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L’objectif de cet article est d’étudier les obstacles que rencontrent les entreprises dans la mise en oeuvre d’un ERP (Enterprise Resource Planning) ou ce qu’on appelle en français un PGI (Progiciel de Gestion Intégré). Nous abordons l’ERP comme un outil de gestion à savoir « tout dispositif formalisé permettant l’action organisée » (David, 1998), à même de devenir un instrument compris comme une forme de couplage singulier entre un usage et un artefact (Aggeri et Labatut, 2010), dans le droit fil des travaux d’Orlikowski (1992).

Aujourd’hui, l’ERP fait partie intégrante des outils de gestion standards des organisations, mais les résultats ne semblent pas toujours à la hauteur des attentes (Barki et Pinsonneault, 2002; Barki et Pinsonneault, 2005; Besson et Rowe, 2011). Il est vrai que l’objectif est ambitieux. Il s’agit de faire évoluer l’entreprise vers une plus grande transversalité entre ses fonctions, en la dotant d’une base unique de données, par le biais d’une architecture modulaire et intégrée. La difficulté de l’implémentation apparaît lors de sa mise en oeuvre effective. C’est avec un recul d’une vingtaine d’années que l’on peut rendre compte de la mise en oeuvre de ce type d’outil comme une situation de gestion que nous qualifierons d’extrême. En effet, l’implémentation d’un ERP dans une entreprise apparaît comme une véritable rupture organisationnelle qui oblige de décomposer sa mise en oeuvre en plusieurs étapes allant jusqu’à constituer une cellule d’appui permanente, longtemps après son implémentation (Markus et Tanis, 2000; Bernard et al., 2004; Saint Léger et El Amrani, 2011; Hughes et al., 2017). S’ajoute à cela le caractère radicalement non prévisible des évènements qui surviennent dans l’implémentation ou l’incertitude sur les résultats obtenus (Besson, 1999; Saint Léger, 2004; Barki et Pinsonneault, 2005; Temur et Bolat, 2018). Et enfin les risques d’échec (60 %) qui sont globalement plus importants que les chances de réussite (Besson et Rowe, 2011) au point que de nouveaux modèles de planification sont proposés pour tenter de diminuer les défaillances (Barki et Pinsonneault, 2005; Ali et Miller, 2017). Evolutivité, incertitude, risque, des caractéristiques qui amènent une littérature à proposer de spécifier une nouvelle classe de situation de gestion au sens de Girin (1990) qui est qualifiée comme « extrême » (Lièvre, 2016). Au regard de ces différentes recherches, un constat s’impose : il apparaît que la gestion de ce type de situation passe avant tout par une obligation d’apprentissage pour les acteurs en situation que nous appréhenderons par le concept d’appropriation en référence avec le courant structurationniste en système d’information (Orlikowski, 1992; DeSanctis et Poole, 1994; De Vaujany, 2003) qui s’appuie sur les travaux de Giddens (1987).

Toute une littérature en sciences de gestion s’est emparée de la théorie de la structuration de Giddens pour étudier l’articulation outil de gestion/organisation principalement dans le champ des systèmes d’information (Pozzebon et Pinsonneault, 2005; Jones et Karsten, 2008), mais aussi dans celui du contrôle de gestion (Englund et al., 2011; Nobre et Zawadzki, 2017).

Nous proposons de résumer la thèse de Giddens (1987) de la manière suivante : il est possible d’appréhender tout système social (toute organisation) comme un mouvement de reproduction dans lequel les actions individuelles à la fois structurent les systèmes sociaux, mais sont aussi structurées par eux. Cette boucle circulaire entre le système social et le structurel est appelée la dualité du structurel. C’est une théorie de l’action structurante et structurée constitutive d’une organisation où les pratiques des acteurs en situation sont médiées par le structurel en termes de règles et de ressources via l’interaction entre trois dimensions dénommées : signification, domination et légitimation. Enfin, Giddens (1987; p. 75) précise que « le structurel n’est pas que contrainte, il est à la fois contraignant et habilitant ». Il y a une double dualité du structurel par l’établissement d’une part d’une relation circulaire entre l’action et le structurel, et d’autre part entre les propriétés habilitantes et contraignantes du structurel (Schéma 1).

Les sciences de gestion se sont emparées de la théorie de la structuration pour étudier le fonctionnement des organisations. Trois articles de référence sur le plan international font état de l’usage de la théorie de la structuration de Giddens en sciences de gestion : deux dans le domaine des systèmes d’information (Pozzebon et Pinsonneault, 2005; Jones et Karsten, 2008), et un dans le domaine du contrôle de gestion (Englund et al., 2011). Au total, ce sont près de quatre cents articles qui ont été référencés et étudiés. Les trois articles convergent vers l’idée d’un potentiel important de la théorie de la structuration pour étudier les organisations quelle que soit la discipline de référence : système d’information, contrôle de gestion et théorie des organisations. Mais ils soulignent la complexité et le niveau d’abstraction de cette théorie qui doit être comprise plutôt comme une méta-théorie plutôt qu’une théorie en tant que telle. Ils font état de la grande variété des approches sur le plan épistémologique et ontologique (Pozzebon et Pinsonneault, 2005; Jones et Karsten, 2008; Poole, 2009), de la nécessité de coupler cette théorie avec d’autres travaux, et de l’inexistence de véritables communautés de chercheurs (Englund et al., 2011) propre à véritablement capitaliser les différentes avancées, et enfin des difficultés méthodologiques pour opérationnaliser cette théorie (Pozzebon et Pinsonneault, 2005).

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La double dualité du structurel

La double dualité du structurel
Source : auteurs

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Nous abordons la théorie de Giddens comme un cadre d’analyse qui permet d’investir les blocages en matière d’appropriation d’un outil de gestion au sein d’une organisation, dans le sillage des travaux du courant structurationniste dans le domaine des systèmes d’information (Orlikowski, 1992; DeSanctis et Poole, 1994; De Vaujany, 2003). Nous suivons la piste empruntée par Orlikowski (1992), DeSanctis et Poole (1994) à la fois d’intégrer la technique dans le modèle de Giddens, mais aussi de mobiliser la théorie de la structuration comme un processus d’appropriation. Mais ces travaux ne se sont appuyés que partiellement sur Giddens (Groleau, 2002; Jones et Karsten, 2008). Nous prenons le parti de rester sur le modèle original de Giddens. D’une part, en introduisant la technique, par le biais d’un outil de gestion que nous déclinons comme une simple ressource artefactuelle qui prend place en tant que facilitateur dans la dimension de la domination du structurel. D’autre part, en se focalisant sur les interactions entre les dimensions et les registres du structurel. Ceci nous amène à opérationnaliser la matrice des interrelations entre les dimensions (signification, domination, légitimation) et les registres en termes de modalités (schème, facilitateur, norme) et d’interaction (communication, contrôle, sanction) de la dualité du structurel. Nous interprétons l’arrivée d’un nouvel outil de gestion au sein d’une organisation comme un facilitateur qui augmente le pouvoir d’agir des acteurs. Nous sollicitons les dimensions (signification, domination, légitimation) et les registres en termes de modalités (schème, facilitateur, norme) et d’interaction (communication, contrôle, sanction) de la dualité du structurel afin de rendre compte des blocages en matière d’appropriation de ce nouvel outil de gestion. Plus précisément, les pratiques des acteurs sont médiées par le structurel : a) par leur interprétation des situations via leurs connaissances antérieures et la communication entre eux, b) par leur capacité d’agir liée aux règles et aux ressources humaines et artefactuelles de l’organisation, mais aussi à son contrôle, et enfin c) par la légitimation sociale plus ou moins affirmée de leur comportement. In fine, nous questionnerons le cadre théorique de Giddens décrit comme une théorie du changement organisationnel à rendre compte d’un processus d’appropriation, d’un processus d’apprentissage en situation, dans un contexte de situation extrême.

Dans un premier temps consacré aux cadres théoriques, nous montrons d’une part comment l’état de la littérature sur les ERP permet de décliner la mise en oeuvre de ce type de progiciel intégré comme une situation extrême de gestion, d’autre part, nous proposons d’aborder cette question sous l’angle du courant structurationniste qui s’appuie sur les travaux de Giddens, mais en restant dans le droit fil de la théorie de la structuration, pour rendre compte des obstacles à l’appropriation d’un outil de gestion. Dans un deuxième temps, nous présentons les résultats d’une investigation d’une mise en oeuvre d’un ERP dans une industrie pétrolière qui apparaît comme un échec et nous discutons ces résultats. La conclusion met en évidence les apports et les limites du papier.

Cadre théorique

La mise en oeuvre d’un ERP dans une entreprise est une situation extrême de gestion

Nous proposons à partir d’éléments empruntés à la littérature de mettre en exergue en quoi la mise en oeuvre d’un ERP constitue une situation extrême de gestion au sens de Lièvre (2016). Nous mobilisons ce cadre théorique dans un premier temps pour spécifier la nature de la situation de gestion à laquelle est confrontée une entreprise lorsqu’elle met en oeuvre un ERP. Une situation de gestion se présente selon Girin (1990; p. 142) « lorsque des participants sont réunis et doivent accomplir dans un temps déterminé, une action conduisant à un résultat soumis à un jugement externe ». Elle devient extrême lorsqu’elle combine trois ingrédients : de l’évolutivité (au minimum le passage d’un état à un autre), de l’incertitude radicale (l’émergence d’un nouveau imprévisible) et du risque (la probabilité non nulle qu’un élément non souhaité vienne perturber l’organisation).

Premièrement, le caractère évolutif de la situation. Lièvre (2016) définit une situation évolutive comme présentant un certain décalage par rapport à un mode de fonctionnement antérieur (Rivolier, 1998). Il y a donc un écart entre une situation antérieure et une situation actuelle et/ou une situation actuelle et une situation future. Cet écart peut être plus ou moins grand. Il est possible de dégager des étapes dans son déroulement. Il y a un « avant » et il y a un « après ». Il y a donc une rupture. Par exemple, il y a l’étape de conception, puis celle de préparation et enfin l’étape de mise en oeuvre. En premier lieu, toute une littérature a proposé d’aborder la mise en oeuvre d’un ERP comme un processus en identifiant quatre phases génériques d’implémentation (Markus et Tanis, 2000; Bernard et al., 2004; El Amrani et Saint-Léger, 2013). Mais il n’y a pas eu un consensus sur la manière de distinguer ces étapes dans la littérature. Par contre, la proposition de Markus et Tanis (2000) qui distinguent quatre étapes : la formulation du problème et le choix de l’ERP, la phase d’ingénierie puis de déploiement et enfin la dernière phase intitulée « usages et effets » reste la plus mobilisée. Ainsi, ce processus démarre avec une phase de préparation et comporte des activités telles qu’une étude coûts/bénéfices, le choix d’un gestionnaire du projet et l’approbation des budgets et des échéances et inclut même la sélection du progiciel (Bernard et al., 2004). Après on distingue une phase d’« ingénierie » qui comporte l’ensemble des activités requises à la mise en place d’un ERP, allant de la configuration, l’intégration des systèmes, les tests, la conversion des données, la formation et la mise en place (Bernard et al., 2004). Vient ensuite la phase de « déploiement » qui suit immédiatement le jour J de la mise en place de l’ERP et inclut certaines activités telles que l’apport de certains correctifs, des ajustements en termes de performance et de la formation additionnelle (Bernard et al., 2004). Finalement, on arrive à la phase « usages et effets » qui porte sur l’utilisation, les mises à jour et l’amélioration continue du système. Enfin, les travaux les plus récents se proposent de regarder l’aval et de développer la phase de post-implémentation (El Amrani et Saint Léger, 2013; Huang et Yasuda, 2016) ou encore d’explorer les associations entre les facteurs de défaillance et les relations causales potentielles entre ces facteurs (Hughes et al., 2017). Ainsi, la mise en oeuvre d’un ERP est appréhendée comme un processus évolutif que l’on peut décomposer en différentes phases : avant-projet (préparation et conception), projet (déploiement et paramétrage) et post-projet (usage, montée de version, remplacement du système) allant jusqu’à un suivi permanent de la vie de l’ERP.

Deuxièmement, l’incertitude dans laquelle évolue la mise en oeuvre d’un ERP. Les situations extrêmes sont des situations d’incertitude radicale (Lièvre, 2016). Il est fait référence à l’incertitude radicale des situations au sens de Knight où la probabilité d’apparition d’un événement n’est pas mesurable, où le nouveau peut apparaître (Orléan, 1986), où l’imprévisible est possible comme l’exprime Le Moigne (1990). On admet que des choses nouvelles peuvent émerger dans la situation et que l’on ne peut pas les anticiper. Cette incertitude radicale ne peut pas se traiter dans la phase de préparation comme une liste « exhaustive » de situation probable que l’équipe va rencontrer et qui peut se traiter sous la forme « si ceci apparaît alors je fais cela », mais plutôt comme une capacité à s’adapter à des situations inattendues, à faire preuve de résilience au sens de Weick (2001). La mise en oeuvre d’un ERP est une situation incertaine. Besson avait bien montré, dès 1999 que la mise en oeuvre d’un ERP n’était ni plus ni moins qu’une restructuration en profondeur de l’organisation puisque les métiers, les rapports de pouvoir et les finalités de l’organisation sont profondément modifiés. Cette restructuration est de fait la source de nombreux conflits.

On admet, dans la littérature sur les ERP, qu’il est impossible de prévoir les effets du rapport ERP/organisation comme le mentionne Rowe (1999). Il propose dans sa réflexion sur les pistes de recherches qu’offriraient les ERP aux chercheurs : « de ce point de vue les rapports des systèmes d’information avec l’organisation sont plutôt émergents. L’émergence traduit une difficulté, voire une absence de contrôle » (Rowe, 1999; p. 14). Mais malgré la disponibilité d’un plan de changement dans la mise en oeuvre d’un ERP, la possibilité d’apparition des problèmes imprévisibles n’est jamais écartée (Besson et Rowe, 2001). Dans ce sens, Temur et Bolat (2018) suggèrent de ne pas sous-estimer l’impact que peut avoir un environnement incertain de l’entreprise sur le processus de sélection de l’ERP. Ainsi, les opérateurs doivent faire face à des problèmes nouveaux émergents à l’écart du plan de travail préparé préalablement comme par exemple une base d’informations erronées, de nouveaux événements informationnels (Saint Léger, 2004).

Troisièmement, les situations extrêmes sont des situations risquées (Lièvre, 2016). Ce sont des situations où la possibilité qu’un évènement non souhaité survienne ne peut pas être écartée et que celui-ci cause des dommages (symboliques, économiques et humains, etc.) plus ou moins importants à l’organisation. Nous sommes ici dans une perspective classique du risque. Mais ces risques ne sont pas toujours mesurables. Nous avons une conception extensive du risque dans le sens où celui-ci peut être caractérisé comme l’éventualité de ne pas atteindre l’objectif désigné et que cet objectif représente un enjeu « essentiel » pour un acteur ou un collectif. La mise en oeuvre d’un ERP est qualifiée comme une situation présentant un risque élevé d’échec « dans le champ des systèmes d’information, le premier passage à des ‘‘systèmes d’entreprise’’ couvrant plusieurs fonctions comme les ERP ou plusieurs organisations comme les systèmes de gestion de la chaine logistique peuvent être considérés comme des systèmes à haut risque d’échec, soit de 50 % à 60 % d’échec » (Besson et Rowe, 2011; p. 13). Dans ce contexte de haut risque d’échec, les organisations sont confrontées à des résultats indésirables. Dans le cadre d’un projet ERP, un résultat indésirable peut être synonyme de non atteinte des objectifs désignés initialement comme le précisent Bernard et al. (2016; p. 29) « un résultat indésirable est un écart négatif par rapport à un objectif, écart qui entraine des conséquences plus ou moins importantes pour l’organisation ». Dans ce sens, un certain nombre de chercheurs traitent les problématiques de prévention des risques potentiels et les dysfonctionnements informationnels en phase de post-implémentation ERP (Chao Peng et Baptista Nunes, 2009; Grabski et al., 2011; Saint Léger et El Amrani, 2011; Ali et Miller, 2017). Enfin, face à toutes ces difficultés, certains proposent une nouvelle manière d’aborder la question en matière de planification (Barki et Poinsonneault, 2005).

Tableau 1

La mise en oeuvre d’un ERP est une situation évolutive, incertaine et risquée

La mise en oeuvre d’un ERP est une situation évolutive, incertaine et risquée

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Ainsi, suite aux travaux de Lièvre (2016), nous partageons l’idée que la mise en oeuvre d’un outil de gestion de type ERP est une situation extrême de gestion : évolutive, incertaine et risquée. Par ailleurs, Lièvre (2016) propose de mettre en avant une situation extrême comme une véritable situation de rupture par rapport à une situation antérieure qui oblige à un apprentissage organisationnel « le management des situations extrêmes de gestion apparaît avant tout comme le management des ruptures entre des situations. C’est cette rupture qui oblige les collectifs à s’engager dans un processus d’apprentissage organisationnel » (Lièvre, 2016; p. 23). Cette rupture a été soulignée dans la littérature sur les ERP qui présente celui-ci comme une technologie de rupture (Geffroy-Maronnat et al., 2004)[1]. Nous prenons toute la mesure de cette rupture et de ses conséquences en matière d’apprentissage. L’organisation doit apprendre pour faire face à la situation. Nous proposons d’aborder cette question de l’apprentissage vis-à-vis d’une technique à partir du concept d’appropriation tel qu’il a été développé par le courant structurationniste.

Le courant structurationniste

Un certain nombre de chercheurs vont mobiliser la théorie de la structuration de Giddens (1987) pour comprendre les relations existantes entre la technologie et l’organisation. C’est le rejet d’une vision déterministe réductionniste de la relation entre la technologie et l’organisation et les possibilités alternatives qu’offre la théorie de la structuration via la dualité du structurel (la structure comme structurée-structurante) en référence aux pratiques, qui vont séduire un certain nombre d’auteurs. Mais la technologie n’est pas présente dans la théorie de Giddens (Jones et Karsten, 2008). Les auteurs vont introduire de manière différente la technologie dans le modèle. Ce sont les travaux d’Orlikowski qui sont les plus fidèles à l’oeuvre de Giddens (Jones, 1999; Jones et Karsten, 2008). Orlikowski (1992) propose un modèle structurationniste de la technologie et introduit celle-ci entre l’agence humaine (les pratiques situées) et les structures sociales (Mitev, 2018). La position de DeSanctis et Poole (1994) est plus décalée par rapport au modèle de Giddens en distinguant d’une manière analytique dans le structurel ce qui est de l’ordre de la technologie (les structures sociales dans la technologie) et ce qui relève du social (les structures sociales dans l’action). Sans rentrer dans des débats épistémologiques, nous considérons que cette littérature n’a mobilisé que partiellement les travaux de Giddens comme le montre la synthèse réalisée par Jones et Karsten (2008) et qu’il est possible d’aller plus loin en la matière.

Le courant structurationniste propose de considérer la technologie comme un moyen habilitant les actions des acteurs (Orlikowski, 1992), c’est-à-dire elle facilite l’action humaine en offrant des connaissances structurées nécessaires aux acteurs dans la réalisation d’un travail (support de collecte de données, reporting, etc.). Au-delà de son aspect habilitant, la technologie apparaît également comme un moyen contraignant à l’action humaine dans l’organisation. La technologie peut ainsi être à la fois un moyen qui renforce le contrôle sur les acteurs, mais aussi qui développe leurs capacités d’agir (la domination chez Giddens). Elle favorise la construction de sens chez les acteurs et/ou au contraire la détruit (la signification chez Giddens) et enfin instaure une certaine manière de faire dans l’organisation en termes d’ordre moral et/ou pas (la légitimation chez Giddens). D’autre part, le courant structurationniste met en avant le caractère structurant et structuré entre la technologie et l’action. Dans cette boucle circulaire, les actions humaines structurent les propriétés structurelles de la technologie notamment lorsqu’on sait que celle-ci est toujours déployée dans un contexte soumis à l’influence de plusieurs parties prenantes. Simultanément, nous assistons de l’autre côté à un rôle structurant des propriétés structurelles de la technologie sur les interactions qu’entreprennent les acteurs humains sur celle-ci. Mais dans cette littérature, principalement chez Orlikowski (1992), la technologie est introduite par la grande porte, en quelque sorte, en l’intégrant globalement et frontalement dans le structurel, alors que la technologie n’existe pas de cette manière dans le modèle de Giddens. Nous introduisons la technologie, dans le modèle de Giddens, en restant dans son droit fil, par la petite porte, via l’outil de gestion en le considérant comme une ressource artefactuelle, qui apparaît ainsi dans le structurel dans la dimension de la domination comme un facilitateur. Nous nous intéressons uniquement à la caractéristique structurante qui est à la fois habilitante et contraignante. Nous opérationnalisons la matrice des interactions entre les dimensions et les registres du structurel pour rendre compte des obstacles à l’appropriation d’un outil de gestion. C’est une lecture en termes d’appropriation que nous faisons de la théorie de Giddens en référence au courant structurationniste. Ceci est une manière théorique de répondre à la question de l’apprentissage que nécessite la mise en oeuvre d’un ERP comme une situation extrême de gestion.

Le concept d’appropriation

Un certain nombre d’auteurs comme DeSanctis et Poole (1994) et Orlikwoski (2005), ont proposé de développer la structuration comme une manière d’appréhender l’appropriation puisqu’il s’agit de rendre compte de l’intégration de tous les éléments au sein du structurel qui deviendront des routines pour les acteurs tout en assurant une sécurité ontologique. Ainsi, DeSanctis et Poole (1994) vont aborder la question du rôle de la technologie dans le changement organisationnel via le concept d’appropriation en mobilisant la thèse de Giddens. Selon DeSanctis et Poole (1994; p. 128), la structuration désigne « l’acte de mobiliser dans l’action les règles et les ressources inhérentes à la technologie ou à une autre source de structure sociale conduisant au maintien ou à l’évolution du système social ». Les processus de structuration sont repérables via l’appropriation de la technologie par les utilisateurs (Figueredo et Adrot, 2018). Il y a une mise en équivalence de la notion de structuration avec celle d’appropriation. L’appropriation est la façon dont un groupe utilise, adapte et reproduit une structure. Orlikowski (2005) proposera par la suite d’utiliser la notion d’énaction pour caractériser cette forme de couplage singulier entre l’acteur et la technologie. D’autres chercheurs vont développer une théorie de l’appropriation des outils de gestion (De Vaujany, 2006) en articulant l’appropriation et l’apprentissage. De Vaujany (2006) va proposer de définir l’appropriation comme « l’apprentissage parfois difficile par lequel l’individu va devoir passer afin de rendre l’objet de gestion propre à un usage » (De Vaujany, 2006; p. 116). C’est dans cette perspective que nous mobilisons la théorie de la structuration comme une théorie de l’appropriation, mais en restant strictement dans le modèle de Giddens, en incorporant l’outil de gestion comme une ressource artefactuelle dans le registre de facilitateur. Une théorie qui doit permettre d’aborder cette question de l’apprentissage imposée par la caractérisation de la mise en oeuvre d’un ERP comme une situation extrême de gestion.

Retour sur la théorie de la structuration

Nous avons rappelé en introduction la thèse de Giddens que nous avions proposé de résumer de la manière suivante : il est possible d’appréhender tout système social (toute organisation) comme un mouvement de reproduction dans lequel les actions individuelles à la fois structurent les systèmes sociaux, mais sont aussi structurées par eux. Revenons au coeur de l’argumentation de Giddens (1987) sur cette question de la dualité du structurel qui constitue notre entrée principale dans cette littérature. Selon la dualité du structurel « les propriétés structurelles des systèmes sociaux sont à la fois le médium et le résultat des pratiques qu’elles organisent de façon récursive. Le structurel n’est pas extérieur aux agents : en tant que traces mnésiques et en tant qu’actualisé dans les pratiques sociales, il est au sens de Durkheim plus intérieur qu’extérieur à leurs activités. Le structurel n’est pas que contrainte, il est à la fois contraignant et habilitant » (Giddens, 1987; p. 75). Les pratiques des acteurs en situation sont médiées par le structurel en termes de règles et de ressources, celles-ci pouvant être tout autant contraignantes qu’habilitantes. Comme nous l’avons déjà exprimé dans l’introduction, il y a une double dualité du structurel par l’établissement d’une part d’une relation circulaire entre l’action et le structurel, et d’autre part entre les propriétés habilitantes et contraignantes du structurel. Pour comprendre les relations qui régissent les pratiques et le structurel, Giddens (1987) propose trois niveaux d’analyse : le structurel avec trois dimensions (signification, domination et légitimation), la modalité avec trois registres (schème interprétatif, facilitateur et norme) et l’interaction avec trois autres registres (communication, contrôle et sanction), qui interagissent pour donner lieu à la reproduction du structurel (Schéma 2). La continuité et le développement des pratiques des acteurs sont, quant à eux, conditionnés par des propriétés structurelles qui reposent sur l’articulation des trois dimensions citées précédemment.

La signification est désignée en termes de construction de sens que nous traduisons en termes de capacité d’interprétation des situations par les acteurs. La domination est appréhendée en termes de pouvoir d’action et enfin la légitimation s’exprime en termes de reconnaissance sociale d’un comportement. Nous proposons d’interpréter la matrice de Giddens de la manière suivante. La dimension de la signification se construit dans les modes d’interaction entre les pratiques et le structurel en termes de communication via les schèmes interprétatifs des acteurs. La dimension de la domination se construit dans les modalités d’interaction entre les pratiques et le structurel en termes de pouvoir d’agir via d’une part, les facilitateurs qui prennent la forme de règles écrites et de ressources humaines et artefactuelles et d’autre part le contrôle qu’exerce l’organisation sur les acteurs. Enfin, la dimension de la légitimation se construit dans les modes d’interaction entre les pratiques et le structurel en référence aux conventions existantes qui constituent des normes sociales implicites via des sanctions. C’est avec cette grille de lecture que nous proposons d’investir la mise en oeuvre d’un ERP au sein d’une organisation. L’ERP en tant que nouvel artefact constitue une nouvelle potentialité d’action pour les acteurs, mais en même temps il bouleverse le structurel. Cette mise en oeuvre constitue une rupture dans les pratiques des acteurs en situation qui entraine les modifications des propriétés structurelles. Nous questionnons l’état des connaissances antérieures des acteurs et la communication entre eux comme propre à interpréter cette nouvelle situation. Nous questionnons les pouvoirs d’agir donnés par l’ERP aux acteurs en référence avec les pouvoirs qui sont conférés par l’organisation à ceux-ci. Comment les règles et les ressources peuvent accroitre le contrôle des acteurs dans ce nouveau contexte ? Enfin, nous questionnons l’existence d’une légitimité à entreprendre les nouvelles actions que nécessite la mise en oeuvre d’un ERP. Nous questionnons les évolutions des interactions entre ces trois dimensions (signification, domination, légitimation) via les registres (modalité et interaction) dans leur capacité à permettre le développement des pratiques liées à l’usage de l’ERP ? C’est la mise en cohérence entre ces trois dimensions via les registres qui conditionne le développement des pratiques (émergence d’une appropriation par les acteurs) au sein de l’organisation lié à l’introduction de ce nouvel artefact. Ce retour à Giddens se justifie sur le plan théorique, mais aussi sur le plan empirique. Sur le plan théorique, la littérature structurationniste n’a mobilisé qu’une partie du potentiel de la théorie de la structuration en SI comme le précisent Jones et Karsten (2008). Le travail proposé par Orlikowski fait entrer la technologie dans le modèle de Giddens par la grande porte, pour introduire la matérialité dans le structurel. C’est ce travail d’Orlikowski qui reste la plus fidèle au modèle de Giddens par rapport aux déviations proposées par DeSansctis et Poole comme le souligne Jones (1999). Mais la potentialité du modèle de Giddens n’a pas été encore suffisamment exploitée (Groleau, 2002; Jones et Karsten, 2008; Nobre et Zawadzki, 2017). Nous faisons entrer la technologie par la petite porte en respectant jusqu’au bout le modèle de Giddens et en introduisant l’outil technique en tant qu’une ressource artefactuelle comme un facilitateur au sein de la dimension de la domination du structurel. Nous mobilisons la matrice des interactions entre les dimensions et les registres du structurel pour rendre compte des obstacles à l’appropriation d’un nouvel outil technique. De plus, nous nous focalisons exclusivement sur l’aspect structurant habilitant/contraignant du structurel. En quoi le structurel est-il structurant habilitant/contraignant en référence avec la mise en oeuvre d’un nouvel outil au sein d’une organisation ?

schema 2

La dualité du structurel

La dualité du structurel
Adapté de Giddens, 1987

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Sur le plan empirique, nous participons à l’opérationnalisation du modèle de Giddens qui reste un objectif de recherche en soi compte tenu de la complexité de la mise en oeuvre de ce cadre théorique. Les recensions de l’usage de la théorie de la structuration en sciences de gestion ont largement fait écho à cette question depuis une vingtaine d’année (Pozzebon et Pinsonneault, 2005; Jones et Karsten, 2008; Englund et al., 2011). Comme le déclare Giddens lui-même (1987; p. 40), la théorie de la structuration doit développer des approches empiriques et c’est cela qui lui donnera sa valeur.

Principaux résultats

La mise en oeuvre d’un ERP comme relevant d’une situation extrême de gestion 

L’objet de cette partie est de montrer qu’effectivement la mise en oeuvre de cet outil de gestion de type ERP depuis 2005 au sein de cette entreprise pétrolière (E1)[2] relève d’une situation extrême de gestion dont le contexte de sa mise en oeuvre est évolutif, incertain et risqué. Le tableau 2 propose une classification des défaillances en fonction de chaque étape du projet ERP.

Les caractéristiques habilitantes et contraignantes autour de la mise en oeuvre d’un ERP

Les pratiques des acteurs sont médiées par le structurel. L’arrivée de l’ERP dans l’organisation oblige les acteurs à faire émerger de nouvelles pratiques. En quoi le structurel est-il habilitant et contraignant dans l’émergence de ces nouvelles pratiques ? L’ERP en tant que technologie est une nouvelle ressource pour les opérateurs qui est liée à la dimension de la domination, c’est un facilitateur. Mais l’usage de cet artefact suppose l’émergence de nouvelles connaissances de par les opérateurs appartenant à la dimension de la signification. Ces nouvelles connaissances qui renvoient à de nouvelles manières de faire doivent faire l’objet d’une certaine légitimation pour pouvoir être effectivement mis en oeuvre par les acteurs. Voilà comment nous proposons d’interpréter les obstacles et les supports à la mise en oeuvre de nouvelles pratiques des opérateurs face à ce nouvel outil en mobilisant la double dualité du structurel de Giddens.

Ce sont les résultats de la dernière enquête (E4)[3] qui vont constituer la base de notre argumentation. Nous rendons compte dans un premier temps des trois principaux dispositifs d’actions mis en place au sein de l’entreprise pour faciliter la mise en oeuvre de l’ERP, les key-users, la documentation et les plans de formation (structurel habilitant). Mais ces différents dispositifs s’avèreront insuffisants. Dans un second temps, nous identifions six contraintes sociotechniques[4] (structurel contraignant) qui recueillent toutes entre 80 et 95 % des sentiments exprimés par l’ensemble des opérateurs. Nous identifions précisément les obstacles à l’appropriation de l’ERP en ciblant les liens entre les dimensions et les registres du structurel. Afin d’illustrer ces différents liens, nous avons élaboré des schémas qui reposent essentiellement sur une légende. Tout d’abord, nous avons mis en gras italique le nom des dimensions du structurel et les registres afférents. Ensuite, nous avons mobilisé le rectangle avec le texte en gras pour décliner l’obstacle repéré et le losange pour distinguer les registres affectés en termes de défaillances constatées. Enfin, nous avons utilisé des flèches pour montrer les effets de cascade sur les registres affectés en lien avec une défaillance.

Repérage des caractéristiques habilitantes mises en place par l’entreprise

La direction de l’entreprise pétrolière a fait le choix de mettre en place trois dispositifs d’actions (key-users, documentation et plans de formation) afin de faciliter la mise en oeuvre de l’ERP. Selon la direction de l’entreprise, le choix de ces trois dispositifs d’action a été fait après concertation avec les consultants extérieurs. Ces derniers ont proposé à la direction de l’entreprise de confier la mission de pilotage de ces trois dispositifs d’action à la DSI qui a profité de l’accompagnement des consultants pour mettre en place une cellule (groupe de travail restreint) composée de chefs de groupes des trois modules (ressources humaines, management du matériel et finance) car ceux-ci comprenaient 80 % des opérateurs de l’ERP.

Tableau 2

Classification des défaillances en fonction de chaque étape du projet ERP

Classification des défaillances en fonction de chaque étape du projet ERP

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Les key-users

La direction de l’entreprise a choisi 25 key-users lors de l’arrivée de l’ERP en octobre 2005. Mais ils ne seront plus que 16 lors de la première et la dernière enquête (2011 et 2012). Ce départ massif des key-users (9) pour des raisons très différentes (mobilité géographique, conditions de travail, etc.) a posé de nombreux problèmes à l’entreprise. Au vu des difficultés de mise en oeuvre de l’ERP dans l’entreprise, les key-users ont été débordés pour pouvoir satisfaire toutes les demandes individuelles des opérateurs. Cette situation s’est aggravée avec la diminution du nombre des key-users. De plus, des conflits ont émergé entre les opérateurs et les key-users dans la manière d’organiser les opérations de paramétrage et de conception sous l’ERP. Six ans après, certains opérateurs ont encore un recours massif aux key-users parce qu’ils ne se sont pas appropriés l’outil. Si les réponses individuelles apportées par les key-users n’ont pas été contestées, leur incapacité à monter des formations collectives adaptées a cependant été soulignée. Ainsi, les key-users ont joué un rôle de facilitateur dans la mise en oeuvre de l’ERP lors des questions posées par les opérateurs, mais ils n’ont pas réussi à monter des plans de formation qui répondent aux attentes des opérateurs pour 98 % d’entre eux (E4)[5]. 70 % évoquent le fait que le principal facteur d’échec de la formation est lié au fait qu’il n’y a pas eu de groupe de travail qui aurait permis aux opérateurs de communiquer entre eux pour pouvoir mettre en pratique les acquis de la formation. Ce sont les liens entre la dimension dela domination via les key-users qui ne sont pas mis en relation avec le registre de la communication entre les opérateurs qui relève de la dimension de la signification qui ont fait défaut.

La documentation

La documentation est un support spécifique qui prend la forme d’un manuel d’utilisation mis en place par l’organisation dans le but d’orienter et d’assister les utilisateurs dans la mise en oeuvre de l’ERP. L’enquête E4 a montré que 80 % des opérateurs n’ont jamais mobilisé cette documentation jugée trop volumineuse, en décalage avec leur niveau de connaissances et qui ne répond pas à leurs attentes. La faiblesse des connaissances antérieures dans la dimension de la signification n’a pas été compensée par le registre facilitateur de la documentation dans la dimension de la domination pour permettre l’émergence de nouvelles pratiques propre à favoriser l’usage de l’ERP. 26 % ont déclaré même qu’il est indispensable que cette documentation doit être repensée en rapport avec leurs attentes effectives. Les key-users n’ont pas accompli correctement leur travail d’interface entre les concepteurs et les opérateurs. Il y a un déficit du registre de la communication dans la dimension de la signification pour que la documentation soit un facilitateur dans la dimension de la domination.

schema 3

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de défaillance des Key-users

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de défaillance des Key-users

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schema 4

Effets de cascade sur les registres en termes de défaillance de la documentation

Effets de cascade sur les registres en termes de défaillance de la documentation

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Les plans de formation

La direction de l’entreprise a planifié a priori un dispositif de formation sur deux périodes. D’une part, une séance de formation de 3 jours pour l’ensemble des opérateurs avant l’arrivée de l’ERP, et une deuxième séance de formation d’une semaine trois ans après sa mise en oeuvre pour les informaticiens. Ensuite, ce sont les key-users qui ont été chargés d’organiser des formations collectives en fonction des demandes des opérateurs et ce n’était plus du ressort de la direction. Ici, il y a eu que deux réunions consultatives dans le cadre de conception des plans de formations entre les chefs de groupes et les key-users ce qui semble insuffisant pour cerner l’ensemble des besoins des opérateurs. Les key-users n’ont pas réussi à monter des plans de formation adaptés, trop surchargé par les demandes individuelles des opérateurs. D’autant plus que le nombre de key-users s’est réduit considérablement. Au total, trois formations collectives d’une demi-journée ont été proposées par les key-users. Mais ces formations n’ont pas répondu aux attentes des opérateurs finaux pour 98 % d’entre eux. Les plans de formation doivent être considérés comme des facilitateurs dans la mise en oeuvre de l’ERP qui relèvent de la dimension de la domination, mais ils ont eu une faible incidence sur l’usage pour deux raisons. Tout d’abord, les contenus n’étaient pas adaptés aux opérateurs qui n’ont pas acquis de nouvelles connaissances qui relèvent de la dimension de la signification. Ensuite, il n’y a pas eu de groupe de travail, qui renvoie au registre de la communication dans la dimension de la signification, suite à ces formations qui auraient permis effectivement d’acquérir des connaissances pratiques propre à mettre en oeuvre de nouvelles pratiques.

Ainsi, nous précisons que notre enquête (E1)[6] nous a permis de constater que la mise en place de ces trois dispositifs d’action par l’entreprise n’a pas pu répondre aux attentes des opérateurs. En effet, dès notre arrivée dans l’entreprise, la DSI nous a confié la mission d’établir un diagnostic fonctionnel de l’ERP afin d’identifier les contraintes rencontrées par les opérateurs que nous développons ci-après.

Identification des caractéristiques contraignantes dans l’appropriation de l’ERP

Décalage entre le cahier des charges et la réalisation effective du projet

La réalisation du projet n’est pas conforme avec ce qui avait été établi dans le cahier des charges pour 97 % des usagers de l’ERP. Il y a donc une diminution du pouvoir d’agir de la part de l’ERP, mais ce décalage pour 75 % des opérateurs est lié à un déficit dans la communication avec les consultants qui relève de la dimension de la signification. Il y a un blocage en matière d’appropriation qui tient à un déficit dans le registre de la communication dans la dimension de la signification. Ce déficit de communication va entrainer une diminution des possibles de l’ERP pour les acteurs qui est de la dimension de la domination. Nous citons à titre d’exemple la demande faite par les opérateurs aux dirigeants qui concerne l’activation du module MRP[7] (réapprovisionnement du stock) qui permet de prévoir le calendrier d’utilisation des produits du stock. Cette demande n’a pas été prise en considération par les consultants. Ainsi, les opérateurs sont contraints de formuler des demandes écrites (fiches de commande) sans passer par l’ERP afin de planifier les achats et les approvisionnements. Cette situation va avoir des conséquences sur le pouvoir d’agir qu’aurait dû permettre l’outil auprès des opérateurs qui se voit donc diminuer. D’autre part, cette même situation va avoir des conséquences sur la distance cognitive à laquelle les opérateurs sont confrontés qui se voit s’agrandir pour mettre en oeuvre une nouvelle pratique. En effet, ce sont des connaissances supplémentaires dans le registre du schème interprétatif aussi bien sur le plan informatique que sur le plan des connaissances métiers qui doivent être mobilisées par les opérateurs pour faire émerger de nouvelles pratiques. Il y a ici un accroissement du blocage de l’appropriation de l’ERP dans la dimension de la domination ayant pour cause un déficit du registre de la communication qui est de la dimension de la signification. Mais dans le même temps, cette perte du pouvoir d’agir a des conséquences sur les connaissances supplémentaires que doivent posséder les opérateurs pour mettre en oeuvre de nouvelles pratiques en lien avec l’ERP.

Défaillance dans les données saisies par les opérateurs

Les opérateurs n’ont pas saisi correctement les données dans l’ERP. Un exemple démontre que dans le module SD (administration des ventes), les opérateurs sont parfois incapables de respecter correctement ce processus qui inclue trois étapes : ventes, expéditions et facturation. La connaissance de ces trois étapes est fortement utile pour la génération d’un document de vente. Lors de la création ou de la modification d’un document de vente, les opérateurs ne se rendent pas compte du fait que les données saisies sont affectées à des tables correspondantes. Ils saisissent alors des données sur un document de vente sans le finir (pas de dates de livraison, qualité modifiée non prise en compte, etc.). Puisque les données sont saisies en temps réel sur l’ERP, cette situation donne lieu à des documents de ventes incorrectement remplis avec des doublons. En effet, l’objectif visé à partir de la mise en place de l’ERP qui consiste à éviter la double saisie n’est pas respecté et bloque alors les opérateurs dans leur travail. Les opérateurs n’ont pas les connaissances suffisantes dans le registre du schème interprétatif sur le plan informatique pour réaliser cette saisie selon les règles imposées par l’outil. Ceci manifeste un blocage dans l’appropriation de l’ERP dans la dimension de la signification suite aux connaissances antérieures des opérateurs qui sont insuffisantes. Les opérateurs attendaient de la formation de pouvoir combler ce déficit ce qui n’a pas été le cas pour 75 % d’entre eux. La formation ne joue pas son rôle dans le registre facilitateur dans le dispositif de mis en oeuvre de l’ERP. Un déficit dans la dimension de la signification n’est pas compensé par la dimension de la domination.

schema 5

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de défaillance de la formation

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de défaillance de la formation

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schema 6

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de décalage entre le cahier des charges et la réalisation effective du projet

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de décalage entre le cahier des charges et la réalisation effective du projet

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Manque de performance de l’usage de l’ERP au sein de l’entreprise

93 % de l’ensemble des opérateurs ont le sentiment que l’usage de l’ERP n’est pas performant dans l’entreprise. C’est une réduction du pouvoir d’agir de l’ERP dans l’entreprise. Les opérateurs étaient satisfaits du fonctionnement de l’ancien système d’information bien qu’il fût non intégré. Ils géraient les interactions avec les autres services par mail et par téléphone. Ils ne comprennent pas le choix imposé par la direction de changer de système. Nous pouvons livrer quelques données chiffrées[8] concernant la performance de l’entreprise avant et après la mise en oeuvre de l’ERP. Celui-ci n’a pas réduit par exemple les délais de livraison des pièces de rechange des appareils de forage (délai moyen de réception est de 1 mois : avant et après l’ERP). De même, le nombre de commandes crées (6.434) et les factures éditées (4.579) reste proportionnellement le même avant et après l’ERP (Ndlr un opérateur du module SD). Enfin, si le résultat net de l’entreprise a connu une évolution (+35 %) après la mise en oeuvre de l’ERP (entre 2005 et 2006), ce taux s’est fortement dégradé entre 2011 et 2012 (-30 %). Ici, nous précisons que l’ERP n’est pas responsable à lui seul de cette dégradation des résultats. Il est en revanche le miroir de la situation organisationnelle dans laquelle se trouve plongée l’organisation. Suite à l’appréciation de la performance de l’ERP par les usagers, sa mise en oeuvre n’est pas légitime. Il y a un obstacle important à l’appropriation de l’ERP qui est de la dimension de la légitimation. Ce choix a été imposé par la direction sans aucune action de sensibilisation. De plus, l’implémentation en mode « big-bang » a constitué une véritable rupture pour les opérateurs dans leur pratique quotidienne de travail. Il y a un véritable verrou dans la dimension de la légitimation à l’appropriation de l’ERP : les opérateurs n’y croient pas. Ceci est renforcé par le fait qu’après avoir essayé, ils ne voient pas d’amélioration de la performance de l’entreprise via l’ERP qui renvoie à la dimension de la domination.

Discussion

L’émergence d’un nouvel outil de gestion, un ERP dans une industrie pétrolière, en mode « big-bang » provoque une rupture organisationnelle où se combine de l’incertitude et du risque. L’entreprise est confrontée à une situation extrême de gestion qui suppose pour les opérateurs de nouvelles manières de faire pour s’approprier ce nouvel outil et l’intégrer dans de nouvelles routines. Nous avons considéré l’ERP en tant qu’outil technique de gestion comme une nouvelle ressource artefactuelle, dans le registre facilitateur, dans la dimension de la domination, dans le modèle de Giddens. Cette nouvelle ressource nécessite l’émergence de nouvelles pratiques. Nous mobilisons la matrice des interactions entre les dimensions du structurel et les registres afférents pour rendre compte de la mise en oeuvre de l’ERP (ressource artefactuelle dans la dimension de la domination) dans une industrie pétrolière.

Ainsi, l’entreprise pour assurer cette mise en oeuvre a mis en place différents dispositifs en matière de key-users, de documentation et de plans de formation. Nous avons pu rendre compte de ces différents dispositifs en termes de structurant habilitant, mais ils sont insuffisants. Nous identifions un certain nombre de blocages dans le processus d’appropriation dont il est possible de rendre compte via les dimensions du structurel et les registres afférents. Ainsi, la matrice des interactions permet de rendre compte des mécanismes de blocage amont et aval au sein du structurel. L’interdépendance des dimensions du structurel et les registres afférents fait obstacle au processus d’appropriation de ce nouvel outil. Les réponses de l’organisation ne sont pas suffisantes. Le processus d’appropriation est bloqué. Les opérateurs n’y croient plus. Ils ont essayé, bricolé par eux-mêmes et sans réponse efficiente de l’organisation vis-à-vis de ce processus d’apprentissage, et au bout du compte les résultats ne sont pas au rendez-vous. Certains sont obligés de faire comme avant pour que cela fonctionne et dans le même temps alimenter l’ERP. Tout se passe comme si l’étape d’apprentissage se poursuivait indéfiniment sans véritable aboutissement en matière de stabilisation, en matière de création de routines. L’improvisation organisationnelle au sens d’Orlikowski (1996) n’a pas suffi. La trajectoire appropriative de ce nouvel outil au sens de De Vaujany (2003) est perturbée, voire bloquée.

schema 7

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de défaillance dans les données saisies par les opérateurs

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de défaillance dans les données saisies par les opérateurs

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schema 8

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de manque de performance de l’usage de l’ERP à l’entreprise

Effets de cascade sur les registres affectés en termes de manque de performance de l’usage de l’ERP à l’entreprise

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Le modèle de Giddens, tel que nous l’avons opérationnalisé, permet de rendre compte d’une manière pertinente des blocages en matière d’appropriation de ce nouvel outil de gestion, via le structurel contraignant : déficit de connaissances des opérateurs en lien avec l’outil, insuffisante communication entre les acteurs, diminution du pouvoir d’agir de l’ERP, excès de contrôle, perte de confiance dans l’outil et des liens d’interdépendance entre ces différents registres. Mais est-ce que ce modèle peut rendre compte du structurel habilitant qui aurait permis d’y répondre, dans le contexte imposé par la mise en oeuvre de cet outil de gestion qui apparaît comme relevant d’une situation extrême de gestion ? Un contexte où la question de l’expansion des connaissances est cruciale pour le développement de ce type de situation pour pouvoir inventer de nouvelles pratiques. En effet, les travaux autour des situations extrêmes de gestion veulent constituer une classe particulière de situation de gestion que l’on qualifie en termes d’exploration ou d’innovation d’exploration (Garel et Lièvre, 2010) afin de la distinguer des situations classiques de projet. Ces travaux mettent en avant d’une manière fondamentale le processus d’expansion des connaissances dans le développement de ce type de projet en filiation avec toute une littérature (Nonaka et Takeuchi, 1995; Midler, 1996; Hatchuel et al., 2002). Dans le cas étudié, la question cruciale d’un déficit patent en matière d’expansion de connaissances est la cause du blocage en matière d’appropriation. Ce processus d’expansion des connaissances suppose une nouvelle manière de se coordonner qui rentre en rupture par rapport à une coordination classique d’allocation et de contrôle qui est présente dans le modèle de Giddens via la dimension de la domination. En effet, cette coordination vertueuse à même d’assurer un véritable processus d’expansion des connaissances relève plutôt de l’informelle et de l’auto-organisation, via les communautés de pratique qui constituent la configuration sociale la plus représentative et la plus avancée en la matière (Cohendet et al., 2010). Un certain nombre de travaux ont mis en exergue l’importance du rôle joué par le processus d’expansion des connaissances dans un processus d’appropriation d’un ERP (Srivardhana et Pawlowski, 2007; Chaabouni et Ben Yahia, 2013; Azan et Bootz, 2015; Azan et al., 2017). Pour rendre compte de ce processus, c’est l’existence d’une communauté de pratique qui joue ce rôle (Azan et Bootz, 2015; Azan et al., 2017). Cela peut être aussi un processus qui prend la forme du SECI (Nonaka, 1994) adossé à la théorie de la structuration (Chaabouni et Ben Yahia, 2013). Quelle place peut prendre une communauté de pratique qui est radicalement « informelle et auto-organisée » (Wenger, 1998) à même de répondre aux différents points de blocage d’appropriation vis-à-vis de cet outil de gestion dans le modèle de Giddens ? Cette première question qui est posée renvoie en premier lieu au statut de la domination dans le modèle. La dimension de la domination renvoie à l’organisation formelle et au contrôle exercé par cette même organisation. Est-ce que des ressources qui échappent au contrôle de l’organisation sont des ressources que l’on peut affecter à la dimension de la domination ? Est-ce que la ressource connaissance renvoie à la dimension de la domination ? Est-ce que le contrôle exercé par l’organisation sur la capacité d’agir peut laisser la place à l’autonomie de la part des acteurs ? La deuxième question renvoie à la dimension de la légitimation. C’est la dimension la plus sociale dans le modèle à l’écart de l’organisation formelle intégrant la question des conventions et des normes sociales tacites et des sanctions à vouloir les enfreindre. Quelles places peuvent trouver les ressources informelles, l’auto-organisation, les nouvelles conventions et normes dans cette dimension de légitimation ? La troisième question est liée à la dimension de la signification. Quelle place donnée à l’expansion des connaissances dans la dimension de la signification ? Les connaissances en tant que schème des acteurs sont bien présentes en tant que registre ? Les interactions entre les acteurs dans le registre de la communication peuvent-elles être interprétées comme une expansion des connaissances ? Les règles de sens évoquées par Giddens (valeurs partagées par les acteurs, culture de l’organisation, etc.) qui renvoient à la dimension de la signification peuvent-elles être interprétées comme des éléments constitutifs des communautés de pratique ? Enfin, la question de l’apprentissage dans la littérature sur les communautés de pratique ouvre un espace entre l’individu et l’organisation qui est justement la communauté. L’apprentissage organisationnel est possible parce qu’il y a des communautés. Est-ce que la communauté comme interface entre l’individu et l’organisation a une place dans le modèle de Giddens ? La théorie de la structuration n’est-elle pas plus une théorie du changement organisationnel qu’une théorie de l’apprentissage au sein des organisations, surtout dans des conditions où cet apprentissage prend une allure radicale dans le contexte d’une situation extrême ? Autant de questions soulevées pour lesquelles nous n’avons pas eu les moyens d’apporter des réponses dans le cadre de cet article.

Conclusion

Au terme de ce travail, nous pouvons distinguer trois apports sur le plan théorique de cette contribution. Premièrement, nous montrons que l’on peut ordonner la littérature sur la mise en oeuvre d’un ERP, en termes de rupture, d’incertitude et de risque. Ainsi, nous pouvons qualifier la situation de gestion dans laquelle se trouve cette organisation, comme une situation de gestion « extrême » (Bouty et al., 2012; Lievre et al., 2019). Ceci oblige à penser le management de cette situation comme relevant du pilotage d’un processus d’apprentissage qui constitue un dispositif de coordination particulier (Wenger, 1998; Cohendet et al., 2010; Bonnet et al., 2017), à l’écart de la coordination classique qui relève d’une logique de projet de développement (Nonaka, 1994; Midler, 1996; Hacthuel et Weill, 2002). Deuxièmement, à partir d’une étude de cas, centrée sur la mise en oeuvre d’un ERP au sein d’une entreprise dans le secteur pétrolier, en mobilisant une méthodologie mixte, nous montrons le potentiel du modèle de Giddens. En effet, nous avons introduit la technique, non pas comme l’a fait Orlikowski entre les pratiques des acteurs et le structurel (Mitev, 2018), mais simplement comme un objet technique en tant que ressource matérielle, dans le registre de la domination. Ainsi, cette manière de mobilisation intégrale de la matrice des interactions des registres et des dimensions de la théorie de la structuration de Giddens, permet de documenter finement les obstacles à l’appropriation d’une nouvelle technologie (déficit de connaissances des opérateurs en lien avec l’outil, insuffisante communication entre les acteurs, diminution du pouvoir d’agir de l’ERP, excès de contrôle, perte de confiance dans l’outil, cascade d’éléments en interaction, etc.). Troisièmement, cette mobilisation du modèle de Giddens, ne permet pas cependant de construire le support à l’amorce d’un processus d’apprentissage, qui relève de dimensions auto-organisées et non formelles (Wenger, 1998; Amin et Cohendet, 2003). C’est la question de l’expansion des connaissances qui apparait comme la ressource principale pour faire face aux problèmes d’appropriation. L’apport d’une communauté de pratique autour de la mise en oeuvre d’un ERP apparait comme une hypothèse plausible dans sa capacité à y faire face (Azan et al., 2017). En revanche, la question théorique de la place que peut occuper cette notion dans le modèle de Giddens reste posée. Nous émettons l’hypothèse que la théorie de la structuration serait plutôt délibérément une théorie du changement organisationnel plutôt qu’une théorie de l’apprentissage organisationnel en contexte extrême. Plus largement, c’est la capacité de la théorie de la structuration à intégrer un dispositif de coordination d’apprentissage, à la fois auto-organisé et informel, qui est posée.

Ainsi, il est possible de dégager des recommandations managériales qui prendraient la forme suivante. La mise en oeuvre d’un ERP dans une entreprise est source de danger pour l’organisation qui se trouve dans un contexte extrême. Aussi, cette mise en oeuvre doit être comprise non pas du point de vue d’un dispositif de coordination de projet, mais plutôt de l’ordre d’un dispositif de coordination d’apprentissage. On peut mobiliser la théorie de la structuration de Giddens pour rendre compte finement des problèmes d’appropriation que pose cette mise en oeuvre et de la mise en relation entre ces problèmes. Ces problèmes pourraient être pris en charge par une communauté de pratique, communauté d’apprentissage. L’émergence de cette communauté ne peut pas se décréter.

Les limites de ce travail tiennent en premier lieu aux conditions d’accès à notre terrain qui étaient limitées. Une approche de type ethnographique (Van Maanen, 2011) aurait dû être privilégiée, avec des interviews approfondies. La nature de cette investigation aurait permis aussi de développer une approche sociomatérielle qui permettrait ainsi d’explorer plus en avant les questions d’énaction, de bricolage, d’apprentissage, d’auto-organisation développées par Orlikowski et aussi de trajectoire appropriative perturbée au sens de De Vaujany (2003). Ainsi, le point d’arrivée de cette recherche pointe comme un levier important d’appropriation d’un ERP, la création d’une communauté de pratique (Wenger, 1998) que l’on ne peut décréter, mais dont on peut favoriser l’émergence dans la durée. Nous aurions pu porter un regard sur les conditions d’émergence de cette communauté d’apprentissage. Enfin, est ce que nous ne renouons pas avec cette notion de communauté d’apprentissage à des travaux qui sont plus centrés sur le registre du culturel (Beeler et Saint Léger, 2014) ? Ne s’agit-il pas de parvenir à réunir les meilleures conditions de réussite pour que le processus d’apprentissage puisse prendre forme, se développe et s’installe dans la durée. L’équipe dirigeante et l’encadrement ont de lourdes responsabilités dans la construction d’un terreau propre à son développement.