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Le 30 mai 2018, le gouvernement du Québec lançait son Plan d'action numérique en éducation et en enseignement supérieur (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2018). Ce plan a notamment été mis de l’avant parce que le virage numérique constituait – et constitue toujours – une formidable occasion de développement et de croissance pour le Québec. Ce plan numérique a aussi été élaboré avec le souhait que le numérique puisse dorénavant imprégner plusieurs activités de développement dans de nombreux domaines, et plus particulièrement en éducation.

Quatrième révolution industrielle d’importance après la mécanisation, l’électrification et l'automatisation (Cristol, 2019), le numérique transforme nos façons de penser, de créer, de communiquer, d’apprendre et de travailler. Le système éducatif québécois est un incubateur de changement et d’innovation incontournable (Karsenti et Bugmann, 2017). C’est en grande partie l’éducation et l’enseignement supérieur qui nous permettront de nous adapter aujourd’hui et demain, tout en contribuant à l’égalité des chances, à la réussite éducative et au développement du plein potentiel de chacun.

En effet, devant l’omniprésence du numérique dans toutes les sphères de nos vies, le système éducatif québécois est appelé, non seulement à s’adapter, mais à devenir un agent de changement et d’innovation. Pour ce faire, tant les apprenants, à tous les ordres d’enseignement, que le personnel et les établissements d’enseignement doivent pouvoir saisir les nombreuses possibilités, en termes d’apprentissages, de pratiques d’enseignement, de communication et de créativité, qu’offre le numérique (voir notamment Organisation for Economic Co-operation and Development, 2019). En outre, les progrès fulgurants dans le domaine du numérique, notamment par la robotisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle (Karsenti, 2019), confirment la nécessité d’agir afin de répondre aux enjeux technologiques, éthiques et sociaux liés aux innovations qui viendront transformer nos modes de vie, nos milieux de travail et notre quotidien.

C’est dans ce contexte, et avec la volonté de faire du système éducatif québécois un initiateur important de la « révolution numérique » (Deschamps de Paillette, 2019), qu’il faut miser sur les compétences numériques et la bonification des pratiques éducatives afin de préparer les apprenants à faire face aux défis de demain (Karsenti, 2018). C’est pourquoi le Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur est guidé par la vision « d’une intégration efficace et d’une exploitation optimale du numérique au service de la réussite de toutes les personnes, qui leur permettent de développer et de maintenir leurs compétences tout au long de leur vie » (MEES, 2018, p. 24).

Ce plan d’action ministériel présente concrètement trois principales orientations. La première a pour but de contribuer à la modernisation et à l’adaptation du déploiement de l’offre de formation, de soutenir le développement des compétences numériques des jeunes et des adultes ainsi que de promouvoir la culture numérique. La deuxième vise une exploitation optimale du numérique par des pratiques innovantes, la mutualisation des ressources et des services ainsi qu’une offre de formation à distance adaptée aux besoins et à la réalité des apprenantes et apprenants d’aujourd’hui et de demain. Enfin, la troisième orientation est axée sur le suivi du parcours éducatif, sur la mise en place d’un encadrement adapté et flexible, ainsi que sur une accessibilité fondée sur l’équité et la sécurité. Ces trois orientations se déclinent en 33 mesures qui ont été conçues de façon à donner une nouvelle impulsion au virage numérique du système éducatif et à contribuer activement au développement des compétences numériques des citoyennes et des citoyens du Québec (MEES, 2018).

Le Gouvernement du Québec a prévu que la mise en oeuvre des actions s’échelonnera sur une période de cinq ans (2018-2023), en étroite collaboration avec les acteurs et les partenaires du système éducatif. Le mouvement initié par ce plan d’action se veut itératif et continu, puisque l’éducation doit permettre à l’humain de renforcer son pouvoir d’action et de réflexion, même dans un environnement où les technologies évoluent rapidement (MEES, 2018).

C’est dans ce contexte que ce numéro thématique de la Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire (RITPU) a été réalisé. Notre revue, même si elle présente le plus souvent des recherches scientifiques avec des données empiriques, a également pour mission de présenter des comptes rendus d’expériences ou de pratiques intégrant le numérique, des textes de réflexion pédagogique apportant un point de vue sur l’intégration du numérique en éducation, de même que de brèves recensions.

Nous avons donc pensé, étant donné l’importance du numérique en éducation, qu’il pouvait être pertinent de proposer un tel numéro thématique qui regroupe une série de textes présentant une variété d’initiatives et de points de vue qui découlent du Plan d'action numérique en éducation et en enseignement supérieur. Comme il existe des cégeps francophones et anglophones, certains textes sont présentés dans les deux langues par leurs auteurs.

Le Cadre de référence de la compétence numérique, dernière mesure-phare du Gouvernement du Québec en matière du développement de compétences numériques, est d’abord présenté sommairement. Le texte suivant, Le numérique, plus que jamais au service de la mission d’enseignement des cégeps, signé par Bernard Tremblay, le président-directeur général de la Fédération des cégeps (http://fedecegeps.ca), montre dans quelle mesure le numérique a transformé les cégeps, cet ordre d’enseignement propre au Québec. Cégep est l’acronyme de « Collège d’enseignement général et professionnel » et au Québec, c’est un établissement d’enseignement public où est dispensé le premier niveau de l’enseignement supérieur. Tous les programmes d’études préuniversitaires et techniques offerts au cégep sont sanctionnés par un diplôme d’État. Le troisième texte permet à Stéphanie Carle, du Réseau des répondantes et répondants TIC des cégeps (REPTIC), de brosser un portrait des principaux réseaux et organismes dans le domaine de la technopédagogie qui oeuvrent auprès des cégeps. Pierre-Paul Gros, enseignant de sciences au Champlain Regional College – un cégep anglophone du Québec – présente ensuite sa vision des réalités technologiques, inspirée par sa double expérience d’enseignant au collégial et d’étudiant universitaire. Chris Isaac Larnder et ses collègues du John Abbott College et du Marianopolis College décrivent ensuite les étapes et les résultats d’un projet novateur appuyé sur l’usage du numérique dans l’enseignement des sciences au niveau collégial. Pascale Blanc, de la Vitrine technologie-éducation (http://vteducation.org) et ses collègues proposent, dans le texte suivant, une réflexion sur l’importance de la mutualisation des ressources éducatives numériques (REN) et des ressources éducatives libres (REL) en enseignement supérieur. Pour sa part, Denis Chabot, du Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD), un centre de production de ressources numériques et de documents imprimés conçus à l'intention du personnel enseignant et des étudiants de l'ensemble du réseau collégial québécois, décrit les différentes étapes d’élaboration de projets en vue de répondre aux divers besoins des apprenants et des enseignants. Normand Roy et ses collègues amorcent ensuite une réflexion sur la question du développement professionnel au postsecondaire, à l’ère du numérique. Jacques Cool et l’équipe du Centre d’animation, de développement et de recherche en éducation pour le 21e siècle (CADRE21) exposent, par la suite, une stratégie de développement professionnel, par le numérique et disponible en ligne, pour les enseignants francophones de tous les ordres d’enseignement. Le modèle de formation FADIO, initiative inspirante pour le partage d’expertise en formation à distance est, par la suite, décrit par sa coordonnatrice, Mylène Simard, du Cégep de Rimouski. Sirléia Rosa, du Cégep Saint-Laurent, présente, avec quelques collègues, une expérience de développement d’un cours sur l’intelligence artificielle dans les cégeps. Enfin, Florent Michelot traite de la nécessité de former de véritables acteurs compétents du numérique, et des nombreux défis auxquels ce projet est confronté.