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Loin d’être des signifiants monolithiques, les appellations « lesbienne » et « queer » sont signifiées et resignifiées à travers les contextes et les réseaux en mutation (Revillard 2002; Browne et Ferreira 2015). L’emploi du terme « lesbienne », aujourd’hui banalisé à travers la culture populaire, est ancré dans des spécificités historiques, notamment dans les revendications féministes nord-américaines des années 70 et 80 (Wittig 1980; Rich 1980; Faderman 1991). La littérature francophone soulève à la fois l’utilité politique féministe du lesbianisme et les paradoxes de son usage comme catégorie politique (Lamoureux 1998 et 2014; Falquet 2009 et 2016; Chartrain et Chetcuti 2009). Parallèlement, un positionnement queer se développe durant les années 90, où l’on critique les catégories identitaires considérées comme restrictives et disciplinantes (Sedgwick Kosofsky 1990; Butler 2004). Théoriciennes et théoriciens, activistes de même qu’artistes argumentent pour une déconstruction des binarités et des catégorisations fixes qui restreignent les modes d’être : on recherche de nouveaux modes relationnels qui ne positionnent pas l’homosexualité comme autre (Fuss 1991; Jagose 1996). Ainsi, d’un côté, l’identité est mobilisée comme stratégie politique féministe alors que, de l’autre, c’est par l’entremise de la déconstruction identitaire que se forge un projet d’émancipation des normes cadrant le genre et la sexualité.

Qu’est-ce que ça veut dire, pour toi, être lesbienne ou queer[2] à Montréal? Par cette question posée à 21 participantes d’horizons variés, ma recherche doctorale s’est intéressée aux transformations des significations identitaires lesbiennes et queers dans le contexte montréalais. Des réseaux hétérogènes et des univers politiques se croisent à travers les trajectoires parcourues et révèlent des tensions dans la notion de communauté et d’un nous lesbien ou queer, ou les deux à la fois. Je me concentrerai dans le présent article sur l’orientation sexuelle en tant que positionnalité politique et je puiserai dans les réponses de participantes pour qui la sexualité est le plus explicitement liée à des postures politiques[3]. J’exposerai d’abord le cadre conceptuel et la démarche méthodologique sous-tendant ma recherche avant de creuser trois positionnements, soit « lesbien radical », « lesbien-queer » et « queer ». Je vise à susciter une réflexion sur les postures lesbiennes et queers comme outil politique et à titre de stratégie de positionnement féministe dans le contexte montréalais, et ce, en soulignant des transformations générationnelles, socioculturelles et migratoires qui les traversent.

Le cadre conceptuel

Comment aborder la particularité des expériences lesbiennes et queers sans tomber dans une posture homogénéisante, en rendant compte de ces multiples significations? Les théories identitaires lesbiennes que je mobilise sont pertinentes pour analyser certaines trajectoires, comme celle de l’école Gilford, lieu de rassemblement pour lesbiennes politiques, mais plusieurs autres positionnements des participantes ne peuvent être perçus en ces termes. Ce défi m’a menée vers la phénoménologie critique queer qui réfléchit le désir comme vecteur d’action, qui prête attention à l’orientation des corps dans l’espace. Le désir qui porte, dirige et oriente : si l’on positionne ce dernier comme force mobilisatrice (Ahmed 2006), il devient possible d’aborder de multiples significations accordées à l’orientation sexuelle. La phénoménologie queer autorise une lecture de la sexualité en rapport avec la spatialité et les affects : elle montre la manière dont des corps expérimentent différemment l’espace en étant orientés vers des objets de désir non conventionnels. Ainsi, la sexualité se définit à travers ce désir et cette recherche du contact humain (Ahmed 2006 : 102).

Cette approche s’éloigne d’une perception statique de l’orientation sexuelle et amène à concevoir la différence, tout en reconnaissant les paramètres politiques des questionnements identitaires. Elle permet de s’intéresser aux productions de sens autour de l’orientation sexuelle en s’attachant au vécu de l’individu (Ahmed 2006; Collie 2013; Guilmette 2019; Hansen 2019). Ancrée dans l’expérience et la perception, elle place les rapports avec les participantes au coeur de la recherche. Il n’est pas ici question de tracer un portrait neutre et complet des identités sexuelles, ni de faire un rapport objectif de leur usage politique. L’orientation sexuelle n’est pas positionnée comme productrice d’une expérience universelle, mais plutôt comme orientant une différence et une altérité (Al-Saji 2015; Lee 2015; Guilmette 2019; Alcoff 2019). Plusieurs réseaux, narratifs et points d’identification sont en effet accessibles – de nouvelles directions, des lignes novatrices qui permettent de s’orienter. Comment sont-elles mobilisées, de quelle façon, avec quelles tensions?

Saisir les transformations des positionnalités lesbiennes et queers implique également de prêter attention à la dimension contextuelle de ces dernières. Les identités se développant par rapport à l’espace (Longhurst et Johnston 2009; Browne et Ferreira 2015; Brown-Saracino 2015), ma recherche mobilise des « entrevues marchées[4] » pour faire écho aux spécificités du contexte montréalais. Les implications qui se rattachent au fait de se situer dans des espaces sexués et genrés sont une partie fondamentale de la littérature sur les études géographiques de la sexualité qui se penche sur la coconstitution des normes, des narratifs, des espaces, des identités et des corps (Bell et Valentine 1995; Binnie et Valentine 1999). Cette littérature insiste sur l’importance du contexte dans la compréhension du référent lesbien (Peace 2001; Jackson 2009), ce qui permet de reconnaître « that ‘ lesbian ’ is not a coherent or homogenous category and that labelling is fluid across space and time » (Browne et Ferreira 2015 : 6). Montréal présente une conjoncture particulière pour les communautés lesbiennes et queers en raison de ses spécificités linguistiques[5], sociales, urbaines et géographiques (Demzuck et Remmigi 1998; Chamberland 1996 et 2009; Tremblay et Podmore 2015). Les recherches de Julie Podmore sur les communautés lesbiennes et queers (2001, 2006, 2013 et 2019) soulignent, entre autres, un rapport ambivalent au Village gai et une période florissante de bars lesbiens durant les années 80, suivie d’une fragmentation des espaces pour femmes. Pour Podmore, il est question d’une « queerisation » des identités lesbiennes qui se déplacent et s’étendent dans toute la ville, particulièrement dans le quartier du Mile End. Le vécu lesbien et queer à Montréal s’articule ainsi à des collectifs, à des réseaux et à des organismes qui présentent divers narratifs et rapports au politique. En réunissant ces contextes socioculturel et géographique par un positionnement phénoménologique qui fait appel à l’expérience et au mouvement, j’interroge la façon dont le sens identitaire coconstruit l’espace vécu et créé[6].

La démarche méthodologique

Faire une recherche sur sa propre « communauté » implique un regard particulier sur son rôle de chercheuse et sa participation à l’élaboration de connaissances, un bris de frontières et une posture politique qui revendique la place de la connaissance lesbienne et queer dans le milieu universitaire. Comme le pose la phénoménologie féministe, « porter attention à l’expérience des femmes – the Other – engage une réecriture de l’expérience “ normale ”, posant les femmes comme sujets pensants et connaissants, capables d’interpréter leur propre subjectivité » (Shabot et Landry 2010: 5-6). Dans cette optique de remise en question des frontières, le recrutement des participantes s’est déroulé à travers mon réseau, par l’entremise des rencontres faites par des amies ou lors de conférences, ce qui a engagé une dimension personnelle dans le processus d’analyse et de réflexion (Browne et Nash 2010). Un souci intersectionnel est à la base de mon recrutement, les 21 participantes se positionnant de façon variée (identifiées comme lesbienne, bisexuelle, queer, pansexuelle, fluide, cis, trans; monogame, polyamoureuse; âge variant de 24 à 80 ans; anglophone et francophone; native de Montréal, réfugiée, immigrante).

Pour saisir le mouvement et la nature contextuelle des identifications, j’ai proposé aux participantes de faire des entrevues marchées d’environ une heure et demie dans des espaces significatifs par rapport au vécu de leur orientation sexuelle. La marche permet une immersion physique, discursive et affective dans les trajectoires des participantes (Evans et Jones 2011; Clark et Emmel 2010; Collie 2013), l’observation, l’expérience et la recherche de sens du quotidien s’entremêlant pour faire émerger plusieurs diffractions de l’espace, que ce soit comme rassemblement, rencontre, désir de lieu fermé sécuritaire ou rupture des frontières. Par exemple, errer dans le métro évoque l’incertitude de l’orientation sexuelle; flâner, le refus des catégories identitaires; les visites de lieux fixes, des positions politiques. Mon analyse mobilise par la suite le mouvement parcouru pour articuler les questionnements identitaires à des éléments de spatialité – par exemple, les endroits où les participantes choisissent de faire les entrevues et la manière dont nous nous déplaçons.

Dans le présent article, je présente plus en détail les trajectoires de quatre participantes, qui sont explicitement évocatrices de positionnalités politiques[7]. De certaines entrevues émerge une lecture de l’identité comme stratégie communautaire et politique, alors que des participantes me dirigent vers des lieux précis leur rappelant une histoire qualifiée de collective. D’abord, Marta, 70 ans, et Thérèse, 75 ans, couple rencontré dans une conférence activiste, choisissent de m’amener sur les traces de l’école Gilford, lieu de rassemblement actif au cours des années 80. Ensuite, Montréal étant une ville fortement traversée par la migration, je m’intéresse au repositionnement identitaire entraînée par le déplacement. Ainsi, Maria, 30 ans récemment arrivée de Mexico où elle était engagée dans des communautés lesbiennes féministes, dit avoir été placée devant des positionnalités queers à son arrivée. Comme elle ne se sent pleinement à sa place dans aucun réseau, je la retrouve pour l’entrevue dans l’appartement d’une amie immigrante, racisée et lesbienne. Par ailleurs, certaines participantes éprouvent de la difficulté à choisir des lieux précis et elles soulignent un malaise à se retrouver dans un lieu qualifié d’« identitaire » ou d’« exclusif »; c’est souvent le cas de participantes qui se définissent comme queer ou fluide. Je terminerai avec le positionnement politique queer le plus explicitement revendiqué, soit celui de Monia, 32 ans. Sa préférence pour errer ou flâner, par opposition à être dans un espace défini comme lesbien, résonne fortement par rapport à sa conceptualisation de la sexualité : une errance queer, une rupture des frontières dans une optique politique. Enfin, je relaterai des bribes d’histoires et d’expériences provenant des participantes sur la dimension politique des identifications dans le contexte montréalais, où j’ai fait appel à la dimension anecdotique que permet la technique d’entrevue phénoménologique.

L’identité comme stratégie politique : lesbienne et féministe

L’histoire lesbienne féministe à Montréal est ancrée dans plusieurs particularités linguistiques, nationales et féministes. Comme Line Chamberland (1996 : 191-195) le dépeint au milieu des années 90, le développement de codes culturels et langagiers lesbiens, outre à travers l’art et la littérature, s’est fait dans l’ombre avant de prendre un élan grâce au mouvement féministe des années 70. Les premières associations pour femmes voient en effet le jour durant les années 70, notamment au sein de milieux anglophones qui disposent de ressources importantes, comme l’Université McGill (Hildebrand 1998 : 211). Les particularités linguistiques dans le contexte de la montée du nationalisme québécois font émerger des enjeux de pouvoir, mais les conférences de l’organisme Montreal Gay Women en 1974 et en 1975, qui se veulent bilingues, se déroulent pourtant presque seulement en anglais (ibid. : 217). La montée du nationalisme linguistique encourage le développement de liens avec des associations françaises outre-mer, ainsi que le développement de ressources accessibles à une population qui ne maîtrise pas l’anglais, notamment par l’intermédiaire du réseau Coop-femmes en 1977 que l’on peut comprendre comme la première association féministe-lesbienne francophone en contexte montréalais (ibid. : 226). Les différences linguistiques marquent encore certains réseaux aujourd’hui, ainsi que je le remarque chez plusieurs participantes qui associent le terme « lesbienne » au contexte francophone et le terme « queer » au contexte anglophone.

Marta et Thérèse, couple que j’ai rencontré dans une conférence sur le militantisme lesbien, me donnent rendez-vous rue Laurier, à proximité de l’ancienne école Gilford, lieu de rassemblement actif pour les lesbiennes militantes de 1984 à 1989. Cet espace, qui réunissait plusieurs activités à la fois sociales, artistiques, politiques et communautaires (cirque, chorale, théâtre, arts martiaux, café, menuiserie, impression d’une revue, fêtes, journées de visibilité lesbienne[8]), servait de lieu de rassemblement pour des femmes souvent triplement marginalisées (femme, lesbienne, pauvre) (Boisvert et Boutet 1998 : 322). Les conditions socioéconomiques et patriarcales ont généré des outils de lutte particuliers, telle la mise en place de la revue Amazones d’hier, lesbiennes d’aujourd’hui[9], imprimée par autofinancement. L’identité lesbienne s’y présente comme un outil épistémique qui permet de coconstruire et de valider une vision de l’expérience et de la compréhension du monde (Moya et Hames-García 2000 : 7). La médiation des expériences de diverses femmes à travers la revue brise un isolement et crée une forme de savoir partagée (Moya 2000 : 85)[10]. La relation entre position sociale, expérience et identité est, dans ce contexte, étroite, alors que la revue mobilise une interprétation collective des expériences pour formuler des connaissances lesbiennes. Ce travail de positionnement s’opère dans un espace protégé et exclusif – le sous-titre de la revue, pour lesbiennes seulement, exprimant un geste radical, un refus de se partager, de se dévoiler dans un système oppressant. L’importance de maintenir les idées dans « la communauté » pour certaines de ces femmes est encore un enjeu important pour Thérèse, qui se questionne même à présent sur la diffusion de la revue numérisée :

Thérèse : Pendant un moment, c’était important que ce soit juste entre nous. Parce que y’avait des lesbiennes qui ne voulaient pas écrire pour un public plus large, qui ne voulaient pas être out de la communauté, y’avait des filles qui prenaient la parole parce que c’était pour lesbiennes seulement. On avait une importance de se regrouper et de poursuivre notre analyse.

Le sentiment d’appartenance lesbien, identitaire et stratégique, est ainsi mobilisé comme outil de transformation sociale, établissant des frontières pour créer un espace sécuritaire (Boisvert et Boutet 1998)[11]. Comme le soulignent certaines anciennes membres de l’école Gilford, « il n’était pas question de convaincre un public hétérosexuel de l’oppression et des injustices vécues, ni de justifier notre existence. Il s’agissait plutôt de construire un dialogue entre lesbiennes et d’explorer ensemble le sens de cette identité. L’objectif finalement était de créer un espace de “ possibles ” où les lesbiennes seraient interpellées et où elles occuperaient toute la place » (Boisvert et Boutet 1998 : 320). Toutefois, l’insistance sur une cohésion identitaire sociale, politique et culturelle engendre des tensions importantes au sein de l’école Gilford. Plusieurs conflits sont mentionnés par Marta et Thérèse au cours de notre échange, notamment des débats autour de l’exclusion des femmes féminines, des femmes bisexuelles de même que des fils et des amis des femmes, ainsi que de nombreuses tensions autour de ce que signifie le terme « lesbien ». L’apparition d’une stratégie radicale et séparatiste s’articule en effet autour de la création et de la libération d’une identité lesbienne (Lamoureux 1998 : 182), cette dernière étant traversée par une diversité de courants de pensée parfois conflictuels sur les définitions de l’identité en question (Turcotte 1998 : 363).

Se dire lesbienne implique pour Thérèse une dimension de choix (Revillard 2002), qui engendre un processus de deshétérosexualisation en se défaisant des codes hétérosexuels dominants (Chetcuti 2010). Son identification, comme elle le développe par la suite, est liée à la dimension politique et féministe de son engagement dans le contexte de luttes de revendications des années 80 à 90. Sa trajectoire met en lumière un aspect sociopolitique, communautaire et activiste étroitement lié aux théorisations du sujet lesbien[12] : l’appartenance à un groupe et à une sous-culture est considérée comme centrale dans l’expérience du lesbianisme (Ferguson 1981 : 166). Thérèse mentionne à plus d’une reprise être contente de voir une jeune (moi-même) qui s’identifie comme lesbienne puisque, selon elle, « les jeunes aujourd’hui ne le font plus. Ça existe plus des lesbiennes ». Elle s’inspire des écrits lesbiens radicaux tels ceux de Monique Wittig (1980) et d’Adrienne Rich (1980) pour qui le lesbianisme est positionné comme un acte de résistance dans un système patriarcal. Pour Rich (1980 : 51), et c’est aussi l’avis de Thérèse, toutes les femmes existent sur un continuum lesbien, soit « a range through each woman’s life and throughout history – a woman-identified experience; not simply the fact that a woman has had or consciously desired genital sexual experience with another woman ».

Thérèse : C’est quand je suis entrée à l’[Université du Québec à Montréal] en 1982 que j’ai décidé que je devenais lesbienne. Je ne suis pas née lesbienne, c’est un geste politique […] Je suis fière d’être lesbienne, de ne pas être avec des gars, d’être autonome, de dénoncer la société dans laquelle on vit, c’est une fierté, dès que je peux le dire, le dénoncer, je le fais. Je veux que ça change.

Selon cette perspective, le sentiment collectif de partager et de revendiquer une positionnalité lesbienne dans ses dimensions sociale, politique et culturelle s’avère essentiel pour formuler des revendications et organiser la résistance. L’identité est ainsi mobilisée de plusieurs façons parfois paradoxales, ce qui génère des directionnalités multiples qui expliquent les fortes tensions au sein du groupe. Comme l’analyse Diane Lamoureux (2009), l’identité est à la fois façonnée par les rapports sociaux existants et produite par la résistance à ces derniers : elle résulte des luttes sociales contre l’oppression. L’insistance sur un sentiment d’appartenance (l’identité en tant que stratégie) contraste avec la perspective queer qui met l’accent sur l’individualité, la particularité et le caractère unique de chaque être humain à l’extérieur de catégories fixes. Thérèse et Marta considèrent explicitement cette déconstruction comme une forme de dépolitisation, Thérèse soulignant qu’« on n’a plus un mouvement, les gens veulent avoir une liberté personnelle ». Les réalités matérielles et structurelles des lesbiennes sont, selon Thérèse, dénigrées par le positionnement de la sexualité et du genre comme un effet de discours qui se déconstruit. Ayant toujours été hors normes, ni pleinement acceptées dans les communautés gaies, ni à l’aise dans un système hétéronormatif et sexiste, les lesbiennes se trouvent à nouveau hors normes devant une nouvelle génération aux préoccupations et aux enjeux changeants. Le couple critique la division des identités sexuelles qui, à son avis, scinde les luttes et fait perdre le focus sur le collectif en individualisant la sexualité. L’identité lesbienne, toujours marginalisée et stigmatisée, est ainsi en même temps critiquée comme dépassée et non inclusive lors de conférences et d’évènements que décrivent Marta et Thérèse. Les frustrations qu’elles exposent sont révélatrices des transformations socioculturelles et de la nature contextuelle de l’identité, les horizons de perceptions étant constamment mis au défi (Lee 2017 : 318).

Le radicalisme de ce positionnement identitaire lesbien est également évocateur des ressources de visibilité limitées que doivent se partager les groupes marginalisés (Voirol 2005). Le Réseau des lesbiennes du Québec, né dans le contexte de l’école Gilford, exemplifie ces tensions par de vives discussions autour du remplacement du terme « lesbienne » par « femmes de la diversité sexuelle », comme me le racontent également deux autres participantes. Cette tentative d’inclusivité donne lieu, selon Marta et Thérèse, à une invisibilisation des lesbiennes[13] qui ont toujours été en marge de la communauté gaie. Elles parlent de la perte du sentiment d’être entre elles, de se sentir en sécurité et comprises.

Thérèse : Au RLQ, on sentait qu’on était entre nous, entre lesbiennes. Maintenant, c’est plus ça. On est obligées d’intégrer d’autres diversités. Je pense que ça enlève une dimension politique de ce que ça veut dire être lesbienne, moi être lesbienne, c’est être hors, en dehors de l’hétérosexualité. Dans les groupes que je rencontre queer, trans, on parle pas de ça du tout, la dimension politique ça existe plus, on est toujours dans une société qui est envers les femmes et lesbiennes terribles, et ça n’a pas l’air d’énerver grand monde. Le mot « lesbienne » est dans un seul atelier, le reste est queer et gai, et beaucoup d’ateliers sur les trans, il y a plus rien sur les lesbiennes.

Ce positionnement défensif reflète un besoin des lesbiennes de revendiquer la validité de leur identité en tant qu’outil politique : une médiation conflictuelle avec l’émergence de nouveaux enjeux et conceptualisations de la diversité sexuelle. En effet, les identités fluctuent par nature malgré la volonté de les conserver, ce qui provoque des tensions dans la défense d’une vision cohérente de l’identité luttant contre les éléments qui en dérangent le sens (Lee 2017 : 320). Comme le souligne la phénoménologie critique, le changement de contexte entraîne une désorientation quant aux perceptions, alors que le sentiment d’inadéquation (misfit) est reconduit sous différentes formes (Al-Saji 2015; Garland-Thompson 2019). Marta et Thérèse expriment une crainte d’effacement d’une histoire politique et sociale lesbienne : leur propos soulève des enjeux de transmission de la mémoire des minorités dans un contexte hétéronormatif qui ne valide pas la production de connaissances lesbiennes.

La resignification lesbienne : négociation à de nouvelles intersections

Les positionnements lesbiens politiques demeurent présents dans les discussions collectives malgré la fragmentation de réseaux organisés comme celui de l’école Gilford. Pour Maria, 30 ans, immigrée de Mexico où elle était engagée dans un milieu féministe lesbien, l’arrivée à Montréal engendre un processus de resignification par rapport à sa conceptualisation de l’identité lesbienne. À la recherche de réseaux de lesbiennes politiques, elle rencontre d’anciennes membres de l’école Gilford, tout en découvrant des milieux queers par l’entremise de l’Université Concordia où elle entreprend des études. Maria me donne rendez-vous dans l’appartement de son amie où elle a fait des rencontres significatives (avec d’autres lesbiennes migrantes et racisées), alors qu’elle s’était sentie peu à l’aise dans des soirées lesbiennes ou queers populaires (comme lezspreadtheword, the l nights) qu’elle décrit comme très blanches et peu politisées. À la suite d’une conversation sur l’importance de réseaux privés d’entraide entre immigrantes lesbiennes et bisexuelles, Maria me raconte les tensions qu’elle ressent entre les appellations « lesbienne » et « queer ». Elle se définissait comme lesbienne politique à son arrivée, mais se sent à présent à cheval sur une posture lesbienne et queer :

Maria : Dans le passé, je m’offensais quand les gens utilisaient « lesbienne » et « queer » de façon interchangeable en référant à moi, mais j’ai mes raisons, mon background culturel a beaucoup à voir avec ce que j’ai appris des communautés pour femmes à Mexico. Les communautés lesbiennes sont très proches des communautés féministes, très critiques des enjeux de race et de classe. Elles sont aussi conscientes des effets du colonialisme dans la région et des façons dont ça affecte nos pratiques et nos identifications. La façon dont nous sommes est le résultat d’un processus très dur et très blessant d’invasion, d’invasion culturelle. Nous sommes comme une combinaison ou [un] résultat très complexe de personnes blanches qui sont arrivées dans la région et de personnes autochtones. Il y a toute une identification complexe qu’on appelle mestiza […] Notre identification lesbienne va main [dans la] main avec ces dynamiques intersectionnelles, comme lesbiennes, comme personnes racisées, comme personnes colonisées.

Les propos de Maria positionnent la conceptualisation identitaire sexuelle mestiza dans un contexte culturel, racisé et colonial complexe, traversé de dynamiques de pouvoir et d’oppression (Anzaldua et Moraga 1981). L’intersection de son identité dans un contexte violent, dont elle explicite l’importance de prendre conscience par la création de liens de solidarité, met en avant la nécessité de la validité épistémique de la positionnalité de lesbienne comme forme de résistance, tout en déconstruisant l’essentialisme de cette dernière (Moya et Hames-García 2000) :

Maria : En tant que femme lesbienne, j’étais très dans la théorie féministe classique, la théorie lesbienne et disons, comme l’identification lesbienne de l’ancienne école. J’étais plus proche de toutes ces choses chez moi, et je les ai retrouvées dans les communautés francophones. J’ai rencontré les mères fondatrices de beaucoup de choses qui ont trait à mon identité en tant que lesbienne, j’étais tellement attirée, je me sentais très attachée à elles et je ressentais une connexion forte, genre oui, je sais de quoi vous parlez! Mais c’était un peu drôle parce qu’elles étaient beaucoup plus âgées que moi et qu’elles n’essayaient pas de trouver des paires, beaucoup étaient déjà bien établies dans leur routine […] Je cherchais des cercles qui se rencontraient et faisaient des choses, mais elles ne le faisaient plus. Et puis, d’autre part, les gens de mon âge étaient plus proches de l’identité queer, il était plus important [pour ces personnes] de faire attention à ne pas exclure les femmes trans, de ne pas assumer les pronoms des gens.

La conception identitaire de Maria est aussi fortement marquée par le mouvement de la migration. Le va-et-vient entre les contextes de Mexico et de Montréal dans la trajectoire qu’elle raconte connecte des éléments de lutte vécus par des activistes lesbiennes, telles Marta et Thérèse, à des éléments de lutte au Mexique, rapprochement qui surprend en raison de la différence des contextes socioculturels. Pour Maria et bien d’autres qui positionnent le lesbianisme en tant que mode de vie, l’acte de résistance de ne pas se conformer à des attentes sociétales et à des directions hétéronormatives prescrites mène à la création d’une autre organisation sociale. Ainsi que l’expriment plusieurs participantes, ce genre de position marginalisée dans un contexte colonial et racialisé (aux yeux de Maria, colonial et racialisé) peut s’accompagner d’une attitude défensive. Cette dynamique d’identité dans la différence (Lee 2017) peut passer par des comportements excluants, comme Maria le critique relativement à ses propres commentaires : « J’étais moi-même coupable de perpétuer des ‘ Oh non, elle n’est pas lesbienne. Elle n’est pas comme ça ’. »

Les expériences de nombreuses participantes récemment immigrées à Montréal le soulignent également : négocier sa position politique à travers de nouveaux réseaux implique une réarticulation par rapport aux normes culturelles et aux narratifs existants. Ce processus de désorientation (Ahmed 2006) mène souvent à la création de microréseaux privés qui permettent d’organiser d’autres positionnalités politiques, comme préfère le faire Maria dans le confort d’un appartement avec d’autres personnes partageant des enjeux migratoires et racisés (Hébert 2012).

La déconstruction des identités comme projet politique

À l’instar du terme « lesbienne », le terme « queer » est sujet à des significations multidimensionnelles. Plusieurs auteures queers défendent son potentiel de résistance qui implique de constamment repenser la façon dont il est mobilisé : « theorists and activists must resist taking queer to represent a coherent or uniform identity » (Guillmette 2019 : 278). Parfois terme parapluie, parfois synonyme (lesbo-queer), ou encore une opposition à une certaine identité lesbienne, sa traduction du contexte anglophone au Québec suppose une dimension politique particulière, se heurtant à des réticences devant l’importation d’un terme en anglais (notamment par rapport aux tensions dans les milieux lesbiens mentionnés plus haut)[14]. Comme le souligne l’étude de Bruno Laprade (2014) sur la réception du terme « queer » dans les médias, plusieurs incertitudes liées à sa définition complexifient les débats : quand parle-t-on de « queer » et quand parle-t-on de « gaie », « bi » et « lesbienne »? Le contexte d’émergence des discours queers à Montréal a un ancrage particulier dans le milieu anglophone durant les années 1990 et 2000, notamment par l’entremise de groupes de musique tels que Lesbians on Ectasy[15] et des activistes comme les Panthères roses[16] qui s’organisent en parallèle des défilés de la fierté et des activités tenues dans le Village gai (Hogan 2005; Boucher et autres 2010). Une nouvelle positionnalité vers laquelle s’orienter, un nouveau mode d’être – pour certaines, cela répond à un besoin de resignification du terme « lesbienne », ancré dans une autre réalité historique et sociale. La réticence envers ce terme est en effet soulevée par certaines participantes qui se définissent comme queers en raison des frontières du genre et de la sexualité qui délimitent le terme « lesbienne » et du contexte socioculturel qui caractérise certaines de ses manifestations (notamment l’exclusion des femmes trans et de la bisexualité).

Rompre les frontières au lieu de les sécuriser, particulièrement pour ce qui est du genre et de la fluidité de la sexualité, est ainsi un geste significatif pour plusieurs qui ne se sentent pas interpellées par la mise en discours à travers la catégorie lesbienne. D’autres varient entre les appellations « lesbienne » et « queer » selon les contextes et les réseaux dans lesquels elles se trouvent. Certaines participantes critiquent la rigidité de la perspective identitaire, comme Jeanne (32 ans, s’identifiant comme lesbienne et trans) qui dit se sentir jugée par ses amies lorsqu’elle mentionne des rapports occasionnels avec des hommes. Jeanne se sent toujours attachée au terme « lesbienne », mais critique l’impératif de devoir lui rester fidèle. Cette exigence est également critiquée par Lox (34 ans, s’identifiant comme lesbienne et queer) qui, malgré son attachement profond aux communautés lesbienne et féministe dans lesquelles elle est engagée depuis 10 ans, accorde beaucoup d’importance au ressenti de liberté. Son expérience inattendue avec un homme lui a fait reconsidérer la fixité de son orientation sexuelle : « J’essaie pas de me limiter, si demain j’ai envie de changer, je me donne la chance de le faire. »

La posture de Monia (32 ans, s’identifiant queer) est particulièrement évocatrice d’une position politique à laquelle elle revendique un fort attachement. Elle me donne rendez-vous en après-midi à la station de métro Mont-Royal et indique ne pas trop savoir où aller : elle me demande si nous pouvons simplement flâner comme à plusieurs autres reprises durant mes processus d’entrevues; de prime abord, je suis déstabilisée, mais je serai par la suite agréablement surprise du pouvoir évocateur de ces différentes façons de marcher. Avec Monia, l’errance nous orientera vers une discussion sur la fluidité du désir d’appartenance ainsi que sur la réticence à l’égard des endroits marqués et des catégories identitaires. Être en mouvement constant est constitutif de l’expérience de Monia qui se trouve partagée entre plusieurs identités (queer, arabe, marocaine, montréalaise) :

Monia : Je me demandai : « Est-ce que je donne rendez-vous à Tara dans le Village? » Mais [le] Village, moi, oui, oui c’est bien, mais par moments. Des fois, je trouve que c’est [un] endroit un peu trop marqué, j’ai pas forcément besoin de me retrouver dans un espace où il y a juste ma communauté, sexuellement parlant, pour que je sois bien. Moi je viens quand même du Maroc où les autres orientations sexuelles, à part l’hétérosexualité, sont complétement pénalisées, donc ok dans des pays comme le Maroc ou d’autres, je peux voir l’utilité d’être à la quête de ce genre d’espace. Mais ici, je ressens moins ce besoin-là. Pis en même temps, je suis consciente de toutes les luttes de la communauté pour avoir ces lieux-là, mais j’aime penser que je peux sortir dans n’importe quel endroit et de juste pouvoir jaser avec qui je veux. Même en termes de cruiser les personnes, j’aime croire que j’ai pas forcément [besoin] d’aller dans des endroits spécifiques pour trouver ce que je recherche.

Pour Monia, le mot « queer » évoque une redéfinition de sa position dans le monde, ce qui ouvre de nouvelles possibilités en vue de redéfinir la différence sexuelle (Ahmed 1998 : 68). Sa préférence qui va à l’idée d’errer ou de flâner (par opposition à être dans un espace défini gai) s’harmonise fortement avec sa conceptualisation de la sexualité comme une errance queer (Halberstam 2005). En effet, la pratique du flânage en tant que pratique culturelle « allow[s] for a particular experiential flow of successive moments of detachment and attachment, physical immersion and mental wandering, memory, recognition and strangeness » (Edensor 2010 : 70). Une vision queer de l’errance et de l’urbanité montréalaise émergera fortement de ces expériences (Carrera Suárez 2015), notamment sous forme d’une remise en question du rapport au monde et aux autres (bien entendu, cadrée dans un privilège de mobilité et de sécurité) :

Monia : Queer, ça aussi [c’est] un aspect politique que j’assume, c’est une vision du monde qu’on défend. Je vois dans le terme « queer » une volonté et surtout un désir de sortir des carcans qui étouffent le monde, d’essayer de réimaginer le monde autrement. Moi, j’y tiens beaucoup à ce terme-là. Je sais que beaucoup ont un problème avec ce terme-là. C’est très large en même temps, donc ça laisse beaucoup de liberté pour les gens de naviguer leur désir comme ils veulent; tandis que, pis ça c’est juste pour moi, « bi », « gai » et « lesbienne », ça reste quand même des catégories fermées qui ont la prétention de couvrir what you are all about.

Les hésitations et les errances quant aux appartenances multiples rendent difficile un projet politique axé sur une définition identitaire stable. Le politique est plutôt reconceptualisé comme une rupture des frontières, une nouvelle forme d’utopie qui redéfinit la liberté du mouvement au sein de la sexualité. De nouvelles possibilités d’alliances et de solidarités émergent au-delà des positionnements identitaires lesbiens (Butler 2015). Ce désir de connecter hors des restrictions identitaires révèle une autre orientation au monde qui, au lieu de chercher des directions fixes, met plutôt en avant la fluidité des expressions. Comme le démontre l’expérience spatiale de flânage, « looking ‘ queerly ’ for the non-conformative, sheds light on the possibilities and potentialities for lives lived in incongruent and conflicting relationships with normative systems of meaning – neither within nor without – but as a form of fluidity; a mobile instability in experiences, behaviours and practices of the self » (Browne et Nash 2010 : 132). Le positionnement implique une fragmentation des binarités, ce qui laisse émerger de nouvelles possibilités de désir et de rencontre. Des discussions importantes dans les milieux activistes débattent ainsi de l’inclusivité envers les diverses expressions du genre et de la sexualité, notamment les femmes bisexuelles et les personnes non binaires, longtemps invisibilisées dans les évènements lesbiens :

Monia : Je recherchais plus des énergies […] J’ai toujours eu des problèmes avec l’expression « my people ». Tsé, c’est qui « my people »? Est-ce qu’ils doivent être marocains? Est-ce qu’ils doivent être arabes? Est-ce qu’ils doivent être queers? Est-ce qu’ils doivent être féministes? Est-ce qu’ils doivent être un mélange de toutes ces étiquettes-là, ok, peut-être. Je ne sais pas, des fois je me dis : « Pourquoi je me préoccupe de toutes ces catégories macro? » De ces grosses catégories comme ça. En même temps, je sais que c’est important, politiquement parlant. Mais je me dis quand même : « Pourquoi ne pas prendre tout ça simplement en termes de… juste en termes d’énergie, de vibe? »

L’expression de la sexualité s’accompagne d’une interrogation de la binarité des genres et d’une reconnaissance de la fluidité sexuelle, se dire queer étant perçu par certaines, telle Monia, comme une affirmation d’inclusivité remettant en question l’hétéronormativité et l’impératif de la féminité (Lane 2015 : 219). À travers ces fragmentations, comment définir le « nous »? De quel « nous » est-il question? Se dissocier des postures identitaires, ainsi que cherche à faire le queer, implique de complexes débats sur ses paradoxes[17]. Judith Butler et Athena Athanasiou (2013) posent notamment une possibilité de faire le politique et de se sentir en connexion mutuelle sans devoir témoigner d’une similarité identitaire (contrairement aux postures articulées par les politiques identitaires). Le queer cherche ainsi à créer de nouvelles possibilités relationnelles en dehors des catégories identitaires et institutionnelles hégémoniques, ce qui en fait une autre démarche politique de dé-identification facilitée par le contexte urbain et postmoderne montréalais[18] (Podmore 2019).

Conclusion

En tant que posture identitaire et politique, les concepts « lesbienne » et « queer » sont resignifiés, débattus et réappropriés, à travers des tensions générationnelles, racialisées et linguistiques qui marquent toujours les réseaux montréalais. Le projet de déconstruction de l’hétéronormativité et de critique du sexisme en tant que lesbienne ou queer (ou d’autres identifications non abordées dans mon article) peut s’articuler selon de multiples directions. Qu’advient-il alors du potentiel « nous » à travers ces perspectives variées? Diverses conceptualisations du politique émergent au fil des trajectoires suivies, alors que certaines expriment un besoin d’espace de vie et de survie en collectivité sécurisé par des frontières précises et que d’autres critiquent la pression de catégorisation et de mise en discours de la sexualité comme identité. Ma recherche, qui ne pose que quelques bribes de réflexion relativement à ces postures, reconnaît l’importance de l’identité comme posture politique, particulièrement dans un contexte où l’invisibilité lesbienne demeure toujours un enjeu significatif. D’autre part, il importe de percevoir les enjeux d’exclusion que provoque la catégorisation de la sexualité en termes d’identité, la posture queer posant d’autres paramètres de réflexion sur la rigidité des normes imposées au genre et à la sexualité. Structurer la posture lesbienne ou queer, ou les deux à la fois, comme outil politique féministe, est enfin un processus continuellement mouvant qui implique des discussions parfois difficiles au sein des communautés de la diversité sexuelle et de genre, ces tensions lançant d’importants défis aux stratégies de lutte et de solidarité.