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Cet essai écrit en 2019 par Stéphanie Demers, professeure en éducation à l’Université du Québec en Outaouais, propose une réflexion sur l’état actuel du système éducatif québécois. Elle y expose clairement son point de vue contre la nouvelle gestion publique et la place de l’idéologie néolibérale en éducation. Le chapitre 1 porte sur le processus de démocratisation de l’école québécoise, entamé dans les années 1960, et sur la mission de l’école. Le chapitre 2 explique aux lecteur⋅rice⋅s ce qu’est l’idéologie néolibérale, qui transfère le modèle de marché et d’entreprise dans tous les aspects de la société. Ainsi, l’éducation devient un marché compétitif où le financement doit être justifié par des résultats tangibles, qui sont l’outil prépondérant de la nouvelle gestion publique. Dans le chapitre 3, l’on voit en détail les manifestations de cette idéologie individualiste et déshumanisante dans le système éducatif. Dans le chapitre 4, Demers décrit en quoi toutes ces politiques culminent dans la gestion axée sur les résultats, obligeant ainsi les enseignant⋅e⋅s à rendre des comptes au Ministère. Dans le chapitre 5, elle se penche sur l’impact concret de cette politique sur les enseignant⋅e⋅s, qui voient leur autonomie atteinte et souffrent de la rationalisation des ressources. Dans le chapitre 6, elle dresse le portrait des écoles québécoises, où les enseignant⋅e⋅s se sentent seul⋅e⋅s dans des classes souvent surchargées. L’auteure conclut en partageant quelques « outils de résistance », soit des pistes de solution au problème que, selon elle, représente la nouvelle gestion publique.

Un des points forts de cet essai, bien que ce soit un texte d’opinion, est que Demers apporte une grande crédibilité à ses propos en les appuyant sur de nombreuses sources du milieu éducatif issues de ses recherches (études, entrevues, etc.). De plus, l’auteure explique concrètement les conséquences de l’implantation de l’idéologie néolibérale dans les écoles. Les impacts auprès de toutes les parties prenantes dans les milieux scolaires sont expliqués : parents, direction, enseignant⋅e⋅s, etc. L’essai présente aussi une belle occasion pour les acteur⋅rice⋅s du milieu de l’éducation de s’interroger sur un système mis en place depuis si longtemps qu’il a été intériorisé par la plupart. La réflexion proposée met le doigt sur un malaise vécu par plusieurs et nourrit un questionnement collectif.

Cependant, la vulgarisation et l’explication de certains concepts de l’ouvrage auraient pu être améliorées. Bien qu’il s’adresse à des personnes du milieu universitaire, celles-ci n’ont pas nécessairement une connaissance approfondie des théories économiques brièvement survolées en début de texte. Aussi, plus de contrarguments auraient pu être présentés : l’auteure évoque peu d’avantages de cette idéologie dans les écoles, avant d’en contester les bienfaits. Avec un certain recul et comme mise en contexte, il aurait été pertinent d’approfondir les deux antagonismes dans ce débat. Enfin, parmi les détenteur⋅rice⋅s d’enjeux et d’intérêts, la perspective de l’élève est peu traitée. L’auteure mentionne certes le problème de l’anxiété de performance, mais sans étudier d’autres défis. Il aurait été à-propos d’examiner plus en profondeur les effets du néolibéralisme sur elles⋅eux, leur réussite éducative et la démocratisation de l’école.