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Ce livre de Sébastien Doane (professeur d’études bibliques à l’Université Laval et spécialiste des textes du Premier Testament) prend la forme d’une vulgarisation exégétique sur le thème de la sexualité. Cet ouvrage s’inscrit avec cohérence dans la trajectoire de publication de l’auteur : féminisme, questions controversées et d’actualité. Ici, Sébastien Doane invite le large public à redécouvrir la Bible par des passages tantôt sensuels, tantôt controversés. Le ton général de l’ouvrage est partagé entre une critique des textes bibliques sous l’angle d’un certain féminisme, et une redécouverte d’un riche patrimoine oublié. Les trois objectifs que l’auteur semble poursuivre sont de lutter contre une interprétation fondamentaliste des textes bibliques, de promouvoir une lecture féministe de ceux-ci, et de rapprocher l’expérience sexuelle de l’expérience spirituelle. Le livre se présente comme une série de huit thèmes plus précis : la sexualité dans la Genèse, le Cantique des cantiques, quelques phénomènes sociaux, les différents types de lectures féministes de la Bible, les lois bibliques relatives à la sexualité, l’homosexualité, Jésus et le sexe, et l’amour.

Ces observations et critiques bibliques déculpabilisent et mettent en valeur l’expérience sexuelle. Le geste de l’auteur est bel et bien d’aborder les tabous afin de rompre avec une compréhension sclérosée de la sexualité. Les deux premiers chapitres (sur la Genèse et le Cantique des cantiques) soulignent l’importance de celle-ci, de la sensualité et du plaisir, et cherchent à réconcilier le lecteur avec la Bible. Dieu a des caractéristiques des deux sexes, la procréation est séparée du péché, la faute originelle n’est qu’une interprétation d’Augustin qui a été amplifiée, et Adam et Ève pourraient bien être vus comme les premiers nudistes véganes, par exemple. Cela mène Sébastien Doane à présenter deux interprétations qui sont souvent opposées (spirituelle et anthropologique) mais qui devraient plutôt être complémentaires. D’un point de vue féministe, l’auteur critique la misogynie et le machisme transmis par certains récits bibliques ainsi que le manque d’égalité entre les sexes provenant d’un monde dépassé. Ainsi, l’amour ne serait pas constitutif du mariage biblique, mais plutôt une institution patriarcale pour soumettre la femme (tout comme beaucoup d’autres phénomènes sociaux abordés au chapitre 3). L’auteur propose ensuite une lecture féministe par les récits de Tamar, Rahab et Ruth pour répondre au ton généralement machiste de la Bible, puis il ajoute une explication des différentes règles reliées à la sexualité dans la Bible (adultère, virginité, inceste, bestialité, dispositions pénales, prostitution sacrée, pureté, protection des parties génitales) et aussi particulièrement à l’homosexualité (tout un chapitre y est consacré). Au chapitre 6, Sébastien Doane remet en question les développements catholiques et prône un retour à l’enseignement de Jésus, dont il souligne la ressemblance avec les valeurs féministes. Il conclut son livre par cette devise : Ubi caritas et amor, Deus ibi est (p. 194), qui justifie une redécouverte de la sexualité comme un espace spirituel.

L’essentiel du geste de ce petit livre, abordable et facilement compréhensible par tous, est une lutte contre les interprétations fondamentalistes de la Bible et la promotion d’une lecture féministe. Cela se présente aussi, plus largement, comme l’un des chevaux de bataille de Sébastien Doane. Ce survol permet un contact précieux pour un large public qui ne connaît pas nécessairement la littérature biblique. Et avec un tel sous-titre, l’attente est semée et l’intérêt bien suscité pour une suite plus approfondie de ce thème tellement riche et actuel.