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Au moment d’écrire ces lignes, le Québec, comme le reste du monde, n’est toujours pas sorti de la pandémie de COVID-19 et des mesures de distanciation physique. Dans ce contexte, il est presque paradoxal que ce numéro du 50e anniversaire de la revue rende hommage à l’anthropologue Jean-Guy Goulet, tant son oeuvre en est une de proximité, de relations profondes et d’amitiés renouvelées. Que ce soit dans le cadre de ses travaux chez les Wayuu de la Colombie ou chez les Dènès Tha’ de l’Ouest canadien, Jean-Guy Goulet a inspiré de nombreux chercheurs quant à leur capacité à créer des liens et d’en rendre compte. Le concept de « participation radicale » qu’il a privilégié n’est pas un simple outil méthodologique : c’est une manière de s’engager avec et auprès de ses interlocuteurs, qui deviennent progressivement des acteurs et des actrices de sa propre vie. Tous les textes de Jean-Guy Goulet, autant que ses paroles d’ailleurs, sont imprégnés de ce profond engagement, de ce souci de ne pas parler à la place de l’Autre, de ce respect mutuel.

En cela, Jean-Guy Goulet incarne parfaitement l’histoire et les objectifs de la Revue. Créée en 1971, RAQ s’est toujours positionnée pour diffuser les connaissances des peuples autochtones des Amériques, privilégiant les Premières Nations du Québec mais ne s’y limitant pas. De bulletin qui avait pour objectif de briser « l’étrange isolement dans lequel se trouvent les chercheurs québécois préoccupés de culture amérindienne » (vol. 1[1] : 3), RAQ s’est ensuite imposée comme une revue scientifique francophone incontournable, réunissant des textes de tous les champs disciplinaires des sciences humaines et sociales, valorisant les réalités autochtones du Québec, des Amériques et de l’international.

Ses fondateurs se sont constamment battus pour faire de RAQ une revue rigoureuse sur le plan scientifique, respectueuse sur le plan de l’éthique et engagée socialement. Ils ont également lutté pour faire de RAQ un espace intellectuel d’actualités et de débats, indépendant des structures et des fonctionnements universitaires.

En 2021, les politiques des organismes subventionnaires et le contexte ont profondément évolué. Les revues scientifiques doivent obligatoirement être affiliées à une université pour être financées par des organismes subventionnaires comme le FRQSC (Québec) ou le CRSH (Canada). Les revenus d’abonnements sont mis au défi du libre accès immédiat et de divers formats d’édition en ligne. Comme d’autres revues savantes, Recherches amérindiennes au Québec continue de s’adapter à la transformation des contextes social et politique ainsi qu’aux débats intellectuels. La revue a ainsi adopté de nouvelles politiques de rédaction : sur les ethnonymes et les toponymes autochtones, sur l’écriture épicène, sur le libre accès… Elle a également enclenché, et mené à terme, un processus de consultation en vue d’un changement de nom. Un groupe consultatif composé de représentantes et de représentants autochtones a été créé, à la suite du processus de réflexion mené à l’interne et d’un sondage proposé aux abonnés. Les résultats de ce processus ont été sans équivoque : la Revue doit changer de nom pour refléter davantage ses contenus internationaux et tourner la page du terme « amérindien ». Son ancrage francophone et québécois, son approche multidisciplinaire, ses contenus scientifiques accessibles, ses chroniques et ses textes d’opinions collés à l’actualité ainsi que sa constante préoccupation de valoriser la créativité et les voix autochtones demeureront des objectifs de premier plan.

La continuité de RAQ dans le paysage des revues scientifiques pendant ces cinquante dernières années s’appuie sur de nombreux acteurs de la recherche et partenaires financiers (CRSH, FRQSC), institutionnels (universités, gouvernements, communautés autochtones) et individuels (dons de particuliers).

Elle est également due à la confiance sans cesse renouvelée de ses lectrices et de ses lecteurs, de ses autrices et de ses auteurs, de ses membres abonnées et abonnés, des étudiantes et étudiants et des jeunes chercheures et chercheurs, des membres de son comité scientifique, de son comité de rédaction et du Conseil d’administration, ainsi qu’aux artistes autochtones dont les oeuvres illustrent nos pages couvertures depuis de nombreuses années. Mais si RAQ conserve toute sa pertinence dans le paysage actuel de la recherche autochtone et dans le rapprochement entre les nations, c’est aussi grâce au travail rigoureux d’une équipe de soutien dont j’aimerais ici souligner l’engagement et le grand professionnalisme : Daniel Chevrier, ancien trésorier qui a longtemps porté la revue à bout de bras, François Girard, trésorier et responsable des abonnements, Éric Chalifoux, rédacteur, ainsi que Marcelle Roy, réviseure linguistique depuis vingt-sept ans et dont la fidélité, la rigueur et le rôle central doivent être particulièrement salués ici.

En que directeur au moment de souligner les cinquante ans de la revue, je ne peux m’acquitter de cette tâche sans penser au travail de nombreuses personnes et équipes qui ont fait de la revue ce qu’elle est aujourd’hui.

Merci aux membres fondateurs : Laurent Girouard, Camil Guy, Charles A. Martijn, Rémi Savard, Donat Savoie et Sylvie Vincent.

Merci aux directrices et directeurs, aux rédacteurs et rédactrices en chef ainsi qu’à toutes les personnes responsables de numéros au cours des cinquante ans de RAQ.

Merci à nos partenaires autochtones qui, en continuant de valoriser leur histoire, leur mémoire et leurs réalités, contribuent à briser l’isolement.

[avril 2021]