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Introduction

La complexité et les défis au coeur de l’accompagnement des stagiaires (voir notamment Correa Molina, 2012 ; Gouin et Hamel, 2015 ; Maes et al., 2018) nous ont amenés à envisager la question, à la suite de Clot (2008), de savoir si accompagner un stagiaire est un « nouveau métier » ou s’il s’agit plutôt de nouvelles compétences à développer à côté de celles de formateur ou d’enseignant. Pour nous en saisir, nous avons fait le choix d’une recherche collaborative au sein de notre groupe : le Groupe de recherche sur l’accompagnement des pratiques professionnelles enseignantes (GRAPPE).

Dans cette contribution, nous mettons l’accent sur un des groupes de recherche du GRAPPE, soit le groupe centré sur les superviseurs de stage, c’est-à-dire les formateurs des hautes écoles pédagogiques qui réalisent l’accompagnement des étudiants en stage. Dans notre contexte, en Belgique francophone, tout formateur peut être amené à faire de la supervision de stage.

Le groupe interroge depuis trois ans le processus de coévaluation de stage. Notre visée est de montrer en quoi le partage de représentations sur l’objet à l’étude, la coévaluation de stage, la coconstruction d’une définition commune et l’analyse collégiale de données issues des pratiques des participants jouent sur la « qualité  » de la recherche collaborative.

Par « qualité », il faut entendre ici les visées de la recherche collaborative (Bednarz, 2013 ; Bourassa et al., 2007 ; Desgagné, 1997), à savoir faire émerger une activité de production de connaissances et viser un développement professionnel de chaque catégorie d’acteurs concernés par le processus de recherche. Dans cette contribution, nous observons de manière exclusive le développement professionnel des acteurs non universitaires : les superviseurs de stage en enseignement issus des hautes écoles pédagogiques.

Plus spécifiquement, dans cet article, nous cherchons à identifier les bénéfices et les freins de travailler un objet relatif à l’évaluation « en collaboration » au sein même d’une recherche collaborative.

Nous présentons d’abord le cadre conceptuel, qui renvoie, d’une part, à la recherche collaborative et, d’autre part, aux concepts au coeur de notre propos : l’accompagnement et la coévaluation, objet travaillé par le groupe. Puis, nous détaillons les aspects méthodologiques qui nous ont permis de recueillir des données sur le processus longitudinal vécu par le groupe collaboratif, qui a cheminé trois ans, et sur les effets de ce processus. Nous montrons ainsi les grandes activités du groupe et les étapes franchies au fil du temps. Enfin, nous pointons les principaux résultats de la recherche collaborative sur la coévaluation en matière de bénéfices et de freins déclarés par les participants. Nous mettons aussi de l’avant les grandes modifications concrètes qui ont été appliquées dans la gestion des coévaluations dans un institut de formation.

Cadre conceptuel

La recherche collaborative

Notre propos s’inscrit dans le cadre de recherches collaboratives qui se fondent sur les modèles de l’acteur compétent (Giddens, 1987) et du praticien réflexif (Paquay et Sirota, 2001 ; Schön, 1993) et qui renvoient « à une certaine façon de faire de la recherche “avec” plutôt que “sur” les praticiens » (Desgagné et al., 2001, p. 33). L’ambition est donc de mettre « à contribution des expertises différentes pour construire un savoir qui ne pourrait être le même s’il n’était conçu que par des chercheurs ou des praticiens » (Couture et al., 2007, p. 209). Cela est rendu possible par la triple dimension de la recherche collaborative, mise en évidence par Desgagné (1997) et par Bourrassa et ses collègues (2007) : la coconstruction d’un objet de connaissance entre chercheurs et praticiens, la participation de tous comme coconstructeurs ainsi que la médiation entre communauté de recherche et communauté de pratique.

Comme annoncé supra, les visées des recherches collaboratives (Bednarz, 2013 ; Bourassa et al., 2007 ; Desgagné, 1997) sont bien de faire émerger une activité de production de connaissances et de tendre vers un développement professionnel de chaque catégorie d’acteurs concernés par le processus de recherche. Par développement professionnel, il faut entendre, à la suite de Mukamurera, Portelance et Martineau (2014), un :

processus graduel de transformation des composantes opératives ainsi que des composantes identitaires visant à améliorer, enrichir, actualiser ses pratiques, à agir avec efficacité et efficience […] et à atteindre un nouveau degré de compréhension de son travail et à s’y sentir à l’aise

p. 12

Du côté des formateurs, il s’agit donc de développer des compétences flexibles pour faire face aux changements professionnels (Evers et al., 2016). Sur ce plan, Van Nieuwenhoven et Colognesi (2015) identifient trois types de développements possibles grâce aux recherches collaboratives : 1) le développement personnel, qui concerne ce que chaque personne retire de sa participation à la recherche collaborative pour elle-même, 2) le développement professionneldirect, qui renvoie aux pratiques des acteurs au quotidien et à la transformation de celles-ci et 3) le développement professionnel indirect, qui a trait aux compétences nouvelles que les acteurs développent et qui fait que, en dehors de leur champ habituel, ils sont interpellés par leurs pairs, car on leur reconnait une certaine expertise.

Desgagné (1997) explique que la recherche collaborative se divise en trois étapes : la cosituation, la coopération et la coproduction. La cosituation amène les participants à identifier « un objet d’investigation et une activité réflexive qui présente un intérêt pour la pratique et pour la recherche » (Couture, 2015, p. 184). La coopération amène à développer l’objet d’étude par le biais de temps d’explicitation, de réflexion, de questionnement et de réalisation. Elle s’apparente, d’après Morrissette (2013), à l’étape de la collecte des données. La coproduction renvoie, toujours selon Morrissette (2013), à l’analyse des données et à la mise en forme des résultats.

L’accompagnement des stages par les superviseurs

L’accompagnement est communément défini sur la base de la définition de Paul (2016) : se joindre à quelqu’un, pour aller où il va, en même temps que lui et à son rythme. Derrière cette définition, plusieurs actions sont sous-entendues par Paul (2004) : protéger l’accompagné (l’accueillir, le soutenir, faciliter son travail, le réconforter, l’encourager, etc.), le conduire (en l’initiant à son travail, en donnant les directions nécessaires, etc.) et le guider (en orientant, conseillant, éclairant).

Colognesi, Beausaert et Van Nieuwenhoven (2018), en complément des travaux de Paul, définissent l’accompagnement des stagiaires en enseignement autour de quatre caractéristiques clés, qui s’activent dès lors que le cadre relationnel est installé (Colognesi, Parmentier et Van Nieuwenhoven, 2018, 2019) : 1) l’accompagnement sous-entend une mise en évidence des talents de l’accompagné ; 2) l’accompagnement est personnalisé, c’est-à-dire que l’accompagnant s’adapte aux besoins de l’accompagné, tant que celui-ci est en projet de changement ; 3) l’accompagnement s’organise autour de l’apprentissage des personnes en situations formelles et surtout informelles, et 4) tout accompagnement est soutenu par un réseau professionnel puisque l’environnement du stagiaire joue un rôle dans son insertion dans l’établissement et dans les actions qu’il pose, au-delà des liens qu’il a établis avec ses accompagnants.

Bien sûr, mettre en place de tels principes peut être complexe pour les superviseurs, qui, dans notre contexte, ne sont pas formés pour cela : ils sont engagés dans leur fonction de formateur comme spécialiste d’une discipline.

Dès lors, les questions et tensions vécues pour accompagner leurs stagiaires sont présentes puisqu’ils endossent cette tâche sur la base de leurs expériences personnelles, par essais et erreurs, et se retrouvent souvent dans une situation inconfortable (Colognesi, Lenoir et Van Nieuwenhoven, 2018). D’autant plus qu’en dehors de l’accompagnement des étudiants, ils sont amenés à créer un lien avec les praticiens de terrain, car ils sont, comme le signale Lebel (2009), des représentants de l’institut de formation et se positionnent à l’interface des deux milieux.

Les situations de tensions vécues (Gouin et Hamel, 2015 ; Maes et al., 2018) nécessitent d’allier plusieurs ressources en situation de suivi de l’étudiant. En effet, Correa Molina (2012) explique que les superviseurs doivent cumuler plusieurs rôles : savoir quoi faire (choisir le type d’intervention le plus adéquat), savoir comment faire (p. ex., pour gérer les échanges), savoir mobiliser (faire des choix dans ce qui est discuté, en fonction du contexte et du stagiaire) et savoir s’engager (répondre aux besoins du stagiaire, à ce moment et dans ces circonstances).

Une des difficultés qui commencent à être documentées dans la littérature est celle relative à l’évaluation puisque, à la suite de Gervais et Desrosiers (2005) et de Correa Molina (2008a, 2008b), l’évaluation du stagiaire fait partie du rôle d’accompagnateur du superviseur. Ainsi, le dispositif de coévaluation prend place dans les instituts pédagogiques pour assurer une évaluation la plus objective possible des compétences de l’étudiant.

La coévaluation de stage

Jorro et Van Nieuwenhoven (2019) définissent la coévaluation comme étant une évaluation conjointe entre un étudiant et son ou ses formateur(s) en vue d’engager un dialogue entre eux sur les écarts d’appréciation par rapport à une production particulière ou à un bilan plus global, sur la base ou non d’un référentiel externe.

Allal (2006) explique que ce temps au cours duquel l’étudiant est au centre et a un rôle actif a comme visées de donner du sens à l’évaluation, de renforcer les attitudes réflexives et d’engager un dialogue entre les acteurs présents sur les écarts d’appréciation. En somme, le processus même de la coévaluation permet la triangulation au sens d’Allal et de Mottier Lopez (2009) puisqu’il amène les différents acteurs à partager leurs avis, à confronter leurs modalités d’évaluation (dans le cas des stages, les rapports globaux de l’étudiant et du maitre de stage ainsi que les rapports précis inhérents à une visite des superviseurs), tout en se référant à des savoirs théoriques, mais aussi aux compétences attendues.

Comme nous l’avons montré dans nos travaux (Colognesi et Van Nieuwenhoven, 2017), il existe un manque de clarté entre la dimension formative et la dimension certificative d’une coévaluation. Cette situation peut, pour certains superviseurs, être source de tension (Maes et al., 2019a, 2019b). Devant cette tension, le superviseur peut avoir l’impression de devoir assurer des rôles contradictoires : celui de compagnon et de juge (Bujold, 2002). Il est ainsi placé devant un dilemme (Mieusset, 2013). D’ailleurs, Chaliès et Durand (2000) mettent en évidence que plus le superviseur est impliqué dans la certification, plus les relations qu’il développe avec le stagiaire sont influencées par le souci d’évaluer, plutôt que par celui de former. L’enjeu est donc bien, pour le superviseur, de pouvoir se démarquer d’une seule perspective de contrôle afin d’assurer auprès de l’étudiant le rôle de compagnon réflexif (Donnay et Charlier, 2008). Partant, comme le mentionne Allal (2006), la coévaluation devrait amener les coévaluateurs à répondre à deux questions essentielles : Quels sont les points positifs, les atouts de l’étudiant? Quelles sont les pistes pour améliorer les pratiques? Dans cette perspective de « coévaluation » permettant à l’étudiant de confronter son autoévaluation à l’évaluation des autres membres de la triade, la dimension formative, centrée sur la régulation, devrait rester au coeur de ce type de processus évaluatif.

Méthodologie

Pour rappel, notre intérêt de recherche est de savoir en quoi le partage de représentations sur la coévaluation de stage, la coconstruction d’une définition de ce qu’est coévaluer et l’analyse collégiale des pratiques de supervision influencent la « qualité » de la recherche collaborative, entendue ici sous l’aspect du développement professionnel des superviseurs participants. Nous ciblerons trois axes pour le documenter : 1) la définition coconstruite par les acteurs et sa modification au fil du temps, 2) les bénéfices et les freins identifiés par les superviseurs dans le travail de cet objet « en collaboration » et 3) les modifications qu’ils ont apportées dans le dispositif même de coévaluation.

Dans cette partie relative à la méthodologie, nous présentons successivement le panorama global de la recherche dans lequel cette étude s’inscrit, les étapes que le groupe a suivies ainsi que les modalités de recueil et de traitement de données.

Le panorama global du GRAPPE

La présente recherche s’inscrit dans les travaux du GRAPPE, qui rassemble tous les acteurs concernés par la question de l’accompagnement des stages : maitres de stage (l’enseignant qui accueille l’étudiant dans sa classe), superviseurs (l’accompagnateur de l’institut de formation), responsables des stages, directeurs d’institut pédagogique et chercheurs. Ces travaux mettent en avant que les praticiens (en l’occurrence les maitres de stage et les superviseurs) disposent d’une marge de manoeuvre et de ressources pour agir, et qu’ils peuvent rendre compte de leurs raisons d’agir.

Ainsi, nous avons fait ce choix de paradigme de recherche pour travailler à partir des préoccupations des acteurs afin de comprendre comment ils fonctionnent dans leur contexte et afin de chercher avec eux – et non « sur » eux. Ce choix se justifie d’autant plus que les tensions vécues par les différents acteurs trouvent leur ancrage dans les interactions qui les relient au stagiaire, et révèlent souvent une méconnaissance de leurs postures et rôles respectifs. Ainsi, cela donne la possibilité aux chercheurs de comprendre, avec les acteurs, dans une perspective située (Lave et Wenger, 1991 ; Mottier Lopez, 2008), ce qui est au coeur de leur agir.

Six groupes (voir Figure 1) coexistent à l’intérieur du GRAPPE, chacun étant centré sur une ou plusieurs problématiques spécifiques.

Figure 1

Architecture du GRAPPE

Architecture du GRAPPE

Note. GC = groupe de collaborateurs ; MDS = maitres de stage ; en gris = les groupes dont les objectifs sont atteints.

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Trois groupes ciblent les maitres de stage : ceux du préscolaire (Groupe collaboratif 1), ceux du primaire (GC2) et ceux du secondaire (GC6). Ils sont chacun constitués d’environ 15 maitres de stage, de formateurs des hautes écoles pédagogiques et de chercheurs. Ils s’intéressent aux besoins réels et souhaités des maitres de stage, mais aussi aux ingrédients nécessaires pour installer une relation entre maitre de stage et stagiaire qui permet le bien-être et le développement professionnel de chacun.

Sur la base de ces travaux, en parallèle, le GC4, constitué de maitres de stage des groupes 1 et 2, propose une formation sur l’accompagnement à leurs pairs, formation qu’il a coconstruite. C’est une première en Belgique francophone, et plus de 150 maitres de stage ont ainsi déjà été formés. Enfin, un autre groupe, le GC5, a comme ambition de mettre au jour leurs rôles respectifs, et de construire une modélisation reprenant les gestes spécifiques et partagés des maitres de stage et des superviseurs.

C’est le GC3 qui est au coeur de cette contribution. Il est constitué de 10 superviseurs (dont 2 sont aussi responsables des stages dans leur institution) et de 2 chercheurs. Le tableau 1 donne à voir quelques informations sur les superviseurs concernés par cette étude.

Tableau 1

Description des participants

Description des participants

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Le groupe chemine depuis 2013 avec plusieurs préoccupations : Quels sont les gestes communs et spécifiques des superviseurs lors d’une visite de stage? Quelles tensions vivent-ils? Y a-t-il un genre « agir superviseur »? Comment se met en place le processus de coévaluation de stage?

Plusieurs publications ont émané de ces interpellations. Ce groupe s’est également donné une mission directement ancrée sur le terrain de la formation : concevoir une formation à l’accompagnement et à l’évaluation des stages à destination de leurs collègues, avec une réflexion particulière centrée sur la coévaluation.

Les étapes vécues par le groupe collaboratif autour de la coévaluation de stage

Le groupe 3, pour s’emparer de la question de la coévaluation des stages, est passé par plusieurs étapes, réparties sur trois années scolaires (voir Figure 2).

Étape 1 : La première des étapes a été de codéfinir les objectifs de la recherche collaborative, en l’occurrence d’explorer le processus de coévaluation tel qu’il est mené dans les instituts des participants, puis de le confronter à la recension des écrits pour circonscrire le concept et pour permettre une appropriation conceptuelle de tous les membres du groupe.

Figure 2.

Étapes du GC3 pour travailler sur l’évaluation des stages

Étapes du GC3 pour travailler sur l’évaluation des stages

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Étape 2 : À la deuxième étape, pour rester au plus près des pratiques, le groupe a réalisé un recueil de données en lien avec les objectifs codéfinis. Ainsi, des entretiens semi-directifs ont d’abord été réalisés auprès de huit superviseurs appartenant à un institut de formation des enseignants du primaire ; ils sont soit psychopédagogues ou didacticiens et suivent tous les étudiants de deuxième année. Il leur a ainsi été demandé d’expliciter la manière dont ils réalisent une coévaluation. Ensuite, pour confronter ces données issues de l’activité déclarée des superviseurs avec leur activité réelle, 16 coévaluations rassemblant deux superviseurs et un étudiant ont été enregistrées et retranscrites. Enfin, pour ne pas occulter un des acteurs de la coévaluation, 249 étudiants ont répondu à un questionnaire permettant d’obtenir leur avis tant sur le processus de coévaluation que sur les bénéfices qu’ils peuvent en retirer.

Étape 3 : La troisième étape a mené le groupe à une analyse de l’ensemble des données. Ce travail a été réalisé en collectif par le biais d’une analyse de contenu des verbatims issus des entretiens semi-directifs et des coévaluations menées en direct, en suivant trois phases (voir Tableau 2).

En réalisant ce travail, le groupe a pu caractériser les types d’interventions qu’ont les participants lors d’un entretien de coévaluation, dégager les liens qu’ils peuvent établir ou non avec la modélisation conceptuelle élaborée lors de l’étape 1 et mettre en évidence les variations qui existent entre les manières de faire. Ces résultats ont été diffusés par les chercheurs et par certains superviseurs lors de congrès et par le biais d’articles scientifiques.

Tableau 2

Trois phases d’analyse des données

Trois phases d’analyse des données

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Il a fallu au groupe une année pour définir ses objectifs, construire une compréhension partagée des concepts, collecter et analyser les données, puis une année aussi pour concevoir une formation adaptée aux collègues (étape 4), à raison de cinq rencontres collectives et de travaux intermédiaires en sous-groupes. Les données de recherche et leur analyse ont été mobilisées comme matériaux de travail pour les formés, puis les activités ont été jouées dans le groupe afin de les affiner et de les rendre les plus opérationnelles possible.

Ainsi, le groupe a tenu une journée de formation rassemblant plus de 100 formateurs de deux hautes écoles pédagogiques (étape 5). Ces derniers ont d’abord assisté à une conférence plénière mettant en évidence le cadre théorique inhérent à l’accompagnement, puis ont vécu différents ateliers, dont un axé sur la coévaluation. Dans cet atelier, ils ont été amenés à : classer les verbatims issus des recueils de données ; construire en sous-groupe des catégories de postures des formateurs en regard des cadres théoriques de la coévaluation qui leur ont été proposés et de l’analyse de l’enquête des étudiants ; puis partager sur les dispositifs des uns et des autres en imaginant finalement des pistes d’intervention et d’amélioration de ceux-ci.

Cette formation a donné lieu à du suivi dans les instituts (étape 5), d’abord par un prolongement avec l’ensemble des collègues, puis par la révision des dispositifs existants. Ce suivi a été géré par les membres du GC3, dans leur institut respectif.

Les modalités de recueil et de traitement des données

Pour répondre à notre question de recherche, et donc mettre au jour le développement professionnel des superviseurs engagés dans le GC3, deux approches ont été réalisées.

Premièrement, pour identifier les principales retombées de la recherche collaborative sur la coévaluation en matière de bénéfices et de freins, nous avons demandé individuellement aux 10 superviseurs, au fil du processus et en fin de processus, de décrire leur cheminement dans le groupe en identifiant les actions qu’ils ont menées, les apprentissages vécus, les avantages perçus et les difficultés ressenties. Ils ont pu aussi ajouter toute information qui leur semblait intéressante à rapporter quant à leur évolution et leurs actions.

Ces traces ont été fournies par écrit aux chercheurs (qui les ont retranscrites, dans le cas où les participants avaient écrit à la main). Cela représente un volume allant entre 4 et 10 pages. Pour certains superviseurs, ces traces prenaient la forme de notes sur une ligne du temps, avec les dates des rencontres, des mots clés et les aspects demandés, tandis que, pour d’autres, il s’agissait d’un texte structuré autour des moments importants de la recherche collaborative, eux-mêmes structurés en fonction des aspects étudiés.

Une analyse de contenu (Miles et Huberman, 1994) a été appliquée aux 10 récits récoltés. Nous avons structuré les données autour de catégories préétablies relativement aux apprentissages inhérents à la coévaluation, aux freins et aux leviers de la recherche collaborative, entendus comme différents développements (Van Nieuwenhoven et Colognesi, 2015) présentés supra : développement personnel, développement professionnel direct et développement professionnel indirect.

Deuxièmement, pour documenter la prise en charge du travail des superviseurs en situation de coévaluation, nous avons récolté auprès des quatre superviseurs de l’institut 2 les traces des réunions qui ont eu lieu dans le temps de suivi (voir Figure 2) relativement à la deuxième année de formation, qui comporte deux stages dans la même classe (un en février, l’autre en avril).

Nous avons ainsi obtenu les procès-verbaux et notes personnelles des réunions ainsi que les documents qui constituent les balises institutionnelles relatives à la coévaluation avant et après modification. Une analyse de contenu a été réalisée sur ces documents écrits pour mettre au jour les ajustements effectués dans le dispositif.

Résultats

Premièrement, nous rapportons des éléments relatifs à la définition coconstruite par les acteurs et à sa modification au fil du temps. Deuxièmement, nous mettons en évidence les leviers et les freins d’un travail à propos de la coévaluation de stage en collaboration. Des verbatims emblématiques viennent illustrer les propos. Ils ont été choisis pour leur représentativité des propos véhiculés par plusieurs superviseurs. Troisièmement, nous présentons les grandes modifications qui ont été apportées dans le dispositif de coévaluation au sein de l’institut 2.

L’évolution des conceptions des superviseurs relatives à la coévaluation

L’analyse des traces laissées par les superviseurs concernant leur conception d’une coévaluation révèle trois grandes modifications présentes chez tous les superviseurs.

Premièrement, la définition même de la coévaluation a évolué, passant d’un temps « essentiellement de bilan avec l’étudiant » vers un « moment véritablement de régulation des pratiques » (S2)[1]. Ce sont des termes relevés majoritairement dans les notes analysées.

Deuxièmement, dans les récits des superviseurs, accrochée à cette conception de moment de régulation, l’idée selon laquelle la manière d’interagir avec l’étudiant va modifier le déroulement même de la coévaluation est présente. Ainsi, il est question de l’importance des questions qu’ils posent, qui « doivent être beaucoup plus dans la réflexivité que ce qu’on fait habituellement » (S6), de manière à ce que l’étudiant « se sente soutenu et pas toujours contrôlé » (S10).

Troisièmement, une dernière prise de conscience qui se retrouve dans les propos définitoires de la coévaluation est relative à une fonction du feedback (Nicol et Macfarlane-Dick, 2006) : la coévaluation est un « lieu qui permet de donner aussi des informations aux collègues sur les dispositifs que les étudiants ont bien compris ou ce qu’on devrait retravailler plus au cours » (S3). Dans ce sens, les participants relèvent l’intérêt de partager entre collègues ce qui se discute en coévaluation avec l’étudiant puisque cela peut devenir « un levier pour la formation et le programme » (S7) : mettre au jour les concepts et dispositifs d’enseignement que les étudiants ont bien compris/mis en place, et ceux qui posent des difficultés.

Les gains et les freins d’un travail sur la coévaluation par une recherche collaborative

Des gains en développement personnel

Il ressort de l’analyse des propos recueillis trois grands gains personnels. Tout d’abord, émerge le sentiment de compétence et d’utilité ressenti par tous les superviseurs participants. Ils disent en effet se sentir investis et utiles dans la recherche et dans la formation proposée aux collègues sur la base des découvertes du groupe : « Je ne me rendais pas compte que je pouvais apporter quelque chose à quelqu’un. » (S1)

Ensuite, il ressort également de l’analyse des données le sentiment que les participants ont de s’être enrichis tout au long du processus de recherche collaborative, par exemple : le développement des compétences d’écoute des autres, d’acceptation des idées et des stratégies différentes des siennes, la compréhension des manières de réfléchir, etc. « J’ai manifestement développé des compétences personnelles d’écoute, d’empathie, de non-jugement, de créativité pour toucher chacun où il se trouve. » (S4)

Enfin, les notions de satisfaction et de plaisir d’être là, de retrouver les autres et de travailler ensemble apparaissent dans les propos de 9 des 10 superviseurs : « J’ai beaucoup appris et ai été enrichie des propos, avis, commentaires, expériences, expertises des uns et des autres, mais aussi j’ai beaucoup apprécié ce travail de recherche collaborative, qui m’a beaucoup enrichie sur le plan professionnel, mais aussi personnel. » (S6)

Des gains en développement professionnel direct

Trois sous-catégories ont été dégagées dans les gains professionnels directs, c’est-à-dire des bénéfices directement en lien avec les tâches du superviseur en situation d’évaluation.

La première sous-catégorie est la réflexion sur soi comme évaluateur. Tous les participants mentionnent que tout ce travail, dans la durée, sur la coévaluation leur a permis de se positionner sur leur manière d’évaluer l’étudiant, d’avoir une réflexion sur leur posture. Certains mentionnent d’ailleurs un passage d’une posture de vérification vers une posture s’ancrant davantage dans la formation et l’accompagnement :

« Cela me permet de réfléchir à mon rôle de superviseur. »

S8

« Je mesure mieux ma responsabilité et l’impact que j’ai sur le développement des étudiants. »

S2

« Je remarque une évolution de ma posture d’accompagnement liée à la supervision grâce aux apports du GC3. »

S9

« Tous ces moments permettent de se poser, de se laisser interpeller par des questions “essentielles”. »

S4

La deuxième sous-catégorie identifiée est celle relative aux leviers inhérents au processus collaboratif pour analyser et modifier le dispositif d’évaluation des stages tel qu’il est appliqué dans les différents instituts pédagogiques. Ainsi, l’analyse collective des données issues tant des propos de leurs pairs superviseurs que d’enregistrements de coévaluation en direct a permis des discussions en équipe et la proposition de balises pour que chacun puisse relire lui-même ses dispositifs : « J’ai pris conscience des améliorations que nous devrions intégrer dans le dispositif pour qu’il soit plus porteur. » (S6)

La troisième sous-catégorie qui ressort de l’analyse est l’identification par les superviseurs participants des bénéfices de travailler en équipe, avec leurs propres collègues, pour rendre possibles et assurer les innovations proposées. Ce travail pourra se faire sur la base du matériau recueilli, qui est, aux yeux des acteurs, crédible puisqu’il est issu de données de recherche validées par le groupe collaboratif :

« Je suis plus que jamais convaincue de l’intérêt de travailler en équipe! »

S7

« Nous devons mettre une attention toujours plus aigüe sur le contexte de chacun, sur les besoins de chacun et sur la nécessité de disposer de traces authentiques pour soutenir la discussion. Privilégier les partages et prendre le temps. »

S3

Des gains en développement professionnel indirect

Par « développement professionnel indirect », nous entendons l’expérience acquise qui permet aux participants de la recherche collaborative d’intervenir au-delà des questions directes qui sont traitées ou de leur champ d’intervention quotidien. Sur ce plan, il ressort de l’analyse des propos récoltés que les superviseurs réalisent que, grâce à leur participation à la recherche collaborative sur la réflexion autour de l’accompagnement des stages, ils sont reconnus par leurs pairs comme personne-ressource : « Je deviens une personne-ressource auprès des collègues quand ils ont des questions relatives à l’accompagnement et à la coévaluation. » (S6)

De plus, les participants mentionnent que le processus leur a permis de développer des compétences nouvelles dans un domaine dans lequel ils ne sont pas experts au quotidien. Ainsi, si les superviseurs expliquent qu’ils ont acquis des compétences en recherche, les chercheurs mentionnent, quant à eux, qu’ils ont développé des habiletés pour construire des dispositifs pratiques et des interventions dans le cadre de formations :

« J’ai approché d’un peu plus près l’univers des chercheurs. »

S2

« J’ai beaucoup appris en ce qui concerne la modélisation dynamique de dispositifs. »

S8

Des freins identifiés

Le travail d’analyse a permis de mettre au jour trois freins de la recherche collaborative, et spécifiquement de la recherche collaborative que nous avons menée sur la coévaluation des stages.

Premièrement, il en ressort que le travail sur un matériau provenant directement des collègues met certaines personnes mal à l’aise. En effet, une participante explique qu’elle pouvait parfois reconnaitre les individus et arrivait alors difficilement à se mettre à distance par rapport à cela : « Je me suis sentie quelques fois mal à l’aise sur le plan “déontologique” par rapport à l’anonymat qui, de mon point de vue, n’était pas “toujours protégé”, comme dans le cas de dépouillement des questionnaires, où nous pouvions reconnaitre nos collègues. » (S4)

Deuxièmement, il semble nécessaire, et cela est bien en écho avec les constats déjà menés sur la mise en place de recherches collaboratives, que les acteurs ont besoin de temps pour que chacun se sente à sa place, légitime et pour qu’une réelle coconstruction puisse avoir lieu : « J’ai approché d’un peu plus près l’univers des chercheurs. Je sais aussi que cette position ne me correspond pas réellement : je ne me suis pas toujours sentie à ma place dans ce groupe. Au début, très intimidée, mais après avec un appel d’énergie. » (S2)

Troisièmement, il en ressort que les participants qui ne sont pas chercheurs mentionnent éprouver des difficultés de conceptualisation à l’interface du monde du chercheur et du praticien. Ainsi, ils ressentent le besoin de prendre du temps pour définir les mots et d’avoir un vocabulaire commun et compris par tous : « Il y a la nécessité de conceptualiser sans jargonner, en partant d’où les gens sont, sans avoir un projet “pour” l’autre. » (S5)

Les modifications apportées dans le dispositif de coévaluation par les participants

Le dispositif initial de coévaluation dans l’institut 2 était identique pour les deux stages de deuxième année. Il comportait neuf étapes :

  1. l’étudiant prend la parole pour donner son ressenti par rapport au stage,

  2. les objectifs personnels de l’étudiant sont relus,

  3. la manière de gérer le groupe est remise en question par les superviseurs,

  4. le fil conducteur du stage est présenté par l’étudiant,

  5. une synthèse des forces et des points faibles est présentée par l’étudiant,

  6. les superviseurs choisissent quelques activités et questionnent l’étudiant, qui justifie ses choix méthodologiques,

  7. des questions « diverses » sont posées par les superviseurs en fonction des aspects relevés,

  8. une synthèse du stage est faite par les superviseurs, et

  9. des objectifs sont fixés pour le prochain stage.

À noter que les différences de pratiques d’un groupe de superviseurs à l’autre, au-delà de ces balises institutionnelles, ont déjà été documentées (voir Colognesi et Van Nieuwenhoven, 2017). Les traces analysées laissent apparaitre plusieurs modifications dans cette manière de travailler.

Tout d’abord, le dispositif est devenu différent pour le stage 1 et le stage 2. Il a ainsi respectivement été étiqueté « coévaluation formative » et « coévaluation certificative ». Les intentions poursuivies ont aussi été redéfinies entre les superviseurs. Pour le stage 1, l’intention est la régulation des pratiques, tandis que, pour le stage 2, elle vise le bilan des compétences. Assorti à cela, le temps a aussi été découpé autrement : le stage 1 envisagera une coévaluation de 50 à 60 minutes, tandis qu’elle sera plus courte (20-30 minutes) pour le stage 2. (Il s’agit alors de passer chaque compétence en revue, sur la base des rapports des différents participants.)

Ensuite, les modalités de la première coévaluation « formative » ont été revues, notamment pour laisser « plus de place à l’étudiant et à son projet de formation ». Elle comporte alors quatre étapes, plutôt que les neuf existantes :

  1. un rappel du cadre,

  2. un temps de parole laissé à l’étudiant pour qu’il explicite le bilan qu’il fait de son stage (ses atouts ; ce qu’il pense de l’atteinte de ses objectifs personnels ; l’identification de ses défis et besoins ; l’explicitation de ses accords ou désaccords relatifs aux rapports du maitre de stage et des superviseurs),

  3. un temps d’analyse de plusieurs aspects du stage sur la base de ce que l’étudiant a prévu et aimerait discuter pour s’améliorer (p. ex., la mise au travail des élèves, la différenciation, l’évaluation formative, les temps de synthèse), et

  4. un temps de synthèse de l’entretien et du stage, où l’étudiant est amené à dire ce qu’il retient, puis, ensemble, les superviseurs et l’étudiant identifient trois de ses forces et deux défis prioritaires pour le prochain stage.

Enfin, pour rester dans une optique formative, notamment au temps 3 explicité ci-dessus, les superviseurs qui ont participé à la recherche collaborative ont invité leurs collègues à faire un jeu de rôle et à vivre ainsi une coévaluation (sur la base d’un de leurs dispositifs de formation), par groupe de quatre. Ainsi, deux collègues ont joué les superviseurs, un a joué l’étudiant, pendant qu’un quatrième prenait note des questions posées. Ensuite, comme cela s’est fait lors de l’analyse des données dans la recherche collaborative, les animateurs ont invité le groupe à classer les questions qui ont été relevées. Sur cette base, seules les questions de « formation » (et non de contrôle), dont quelques-unes sont rapportées ci-dessous, ont été conservées. Un guide a été élaboré pour permettre aux superviseurs d’être équipés pour gérer une coévaluation :

  • Qu’est-ce que cette modification/proposition aurait apporté en plus?

  • Est-ce que c’est une pratique que tu présenterais aux autres étudiants du groupe? Pourquoi?

  • Qu’est-ce qui t’a guidé(e) pour faire ces choix? Quelles ressources t’ont aidé(e) (théories, sites, manuels, personnes-ressources, etc.)?

  • Si c’était à refaire, que garderais-tu? Dans le même contexte et dans d’autres contextes, que ferais-tu?

  • Quelles pratiques pourrais-tu réinvestir ailleurs?

  • Quelles autres possibilités s’offraient à toi? Aurait-on pu faire autrement?

Discussion et conclusion

Nous avons montré qu’un travail sur la coévaluation des stages par la recherche collaborative a eu des retombées positives sur les acteurs-superviseurs eux-mêmes et sur la prise en charge de leur travail.

En effet, d’abord, des prises de conscience des superviseurs quant à l’aspect définitoire de ce qu’est une coévaluation ont été identifiées. Ensuite, des retombées personnelles – inhérentes, nous semble-t-il, à toute recherche collaborative – ont d’abord été signalées : amélioration des sentiments de compétence, d’utilité et d’apprentissage. Plus intéressants dans le cadre même du travail, des bénéfices directs relativement aux tâches d’évaluation des stages par le superviseur ont été mis en évidence. En effet, le processus de recherche collaborative, vécu pendant trois ans, a permis aux participants de repenser leur posture d’évaluateur et, en conséquence, leurs actions en situation. Cela a été montré dans l’ajustement du dispositif même de coévaluation dans un institut, ajustement mené par les superviseurs ayant participé à la recherche collaborative. Ainsi, ils se sont inspirés de ce qu’ils ont vécu et d’une démarche de recherche pour faire évoluer à leur tour les conceptions et pratiques de leurs collègues. Dans ce sens, et en écho au fait que le travail d’évaluation de stages des superviseurs est peu connu et que les pratiques sont peu partagées (Gouin et Hamel, 2015), la recherche collaborative a permis des partages et un réalignement de l’objet même de la coévaluation.

Par ailleurs, nos résultats ont également montré que le travail par une recherche collaborative autour d’un dispositif de formation – ici, de la coévaluation – a amené à remettre fondamentalement en question celui-ci. Plus encore, cela semble rendre possibles les aménagements puisqu’ils sont réfléchis, soutenus et portés par les acteurs, sur la base de l’analyse du travail réel des superviseurs eux-mêmes. De surcroît, c’est ce travail en collaboration qui leur a également montré combien le groupe est nécessaire dans ce genre de travail pour rendre solides les réflexions et les prises de décision.

Dans ce sens, l’apport de notre étude est celui-ci : la recherche collaborative peut amener les professionnels à réfléchir sur leurs pratiques et, spécifiquement, sur des pratiques complexes, peu connues, peu partagées et pour lesquelles il y a peu de balises. Ce travail de longue haleine qu’est la recherche collaborative peut effectivement amener des changements dans les postures des participants, dans la redéfinition de leurs actions et dans la compréhension de celles-ci vers l’amélioration de leur agir (Bourassa et al., 2007).

Ainsi, le partage de représentations, les négociations autour de l’objet à l’étude (en l’occurrence la coévaluation des stages en enseignement) ainsi que l’analyse croisée et collégiale de données déclarées et réelles ont participé à la « qualité » de la recherche collaborative. Le choix d’un objet peu connu et qui donne lieu à des interprétations et pratiques variées constitue un excellent stimulant à la confrontation des points de vue. L’occasion de réunir des praticiens habitués à s’impliquer dans des recherches collaboratives sur leurs propres pratiques avec des chercheurs a permis de construire des connaissances susceptibles de mobiliser de nouvelles pratiques. L’articulation des différentes recherches menées par le même groupe collaboratif et en synergie avec les autres groupes du GRAPPE a permis de valider les acquis construits progressivement et de garantir une communication plus directe entre la communauté des chercheurs en sciences de l’éducation et la communauté des praticiens (Bourassa et al., 2007).

Au-delà de la richesse du maintien d’une équipe de recherche stable en matière de développement personnel de chacun des acteurs (Mukamurera, 2014 ; Van Nieuwenhoven et Colognesi, 2015), des limites sont clairement identifiées également dans notre recherche. Il est difficile de rendre compte de la qualité des échanges et de la force de la rencontre entre des praticiens et des chercheurs en matière de développement de connaissances nouvelles. Le choix a été de donner la parole aux acteurs sur les freins et les atouts, mais il aurait été intéressant d’observer les dynamiques de travail et de dégager les critères qui permettent de valider les confrontations cognitives en jeu, comme l’ont proposé Mottier Lopez, Tessaro, Dechamboux et Morales Villabona (2012) avec le concept de modération sociale.

Pour s’inscrire dans la continuité de la recherche présentée, il serait intéressant d’ouvrir la collaboration à d’autres instituts de formation et de réaliser quelques études de cas autour des coévaluations pour rendre compte de la prise en compte de la singularité des étudiants et pour dégager l’impact du contexte formatif et certificatif sur les pratiques.