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En décembre dernier, le monde de la traductologie et des études lusophones perdait un de ses membres les plus actifs et les plus attachants. Christopher (Chris) Larkosh est décédé subitement le 24 décembre, à sa résidence de Oak Bluffs, au Massachusetts. Il était professeur au Département de portugais de l’Université du Massachusetts, à Dartmouth. Il avait 56 ans.

Spécialiste du portugais, des littératures lusophones et de traductologie, auteur de plusieurs ouvrages sur l’espace de convergence entre orientation sexuelle et traduction, Chris Larkosh a publié et présenté des communications de par le monde, y compris au Canada. Je me souviens tout particulièrement du Congrès de l’ACT tenu à London (Ontario), en 2005, durant lequel l’auditoire était tombé sous le charme de son énergie, de son aisance à discuter de philosophie et de littérature, sans aucun effort, et dans plusieurs langues.

En peu d’années, il est parvenu à accomplir plus que la plupart d’entre nous n’arriverons à achever au terme d’une longue vie. Il a été responsable du volet littérature de la série UPNE/Tagus Press pour le portugais des Amériques et de la diaspora, en plus d’être rédacteur en chef de la revue Portuguese Literary and Cultural Studies. Érudit et polyglotte (il parlait couramment portugais, italien, allemand, espagnol, catalan, polonais et, bien entendu, anglais et français), Chris s’intéressait absolument à tout. Passionné de musique (il avait l’oreille absolue), de politique et de justice sociale, il était ardent défenseur des droits des minorités, comme en font foi la plupart de ses publications. Résolument engagé, il a été délégué de l’assemblée de la Modern Language Association, où il représentait – faut-il s’en étonner ? – les langues rarement enseignées.

La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était en mai 2019. Il s’était mis en tête d’emmener une poignée de ses étudiants de maîtrise et de doctorat à Toronto pour assister au lancement d’un ouvrage d’Anthony de Sa. J’en avais profité pour organiser une table ronde à mon université, réunissant étudiants et collègues torontois. Chris avait une soif démesurée d’apprendre, d’aller au fond des choses, et une curiosité intellectuelle hors du commun. Il était citoyen du monde d’abord et avant tout, et bâtisseur de ponts entre les cultures.

Notre dernier échange remonte à la mi-novembre. Il était tombé par hasard sur une entrevue que Marcel Pagnol avait accordée, en 1960, au sujet de l’accent marseillais, et il avait voulu partager sa découverte avec moi, sachant que cela allait m’intéresser. J’ignore comment il a fait le lien entre Pagnol et moi, mais effectivement j’ai apprécié l’entrevue, après quoi j’ai écrit à Chris pour le remercier de me l’avoir envoyée. Chris Larkosh était comme ça : s’il lui arrivait de tomber sur quelque chose qui l’intéressait, il voulait tout de suite le partager avec quelqu’un pour décupler ainsi le plaisir de sa découverte. N’est-ce pas là l’incarnation de la générosité qui distingue excellents professeurs et mentors ?

En plus de toute une communauté de collègues et d’amis, Christopher Larkosh laisse dans le deuil son conjoint, John Beck, son père, Edward, et son frère, Daniel. Les funérailles ont eu lieu en janvier. Il nous manquera à toutes et à tous.