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Depuis soixante-dix ans, les rapports entre la France et la Convention européenne des droits de l’homme[1] (ci-après, « la Convention ») ont été contrastés, passant par toutes les phases de la vieille comptine En effeuillant la marguerite… Après une contribution décisive des juristes et des diplomates français aux travaux préparatoires de la Convention, dès la naissance du Conseil de l’Europe, on est passé très vite du « passionnément » au « pas du tout ». Alors que Robert Schuman figure, en tant que ministre des affaires étrangères, parmi les signataires de la Convention, le 4 novembre 1950, il faudra attendre le 3 mai 1974 pour que la France la ratifie, en acceptant la compétence de la Cour pour les différends étatiques. Mais ce premier geste restait prudent et la France ne fera sa première déclaration d’acceptation des recours individuels devant la Commission européenne des droits de l’homme que le 2 octobre 1981, après l’alternance politique marquée par l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. Si l’on garde à l’esprit que le premier arrêt rendu par la Cour dans une affaire française, l’arrêt Bozano, date du 18 décembre 1986, on peut considérer qu’une période de transition d’une douzaine d’années a été nécessaire pour que l’influence directe de la Convention se fasse peu à peu sentir en droit français.

Autrement dit, sur les soixante-dix années de l’existence de la Convention, la France en a passé une bonne moitié dehors ou sur le seuil, le millier d’arrêts français se concentrant sur les années 1986-2020. Mais ce serait une erreur de limiter par une lecture rétroactive le survol à cette « période utile » de la jurisprudence, tant les interactions entre les débats juridiques et les enjeux politiques, entre les aspects institutionnels et les questions contentieuses sont permanentes. La prise en compte du temps long peut également nous permettre de dépasser le caractère binaire d’une sorte de « je t’aime, moi non plus », en reprenant tous les sentiments intermédiaires du cycle de la comptine, au-delà de « la folie » et du « pas du tout ».

S’agissant de la France, le contexte diplomatique est d’autant plus important que la France est le pays hôte du Conseil de l’Europe et le siège de la Cour, faisant de Strasbourg une capitale de l’Europe. René Cassin ne s’y est pas trompé qui, au lendemain de son prix Nobel de la paix décerné en 1968, a fondé l’Institut international des droits de l’homme, donnant un rayonnement universel à la métropole alsacienne en visant à ancrer les droits de l’homme dans l’enseignement et la formation. La politique juridique de la France ne saurait se réduire à la gestion du risque contentieux, sans prendre en compte la dimension politique d’« une union plus étroite » entre les États membres sur la base de principes communs et de valeurs partagées.

Dans ce trop bref survol d’une histoire riche en crises et en rebondissements, on considérera l’interaction entre la France et la Convention européenne des droits de l’homme sous trois angles : la France et sa politique juridique extérieure, à travers la dimension institutionnelle de la Convention (I); la France et sa pratique, dans le système juridictionnel de la Convention (II); et enfin la France comme « champ judiciaire » de la jurisprudence européenne (III).

I. La France comme protagoniste politique

La France, comme tous les États membres, a contribué à définir puis à réformer le cadre institutionnel de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans la logique supranationale de la construction européenne, il serait plus juste de parler des Français autant que de la France, car souvent les acteurs ont agi à titre individuel, notamment lorsqu’il s’agissait de responsables politiques, de fonctionnaires internationaux ou de juges européens, mais on peut considérer qu’au-delà de la diversité des opinions, une même culture politique, mêlant tradition républicaine et idéal européen, a été un puissant moteur pour dépasser un nationalisme juridique inhérent au gaullisme des débuts de la Ve République.

A. Une si longue absence

L’idée d’une Cour de justice européenne était apparue dès le Congrès de La Haye de mai 1948. Après le Congrès, deux co-rapporteurs, le socialiste belge Fernand Dehousse et le démocrate-chrétien français Pierre-Henri Teitgen, avaient été chargés de préparer un avant-projet dans le cadre de la section juridique du Mouvement européen. Dès l’entrée en vigueur du Statut du Conseil de l’Europe, les travaux prirent un tour officiel, dans un dialogue étroit entre l’Assemblée consultative et le Comité des ministres. Au sein de l’Assemblée consultative, Pierre-Henri Teitgen fut le rapporteur de la Commission des questions juridiques[2], contribuant de manière décisive à la construction d’ensemble de la Convention, tant dans la définition des droits substantiels que dans la défense d’un contrôle juridictionnel, même si cela passait par des étapes. Un autre universitaire nancéen, Charles Chaumont, joua aussi un rôle important comme conseiller juridique de la représentation permanente de la France au Comité des ministres. Ce n’est pas le lieu de revenir sur les travaux préparatoires de la Convention, qu’il suffise de souligner l’engagement fort de grands juristes français, avec le soutien des pouvoirs publics.

À dire vrai, cet enthousiasme pour le Conseil de l’Europe fut de courte durée. D’une certaine manière, le Conseil de l’Europe était un prolongement de l'alliance franco-britannique scellée avec le traité de Dunkerque en 1947. Le Statut était signé à Londres, mais le siège établi à Strasbourg. Et le Secrétariat général revint à un diplomate français, Jacques-Camille Paris, dont le bras droit n’était autre que Jacques Leprette[3]. Mais les Français qui, comme Paul Reynaud, rêvaient de transformer l’Assemblée consultative en Assemblée constituante se heurtèrent très vite au pragmatisme des travaillistes britanniques qui voyaient dans l’Europe le cheval de Troie de Winston Churchill. Dès mai 1950, l’appel de Robert Schuman ouvrait la voie d’une autre Europe fondée sur la réconciliation franco-allemande, entrainant indirectement le déclin inexorable du Conseil de l’Europe.

Mais dans la foulée de la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), la crise de la Communauté européenne de défense (CED) exacerba les divisions en France, de fragiles majorités de coalition faisant face aux critiques nationalistes des gaullistes et des communistes. Bien plus, la querelle scolaire paralysait les gouvernements, les tenants de la laïcité dénonçant une « Europe vaticane » qui consacrait la liberté religieuse avec l’article 9 de la Convention, y compris « la liberté de manifester sa religion ou conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ». Ainsi pendant les années cinquante, la Ligue des droits de l’homme s’opposa-t-elle de manière radicale à la ratification de la Convention, avant d’y voir plus tard l’emblème des droits fondamentaux sous la Ve République.

La guerre d’Algérie, avec les violations systématiques des droits de l’homme, comme l’usage de la torture, les exécutions sommaires et les disparitions forcées dénoncées dès 1956, contribua également à éclipser la Convention européenne des droits de l’homme[4]. La relance du débat dans les années soixante se heurta à une nouvelle question de principe, avec l’article 16 de la Constitution française. Pendant toute la « République gaullienne », la ratification de la Convention européenne restait inconcevable, malgré les objurgations de René Cassin[5].

Après l’inflexion européenne donnée par Georges Pompidou en confiant le ministère des affaires étrangères à Maurice Schumann, l’horizon s’ouvrait. C’est sur ce terrain juridique que les tenants d’une ratification, à commencer par René Cassin, se mobilisèrent pour trouver une solution de compromis avec la mise en point de réserves venant conditionner l’adhésion de la France à la Convention. Un des premiers gestes de l’Institut international des droits de l’homme fut en effet d’organiser à Besançon en 1970 un colloque sur La France devant la Convention européenne des droits de l’homme présidé avec fougue par René Cassin. De jeunes membres du Conseil d’État furent chargés de déminer le terrain, comme Roger Errera, pour la question de la laïcité, et Nicole Questiaux pour l’article 16 de la Constitution[6].

Le relai technique fut assuré à la direction des affaires juridiques du Quai d’Orsay, par Guy de Lacharrière, tandis que les travaux parlementaires suivaient leur cours, au Sénat – avec un vote unanime – puis à l’Assemblée Nationale pour aboutir à la loi du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la Convention et de ses premiers protocoles, à l’exception curieuse du Protocole n° 2. Pour autant, c’est le Président du Sénat, Alain Poher – qui assurait l’intérim de la présidence de la République après le décès du président Pompidou le 2 avril 1974 – qui procédera à la ratification, celle-ci prenant effet le 3 mai 1974[7].

B. Un volontarisme à éclipse

En 1974, la France faisait figure de nouveau venu, dans un système qu’elle avait boudé près de vingt-cinq ans… Elle se contenta pendant quelques années d’un rôle de simple observateur au Comité directeur des droits de l’homme, mais l’alternance de 1981 marqua la volonté politique d’être un acteur de premier plan. Le garde des Sceaux, Robert Badinter, et le ministre délégué chargé des affaires européennes, André Chandernagor, se disputèrent l’honneur de présenter à Strasbourg la déclaration française d’acceptation des recours individuels, qui allait introduire une révolution supranationale dans l’ordre juridique français[8].

Alors que le président Giscard d’Estaing s’est borné à inaugurer le nouveau « Palais de l’Europe » en 1977, le président Mitterrand multiplia les visites et les initiatives. Sa première visite officielle eut lieu le 30 septembre 1982. Répondant au président de la Commission européenne des droits de l’homme, Carl Aage Nørgaard faisant allusion à une « longue période d’ombre où nous eûmes parfois l’impression attristante que la France s’était détournée de l’oeuvre qu’elle avait si fortement contribué à créer »[9], le président français s’était borné à noter que son pays était resté « un peu trop longtemps en marge » avant de souligner avec force que la France était « au rendez-vous des libertés »[10] dans ses traditions séculaires. François Mitterrand livra sa philosophie profonde d’inspiration scellienne en rappelant que « le droit qui lorsque j’étais étudiant, s’appelait encore ''le droit des gens'' mérite vraiment son nom et retrouve ses lettres de noblesse »[11].

Au-delà des discours, la France multiplia les initiatives avec ses partenaires, y compris dans le domaine politique, avec la requête contre la Turquie présentée conjointement avec le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède devant la Commission européenne des droits de l’homme le 1er juillet 1982[12]. Mais l’événement le plus marquant reste l’adoption du Protocole n° 6 de 1983 concernant l’abolition de la peine de mort[13]. Robert Badinter lança également la première conférence européenne des ministres des droits de l’homme du Conseil de l’Europe… Pendant la cohabitation, Jacques Chirac, en tant que Premier ministre, tint à venir lui-même devant l’Assemblée parlementaire le 27 janvier 1987. C’est également grâce à Jacques Chirac que la France signa la Convention européenne pour la prévention de la torture dès son ouverture à signature, le 26 novembre 1987, considérant que la France ne pouvait pas ne pas signer un traité contre la torture. C’est encore la même année que dans un geste symbolique fort, les restes de René Cassin ont été transférés au Panthéon.

Le 28 septembre 1987, le président Mitterrand était revenu à Strasbourg pour ouvrir la Conférence sur la démocratie parlementaire, en prononçant un discours prophétique auquel fera écho le discours de Gorbatchev sur la « maison commune européenne ». Il en va de même avec le discours fait le 5 mai 1989 devant l’Assemblée parlementaire présidée par Louis Jung à l’occasion du 40e anniversaire du Conseil de l’Europe. Au même moment, l’élection de Catherine Lalumière au poste de Secrétaire générale à compter du 1er juin 1989 marqua l’importance attachée à l’organisation à un tournant de l’histoire européenne, marquée par la réunification de tout le continent[14]. François Mitterrand revint en sa présence pour déposer la première pierre du « Palais des droits de l’homme », le 4 mai 1992, faisant un discours devant l’Assemblée parlementaire[15]. A cette occasion il lança l’idée d’organiser des sommets des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe en alternance avec les sommets de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE).

Le premier sommet, tenu à Vienne le 9 octobre 1993, marque le point de départ de la réforme de la Convention de 1950 qui aboutira à la création d’une « Cour unique ». De manière plus floue, un compromis politique franco-allemand était trouvé sur la question des minorités nationales, avec la décision de rédiger à bref délai une convention-cadre fixant les principes à respecter et d’engager « les travaux de rédaction d’un protocole complétant la Convention européenne des droits de l’homme dans le domaine culturel par des dispositions garantissant les droits individuels, notamment pour les personnes appartenant à des minorités nationales »[16]. Les travaux du CAH-MIN, le comité ad hoc chargé de cette mission impossible, s’enlisèrent assez rapidement, la France refusant également de ratifier la convention-cadre.

La France ne semble pas avoir eu des priorités très marquées dans les travaux préparatoires du Protocole n° 11 adopté le 11 mai 1994, en dehors de l’idée de créer des référendaires sur le modèle de Luxembourg, idée qui est restée lettre morte malgré la mention faite à l’article 25. Le compromis boiteux qui en est résulté ne fait pas oublier le rôle clé que jouait la Commission européenne des droits de l’homme. Sans le filtre de la Commission, la nouvelle Cour s’est vite trouvée submergée, relançant un débat récurrent sur « la réforme de la réforme »[17]. Au même moment, des spécialistes de la Convention, comme le doyen Gérard Cohen-Jonathan, avaient une vision plus radicale en préconisant de donner à la Commission une compétence de première instance, sous le contrôle d’une Cour de quinze membres. La seule fois où les États – qui sont de plus sur la défensive en étant à la fois « jugés » et parties – ont tenté de penser « en dehors de la boite », c’est avec la mise en place d’un groupe de Sages, où siégeait Pierre Truche, l’ancien Premier président de la Cour de cassation, dont le rapport remis le 15 novembre 2006 resta lettre morte[18]. Il faudra attendre le Protocole n° 16 pour voir reprise l’idée d’avis consultatifs rendus à la demande des plus hautes juridictions nationales.

C’est sur ce terrain que la France a trouvé une nouvelle visibilité dès l’élection du président Emmanuel Macron. Le contraste est frappant avec ses prédécesseurs pour qui il n’y avait pas de gain électoral à s’intéresser aux droits de l’homme. Ainsi, en pleine cohabitation, la France avait pâle figure pour le 50e anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme célébré à Rome les 3 et 4 novembre 2000, se gardant bien de signer le Protocole n° 12 sur le principe de non-discrimination[19]. On passa de l’hostilité déclarée à l’égard de la Cour du président Sarkozy – hostilité se traduisant par le comportement brutal du secrétaire d’État aux questions européennes, Pierre Lellouche – à l’embarras en pleine période d’état d’urgence pour le président Hollande[20]. Dans ce contexte délicat, Emmanuel Macron a choisi de faire front et d’être le premier chef d’État français à s’exprimer devant la Cour européenne, le 31 octobre 2017, avant de revenir le 15 octobre 2019 à l’occasion du soixante-dixième anniversaire du Conseil de l’Europe, multipliant les discours inspirés. Entre temps, la France, qui s’était pleinement engagée pour une entrée en vigueur rapide du Protocole n° 16 en ratifiant le traité le 12 avril 2018, fut le premier État à utiliser la nouvelle procédure, avec un avis consultatif rendu le 10 avril 2019 en matière de gestation pour autrui à la demande de la Cour de cassation.

Tout au long de l’année 2019, la diplomatie française se mobilisait également avec efficacité pour préparer la présidence semestrielle du Comité des ministres qui lui revient désormais tous les 25 ans. Affichant un programme technique aux ambitions modestes, le représentant permanent de la France, l’ambassadeur Jean-Baptiste Mattéi, accomplit le tour de force de sortir le Conseil de l’Europe de la crise diplomatique, tout à la fois politique et budgétaire, qui menaçait son existence même, en permettant le retour d’une délégation russe au sein de l’Assemblée parlementaire, même si les problèmes de fond que la Cour doit trancher restent entier[21].

II. La France comme acteur juridique

Une fois la Convention ratifiée, se posait la question de sa mise en oeuvre effective, à commencer par la mise en place des élus au titre de la France, mais plus généralement par une interaction avec le système de la Convention. À côté des acteurs internes il faut faire toute leur place aux acteurs externes.

A. L’influence des membres français de la Cour et de la Commission

Par un paradoxe de la Convention de 1950, la Cour européenne des droits de l’homme était composée d’autant de juges que d’États membres du Conseil de l’Europe, élus pour des mandats de neuf ans renouvelables. Autrement dit, la France a pu faire élire un juge national, dès la mise en place de la Cour le 21 janvier 1959, au même titre que les quatorze États parties. À ce titre, René Cassin, qui était encore alors Vice-président du Conseil d’État, fut élu juge à la Cour européenne, et immédiatement porté par ses pairs à la vice-présidence de la Cour, de 1959 à 1965, tandis que Lord McNair assurait la présidence. René Cassin lui succéda comme président pendant trois années, de 1965 à 1968. Il continua à siéger à la Cour jusqu’à sa mort le 20 février 1976, ayant marqué de sa forte personnalité et de son esprit toujours jeune cette période de fondation, même si la production de la Cour pendant cette période ne concerne qu’une vingtaine d’arrêts de principe, de l’affaire Lawless en 1961 à l’arrêt Golder en 1975. Pendant toute cette période, René Cassin n’a jamais caché son déchirement de vieux gaulliste de voir la France bouder la Convention, allant jusqu’à mettre sa démission dans la balance…

À partir de 1974, les choses se présentèrent dans un tout autre contexte. La France ayant ratifié la Convention fut à même de présenter un candidat à la Commission des droits de l’homme en vertu de l’article 20. C’est le professeur René-Dupuy qui fut élu pour un mandat de six ans[22]. À la suite du décès de René Cassin, c’est Pierre-Henri Teitgen – qui était devenu professeur de droit européen à l’Université Paris I, après son expérience politique issue de la Résistance, notamment comme garde des Sceaux – qui fut élu en septembre 1976 pour terminer le mandat de René Cassin (article 40). Dans ses souvenirs, Pierre-Henri Teitgen évoque ses joutes avec le juge britannique Sir Gerald Fitzmaurice, marqué par le dualisme juridique, face à l’interprétation dynamique de la Convention. Malheureusement, son passage à la Cour fut trop bref, à peine quatre années, alors même que ses collègues le destinaient à la vice-présidence… Le président Valéry Giscard d’Estaing ayant à arbitrer le choix à faire préférera, dit-on, « le candidat le plus jeune », écartant le juge sortant. Mais la Convention obligeait le gouvernement à présenter trois candidats aux suffrages de l’Assemblée parlementaire. La liste française comportait, dans l’ordre de préférence, le professeur Jean-Claude Soyer, un pénaliste de l’Université Paris II, suivi du bâtonnier Louis-Edmond Pettiti et de Suzanne Challe, la présidente de la Cour d’appel de Nîmes…[23]

À la surprise générale, l’Assemblée parlementaire refusa de se laisser dicter sa conduite et élit M° Pettiti, par ailleurs très proche intellectuellement de Pierre-Henri Teitgen, au lieu du « candidat officiel ». Jean-Claude Soyer trouva très vite une fonction à sa mesure puisque le 2 avril 1981, il fut élu par le Comité des ministres membre de la Commission européenne des droits de l’homme[24]. Le mandat de six ans du Pr Soyer fut renouvelé à deux reprises, malgré les alternances politiques, témoignant ainsi de la considération unanime qu’il avait acquise dans ses fonctions. Ainsi, Louis-Edmond Pettiti et Jean-Claude Soyer furent amenés à travailler parallèlement au sein de la Cour et de la Commission, pendant dix-huit ans, jusqu’à l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 en 1998. L’un et l’autre, dans des styles très différents, firent beaucoup pour le rayonnement de la Convention, notamment par leurs conférences et leurs publications[25]. Il faut leur associer le nom d’un fonctionnaire français, Marc-André Eissen, qui fut greffier de la Cour de 1968 à 1994, tenant la plume des arrêts d’une main de fer[26]. Ce travail de sensibilisation fut poursuivi par Vincent Berger qui allait devenir le jurisconsulte de la Cour[27].

L’adoption du Protocole n° 11 marque une nouvelle donne, avec la volonté explicite de tourner la page à une certaine séniorité qui contribuait pourtant à l’expérience, à l’autorité, et pour tout dire à la gravitas des membres de la Cour et de la Commission. L’article 23 de la Convention révisée limitait le mandat des juges à six ans et fixait une limite d’âge à soixante-dix ans. Selon ce critère, René Cassin n’aurait jamais pu être élu, pas plus que Robert Badinter ne le sera. La réforme du Protocole n° 14 allait renforcer cette tendance en imposant un mandat unique de neuf ans. La chance de la nouvelle Cour est d’avoir constitué un noyau dur de juges ayant siégé pendant une douzaine d’années, lui donnant en quelque sorte une armature solide et un leadership efficace. C’est évidemment le cas de Jean-Paul Costa, le nouveau juge français qui siégea de 1998 à 2011, présidant la Cour pendant six ans en mettant en oeuvre une « diplomatie judiciaire » particulièrement dynamique, notamment lors de la conférence de Madrid, avant d’être atteint par la limite d’âge, mais toujours très actif à la tête de la Fondation René Cassin[28]. Des Mélanges ont rendu hommage à ces grands juges, la clé de lecture de leurs opinions individuelles permettant d’illustrer leur influence dans le débat interne et de mesurer leur apport doctrinal[29].

À un membre du Conseil d’État devait succéder en 2011 un magistrat de la Cour de cassation, passé par le Tribunal de première instance de Luxembourg, avec l’élection d’André Potocki, puis par une alternance implicite, un brillant conseiller d’État, Mattias Guyomar, à partir de 2020. Ce n’est pas le lieu d’évoquer les modalités de la procédure de sélection des candidats qui manquent pour le moins de transparence, malgré les progrès effectués depuis le camouflet de 2011 où l’Assemblée parlementaire a refusé une première liste française[30]. Reste que cette fluidité entre juridictions internes et juridictions supranationales est une composante du dialogue des juges que le Protocole n° 16 est venu formaliser, avec l’engagement ferme de la France.

B. Les acteurs externes

Il faut faire toute sa place à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères qui coordonne l’action de la France, en négociant les réformes et en traitant les affaires contentieuses. Cette double compétence implique sans doute une attitude défensive, nourrie de la pratique quotidienne de la « défense » de l’État face aux juges supranationaux, mais elle a le mérite de dépasser les clivages traditionnels entre ministères régaliens et notamment entre le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur. À ce titre la direction juridique est garante de la cohérence et de la continuité de la politique française, loin des surenchères politiciennes.

Déjà en 1986, la direction des affaires juridiques avait considéré que le renouvellement de l’acceptation de la compétence de la Commission était une question technique, s’empressant d’effectuer cette formalité juste avant la condamnation finale de la France dans l’affaire Bozano qui devait susciter l’ire du ministre de l’intérieur, Charles Pasqua. Face aux interpellations parlementaires, c’est encore la direction des affaires juridiques qui prépare l’argumentaire du porte-parole du gouvernement, comme le secrétaire d’État aux affaires européennes Harlem Désir, lors du débat sur une proposition de résolution visant « la renégociation des conditions de saisine et des compétences de la Cour européenne des droits de l’homme » devant l’Assemblée nationale le 2 avril 2015, à l’initiative de Pierre Lellouche[31].

Force est de reconnaitre que ce débat est devenu récurrent, obligeant les responsables de la Cour à venir se justifier devant le Parlement, comme lors d’une audition devant une simple commission parlementaire du président Dean Spielmann accompagné du juge Potocki le 17 juin 2015 pour un contrefeu. Dans la foulée, le candidat de la droite républicaine à l’élection présidentielle de 2017, l’ancien Premier ministre François Fillon, n’hésitait à reprendre une campagne politique contre la Cour européenne, soutenu par des constitutionnalistes comme Bertrand Mathieu, proposant de dénoncer la Convention pour la ratifier avec de nouvelles réserves si la Cour ne revient pas à la raison sur des dossiers sensibles contre la déchéance de nationalité et la lutte contre le terrorisme[32]. L’argument ultime, mis en avant dans une tribune de Bernard Accoyer, un ancien président de l’Assemblée nationale, est que « les grands débats de société ne peuvent être tranchés par la Cour européenne des droits de l’homme, mais par le Parlement », en dénonçant au passage le mauvais exemple que les juges européens donneraient aux juges français…[33]

À vrai dire, le débat est faussé tant ceux, sur tout le spectre de la vie politique, qui se tournent vers la Cour européenne dès qu’un de leurs droits leur semble bafoué, avec parfois un acharnement judiciaire, sont les premiers à dénoncer les juges européens lorsqu’ils leur donnent tort, en leur déniant soudain le rôle de « conscience de l’Europe ». Quand la Cour européenne conforte le législateur national et les juridictions suprêmes, il ne reste qu’à invoquer le « droit naturel » contre les droits de l’homme. Ce climat révisionniste est particulièrement malsain, en négligeant les grandes avancées de l’État de droit sous l’impulsion de la jurisprudence européenne. Mais, à l’évidence, la convergente des critiques nationalistes, qu’elles viennent de vieilles démocraties, comme le Royaume-Uni, ou de régimes non libéraux, fragilise le système de garantie collective des droits de l’homme en plaçant les organes de contrôle sur la défensive, comme on le voit depuis Smyrne et Brighton.

Une sociologie fine de la Convention, avec une typologie des requérants individus comme personnes morales et de leurs avocats, y compris l’activisme des cabinets pro bono, comme une étude systématique des tierces interventions, seraient très utiles pour démentir les biais colportés dans les médias[34]. À vrai dire, il y a sans doute plus de « juristes d’État » que de « juges Soros » au sein de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais le démenti le plus utile aux critiques formulées à l’encontre de la Cour serait d’avoir une vision d’ensemble de sa jurisprudence surabondante[35].

III. La France comme « champ judiciaire »

En trente-trois ans, entre l’arrêt Bozano du 18 décembre 1986[36] et l’arrêt N.H. et al. du 2 juillet 2020[37], la Cour de Strasbourg a rendu 1 043 arrêts concernant la France, sur la base de plus de 33 000 requêtes. Dans près de trois quarts des arrêts, une violation est constatée[38]. Il serait fallacieux de s’en tenir à ces statistiques pour classer de manière assez démagogique la France parmi les bons ou les mauvais élèves du Conseil de l’Europe, car une analyse beaucoup plus fine s’imposerait, d’abord parce que la caractéristique du contentieux français est sa grande variété. Certes, l’article 6 se taille la part du lion, avec les deux tiers des violations, mais du droit à la vie au droit de propriété en passant par la protection de la vie privée et la liberté d’expression, toutes les dispositions de la Convention ont été revisitées. Mais surtout parce que, comme le confiait un diplomate européen chevronné, « une condamnation est une bonne chose ». C’est en effet d’abord un diagnostic devant servir de point de départ à des réformes substantielles. À défaut d’un inventaire, on se bornera à quelques pistes de réflexion [39].

A. Les limites de la jurisprudence européenne

La France a fixé elle-même certaines de ses limites en formulant des réserves et des déclarations interprétatives au moment de la ratification. La plus importante concerne l’article 15 de la Convention relatif aux situations de crise[40]. Une partie de la doctrine a considéré qu’il s’agissait d’une réserve de « caractère général » contraire à l’article 64 paragraphe 1 de la Convention de 1950[41]. Mais on ne saurait en effet oublier qu’il s’agissait de la condition même de la ratification tardive de la France, pour tenir compte du régime des circonstances exceptionnelles défini en droit français par l’article 16 de la Constitution, mais aussi la législation sur l’état de siège et la législation sur l’état d’urgence[42]. La France a ainsi formellement notifié l’instauration de l’état d’urgence du 14 novembre 2015 au 1er novembre 2017 face à la vague des attentats terroristes[43].

Une autre réserve de la France concernait le statut des militaires, elle a perdu une grande part de son importance avec la suppression des tribunaux d’exception et n’a pas empêché la Cour européenne d’autoriser la création d’associations professionnelles de nature syndicale dans la gendarmerie, avec l’arrêt Matelly du 20 octobre 2014[44].

Plus que ces réserves très datées, la sauvegarde de l’identité constitutionnelle de la France se trouve sans doute dans la doctrine de la marge nationale d’appréciation mise en pratique par la Cour. Dans le cas de la France, le principe de laïcité, qui est constitutif de la paix civile après des siècles de guerres de religion, impose une grande prudence, comme l’avait montré le juge Jean-Paul Costa lors de son audition en 2003 devant la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité, présidée par Michel Stasi, qui devait déboucher sur la loi du 15 mars 2004. Après des décisions d’irrecevabilité, la Cour a rendu un arrêt de principe dans son arrêt Dogru et Kervanci du 4 décembre 2008[45], concluant sur une non-violation de l’article 9[46]. La controverse a rebondi avec la loi du 11 octobre 2011 sur laquelle la Cour s’est prononcée le 1er juillet 2014 dans l’affaire S.A.S. pour écarter toute violation des articles 8 et 9, mais aussi du principe de non-discrimination de l’article 14, tout en formulant quelques mises en garde. De même, la Cour a récemment validé la déchéance de nationalité, dans le cas de binationaux ne risquant pas de se trouver dans une situation d’apatridie, avec l’arrêt Ghoumid et al du 25 juin 2020.

On retrouve le même raisonnement a contrario dans un autre domaine très sensible, celui du négationnisme et de l’incitation à la haine raciale. Dans son arrêt Lehideux et Isorni du 23 septembre 1998[47], la Cour avait condamné la France en considérant une sanction pénale, même symbolique, disproportionnée dans une affaire relevant du débat public, tout en avertissant que l’article 17 interdit l’« abus de droit ». Cette jurisprudence a été mise en oeuvre à plusieurs reprises depuis lors, notamment dans la décision M’Bala M’Bala du 20 octobre 2015[48] où l’ancien humoriste Dieudonné se réclamait de l’article 10[49].

Un dernier domaine particulièrement sensible concerne la défense nationale, avec une juridictionnalisation croissante. La Commission européenne des droits de l’homme avait écarté les requêtes contre la reprise des essais nucléaires français en Polynésie décidée par le président Chirac dès son élection en 1995. La plainte collective d’une vingtaine de Tahitiens, portée par M° François Roux, fit l’objet d’une décision rapide d’irrecevabilité, la Commission ayant une interprétation stricte de la notion de victime[50]. La question la plus délicate porte sans doute sur l’application de l’article 2 aux opérations extérieures, aussi bien dans le cadre onusien que dans le cadre multilatéral, voire unilatéral. La Grande chambre de la Cour faisant là aussi preuve d’une grande retenue, ayant écarté sa compétence ratione loci, dans la décision Bankovic c. Belgique et al du 19 décembre 2001[51] concernant l’ensemble des pays européens membres de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) à la suite du bombardement de Belgrade. Dans l’affaire Berhami et Berhami c. France et Saramati c. France, Allemagne et Norvège[52], qui concernaient ces trois États pour leur présence au Kosovo, la Grande chambre se déclarait également incompétente par une décision du 2 mai 2007 en invoquant cette fois l’immunité des organisations internationales, en l’occurrence des organes subsidiaires crées par le Conseil de sécurité, comme la KFOR et la MINUK.

Depuis lors, la multiplication des conflits armés et des interventions étrangères sur le terrain a donné une grande acuité à l’application de la Convention aux situations de crise, alors que l’article 15 de la Convention vise implicitement les obligations découlant du droit international humanitaire[53]. L’arrêt de la Grande chambre Hassan c. Royaume-Uni du 16 septembre 2014[54] concernant des opérations de 2003 en Irak a été très remarqué, notamment dans les milieux militaires français. Le meilleur moyen d’éviter des recours à Strasbourg est sans doute d’appliquer le droit interne, en mettant pleinement en oeuvre le principe de subsidiarité.

B. Les avancées du droit français

Le plus souvent, les garanties internes et les garanties européennes se confortent. L’application directe de la Convention a connu pourtant une première période de flottement, certains juges étant très marqués par une vision formaliste et se bornant à viser la conformité à la Convention, sans tenir compte de la jurisprudence de la Cour[55]. De même, les autorités négligeaient les condamnations d’autres pays pour anticiper des réformes indispensables, comme en matière d’écoutes téléphoniques, attendant les arrêts Huvig et Kruslin du 24 avril 1990[56] pour mettre en chantier la loi du 24 avril 1990. En ce sens, les arrêts de la Cour peuvent servir de moteur à des réformes législatives, même si au nom de l’autorité de la chose jugée, le requérant ne bénéficiait pas lui-même de cette nouvelle législation, comme dans l’affaire B. c. France du 25 mars 1992[57] concernant le changement d’état civil d’un transsexuel. Une réforme de principe est intervenue, dans le contexte délicat de l’affaire Papon, avec la loi Guigou du 15 juin 2000[58] qui ouvre la voie à un réexamen d’une décision de justice définitive à la suite de la Cour européenne, mais seulement en matière pénale[59].

Les hautes juridictions, non parfois sans résistance, ont adapté leurs procédures et leurs structures à la jurisprudence européenne. C’est le cas du Conseil d’État, très vigilant à la suite de larrêt Kleyn et al. c. Pays-Bas du 6 mai 2003[60] – au sujet duquel la France comme l’Italie avaient fait une rare tierce intervention, marquant ainsi leur intérêt pour le dossier – et de l’arrêt Sacilor Lormines c. France du 9 novembre 2006[61] – avec Marceau Long, un prestigieux ancien Vice-président du Conseil d’État comme juge ad hoc au titre de la France, Jean-Paul Costa s’étant récusé. Au prix de changements cosmétiques, le « commissaire du gouvernement » devenant en 2009 un « rapporteur public », la dualité de fonction du Conseil d’État était sauvegardée. La vice-présidence de Jean-Marc Sauvé, entamée en octobre 2006, marqua un tournant en donnant toute sa substance au dialogue des juges préconisé par Bruno Genevois, le président de la section du contentieux[62]. Le Conseil d’État s’ouvrit au droit européen, en organisant un cycle de conférences sur la subsidiarité[63]. Alors que les relations avec les responsables de l'exécutif restaient distantes, les visites protocolaires des chefs des hautes juridictions françaises se firent régulières à l’occasion de l’audience annuelle de la Cour de Strasbourg.

On pourrait en dire autant des relations avec la Cour de cassation, notamment sous l’influence du Premier président Guy Canivet, même si le Parquet général restait plus réticent. Des réformes judiciaires importantes furent entreprises, à commencer par la mise en place d’un double degré de juridiction et la motivation des décisions pénales. Mais deux lourds dossiers marquent l’absence de réformes structurelles. L’obstination à défendre la spécificité du « Parquet à la française » déjà sanctionnée par l’arrêt de Grande chambre Medvedyev du 29 mars 2010[64] et l’arrêt Moulin du 23 novembre 2010[65] a conduit à une crise de la justice aujourd’hui patente. De même, l’inertie de la chancellerie à remédier à la surpopulation carcérale a entrainé la multiplication des condamnations jusqu’à l’arrêt J.M.B. et al du 30 janvier 2020[66] regroupant trente-deux requêtes pour mieux montrer le caractère systémique de la violation des articles 3 et 13, amenant la Cour de cassation à réagir elle-même avec un arrêt le 8 juillet 2020[67].

La jurisprudence européenne a également été particulièrement importante pour condamner l’inertie de la justice française face à des violations de l’article 3 de la Convention. Alors que l’arrêt Tomasi du 27 août 1992[68] parlait encore de « traitement inhumain et dégradant » de la part des forces de l’ordre, l’arrêt Selmouni du 28 juillet 1999[69] qualifie les violences subies d’actes de torture. La Cour a également constaté une violation de l’article 3 s’agissant de demandeurs d’asile laissés à la rue, avec l’arrêt N.H. et al du 2 juillet 2020[70]. De même, sur le terrain de l’interdiction de « l’esclavage et [du] travail forcé » dans le cadre de l’article 4, l’arrêt Siliadin du 26 juillet 2005[71] et l’arrêt C.N. et V. du 11 octobre 2012[72] ont rendu nécessaire un renforcement du cadre législatif de lutte contre l’esclavage domestique, avec des réformes du code pénal intervenues en 2007 et en 2013.

On l’aura compris, avec ces exemples d’actualité, parmi tant d’autres, la mise en oeuvre de la Convention est un laboratoire permanent de réformes législatives ou d’évolutions jurisprudentielles. Il ne s’agit pas d’imposer une uniformisation du droit européen, mais un renforcement du droit national, par une dialectique permanente entre les juges[73]. À cet égard, la dimension comparative de l’exercice mené à bien entre les grandes traditions juridiques est un enrichissement culturel beaucoup plus qu’un nivellement au nom d’un hypothétique « consensus européen ». L’Europe de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme qui était au coeur de la Convention de 1950 avant d’être élargie à partir de 1990 à tout le continent est fondée sur le pluralisme juridique. Parler de « responsabilité partagée » comme le fait la Déclaration de Bruxelles de 2015[74], c’est réaffirmer qu’il revient à chaque État de respecter les droits de l’homme, en leur apportant des garanties effectives, mais aussi en remédiant aux violations par des réformes de fond. Face à l’indifférence à l’égard des « arguties juridiques » et la démagogie des passions politiques, l’expérience française n’est pas inutile pour rappeler que le splendide isolement est une impasse, là où doit prévaloir l’exemplarité.