dans ce numéro viendront souligner. Elle fait intervenir des experts scientifiques, des ong de défense de l’environnement, des entreprises industrielles, des diplomates, des responsables politiques, des organisations autochtones, chacun de ces groupes ne constituant d’ailleurs pas des entités homogènes et figées dans le temps et l’espace. In fine, qu’il s’agisse d’enjeux sociaux, économiques ou politiques et à tous les niveaux, l’usage du terme de gouvernance permet d’accorder de l’importance à la multiplicité des rationalités et des sources différentes de légitimité.

De fait, la littérature sur la gouvernance arctique est proliférante, même s’il est important de noter que l’immense majorité des écrits se concentrent sur la gouvernance du climat, voire de l’environnement (Albert et Vasilache 2017; Exner-Pirot 2012; Heininen et al. 2015; Jakobson et Melvin 2016; Koivurova 2010; Koivurova, Keskitalo et Bankes 2009; Nordic Council of Ministers 2013) – et que cette littérature décrit des aspects précis de la gouvernance, mais bien rarement son mode d’auto-construction, ce que nous proposons donc d’analyser brièvement.

B – Aux origines du processus coopératif en Arctique, la volonté de mettre fin aux tensions de la guerre froide

Jusqu’à la veille des années 1990, les représentations de la région arctique, qu’elles soient politiques ou populaires, en faisaient avant tout une arène d’affrontement pour la compétition géopolitique, un point chaud de la guerre froide où les deux blocs étaient d’ailleurs les plus proches en termes de distance géographique[3]. Le politiste étatsunien Oran Young écrivait d’ailleurs en 1985 que le monde entrait dans « l’âge de l’Arctique », la région jouant selon lui un rôle dominant dans la sécurité internationale de chaque puissance.

Avec la fin de la guerre froide, d’une part les barrières politiques qui empêchaient le mouvement des populations, des biens et des idées entre les territoires appartenant auparavant aux deux blocs ennemis s’effondrent; et, d’autre part, la région perd de son intérêt stratégique et une démilitarisation est engagée, par la Russie en particulier. Le réchauffement des relations ouvre une fenêtre d’opportunités pour renforcer la coopération internationale, et plusieurs initiatives bilatérales ou multilatérales de coopération régionale voient le jour, tels que le Conseil circumpolaire inuit (cci) pour alimenter les contacts croissants entre les différents peuples autochtones de l’Arctique ( Wilson et Smith 2011). Citons aussi l’Arctic Environmental Protection Strategy (aeps), qui a entamé un processus de coopération environnementale à l’échelle de la région, et dont le Conseil de l’Arctique est l’héritier (Koivurova 2010). Au départ, la coopération se structure surtout autour de questions environnementales et ce n’est que par la suite que d’autres domaines viennent s’ajouter (Exner-Pirot 2013).

C – La longue mise en place de mécanismes coopératifs circumpolaires : de la coopération à la gouvernance arctique

L’année 1987 marque un tournant dans les relations internationales arctiques, avec un célèbre discours de Mikhaïl Gorbachev qui brosse les premiers éléments du paysage actuel de la coopération. Dans le contexte de la glasnost et de la perestroïka, Mikhaïl Gorbachev expose, lors de son discours de Mourmansk le 1er octobre 1987, ses vues pour une politique arctique de coopération et de paix qui est à l’origine de toutes les initiatives suivantes. Il termine son discours par ces mots :

Ce dont tout le monde peut être absolument certain est l’intérêt profond et certain de l’Union soviétique pour empêcher le Nord de la planète […] de devenir à nouveau une zone de guerre, ainsi que celui de former un véritable espace et de coopération fructueuse et de paix.

Gorbachev 1987

Cette conclusion scelle un moment fondateur de la coopération arctique, en soulignant l’importance de l’Arctique en tant que région politique en émergence, et participe à une normalisation des relations interétatiques.

Cette initiative est à situer dans un contexte de bourgeonnement de forums et d’organisations liés à l’Arctique : l’aeps déjà évoqué, le Northern Forum (1991), la fondation du cci (Young 2005), etc. Un autre événement important contribuant à renforcer la coopération a été l’établissement de l’International Arctic Science Committee (iasc) en décembre 1988, où huit États arctiques se sont rassemblés pour une première réunion sur la coopération scientifique régionale. L’iasc est fondé comme une organisation non gouvernementale scientifique qui a pour objectif de mettre en place des mesures de protection environnementales. Le but est d’encourager la coopération pour la recherche scientifique non seulement entre les États arctiques, mais également en incluant des organisations scientifiques des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la France, du Japon et de la Pologne.

La coopération que nous analysons ici peut être définie comme « une situation d’interaction entre les acteurs dans laquelle chacun d’entre eux ne peut atteindre ses objectifs sans tenir compte de ceux des autres » (Devin 2016 : 16). La question environnementale qui structure la coopération régionale ne connaît pas les frontières nationales : la coopération apparaît comme une réponse nécessaire. Le développement de la coopération sur d’autres aspects contribue par la suite à mettre en place cette « interdépendance complexe » (Byers 2017). Au sein d’une société internationale dominée par des logiques d’intérêt et de puissance, les éléments de solidarité se mêlent aux marchandages grâce à un processus de « communalisation », ce sentiment d’appartenance mutuelle à un seul monde autour de causes communes (Devin 2014 : 21-24), dont l’environnement arctique devient de fait une parfaite représentation.

II – Défis et singularités de la gouvernance Arctique

A – Entre jeux d’acteurs et interactions complexes, une gouvernance multiniveaux

La présence de cette grande diversité d’acteurs génère le caractère indéfini, « mou » en termes juridiques, de l’ensemble arctique. Ce caractère non contraignant et fluide découle également de la multiplicité des initiatives qui se chevauchent. Les interactions entre les diverses sphères et les nombreux niveaux de coopération arctique, jamais statiques, ni jamais étanches entre eux, forment ensemble un véritable système de gouvernance arctique.

Après avoir observé les caractéristiques de la gouvernance arctique, il nous semble que l’interaction scalaire devient une nécessité pour comprendre les dynamiques de cet espace politique. Colin Flint et Peter Taylor (1985) ont été parmi les premiers à souligner comment l’approche multiscalaire est nécessaire pour bien comprendre un phénomène. Ils retiennent trois niveaux pertinents : l’économie-monde, l’État, les lieux. Cependant, plus que l’emboîtement des niveaux, c’est l’étude de leur interaction qui, selon nous, doit être mise en évidence. Comme l’écrivent Yann Richard et Cristina D’Alessandro,

L’approche des faits politiques par la gouvernance souligne la nécessité de l’analyse multiscalaire (voire transcalaire) des ensembles régionaux qui sont des systèmes dynamiques impossibles à appréhender dans des représentations simples, c’est-à-dire à une seule échelle.

D’Alessandro et Richard 2018 : 164

Depuis la deuxième moitié des années 1990, le terme de gouvernance multiniveaux a engendré une littérature là aussi foisonnante (Bache et Flinders 2004). Introduite par des chercheurs comme Gary Marks et Liesbet Hooghe (2001), la notion de gouvernance multiniveaux tente de saisir une configuration en évolution au sein de laquelle les institutions supranationales consolident leurs pouvoirs, les États perdent les leurs, et un troisième niveau, la région, y émerge comme un acteur à part entière. En un sens, l’État est pris en étau entre un organe supranational et les organes infranationaux – régions, coopérations transfrontalières.

La gouvernance de l’Arctique peut être ainsi qualifiée de multiniveaux, car elle produit une concurrence permanente entre les différents niveaux pour la répartition des compétences et, en même temps, de nouvelles formes de coopération entre eux. Elle a élargi la portée dans le temps comme dans l’espace (nombre d’États observateurs, élargissement des conférences et assemblées hors du cercle polaire) et dans le temps. Le cas de l’Union européenne et de son étonnant « déni de géographie » dont il sera question dans un article de ce numéro, l’illustre parfaitement. La gouvernance arctique a également élargi son champ d’action : nous pourrons lire à travers un des articles à quel point la recherche scientifique est devenue un enjeu éminemment politique, source de légitimité, d’identité et moteur d’une coopération internationale pour, finalement, devenir la porte d’entrée des États extérieurs dans la gouvernance de la région.

La région arctique n’est donc pas régie par un traité comme l’est l’Antarctique, à son antipode. Elle est plutôt le théâtre d’une prolifération de normes, accords, traités, arrangements formels et informels, régulations, institutions à de multiples niveaux et dans différents domaines, incluant de multiples acteurs et dans des domaines variés et parfois concurrents, qui forment l’Arctique comme région (Stokke 2007). À ce titre alors, ce concept de gouvernance multiniveaux est très intéressant pour la prise en compte des processus politiques autochtones.

Dans une région en pleine mutation, c’est donc l’occasion de nous questionner sur la place et le rôle des populations autochtones. Ces interrogations sont au croisement de multiples enjeux, qu’ils soient sociologiques, anthropologiques ou politiques. Les nombreux travaux menés comprennent les questions liées à l’identité des populations (Medby 2019), l’égalité des genres (Burman et Svensson 2018) et les villes de l’Arctique dans un contexte postcolonial (Laruelle 2019). Le rôle et la place des populations autochtones constituent également une question incontournable pour la gouvernance de l’Arctique. Leur contribution dans le processus de décisions dans les instances institutionnelles de l’Arctique se révèle essentielle (Koivurova et Heinämäki 2006; Koptseva et Kirko 2015; Menezes 2017), et c’est ce sur quoi insistent plusieurs contributions dans ce volume.

B – Les enjeux de la légitimité des populations autochtones de l’Arctique

Selon Michael Byers, « la nature transnationale des peuples autochtones de l’Arctique a créé des possibilités uniques pour eux d’influencer et de participer à l’élaboration du droit international » (Byers 2013 : 225). Mais leur insertion dans les processus de gouvernance ne se limite pas à l’échelle internationale : elle peut se lire à tous les niveaux.

À un niveau global, les populations de l’Arctique sont largement concernées par les grands processus de réflexion engagés au 20e siècle ayant trait au droit des populations autochtones, comme en témoigne notamment Dalee Sambo Dorough, présidente du Conseil circumpolaire inuit (Dorough 2017b). À titre d’exemple, citons la Convention sur la diversité biologique qui est très précise sur le rôle et l’apport des communautés autochtones. Son article 8(j) demande aux gouvernements que les dispositifs législatifs respectifs « respectent, préservent et maintiennent les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels » (Onu 1992). Face à ces considérations, la résilience des populations autochtones de l’Arctique se traduit par la pérennité de pratiques et de connaissances suggérant cette profondeur temporelle. En outre, à partir de ces observations, elles disposent de clés de compréhension qui leur sont propres. Celles-ci sont à présent déterminantes pour aborder une transition socio-écologique dans une région fragilisée par les bouleversements en cours. Pour la recherche polaire, l’inclusion des populations autochtones figure sans conteste comme un facteur incontournable de compréhension face aux processus actuels (Gewin 2019).

À l’échelle régionale, l’insertion des populations autochtones dans la gouvernance de la région passe, d’abord, par leur intégration au sein du Conseil de l’Arctique comme « participants permanents » (Arctic Council 1996). Composé initialement de trois organisations autochtones de l’Arctique, elles sont à présent six à avoir obtenu ce statut[4] et jouent un rôle actif par le biais du Secrétariat des populations autochtones au sein du Conseil (Koivurova et Heinämäki 2006; Nord 2016 : chap. 3). Cela passe aussi par une coopération transfrontalière permettant de mettre en oeuvre une coopération d’un même groupe autochtone vivant dans des pays différents. Là encore, les expériences sont réussies, notamment pour les Inuits par l’intermédiaire du cci (Wilson et Smith 2011). La coopération des Samis, à toutes les échelles, fournit également un exemple intéressant (Olsén 2019). Dans la région de Barents, les Samis constituent un cas exemplaire, puisqu’ils ont été en contact avec les populations non autochtones depuis de nombreux siècles. Durant la période contemporaine, ils se sont progressivement insérés dans les structures institutionnelles, l’économie et les systèmes éducatifs des pays nordiques (Finlande, Norvège et Suède).

En s’intéressant de près à la question des droits des populations autochtones, nous percevons de nombreux aspects qui les lient aux enjeux contemporains. Les communautés arctiques sont témoins de profondes transformations liées aux effets du changement climatique. Face à ces perspectives, Sheila Watt-Cloutier exemplifie parfaitement ce combat pour la défense des populations autochtones de l’Arctique. Au milieu des années 2000, elle a présenté une pétition devant la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme contre les États-Unis. Cette pétition visait à mettre en évidence la responsabilité des États-Unis dans l’absence de mesures concrètes contre la lutte des émissions de co2 (García-Lozano et Fernández Egea 2017). Véritablement, les changements climatiques sont une nouvelle épreuve pour le maintien et la préservation de pratiques culturelles. La protection des droits de populations autochtones en Arctique s’insère dès lors dans un cadre plus vaste où les transformations biophysiques en cours portent directement atteinte à leurs conditions mêmes d’existence, ce que viennent souligner les contributions d’Adèle de Mesnard et celle de Florian Aumond dans ce volume.

C – Un apport singulier face à de nouvelles temporalités

La contribution des populations autochtones offre un nouveau regard dans l’interaction entre les sociétés humaines et les écosystèmes non humains. La connaissance traditionnelle des communautés autochtones est de plus en plus reconnue, surtout dans les processus nationaux, régionaux et mondiaux, qui cherchent des solutions à la crise écologique du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Gleb Raygorodetsky (2017) évoque ainsi la sagesse et le savoir-faire accumulés du passé au présent, qui guident un grand nombre de sociétés humaines dans leur interaction avec leur environnement. Autrement dit, dans cette crise des temporalités, en quoi le rôle des populations autochtones peut-il être déterminant dans cette région polaire, et au-delà, dans les autres parties du monde?

Incontestablement, les conséquences du changement climatique remettent en perspective le rôle et l’influence des communautés autochtones en Arctique. Pour les sciences sociales, cet enjeu est fondamental pour comprendre et déterminer les orientations face à des processus de transformation complexes et non linéaires du système-Terre. De ces apports scientifiques, la communauté des chercheurs pourrait mettre en lumière une nouvelle forme de gouvernance, définie par sa résilience. La participation des populations autochtones en demeure sa centralité et sa vitalité. Celles-ci détiennent une position tout à fait singulière : la transmission d’un message. Face au processus de transition, la gouvernance de l’espace arctique suggère que les systèmes de gouvernance sont finalement des artefacts sociaux que l’on doit avant tout restructurer, plutôt que d’essayer d’altérer les processus biophysiques (Young 2017).

III – Quelles stratégies pour les acteurs non arctiques?

Si nous avons fait le choix d’une focale actorielle pour analyser les processus de gouvernance régionaux, il nous faut maintenant nous centrer sur les acteurs non arctiques, qui non seulement démontrent un intérêt accru pour la région, mais s’insèrent aussi progressivement dans ces processus.

A – Définir l’Arctique et les acteurs non arctiques : un enjeu politique majeur

La question de la définition de l’Arctique est loin d’aller de soi. Définir ce qu’est un acteur arctique (ou non arctique) constitue un enjeu politique de première importance. Il est intéressant de noter d’emblée que la question ne s’est pas vraiment posée avant le milieu des années 1980 (Koivurova 2019). Dans la structure actuelle de la gouvernance de la région, on peut distinguer trois grands groupes d’acteurs étatiques. D’abord, les A5, les cinq États côtiers de l’océan Arctique : Canada, États-Unis, Russie, Norvège et Groenland (Danemark). Ce sont ces États qui se sont notamment réunis en 2008 à Ilulissat pour déclarer conjointement qu’ils s’engageaient à respecter la cnudm lors de la conférence très fermée de l’océan Arctique (The Ilulissat Declaration 2009). Alors que la région commençait à attirer l’attention internationale, les cinq États produisent une déclaration très symbolique témoignant de leur effort de reterritorialisation de cet océan et soulignant ainsi leurs droits souverains sur cet espace convoité (Dodds 2013). Mais les autres États traditionnellement considérés eux aussi comme « arctiques », ceux qui font partie des a8, les États membres du Conseil de l’Arctique (Islande, Finlande et Suède), contestent cette définition d’un État arctique qui doit nécessairement être un État côtier. L’Islande revendique notamment très explicitement son statut d’État arctique, voire même d’État côtier (Dodds et Ingimundarson 2012; Ingimundarson 2020). Le pays insiste ainsi très littéralement sur son caractère d’État arctique dans sa stratégie dédiée à la région, dont le deuxième point vise précisément à affirmer sa position d’État côtier de l’Arctique (Government of Iceland 2011). Dans les discours officiels, la préoccupation est également marquée.

It is stating the obvious that we consider ourselves an Arctic Coastal state. Obviously we want to be recognised as such. In this context, the concept is not deployed in a narrow, legal sense confined to territorial claims. I use it as a political and geographical argument to drive home the point, not without reason, that we want to be included, not excluded, from deliberations on the Arctic region.

Skarphéðinsson 2011 : s.p.

La dernière phrase est d’importance : être reconnu comme un acteur arctique permet de se faire une place dans la gouvernance de la région. Aujourd’hui, ce cercle des États membres du Conseil de l’Arctique est le plus largement reconnu comme étant celui des États arctiques (Koivurova 2019).

Le troisième cercle est le plus large : c’est celui des États qui n’ont pas de territoire en Arctique, mais qui sont impliqués, ou cherchent à s’impliquer, d’une manière ou d’une autre, dans la gouvernance de la région.

Se définir comme un acteur arctique est donc un geste très politique; c’est aussi un geste très observé. Quand la Chine se définit comme un État « presque Arctique » (The People’s Republic of China 2018), les réactions sont vives, notamment dans les médias (voir par exemple Sengupta et Myers 2019). Quand le Royaume-Uni le fait, en revanche, les échos sont beaucoup plus modérés : dans sa dernière politique arctique, il est précisé que la Grande-Bretagne n’est pas un État arctique, mais « son plus proche voisin » (hm Government 2018). L’enjeu est d’importance : il s’agit de légitimer sa présence dans la région et éventuellement de se trouver une place dans le jeu politique qui s’y déroule – et il semble que pour certains acteurs, cette légitimité soit plus complexe à faire valoir, pour diverses raisons. Pour les États non arctiques, la question qui se pose est donc celle des moyens de leur implication dans la gouvernance de la région.

B – S’intégrer dans la gouvernance de la région : des stratégies diversifiées

Plusieurs stratégies sont alors possibles pour les États non arctiques qui cherchent à se faire une place dans les grands processus régionaux. La forme la plus évidente est sans doute celle qui consiste à revendiquer le statut de membre observateur au Conseil de l’Arctique, comptant aujourd’hui treize États non arctiques[5] à qui il a accordé ce statut (Arctic Council 2019). Le Conseil est rapidement apparu comme une institution incontournable dans la gouvernance de la région (Koivurova 2010; Koivurova et Vander Zwaag 2007; Steinberg et Dodds 2015; Stokke et Hønneland 2006), et même aujourd’hui, il s’impose comme un acteur central de la gouvernance régionale (Smieszek 2019a, b et c; Wilson 2016; Wiseman 2020). Revendiquer un statut au sein de cette institution est donc un enjeu de légitimité dans la région et la position délicate de l’Union européenne en la matière en témoigne. L’Union européenne est un observateur de facto, mais toujours pas officiel, du Conseil de l’Arctique, après un premier rejet de sa candidature en 2009, puis un report en 2011 (Østhagen 2014). Elle parvient aujourd’hui à se positionner comme un acteur important dans la région (Offerdal 2011; Østhagen 2014; Raspotnik 2018), adoptant une approche politique pragmatique, spatialisant sa politique arctique pour la légitimer (Canova, dans ce numéro).

Au-delà du Conseil de l’Arctique, il existe de nombreuses autres opportunités de s’insérer dans la gouvernance de la région, si bien que certains auteurs parlent de « gouvernance bazar » (Depledge et Dodds 2017), ou encore d’une « mosaïque de coopérations » (Young 2005). D’abord, un grand nombre d’États non arctiques ont produit des documents stratégiques officiels, cadrant leur action politique dans la région (Heininen, Everett, Padrtova et Reissel 2020). Ce type de document est bien sûr également produit par les États arctiques (Heininen 2012; Heininen et al. 2020), et il s’agit d’un premier moyen essentiel de mettre en avant ses priorités pour la région. Dans ces documents sont détaillées les manières de s’insérer dans la gouvernance régionale – par exemple, en passant par d’ambitieuses politiques scientifiques (Knecht et Spence 2019; Strouk, dans ce numéro).

S’insérer dans la gouvernance régionale passe aussi par la participation à d’autres types de forums, particulièrement nombreux en matière de politique arctique (Young 2005). L’un des plus éminents, l’Arctic Circle, se tient annuellement à Reykjavik. Fondé en 2013, il s’est rapidement imposé comme un forum incontournable pour les acteurs arctiques. Il est intéressant de noter que son fondateur, le président Grímsson, a souhaité que ce soit un forum destiné à donner une voix à tous ceux qui avaient quelque chose à dire à propos de l’Arctique (Depledge et Dodds 2017)… un modèle ouvert en somme, un peu à l’opposé de celui du Conseil de l’Arctique. L’Arctic Circle diffère du Conseil de l’Arctique puisqu’il ne s’agit pas d’un forum de gouvernance, mais plutôt d’une assemblée ouverte à toutes les parties prenantes de la région. Cela reste un outil intéressant dans le système régional de gouvernance (Steinveg 2020). Le modèle a d’ailleurs rencontré un succès certain et les grands forums internationaux sur l’Arctique se sont multipliés, à l’instar de l’Arctic Frontiers, qui se tient annuellement en Norvège, de l’Arctic Spirit qui se tient à Rovaniemi (Exner-Pirot et Murray 2017) et qui attirent chaque année plusieurs milliers d’acteurs arctiques. L’Arctic Circle organise également chaque année des forums qui permettent à des acteurs de faire valoir leur positionnement dans la région : ainsi, en 2016, un forum de l’Arctic Circle était organisé à Québec afin de mettre en avant le Plan Nord initié dans la région; un forum s’est également tenu en Chine en 2019; et plusieurs étaient prévus en 2020 mais ont dû être reportés du fait de la situation sanitaire, au Japon ou à Abu Dhabi notamment.

Les possibilités pour les acteurs non arctiques de s’insérer autrement dans la gouvernance de la région sont donc nombreuses. C’est l’une des facettes de ce que l’on appelle parfois « l’exceptionnalisme arctique » (Exner-Pirot et Murray 2017; Hoogensen Gjørv et Hodgson 2019; Käpylä et Mikkola 2015, 2018) : une gouvernance multiniveau (Koivurova 2013; Stokke 2011, 2013), intégrant à la fois des outils à l’échelle locale, celle des communautés ou des communes, jusqu’au niveau international, où les grandes institutions internationales et outils juridiques globaux trouvent aussi leur application dans la région (Heininen et al. 2015). Cela laisse alors un large éventail de possibilités aux acteurs non arctiques pour se faire une place dans la gouvernance de la région.

Les processus de gouvernance mondiale peuvent ainsi avoir une forte influence en Arctique : les accords de Paris par exemple, ou encore les objectifs de développement durable de l’Onu ont une portée globale, avec une application en Arctique. D’ailleurs, lors de la présidence finlandaise du Conseil de l’Arctique, ils faisaient tous les deux partie des priorités mises en avant (Ministry for Foreign Affairs of Finland 2017). La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (cnudm) a aussi une importance significative dans la région (Bartenstein 2008, 2011; Kullerud, Beaudoin, Poussart, Prokosch et Sund 2013), de même que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Dorough 2017a). Certaines institutions à portée globale peuvent aussi s’intéresser spécifiquement à la région – ou aux régions polaires – à l’instar du code polaire négocié sous les auspices de l’Organisation maritime mondiale (Fedi 2019). On voit ainsi que la gouvernance de l’Arctique s’opère aussi à l’échelle globale et intègre de fait des acteurs non arctiques. C’est d’ailleurs ce qu’indique la Chine dans sa politique arctique, précisant que la gouvernance de la région relève sous de nombreux aspects de la gouvernance globale et qu’à ce titre, la place de la Chine dans la gouvernance de la région doit être significative (The People’s Republic of China 2018).

Les acteurs non arctiques peuvent ainsi s’insérer dans la gouvernance de la région par l’entremise d’ambitieuses politiques scientifiques, en utilisant la voie prévue au sein du Conseil de l’Arctique, ou encore par le biais d’instruments à portée globale. La négociation de l’accord visant à prévenir la pêche non réglementée en haute mer dans l’océan Arctique central ouvre la voie à de nouvelles manières de se positionner dans la gouvernance régionale, par le biais d’un modèle dit « 5 + 5 » (Schatz, Proelss et Liu 2019) où les États côtiers de l’océan ont négocié avec quatre États côtiers – voire non arctiques (la Chine, l’Islande, le Japon et la Corée du Sud) ainsi que l’Union européenne, pour réguler la pêche commerciale dans l’Arctique central (Morishita 2019). La négociation de cet accord témoigne d’une nouvelle manière de penser l’océan Arctique non plus comme lointain et déconnecté, mais comme connecté à l’océan global et territorialisé (Dodds 2019).

IV – Présentation sommaire du numéro

La réflexion autour des enjeux de politique et de gouvernance arctique multiniveaux ici évoquée constitue ainsi la focale de ce numéro spécial. Les différentes contributions apportent un éclairage sur des aspects spécifiques de ces processus en question. En premier lieu, un article d’Hélène de Pooter s’intéresse au modèle juridique du Conseil de l’Arctique, en posant à la fois la question de sa nature et celle de son rôle au vu de l’actualité récente. L’article montre alors comment ce Conseil parvient à se positionner comme un acteur central sur les questions arctiques.

Cet article ouvre la voie à une série de réflexions sur les acteurs arctiques et non arctiques et leur place dans cette gouvernance multiniveau. Ainsi, Mayline Strouk propose d’analyser les politiques scientifiques des États membres observateurs du Conseil de l’Arctique, montrant comment ceux-ci se servent de la diplomatie scientifique comme d’un outil pour se faire une place dans la région. Émilie Canova, ensuite, s’intéresse à un acteur ambivalent dans la région et met en lumière la stratégie arctique européenne : alors que l’Union européenne n’a toujours pas officiellement le statut de membre observateur – elle est un observateur ad hoc –, elle est représentée au conseil d’administration par l’intermédiaire de la Suède et de la Finlande, à la fois membres de l’ue et du Conseil de l’Arctique. Dans son article, Émilie Canova offre donc une réflexion sur la recherche de légitimité de l’Union européenne dans la région.

Si les États sont des acteurs majeurs de la gouvernance de la région, il faut aussi souligner le rôle central des populations autochtones qui habitent l’Arctique. Deux articles s’intéressent ici à ces problématiques spécifiques, abordant la question sous l’angle juridique. Ainsi, Florian Aumond analyse les régimes dérogatoires accordés aux peuples autochtones dans les domaines de la chasse, de la pêche et de l’élevage. Dans le contexte d’un Arctique en mutation, sujet à des changements climatiques drastiques qui mettent en péril les modes de vie traditionnels, la question de la subsistance se pose avec intensité et l’article de Florian Aumond propose alors de l’analyser à l’aune des outils juridiques existants à l’échelle internationale. Adèle de Mesnard poursuit quant à elle la réflexion en s’intéressant à la question des relocalisations climatiques des communautés autochtones. En mettant en lumière d’importantes lacunes dans l’encadrement juridique et institutionnel de ces populations, elle souligne le besoin d’une réinterprétation du droit à l’autodétermination pour faire face aux enjeux de relocalisation rendus incontournables par les changements climatiques et leurs effets dans la région.

Enfin, le dernier article de ce numéro s’intéresse à la gouvernance de la région non plus sous la focale actorielle, mais en choisissant une approche sectorielle. L’article de Michaël Delauney s’interroge sur le rôle des câbles sous-marins en proposant une analyse de la politique chinoise de la Route de la soie numérique. L’article pose la question des ambitions réelles de la Chine avec ce projet d’un réseau 100 % chinois dans un contexte de lutte d’influence à la fois régional et global.

En somme, ce numéro regroupe une analyse actualisée, à la fois pluridisciplinaire et multiscalaire, des grands enjeux politiques de la région arctique.