Corps de l’article

Aucune attribution requise. Utilisation libre. https://pxhere.com/fr/photo/1226

-> Voir la liste des figures

On s’accroche. / Va falloir qu’on tienne le coup, révolte, révolte, révolte, qu’on soit prêt à pousser des portes. / Merci d’être venu dans mon salon. / J’ai comme un peu l’impression d’être avec vous. / Au plaisir de vous voir à deux mètres de distance avant de pouvoir vous prendre dans mes bras. / Prenez soin de vous. / Bon confinement ou déconfinement, ne soyons pas trop des cons finis dans ce déconfinement. / Stay home, stay safe, je vous aime.

Commencer par la fin, par les phrases lancées de la bouche des artistes avant d’éteindre le direct, qui font signe à un « nous » solidaire malgré la solitude. Un « nous » devenu le coeur d’une communauté désoeuvrée par nos existences désormais confinées. Entamer, donc, cette trajectoire d’écriture dans le désordre, par ces adresses qui esquissent les contours d’un « après » inconnu, en cohérence avec les horizons qui tremblent et s’estompent, nous contraignant à un présent inimaginable. Partir du rappel de ce qui nous sépare, mais aussi de ce qui nous unit : les mots qui cherchent à tricher la distance, à toucher, à réduire l’épaisseur des écrans agissant comme quatrième mur. Il faut lever les rideaux, imaginaires mais concrets, afin de parvenir à autrui, de contourner les exigences de cette réalité inédite qui s’interpose dans nos liens, les rend friables tout en réitérant leur importance. Comment prendre soin de ce qui nous informe, les uns les autres, alors que la proximité est proscrite, que le seul contact admissible met à mal une certaine mutualité? Comme pour trouver un sens à ces interrogations vertigineuses, le théâtre, lieu de rencontres, s’est déplacé sur la toile, gardant de cette image les fils (de soie) qui s’entrecroisent, les noeuds qui se forment, petits contingents d’individus renégociant les frontières du privé et du public pour que le noyau du monde s’agite ailleurs, dans leur foyer.

La crise liée au coronavirus a remué notre quotidien, mais c’est ce qui en émerge, soit les différentes initiatives offertes sur diverses plateformes numériques qui tendent à la réfléchir, qui suscite ici mon attention. Ces initiatives sont moins des intermèdes à la crise que des prolongements, des manières de traduire autrement ce que nous ne parvenons peut-être pas encore à dire, faute de rétrospective. Parmi celles-ci, au Québec, les Monologues intérieurs, une idée d’Éric Noël, en collaboration avec le Centre des auteurs dramatiques (CEAD) et ses membres. Les Monologues proposaient trois séances par semaine, souvent doubles, se tenant sur la plateforme Facebook : deux le soir, une l’après-midi pour que parents et enfants puissent y participer. À 20 heures, une notification, un son de cloche. Une fenêtre s’ouvre, un visage apparaît, parfois marqué par le doute que le direct ait déjà débuté, que des gens quelque part soient en train de regarder. Puis, toujours la même chorégraphie : quelques minutes pour que les personnes entrent en « salle » virtuelle, en silence ou en musique; le texte lu et joué; et une période d’échange. À tout moment, le public peut interagir en commentaire. C’est dans cet espace, en marge de la vidéo, que seront déposés les applaudissements isolés alors qu’ils ont l’habitude de se répondre en écho : des « bravo! », des « merci! », des coeurs qui auront la grandeur du battement de mains.

La genèse de ce projet, explique Noël, découle d’un « engourdissement » (cité dans Saint-Pierre, 2020) de création durant cette pandémie, la réalité excédant tout[1], puis d’une volonté de (re)penser la place du théâtre, ses possibles et ses limites en temps de crise. Pour ces raisons, le geste de reprendre des textes de répertoire, entiers ou non, s’est imposé. Or, il s’agissait moins de les lire comme s’ils étaient fixés sur le papier, immuables et intouchables, que de les faire entendre se cogner au chaos du dehors et ainsi de les renouveler. « Dehors, c’est trop vaste, c’est trop partout et nulle part[2] », dira Marie-Ève Francoeur lors de sa performance de Voir pour croire (pour Thomas); c’est insaisissable, impossible à circonscrire, et ça se défile tout en demeurant là, nos corps comme autant de caisses de résonance de cet extérieur bruyant. En dépit (ou en raison) de cette profonde rupture qui s’opère, nous devenons ainsi, plus que jamais, soudé·es, lié·es à cette même déchirure du réel, bien que celle-ci soit pour les personnes vulnérables et marginalisées[3] beaucoup plus significative et tragique : une question de (sur)vie. Je reconnais le privilège que j’ai de me retrouver derrière mon ordinateur, de ne pas être en première ligne devant la mort. J’ai alors d’autant plus la responsabilité politique de faire volte-face pour soutenir le dialogue avec ce qui s’anime dans le coeur du social, de témoigner de ce qui s’y brise. Les Monologues, en traçant constamment des lignes de fuite hors de nos maisons, me conviaient à rester dans l’inconfort de la situation, à expérimenter, avant de vouloir reconstruire, ce que la perte de nos points d’appui dénonce et rend visible.

Une courtepointe de présences virtuelles : être seul·es ensemble

Le théâtre, s’il s’est moins réinventé que reconfiguré, s’infiltrant là où il pouvait encore livrer certains reflets du monde, a su démontrer, une fois de plus, sa pertinence en temps d’immenses bouleversements. Ne serait-ce qu’en promettant une rencontre, en tissant la possibilité que nous puissions nous assembler dans l’écart, comme autant de bas dépareillés qui, dans l’attente d’être jumelés de nouveau, reposent dans la noirceur d’un tiroir « croche » qui ne se referme plus, pour reprendre une image de la pièce Fanal de Mélanie Lucas. Chacun·e devant son ordinateur, peut-être sentions-nous que nos corps avaient perdu au jeu des paires, n’ayant plus accès à cette part de nous-même que nous renvoie autrui, de la scène à la salle et inversement. À la fin d’un amour, avoue le personnage de Fanal, on conserve, tel un secret qu’on enfouit loin en soi par peur de déclencher de nouveau la tempête et pour protéger ce qu’il en reste, la « mémoire des corps, ses miettes, tout[4] ». À l’intérieur de cette fracture sociale, persiste la chorégraphie ancienne de certains gestes, le souvenir de nos membres les exécutant pour tendre vers l’autre, ainsi que le rituel parfois inconscient à l’origine de nos occupations du temps, de l’espace. À chaque début de séance des Monologues, me revenait cette impression d’avant-spectacle, lorsque la salle se remplit et que les chuchotements s’y disséminent, que les mains fouillent les programmes, que le trac des comédien·nes se devine depuis les coulisses. J’avais pourtant la forte conviction que plus rien ne serait pareil, qu’il faudrait penser et vivre les choses autrement.

J’ai résisté – je résiste toujours – à m’abandonner aux activités de confinement, celles qui nous poussent à mettre la catastrophe de côté, à relancer un rythme effréné alors qu’il faut peut-être oser le surplace[5], bref, celles qui reconduisent à tout prix la linéarité de nos existences. Je n’ai aucune envie de me « divertir », de détourner les yeux, lorsque des vies sont arrachées, que des droits sont encore une fois bafoués, et qu’il faut redoubler de vigilance. Mais les Monologues, en raison de leur caractère imprévisible et de leur potentiel à élever toute notre vulnérabilité, me sont apparus comme des expériences de (re)connexion à autrui, au monde. Malgré les contraintes actuelles qui forcent à revoir ce qu’il y a de vivant dans les arts, et comment celui-ci s’exprime, ils ont permis au théâtre de se faire, de se déconstruire, d’adopter une réponse vivante, immanente aux chocs. En découpant dans l’intime un autre espace de scène, là où advient d’ordinaire un corps en présence qui donne et reçoit, ils sont parvenus à raccorder chaque spectateur·trice en un ensemble hétérogène, modulable selon les va-et-vient : une courtepointe virtuelle. Nous étions des Sara, personnage de la pièce Sara danse de Danièle LeBlanc, seul·es au milieu d’une foule, « seul·es parmi les autres[6] ». Si la racine latine de « arts » évoque une « habilité », une « connaissance technique », les Monologues m’ont semblé prioriser un savoir-défaire[7] plutôt qu’un savoir-faire : devant la part d’imprévu intrinsèque aux prestations (qui, à tout moment, pouvaient être interrompues par divers problèmes technologiques ou être traversées de sons provenant d’une autre pièce, etc.), devant la singularité des actions (réciter devant un public présent mais absent, assister à une lecture qui est moins le fruit d’une répétition que d’une certaine improvisation), les participant·es consentaient au surgissement de l’insoupçonné, acceptaient les erreurs d’exécution, laissaient les émotions prendre corps. Un savoir-défaire pour que la forme de ces rassemblements honore la fragilité et l’éclatement du monde, mais également pour sortir d’une logique d’utilité, de tout impératif de performance. « [I]l y a quelque chose de très artisanal là-dedans, une imprévisibilité qui devrait contribuer au charme de l’ensemble », avoue Noël (cité dans Saint-Pierre, 2020). Quelque chose de brut qui, travaillé à la fois par la fugacité et la maîtrise, préfère l’imparfait. Je lis également, dans les propos de Noël, une invitation à rejeter le caractère générique et reproductible des modes d’emploi afin qu’apparaissent des significations originales, voire une urgence à penser l’à-côté des marches à suivre, à demeurer finalement dans le « en cours de route » parce que seul le mouvement produit un autre ordre des choses, nous entraîne vers autrui. Nous faisions ainsi place à l’inopiné et au spontané, au coeur desquels se cachent toujours du révolutionnaire et les conditions d’émergence d’une véritable rencontre. Lorsque les mécanismes préexistants tombent, que le contrôle échappe, le vertige de l’absence, du rien, rapproche. Dès lors, du mot « erreur », je retiens surtout la parenté sémantique avec le mot « errance », c’est-à-dire qu’en sortant du connu, en cherchant, en s’égarant, on se trompe, on piétine et on se reprend. Même quand tout paraît impossible et figé, on avance et on continue. Et dans le contexte de ces directs, miroirs des circonstances sociales actuelles, il me semble que le processus, le chemin emprunté, ou le voyage d’amour pour retrouver l’avenir, comme le dirait Georges Boivin[8], avec ce qu’il comporte de détours et de sorties de piste, l’emporte sur la fin, sur la fatalité. À l’occasion de deux soirs par semaine, les mercredis et vendredis, une idée m’habitait : peut-être avons-nous l’impression qu’il ne se « passe [plus] rien[9] », mais tout (se) passe.

J’arrive au milieu des Monologues, lors de la seconde programmation, n’ayant pu assister à la première série de vidéos. Les phénomènes artistiques nous parviennent furtivement, et nous les saisissons dans leur envolée. Je visionnerai peut-être plus tard les premières performances, dont la trace est conservée, mais je désirais m’approcher de ce qu’écrit Camille Laurens dans Encore et jamais : « Ce qui rend déchirant le spectacle vivant, c’est justement qu’on ne le reverra jamais. Chaque représentation, quand elle nous émeut, nous remet en mémoire combien la vie et la beauté sont éphémères » (2013 : 37). Cela impliquait donc de ne pas traverser à rebours, en différé, ce qui s’était joué dans l’immédiat et s’était aussitôt envolé : de plonger dans un « ici et maintenant » se fabriquant au fur et à mesure, avec ses silences, ses balbutiements, ses hésitations.

En ce moment, peut-être faut-il oser reproduire le geste de Thomas[10], c’est-à-dire déchirer en petits bouts une feuille contenant toutes nos certitudes. Ou, alors, mâcher le papier qui sous-tend et soutient l’écriture, le froisser pour qu’en ses plis naissent d’autres paroles, un réagencement des regards portés sur la vie.

Plus que de la goberge

Vendredi 1er mai 2020, je note : « fatigue, étourdissements ». Je me demande si je suis en état de recevoir : si mes yeux peuvent soutenir la luminosité de l’écran; mes oreilles, les bruits. Je me souviens avoir passé plusieurs heures au lit, secouée par des symptômes de mélancolie ou de douleurs habituelles à la tête. Au coucher du soleil, je parviens à me lever pour saisir mon ordinateur et attendre le début des Monologues. Il y a un peu de retard, un souci technique, des émoticônes « solidaires » qui s’additionnent et qui disent : ne vous en faites pas, on comprend, on sera là. Le programme de la soirée sera inversé. Finalement, une image : David Paquet devant un mur de briques, portant un masque bleu et des gants de plastique blanc. Il nous présentera quelques-uns de ses Papiers mâchés, un « catalogue de textes » à « piger dedans », en donnant au hasard, et surtout au public, le pouvoir d’en reconfigurer le contenu. Paquet entretient avec les spectateur·trices une relation de réaction et de tension : « En fonction de la présence de leur corps, de leurs rires, j’essaie de trouver mon chemin », mais présentement, dit-il, « je ne sens rien de vous[11] ». Il marchera à tâtons, sans rétroaction. Ce sentiment de ne pas (s)avoir la juste mesure des gestes donnés et réceptionnés, d’autres l’évoqueront aussi, tout comme l’étrangeté de se retrouver face à des chiffres plutôt qu’à des têtes. Par ailleurs, l’expérience de ce face-à-face unidirectionnel était parfois corrompue par une connexion Internet instable, les traits du visage de l’invité·e devenant soudainement brouillés, étirés, figés. Ainsi, des moments non volontaires de lenteur pouvaient parsemer le direct alors que des instants de silence, prévus en spectacle, étaient ignorés parce qu’ils ne servaient plus : « Là si on était live, c’est le moment où je laisserais un silence. Prendre le pouls du public. Être ensemble en dehors de nos mots. Fine tuning de nos corps dans l’espace. Un silence qui sert à savoir où est-ce qu’on va avec le reste du show, on s’en va où[12] ».

« On s’en va où ». Dans mon document de notes, ces mots font saillie, surlignés. Je m’accroche à cette question masquée qui résonne autrement dans le contexte actuel. Il y aurait, ici, des liens à tisser avec le slogan de la crise, le « ça va aller » (pour qui?) posé en intermédiaire entre le dedans et le dehors des maisons, comme s’il bloquait l’entrée, chez soi, de la rumeur violente. Or, si nous ignorons réellement si « ça va », convaincu·es souvent que la réponse est « non », que faire du verbe « aller »? Bien que nous tanguions entre plusieurs destinations, peut-être pouvons-nous trouver dans cette désorientation un moteur pour nous élancer tout de même vers l’avant, dans « ce paysage qui se brouille, la grisaille [qui] devient rouge[13] ». Avancer à l’aveugle, osciller, mais chercher à progresser. À l’instar d’Antigone, défendre le devoir de poursuivre, même si, toujours, « ça se passe pas comme on l’imagine » : « [m]archer, mettre un pas devant l’autre sans avoir l’air de chercher [notre] chemin, mettre un pas devant l’autre, continuer à marcher[14] », en traçant d’autres lignes, en dehors de celles qui creusent déjà le sol. Au risque de se perdre, de se déprendre de soi pour véritablement épouser l’altérité, vivante ou morte.

Un « Hey girl » m’extirpe de mon engourdissement. Fidèle à cette idée que « la distance n’empêche pas l’union[15] », Paquet débute la séance en enchaînant des questions adressées à un « tu » et auxquelles il répond « moi aussi », suscitant ainsi une connivence par la confidence. Non seulement il semble dire tout haut ce que nous pensons tout bas, chacun·e chez soi, pour soi, mais il avoue aussi que, face à un monde inquiétant et glissant, il n’est peut-être plus possible de se vautrer dans l’affirmation. L’interrogation serait une manière d’accéder au sentiment d’urgence avec prudence et patience, et parce qu’elle ne statue pas, l’inconfort qui en résulte devrait être appréhendé comme le signe d’un changement, la condition même du mouvement, la sortie d’un coma. « J’suis pas dans le coma, je suis dans le chaos pis j’me protège pour que ça reste beau », affirme Paquet. Demeurer dans le chaos, et être sensible aux manières dont il s’énonce tout en paradoxes, pourrait être une des postures à habiter en ce moment. Ne pas le résoudre ni le dénouer, parce qu’il renferme peut-être le secret de notre « nouveau monde » : « Un monde », dit Paquet, « où y’a pas de listes de choses à faire, mais à vivre… où ressentir est plus important que réussir. Un monde où une femme peut prendre une marche seule, même la nuit, sans danger. Un monde où les gens qui nous dirigent ne nous dirigent pas droit vers une falaise », parce que « ce dont le monde a besoin, c’est de gens profondément vivants ».

Extrait du direct de Papiers mâchés, avec David Paquet dont le visage est recouvert d’un filtre Facebook. Mai 2020.

Capture d’écran de Jennifer Bélanger.

-> Voir la liste des figures

« Faire des arts vivants sur l’Internet », soutient Paquet, « c’est comme de la goberge. On dirait que la goberge, c’est du crabe, mais c’est pas du crabe ». « Ensemble, vous et moi, on fait de la goberge », conclue-t-il, façon de dire que le théâtre en ligne n’en est pas vraiment. Au mieux, il se réduit à une imitation décolorée du théâtre en personne. Si cette analogie tend à reconduire une échelle de valeur – le théâtre en personne serait le crabe; le théâtre en ligne, la goberge –, elle pousse néanmoins à observer là où ils se croisent plutôt que là où ils se disjoignent. Ce qui retient mon attention, c’est cette idée de « faire ensemble », et il me semble que le théâtre (en personne, en ligne), en proposant une expérience in situ, se dévoile comme un espace tiers où les corps se transforment mutuellement et continuellement sans s’annuler, même si, cachés par un écran, ils ne sont présentement plus en moyen de se côtoyer physiquement. Dans cet espace tiers, entre le public et les acteur·trices, il est permis de s’arrêter, de comprendre ce qui vient juste de se passer, de renégocier le sens avec autrui. Or, derrière un ordinateur, alors que le regard gouverne, certaines expressions corporelles se capturent plus difficilement, le contact phatique, organique, étant atténué par l’éloignement, par les dispositifs technologiques. Les arts seraient vivants parce que leur dynamisme tient des entités qui les pratiquent, présences engagées qui, se tenant au seuil d’elles-mêmes, s’accordent sans jamais outrepasser leurs propres limites et entrent ainsi en interrelation, en réciprocité. Noël évoque d’ailleurs le désir de « communion » (cité dans Saint-Pierre, 2020) qui motive les Monologues. Dès lors, cette négativité (la goberge n’est pas du crabe), j’ai envie de la doter d’une force générative et vitale, comme ce qui autorise l’occasion de collaborations et d’intimités nouvelles, la création « d’autres modes d’attention[16] ». En commentaire, lors de la lecture du texte Voir pour croire (pour Thomas), un spectateur a écrit qu’« avec des écouteurs, ça donne des frissons ». Les mots sont ressentis et éprouvés autrement, affluant d’une bouche à une oreille comme s’ils étaient chuchotés, pour finalement se manifester sur la chair. Les écouteurs agissent comme un conduit hermétique qui transporte non seulement la voix, mais aussi le souffle dont elle a besoin pour s’émettre. Dans cette apparence de relation exclusive, le chuchotement évoquant l’imaginaire du secret, le dialogue n’est jamais contenu; il s’aventure au-delà du tympan qui l’accueille. Il cohabite, les mots des spectateur·trices renvoyant ceux des comédien·nes, et se laisse trouer par les interruptions d’Internet. La nature même du monologue, comme discours que l’on entretient envers et à soi-même, s’en trouve affectée : ce qu’il a d’intérieur se retourne afin d’être contaminé par l’extérieur. Les pensées du public deviennent accessibles tout comme les maisons des artistes se dévoilent en partie ou en totalité.

« [L]e fait que quelqu’un m’offre de son temps, de son âme, qu’il me laisse entrer dans son univers, qu’il me raconte une histoire, sans montage, sans artifices, tout particulièrement dans le contexte actuel, ça m’apaise et ça m’émeut », affirme Noël (cité dans Saint-Pierre, 2020). Sans montage ni artifices : la réalité, sa matérialité non travaillée, accidentelle, s’imposait sur la fiction. Parfois, le ventilateur interne de mon portable s’activait, noyant un peu la parole prononcée dans un bruit blanc, sourd. D’autres fois, c’était celui de la personne occupant le direct qui « décollait » : « On l’entend », écrivait Éric Noël au sujet de l’ordinateur de Dany Boudreault et Maxime Carbonneau, « mais ça a juste l’air d’un fond sonore inquiétant. Ou du bruit de la mer. J’aime ça ». Il me semblait alors que ce n’était plus les directs Facebook qui hébergeaient les textes, en tant que lieux clos et sécurisants, mais l’inverse, c’est-à-dire que les textes, en épousant la forme des directs, étaient toujours sur le point de se réactualiser, d’être mis en danger, condamnés à l’indéfini. Il me semblait, aussi, que les auteur·trices se mettaient non seulement en posture de jeu en incarnant leur texte, mais aussi littéralement en jeu dans ce que cette entreprise recèle d’audace et de ludisme. Il·elles devaient parfois « [s]’adapter à ce nouveau médium, complètement étranger[17] », faire confiance à leur intuition, et user d’imagination afin de tricoter une ambiance, recréer des dispositifs scéniques. Leur quotidienneté, les outils réels ou virtuels[18] à leur disposition devenaient espace d’invention, de théâtralité. C’est le cas notamment pour la pièce Fanal : le personnage /  Mélanie Lucas déambulait à travers son appartement, chaque changement de pièce et de luminosité correspondant à un changement de tableau. Nous la suivions dans ce pas-à-pas, cheminions avec elle dans les heures, la pièce étant rythmée par le passage du temps. Par association étaient donnés les fragments d’un amour qui ne sait pas mourir, que seule une plongée dans le noir, à la fin de la lecture, peut libérer. Dans Baobab, pièce d’Hélène Ducharme jouée en après-midi, marionnettes et autres objets manipulés en direct dessinaient des ombres sur les murs. La musique accompagnant le récit était performée à distance, par Aboulaye Koné, depuis sa demeure. Les chants, au loin, nous parvenaient dilués, mais puissants dans leur évocation, tandis que le son des percussions, filtré par les écrans, s’attrapait dans son décalage. Cela avait pour effet de multiplier les degrés de présence, d’espaces et de temporalités, ajoutant à l’histoire racontée une texture et densité autres. Parmi la série de commentaires après-spectacle, je note la surprise de retrouvailles outre-mer entre Hélène Ducharme et un spectateur. Il en est de même entre Hugo Fréiabise et quelqu’un du public, plus tard.

Les Monologues ont éveillé en moi plusieurs questionnements sur les limites, sur l’accessibilité. Si des frontières s’érigent, peut-être que d’autres s’abolissent. Dès lors, étions-nous cloisonné·es ou étions-nous sur le point de s’épancher quelque part entre le dedans et le dehors, donc dans les deux à la fois? Étions-nous contenu·es ou étions-nous dans un endroit sans bords réels, permettant de lier, entre elles, des personnes d’autres continents? Il fallait nous rendre à l’évidence : « nous qui partageons ce moment, on a un peu gagné à la loterie de la géographie[19] ». Serait-ce pour cette raison que la programmation était majoritairement blanche? En creusant cette blancheur, nous trouvions non seulement une absence, mais également une présence, celle de nos privilèges, impossible à ignorer et devant être problématisée, politisée. « Tous, ici, on a la chance d’être vivant et de pouvoir rester chez nous », affirme avec lucidité Paquet. De la chance, ou pas du tout : le résultat, plutôt, de systèmes d’oppression qui bénéficient à certain·es plus qu’à d’autres. J’ajouterai qu’avec ce confort vient la responsabilité d’agir, l’obligation de voir, au-delà de nos murs, de nos fenêtres, ce qu’on s’efforce à ranger derrière des portes fermées – portes à défoncer, dira Fréiabise –, c’est-à-dire ces vies vieillissantes, mourantes, et ces vies qui en prennent soin, au risque de la leur. Des vies qui, aux yeux de notre société, comptent moins, en raison de leur statut, couleur de peau, genre, âge. Des « oiseau[x] qui tombe[nt] du ciel[20] », ailes arrachées en plein vol, ayant cessé brutalement de mettre en chant le monde. Certaines des pièces lançaient d’ailleurs un appel « à ramasser les morceaux, récupérer les restes, les miettes[21] », à réinscrire au présent la trace de ceux et celles qui ne sont plus, pour que soit préservée leur intelligence et transmise leur mémoire.

Entendre ces voix évanescentes, ces chants qui s’envolent

« Corps gelés des oiseaux ramassés à la tonne. Partout, une odeur de charogne. Les enfants ne sortent plus dans les cours d’école. […] La colère et la peur, partout. […] Dehors, des oiseaux morts partout, la voirie est en grève, une impression de fin du monde[22] », déclame l’Antigone de Nathalie Boisvert. Depuis le début de cette crise, dès les premières lueurs de l’aube, mes paupières bercent le même rêve de hantise qui condense le visage de ma mère et l’histoire d’un oiseau mort. Je la revois reprendre la fiction de cette croyance ancienne selon laquelle l’écrasement d’un oiseau contre une vitre de maison annonce le décès d’un membre de la famille. Pour elle, pas de coïncidence entre ces deux destins scellés, ces deux âmes conjuguées : la mort de l’oiseau noir, au bord de la fenêtre, aurait prédit celle de son oncle recroquevillé dans ses draps. Les oiseaux occupent alors, pour moi, une place surprenante, libres de circuler dans mon imaginaire et d’y implanter simultanément une pensée de vie et de mort. Coup de théâtre : je les retrouve dans les Monologues.

Dans la série de portraits que fait Paquet, il y a notamment celui d’un homme de 85 ans qui, arrêté à la lumière rouge, entame avec lui un dialogue : « David, tu vois les oiseaux là-bas perchés sur la corniche? Dans cinq secondes, ils vont s’envoler, faire deux tours dans le ciel et se poser sur la corniche là-bas[23] ». Cette anecdote rend hommage à ce savoir en avance, imprégné de clairvoyance, apte à anticiper ce qui vient parce qu’il repose sur une observation répétée, lente et aiguisée d’un événement qui autrement aurait passé inaperçu. En laissant parler le geste, sans l’expliquer, cette histoire redonne une souveraineté aux perceptions que peuvent détenir des personnes âgées lorsque celles-ci ont une conscience autre d’elles-mêmes et de ce qui les entoure. Pour le dire avec Michel de Certeau, en se trouvant au plus près de cette « frontière de l’inaction » (1990 : 277) impensable dans nos sociétés capitalistes, elles fabriquent un art du quotidien en le tirant hors d’une logique d’efficacité et de rendement. Elles deviennent dès lors « ob-scènes » (idem), poussées en dehors de la scène de la vie, de ses exigences de production et de consommation. Obscènes seraient leurs « visages en train de se défaire [qui] n’ont que des mensonges pour dire ce qu’ils annoncent (taisez-vous récits de vieillissement que racontent mes yeux, mes rides et tant de lourdeurs), et [que] l’on se garde de faire taire (ne nous dites pas, visages, ce que nous ne voulons pas savoir) » (ibid. : 281). Nous refusons d’apercevoir sur les corps vieillissants notre reflet futur. En cela, nous les condamnons à l’isolement, les enfermons dans des lieux à part, là où ils ne peuvent (nous) déranger, se mettre au travers de notre regard rivé droit devant. Dans le récit de Paquet, les yeux de l’homme de 85 ans accordent une noblesse au trivial, à ce qui n’attire pas d’emblée notre attention. Ils établissent une perspective verticale plutôt qu’horizontale, du haut vers le bas; ils intiment à ne pas succomber aux échappées qui nous empêchent d’être au présent. En l’écoutant, je me sentais encouragée non seulement à entrer en dialogue autrement avec l’environnement, mais aussi à faire confiance à ce qui pointe dans la même direction : « Tu vois, là-bas… », dit l’homme. J’ai alors pensé que si nous acceptions de nous décentrer et de dévier de nos axes, si au lieu d’effacer ce qui nous ralentit nous le protégions – au sens que ralentir permet de « laisser passer un peu d’air et [de] se laisser aller à imaginer » (Despret, 2019 : 105) d’autres possibles –, il y aurait peut-être moins de conflits. En somme, plus de dualité, de nous et d’eux, seulement une filiation n’ayant de logique, d’origine, qu’un amour sans concessions ni compromis pour autrui.

« Quelle belle histoire de vieux! Qui me console de l’actualité », affirme une spectatrice lors de la lecture du Chant de Georges Boivin. Il y a de ces oiseaux qui habitent et font la cour, et dont les bruits « rythme[nt] un territoire et se déterritorialise[nt] en devenant cri d’appel, d’alarme, ou en se mettant au service de l’amour » (ibid. : 112). Cette pièce de Martin Bellemare saisit dans son envolée un amour traversé de lignes de fuite et d’espaces d’advenir. Georges Boivin[24] n’a qu’une envie : partir à Vancouver à la suite du décès de sa femme, Germaine des Pommettes, pour retrouver Juliette Chacal, la première, celle qui parviendrait à replier le passé sur le présent, et à ériger ainsi le futur. Juliette, celle qui délierait tous les signes, ferait briller les constellations de sens par la devanture de sa boutique nommée « Fleurs de pomme ». Juliette, au « regard qui épluche, qui enlève les années une à une, pis [qui] les remet toutes d’un coup, mais tout doucement », et par laquelle surgit Germaine pour un dernier clin d’oeil. « Le voyage, je dirais que ça me rend vivant », nous confie Georges. Devant les corps vieillissants, alités ou couchés, la possibilité d’une mobilité – par les souvenirs, par les rêves – console. Or, il faut un lieu pour accueillir leurs récits, une oreille prêtée[25]. En commentaire, quelqu’un affirme que nos aîné·es sont des « passeur·euses d’histoires ». Il faudrait alors offrir les conditions nécessaires pour les entendre, et pour ce faire, cesser de les reléguer au silence et à la honte uniquement parce qu’il·elles exposent la mortalité à l’oeuvre dans la vie, des réalités inconfortables du corps qui parlent ou parleront de nous. Dans mon document de notes, je retrouve le nom d’Hamlet et les bribes d’un dialogue, que je m’empresse de compléter : « Il y a une providence particulière dans la chute d’un moineau. Si c’est maintenant, ce n’est pas à venir. Si ce n’est pas à venir, ce sera maintenant. Si ce n’est pas maintenant, cela viendra » (Shakespeare, 2002 : 189-192). Lorsque « l’univers se casse en deux[26] », que le ciel se déchire et libère tragiquement ses fantômes, qui sait ce que laisse présager la chute des oiseaux, ce que leur chant – de vie, d’amour, de mort – a de prophétique…

***

Dans un texte aux allures de manifeste, Brigitte Haentjens écrit :

Il est probable que cette perspective, cette absence de perspective, nous ait momentanément coupé les ailes et la parole. Il est probable que nous soyons actuellement hébétés par la cruelle absence de notre travail, des lieux de notre travail, de tout ce qui nous fait vibrer et vivre. Avant de parler d’avenir, nous sentons bien que nous devons d’abord traverser ce moment présent, que nous sommes loin d’avoir épuisé la réflexion qu’il suscite.

Mais nous avons le désir de prendre nos destins en main, nous allons trouver des façons de rejoindre le public par notre art même, parce que nous renouveler, nous faisons cela tous les jours, à chaque pas de nos créations

(Haentjens, 2020).

Cette capacité à se renouveler, à se mouvoir dans des « présents troubles » (Haraway, 2016) tout en y décelant quelques intuitions d’un futur, est peut-être le propre de l’artiste. Se souvenir, ne pas informer ou affirmer mais questionner, réfléchir, développer des savoir-sentir, ne pas se contenter des évidences, tracer des angles de vue insoupçonnés, hésiter, résister, créer d’« autres modes d’attention » et des lieux de rassemblement inespérés, sont autant d’actions que plusieurs posent pour répondre de l’indicible, à l’inconnu. En déclinant ces gestes, je ne défends pas une image lisse, non problématisée, de la communauté artistique qui, inégale à bien des niveaux, entérine et reproduit des rapports de force. Mais ce qu’il y a de commun parmi les différences, c’est peut-être la part du vivant dans l’art. Du vivant qui serait résilient, résistant aux chocs ou, à l’inverse, capable d’une souplesse lui permettant, justement, d’amortir les coups, de les intégrer en lui. Cette résilience me semble glissante, à double tranchant, sonnant faux lorsqu’elle se traduit, pour les artistes, par une obligation de s’adapter, une adaptation qui oblitère trop souvent le caractère social et politique de ce que nous traversons. Angela Konrad écrit d’ailleurs que cette notion n’est qu’un « “mot écran” pour nous maintenir dans une soumission docile et irresponsable[27] ». En ce sens, cette résilience ne pourrait véritablement s’accomplir que si elle concerne une prise en charge collective et non plus une responsabilité individuelle : que si elle invite à une réflexion sur nos structures culturelles et économiques, elles qui reposent trop souvent l’une sur l’autre pour ne pas avoir des comptes à rendre. Le silence radio du gouvernement face au sort des arts vivants, puis de ceux et celles qui travaillent à sa réalisation, inquiète.

Cette pandémie arrache des vies réelles, matérielles, symboliques, de personnes déjà précaires. D’elle-même, elle ne livre aucun message. En elle-même, elle ne signifie peut-être rien. Une faucheuse. Elle n’est pas non plus une opportunité à quoi que ce soit, même si elle engendre une occasion de repenser nos manières de faire, nous maintenant sur l’échec de nos anciens paradigmes. L’après est terrifiant, mais – j’aime le croire – porteur de changements. Nous ignorons ce que nous garderons du passé, s’il sera reconduit en pire, mais nous savons que nous ne voulons pas y revenir. « Plus jamais ça » (2020), écrit Paul B. Preciado, embrassant ce soulèvement des êtres dont l’existence est depuis longtemps niée. Nous sommes sur le point de basculer, à la fois dans une somnolence et un extraordinaire éveil du corps et de l’esprit. Les certitudes sont bordées de doute. Tout va trop vite, tout change d’heure en heure. Mon imaginaire s’englue dans un abîme de significations. Chaque jour, je me demande ce que peut l’écriture, quels mots conviennent pour colmater les ruptures qui sont les nôtres. Quel langage adopter devant le nombre de morts qui s’accroît, devant les ruines. Je me dis qu’il faudra les éprouver en soi avant de reconstruire; faire l’expérience du deuil, de la perte, avant de se retrouver de l’autre côté de nos maisons. Cesser d’apposer sur – imposer à – autrui le sceau de l’altérité dans le but de s’en séparer, de s’en éloigner. Et alors se sentir concerné·es, bougé·es par ce qui arrive, malgré la distance qui nous donne l’impression d’en être épargné·es. « Let the sky fall, let it crumble[28] », se dira à elle-même Geneviève de la pièce Descendances. Reconnaître la noirceur, et ce qu’elle exhibe, avant d’apercevoir un filet de lumière; entretenir la promesse (et l’espoir) qu’au bout brille un fanal, perçant enfin la densité de l’obscurité.

Comme si nous étions des astres qui « peuvent se croiser à toutes les deux [fois par] semaine et demeurer chacun sur [leur] orbite[29] », nous participions d’une même carte du ciel brisée, à réparer. Mais les Monologues nous tendaient peut-être « l’aiguille et le fil[30] ». J’évoquais en début de ce texte l’image de la courtepointe pour représenter nos existences morcelées mais raboutées, séparées mais ensemble devant un écran, à partager la même expérience de jeu, dans ce qu’elle avait de vulnérable, de fragile et d’inconfortable. « Il y a quelque chose de paralysant et d’angoissant dans le fait d’être enfermé chez soi alors que la pandémie gagne du terrain » (cité dans Saint-Pierre, 2020), soutient Noël. En effet, la réalité déborde, rejoint ces « chambres à soi » à partir desquelles, pourtant, le monde n’a jamais cessé de s’écrire. Seule Julie Vincent avait expérimenté le théâtre dans un appartement, avec La mondiola. Les Monologues, par les sensibilités qu’ils déployaient, devenaient moins intérieurs, fermés sur eux-mêmes, qu’extérieurs, poreux au dehors. Les textes lus, déclamés, n’étaient plus à l’abri du réel, mais réinterprétés sous le prisme de la vie actuelle qui, dans toutes ses manifestations et ses versants, exigera désormais peut-être de nous autre chose, assurément plus de compassion, d’écoute et, surtout, plus d’amour, de cet « amour qui nous tient debout dans cette vie d’où la nuit a reflué jusqu’à ne plus appartenir à aucun horizon possible » (Dufourmantelle, 2014 : 265). Une vie qui ne tolérera plus d’être sublimée au point d’en étouffer les vibrations et les sons, au point d’oublier qu’elle est beaucoup plus qu’un prétexte à la création, qu’un objet de fiction. Ni d’être ignorée, parce qu’en elle s’ancre une poétique de l’absolu, le germe des révolutions à venir.

Au moment d’écrire ces lignes, le vent souffle fort. Les oiseaux planent, ne le combattent pas. Certains ont récemment quitté le Sud pour retrouver, ici, un autre été. L’arbre devant ma fenêtre danse. Le frémissement des feuilles me transporte au bord de mer. Avec la poussée des vagues, le mouvement des marées, nous nous souvenons que tout part, tout revient. Que ce qui se retrouve en creux, avalé, sera propulsé de nouveau à la surface, emporté plus loin encore. « Gardons en tête », affirme Paquet, « que ce qui hiberne n’est pas mort. On va revenir. Tout ça va revenir[31] ».

Mai 2020.