Corps de l’article

Cet ouvrage collectif tente de retracer la « saga » de l’intégration du numérique en éducation. Pour ce faire, le livre est structuré autour de deux grands axes qui en constituent les parties : 1) les effets du numérique en éducation ; 2) des « regards croisés ».

Pour la première partie de l’ouvrage, Baron et Depover proposent un chapitre rétrospectif. Celui-ci permet de prendre la mesure de l’évolution de la place du numérique dans les curriculums scolaires : cette évolution n’a pas été linéaire et s’est faite par soubresauts. Après l’enthousiasme des premières années, il a fallu attendre les années 2010 pour voir réapparaitre des cours de programmation, par exemple. Quant à l’effet sur les apprentissages, l’on trouve dans le troisième chapitre une revue synthétique de la question. Particulièrement en raison de défis méthodologiques, mais aussi du grand nombre de facteurs pouvant influencer les conclusions, il est encore difficile d’affirmer l’effet positif (ou négatif) du numérique. Par contre, il ressort du chapitre suivant que le numérique peut contribuer à refonder les approches disciplinaires, ce dont ont notamment bénéficié les sciences formelles. Le cinquième chapitre apporte des ébauches de réponses à des préoccupations sociétales sur les technologies de l’information et de la communication, comme l’effet des jeux vidéos sur les comportements ou celui du numérique sur les comportements multitâches. Même si ce chapitre déborde du strict cadre scolaire, l’on aurait tort de se désintéresser de ces problèmes. Les spécialistes des questions technopédagogiques pourraient reprocher à cette première partie de couvrir sommairement certains aspects ; ainsi, l’autorégulation (c’est-à-dire le processus par lequel l’élève régule ses apprentissages) est traitée de façon succincte, alors qu’elle constitue un défi majeur de l’e-formation et notamment des cours en ligne ouverts et massifs. Cependant, les pédagogues curieux⋅ses et les jeunes chercheur⋅se⋅s tireront parti de ce tour d’horizon plutôt exhaustif.

La seconde partie est un exercice collectif et dépasse le cadre des effets du numérique, tel que mentionné dans le titre de l’ouvrage. Les contributions permettent d’aborder le sujet sous divers prismes, comme la collaboration ou la formation des adultes. Ainsi, les chapitres 9 et 10 nous éloignent de considérations occidentalocentristes et exposent la question du numérique éducatif dans les pays de l’Afrique subsaharienne. Drot-Dellange (chapitre 11) aborde l’éducation au numérique en la mettant en perspective avec l’éducation à la citoyenneté, ce qui complète avantageusement le sujet de l’éducation par le numérique. En cela, l’auteure permet de dépasser la conception strictement instrumentale du numérique. Collin et Brotcorne (chapitre 12) parachèvent solidement l’ouvrage en développant les fondements d’une approche sociocritique du numérique en éducation. Au-delà des études sur les effets du numérique sur les apprentissages, les auteur⋅e⋅s préconisent une lecture systémique de l’intégration du numérique permettant ainsi de comprendre les rapports de force sous-jacents à cette intégration.

Le numérique éducatif suscitant des avis parfois tranchés, Baron et Depover proposent donc un ouvrage qui constitue un état de la question efficace et rigoureux. Grâce à une deuxième partie qui diversifie les angles d’analyse (notamment dans son chapitre de conclusion), les lecteur⋅rice⋅s seront en mesure d’entrevoir des perspectives utiles pour les pratiques et la recherche de demain.