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Les technologies numériques ou digitales augmentent la capacité humaine à acquérir, produire, diffuser et consommer des informations à un niveau et une valeur sans précédent (Pournaras et Lazakidou, 2008). La prolifération des appareils mobiles et l’omniprésence d’Internet dans la vie quotidienne ont radicalement changé les attentes, les préférences et les comportements des individus. En outre, l’essor des technologies disruptives, telles que l’intelligence artificielle, la blockchain, la réalité augmentée et la réalité virtuelle, les objets connectés (IoT), les véhicules autonomes et d’autres innovations digitales, continue à modifier le comportement humain et le fonctionnement de nos sociétés. Brandt et Henning (2002) expliquent que les innovations digitales dans la société ont permis aux individus de communiquer hors des frontières du temps et de l’espace, d’accéder à une multitude d’informations dans le monde entier et de faire de multiples transactions en temps réel. Cette avancée signifie que les consommateurs ne se contentent plus de télécharger ou de rechercher des données statiques, mais qu’ils sont en mesure de créer et de partager leur propre contenu sur des réseaux sociaux.

Il en résulte que la création de valeur pour les firmes s’effectue de plus en plus par la production d’informations numériques, que cette valeur numérique soit fortement ou faiblement connectée à des produits matériels (Bryniolfsson et McAfee, 2014). Ainsi, des start-up numériques ayant lancé de grandes vagues d’innovations digitales au cours des deux dernières décennies ont atteint des chiffres d’affaires estimés en milliards de dollars à l’image d’Airbnb, d’Amazon, de Google, ou encore de Facebook (Westerman et Bonnet, 2015; Svahn et al., 2017) en créant de nouveaux marchés reposant sur des avantages comparatifs qui les différencient de leurs concurrents. Le digital, au travers des nouvelles possibilités de création de valeur qu’il permet, engendre de nouveaux Business Models (Margiono et al., 2018).

Ces Business Models reposent de plus en plus sur des éléments immatériels, et une logique de mise en réseau de plusieurs acteurs via des plateformes d’échange (Airbnb, Uber, Rakuten, Leboncoin, etc.). Plus globalement, la création de valeur des firmes se fonde de plus en plus sur des éléments immatériels qui agissent ensemble et se complètent les uns les autres. Dans la littérature, ils sont regroupés sous le vocable de capital immatériel (Li et al., 2008). Pour se convaincre de leur importance, il suffit d’interroger les analystes financiers ou les cabinets d’audit. Selon Ocean Tomo[1], les actifs immatériels représentent aujourd’hui 84 % de la valeur des entreprises, contre 17 % en 1975.

Enfin, cette croissance des actifs immatériels est également à l’origine des difficultés de financement des entreprises, et en particulier des start-up, par endettement. C’est pourquoi les entreprises high-tech, jeunes et en croissance, c’est-à-dire celles dont la capacité d’autofinancement est la plus faible, cherchent à s’introduire en bourse pour financer leur développement. La question qui se pose alors concerne la manière dont ces mutations technologiques et la montée en puissance des immatériels dans nos sociétés affectent le comportement des consommateurs, la création de valeur, les Business Models, et la performance des firmes, ainsi que leur financement et gouvernance. Les questionnements sur ces trois points ouvrent autant de pistes de recherche dont nous explorons les points cruciaux dans ce dossier.

Innovations digitales et impact sur le comportement des consommateurs

Ces dernières années, le concept d’innovation digitale a suscité beaucoup d’intérêt, aussi bien parmi les universitaires que les praticiens. Avec ces deux mots clés, nous avons identifié dans Scopus 240 articles pertinents en 2019, contre 10 en 2011. En dépit de l’intérêt croissant pour ce concept, les travaux de recherche restent plutôt vagues et conduisent à un corpus émergent de théories et de pratiques qui s’appuie sur plusieurs disciplines des sciences sociales. Cela dit, il existe une ambition largement partagée parmi les chercheurs de parvenir progressivement à une cohérence théorique et conceptuelle de l’innovation digitale (Nambisan et al., 2017) afin de mieux supporter la recherche en management et la pratique des affaires (Nylén et Holmström, 2015).

Il est donc nécessaire d’approfondir la théorisation de l’innovation digitale et de mieux connaître les processus spécifiques à la transformation digitale. En se référant à la définition de Dörner et Edelman (2015), le numérique concerne moins un processus que la façon dont les entreprises gèrent leurs activités. Il en découle que pour être réellement digitale, une entreprise doit être en phase avec l’évolution des parcours décisionnels des consommateurs au sens large. Cela signifie qu’elle doit comprendre comment les comportements et les attentes des consommateurs se développent à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, ainsi qu’à l’extérieur de son secteur d’activité, ce qui est essentiel pour devancer les tendances qui peuvent générer ou détruire de la valeur.

Pour expliquer ce phénomène, Henfridsson et al. (2018) définissent l’innovation digitale comme le résultat des activités par lesquelles un ensemble de ressources numériques sont recombinées dans leur conception et leur utilisation par des connexions entre les espaces de valeur. Plus précisément, ils proposent le cadre conceptuel des espaces de valeur comme un outil permettant de mieux comprendre la création et la capture de la valeur client grâce à l’innovation digitale. Cette dernière affecte le comportement du consommateur dans toutes les phases de l’acte d’achat, de l’avant-vente (la recherche d’information) à l’après-vente, en participant éventuellement à la co-production du produit ou du service. Même dans un cadre de vente multicanal, le consommateur passe d’un comportement multicanal (à travers de multiples interactions avec chaque canal) à un comportement transcanal (ou cross-channel en anglais) à travers des interactions croisées et multiples entre les canaux (Huré et Cliquet, 2011).

En résumé, les innovations digitales modifient les modèles d’affaires et les industries en influençant les comportements des consommateurs. Il est donc crucial pour les entreprises de bien comprendre ces changements pour rester compétitives.

Création de valeur, Business Model et performance

Avec la digitalisation de l’innovation, les hypothèses traditionnelles de création de valeur sont remises en question (Henfridsson et al., 2018; Yoo et al., 2012). Il devient nécessaire d’élaborer de nouvelles théories et d’apporter des conceptions alternatives de la création de valeur. En effet, contrairement à une chaîne de valeur traditionnelle typiquement présente dans les industries manufacturières, la valeur de l’innovation dans le domaine digital est créée par un contrôle distribué non linéaire et des processus dynamiques dans des environnements en réseau (Boland et al., 2007; Westergren et Holmström, 2012). Grâce à la digitalisation, les produits physiques s’intègrent avec la technologie numérique dans des produits traditionnellement non numériques comme les appareils photo (Tripsas, 2009), les magazines (Nylén et al., 2014), les téléphones (Ghazawneh et Henfridsson, 2013) et les voitures (Svahn et al., 2017). De plus, ces produits digitalisés peuvent fournir une gamme de fonctionnalités beaucoup plus large que les produits non numériques. Pour illustrer ces possibilités, Fichman et al. (2014) s’appuient sur l’exploration du lien entre les configurations d’innovation digitale et la création de valeur pour le consommateur.

Cette création de valeur repose ainsi de plus en plus sur des éléments immatériels. Elle magnifie l’immatériel comme un capital multiforme : technologique (brevets, logiciels, systèmes d’informations), humain (compétences, savoir-faire, connaissances, motivation…), réputationnel (marques, relations avec les consommateurs, image, propriété littéraire et artistique) ou encore organisationnel (structure, culture d’entreprise, apprentissage organisationnel, gouvernance, résilience…).

Le digital au travers des nouvelles possibilités de création de valeur qu’il permet engendre également de nouveaux Business Models. Le Business Model (BM) définit le système d’activités qu’une organisation utilise pour créer et capturer de la valeur. En tant que tel, le BM est essentiellement l’application de la gestion stratégique (Powell et Hughes, 2016). Autrement dit, « le BM d’une organisation est son système de transformation des intrants, par l’intermédiaire de ses activités, en extrants et résultats visant à atteindre les objectifs stratégiques de l’organisation et à créer de la valeur à court, moyen et long terme » (PwC, 2014, p.8). Ce concept n’est pas nouveau. Il remonte aux années 1960 (Arlotto et al., 2011), mais ce n’est pas un hasard si sa popularité a augmenté au fur et à mesure que l’économie passait au numérique. La littérature sur le BM a commencé à se généraliser à partir de l’émergence du commerce électronique dans les années 90 (Blank, 2013; Osterwalder et al., 2010). En fait, la flexibilité accrue offerte par les technologies digitales pour coordonner les différentes phases et étapes du processus par lequel une entreprise crée de la valeur explique le développement fulgurant de cette littérature sur le BM. En particulier, le BM Canvas (De Reuver et al., 2013) peut être considéré comme une version améliorée du modèle de chaîne de valeur plus traditionnel qui était si populaire auparavant. Enfin, nous assistons à l’émergence d’un courant de recherche sur les BM digitaux (Margiono et al., 2018; Richter et al., 2017), basé sur la description des nouvelles typologies de BM permises par la digitalisation et sur les enjeux qui s’y rapportent. Ces recherches montrent que la digitalisation pousse les entreprises à changer leur BM selon deux dimensions clés : (i) la première dimension a trait à la compréhension des besoins des clients dans la mesure où les technologies digitales permettent de détecter les motivations intrinsèques des clients dans un monde où la consommation est de plus en plus déterminée par l’expression personnelle (et pas seulement pour collecter des données démographiques et des habitudes de consommation, Pariser, 2011); (ii) la seconde dimension implique de passer de la logique contrôlée d’une chaîne de valeur à celle d’un réseau, basée sur un ensemble de relations. Ces nouvelles dimensions de la création de valeur constituent des domaines de développement pour la prochaine génération d’entreprises et d’entrepreneurs.

Par conséquent, les technologies digitales créent de nouvelles sources de valeur, et modifient les modèles d’affaires, ce qui oblige les entreprises à s’inscrire dans ce mouvement pour générer des avantages comparatifs et assurer leur performance (Anderson, 2014).

Impact sur le financement et la gouvernance des firmes

Pour les investisseurs, l’information comptable et financière prévisionnelle est essentielle pour décrypter et envisager le futur, que ce soit pour une firme établie ou un projet naissant. Le risque perçu est d’autant plus élevé que les incertitudes sur la firme et l’environnement sont fortes (Barneto, 2012). Ainsi, les investisseurs souhaitent que les entreprises partagent des informations sur leur stratégie de création de valeur à long terme afin de mieux comprendre leur processus de prise de décision, d’anticiper leur évolution future, et de s’en servir comme base pour réaliser leurs choix d’investissement. Les investisseurs, dans leur logique d’allocation des capitaux, ont donc besoin de comprendre le fonctionnement et l’évolution du Business Model des entreprises, les stratégies de gestion mises en oeuvre, ainsi que la manière dont cela se traduit en matière de performance et de création de valeur (Leuz et Wysocki, 2016). En fait, ils sont à la recherche de toute information sur le capital immatériel des entreprises (PwC, 2014) afin de réduire les asymétries informationnelles ainsi que les problèmes d’agence (Jensen et Meckling, 1976) entre eux et les dirigeants d’entreprises. Ces problèmes d’agence s’accroissent avec les incertitudes environnementales, et en particulier lorsque des innovations radicales comme les innovations digitales apparaissent (Sahut et al., 2019).

Il est largement reconnu que les dirigeants d’entreprises ont un avantage informationnel sur les marchés financiers externes. Selon la théorie de l’agence, cette asymétrie d’information peut conduire les dirigeants à prendre des décisions sous-optimales du point de vue des investisseurs. Les projets innovants (plus précisément high-tech), de par la nature intangible des actifs qu’ils génèrent et sur lesquels ils reposent, peuvent donner lieu à différentes formes de manipulation par les dirigeants, et peuvent engendrer des pertes résiduelles pour les investisseurs. En particulier, Aboody et Lev (2000) notent que les dirigeants d’entreprises engagées dans des activités de recherche et développement (R&D) gagnent 3 à 4 fois plus en achetant ou en vendant des actions de leurs sociétés que les dirigeants d’autres sociétés. Il semble donc que les dirigeants d’entreprises à forte intensité en R&D profitent de l’avantage informationnel dont ils disposent pour tirer le meilleur parti de la valorisation financière des entreprises qu’ils dirigent.

L’imprécision des modèles d’évaluation traditionnels et la difficulté à évaluer les actifs immatériels ainsi que les firmes high-tech conduisent également les investisseurs à privilégier le financement des projets à temps de récupération rapide. En effet, Sahut et Mnejja (2009) mettent en évidence le flou entourant les estimations de rentabilité des projets innovants et des start-up. Cette difficulté, outre tout problème d’agence, engendre un coût cognitif lié à l’échange d’informations entre l’entrepreneur et les investisseurs potentiels du projet, lequel coût est entièrement supporté par l’entreprise. Empiriquement, Lev et al. (2005) montrent que les entreprises affichant des taux de croissance élevés dans les dépenses de recherche et développement et une croissance des revenus relativement faible - généralement les start-up à forte intensité immatérielle - sont systématiquement sous-évaluées par les investisseurs. Par conséquent, des projets high-tech peuvent rencontrer des difficultés de financement en raison des coûts cognitifs associés à l’échange d’informations entre leurs promoteurs et les investisseurs potentiels.

En fait, Lazonik et O’Sullivan (1998) soutiennent que l’objectif des marchés financiers n’a jamais été de financer l’innovation ou l’entrepreneuriat, mais plutôt de fournir des liquidités aux bailleurs de fonds, ou de transformer des investissements initialement non liquides en droits de propriété négociables sur les marchés financiers.

La gouvernance se trouve également au centre de la problématique de financement des firmes high-tech en tant qu’élément de leur capital immatériel, et un moyen pour les actionnaires majoritaires d’imposer leurs grandes orientations stratégiques. Les conflits se nouent alors essentiellement entre les actionnaires majoritaires et les actionnaires minoritaires, et non plus seulement dans le cadre classique de la relation d’agence entre dirigeants et actionnaires (Albouy, 2002).

Contenu de ce dossier

Ce dossier présente certains travaux qui ont fait l’objet de communications au colloque scientifique international DIF 2018. Celui-ci s’est tenu à l’INSEEC-U à Lyon les 11 et 12 juin 2018 sur le thème : Digital, Innovation, Entrepreneurship & Financing.

L’objectif était de débattre des spécificités des innovations digitales et de leurs impacts sur le comportement des consommateurs et la performance des firmes. Les communications présentées au colloque couvraient tous les domaines des sciences de gestion (marketing, stratégie, finance, entrepreneuriat, ressources humaines, etc.). Trois articles, ayant suivi le processus d’évaluation de la revue Management International, ont été sélectionnés. Ils ne reflètent pas toutes les thématiques de recherche identifiées dans notre revue de cette littérature émergente, mais participent à une meilleure compréhension de la digitalisation et de ses défis dans les domaines du marketing, de la finance et de la gouvernance. Ci après, nous présentons brièvement chaque article et la manière dont il contribue à éclairer les enjeux de ce dossier, et à apporter des éléments de réponse.

La contribution d’Abbes et al. s’intitule « Le rôle de la technologie dans les expériences de coproduction de service : une lecture sociale de la valeur perçue ». A partir du cadre théorique de la théorie de la structuration sociale, cet article s’intéresse aux valeurs perçues d’une expérience de coproduction de service dans la restauration avec et sans dispositif technologique. La combinaison de trois études qualitatives et quantitatives a permis de comprendre comment l’interface technologique ou non du service, en tant que composante du structurel, peut redéfinir le contexte social, et la manière dont la valeur est créée. Les résultats empiriques enrichissent ainsi nos connaissances sur les caractéristiques requises par les dispositifs de service (technologiques ou non) pour engager le consommateur dans une expérience de consommation gratifiante et source de valeurs. Etant donné que la technologie change la manière dont les consommateurs perçoivent les expériences de consommation, les entreprises doivent repenser les interfaces de service comme un construit structurel qui façonne les actions et les interactions des acteurs dans les systèmes de servuction.

L’article de Braune et al. « Antécédents et conséquences de la divulgation d’informations concernant le capital immatériel : application au cas des sociétés suisses » rapporte que la performance financière des firmes provient de plus en plus de l’exploitation de leurs actifs intangibles. Cela incite les firmes à communiquer sur leur capital immatériel afin de réduire les asymétries informationnelles et les conflits d’agence entre les dirigeants d’entreprise et leurs investisseurs. Dans cette étude, le capital immatériel est appréhendé selon ses trois composantes (humaine, organisationnelle et relationnelle), alors que les travaux empiriques antérieurs se sont focalisés sur un nombre restreint d’éléments constitutifs du capital immatériel : la propriété intellectuelle pour Neil et Lopo (2009), ou encore la réputation de la marque pour Elissavet et al. (2013). L’approche structurelle fondée sur la méthode PLS-PM visant à analyser les relations entre la divulgation d’informations au sujet de ce capital immatériel, la gouvernance et la performance financière des firmes est également très innovante. Cette étude démontre l’impact des bonnes pratiques de gouvernance sur la divulgation d’informations concernant le capital immatériel et la performance des firmes. Elle souligne également que les pratiques de divulgation d’information stimulent la performance de marché des firmes et dans une moindre mesure leur performance comptable.

L’article de Boubaker et al. « Ownership Structure and Long-run Performance of French IPO Firms » tente d’expliquer le phénomène de sous-performance à long terme des introductions en bourse (IPO) dans le contexte français en comparant les firmes high-tech aux autres firmes.

Contrairement aux USA, le marché français offre un cadre intéressant pour étudier la structure de contrôle-propriété, et ce pour trois raisons principales : le niveau élevé de concentration de l’actionnariat, la possible séparation des droits de vote de ceux aux flux de trésorerie pour les actionnaires de contrôle, et la faible protection des actionnaires minoritaires. Ces auteurs remarquent que la séparation des droits de propriété et de contrôle de l’actionnaire le plus important est négativement associée à la performance à long terme des IPO françaises. Cette constatation indique que les IPO dont la structure de propriété est disproportionnée entre actionnaires ont sous-performé les autres entreprises au cours de la période allant d’un à cinq ans suivant l’introduction. Une telle séparation augmente la probabilité que les actionnaires de contrôle retirent des avantages privés du contrôle au détriment des actionnaires minoritaires, conduisant à une faible performance à long terme. Les auteurs notent également une absence de différence entre les firmes high-tech et les autres. Par conséquent, la plus grande incertitude à laquelle elles sont confrontées ne semble pas affecter sensiblement l’extraction des avantages privés après une introduction en bourse.

Vers de futures recherches

Nous avons discuté ci-dessus de l’impact de l’innovation numérique sur le comportement des consommateurs et la performance des firmes. Les articles parus dans ce dossier contribuent chacun à leur manière à la littérature. Ils nous fournissent également des pistes de recherches futures.

Dans le prolongement des travaux d’Abbes et al., on pourrait s’interroger plus globalement sur les caractéristiques requises par les innovations digitales pour engager le consommateur dans une expérience de consommation gratifiante et source de valeurs. En particulier, comment les consommateurs interprètent-ils les dispositifs digitaux de coproduction de service dans des contextes multicanaux ? Quels sont alors les valeurs perçues et leurs impacts sur la fidélisation du client et la performance de l’entreprise ?

Par ailleurs, la perspective de cette recherche pourrait être étendue en prenant en considération le processus de structuration. En effet, les actions et les interactions entre les consommateurs, les autres groupes sociaux et les ressources redéfinissent la structure du système de service. L’analyse de ce processus par des méthodes phénoménologiques ou sociologiques basées sur l’ethnométhodologie permettrait de mieux appréhender les pratiques sociales des acteurs dans le système de service, et d’améliorer l’apport des interfaces digitales.

En ce qui concerne les travaux s’intéressant aux relations entre le capital immatériel, la gouvernance et la performance des firmes, l’approche purement actionnariale retenue par Braune et al. pourrait être élargie en intégrant des mécanismes cognitifs de gouvernance (Wirtz, 2006). En effet, l’ensemble de ces mécanismes permettant d›augmenter le potentiel de création de valeur par l›apprentissage et l›innovation donnerait une vision dynamique de la création de valeur et de la performance. Implicitement, il s’agirait de tester l’efficacité de ces mécanismes internes, avec l’idée sous-jacente que la diversité et la fréquence de tels dispositifs sont de nature à réduire les conflits entre les dirigeants et les actionnaires en particulier dans les firmes high-tech, contrairement aux incertitudes entourant la rentabilité des investissements en R&D.

Enfin, l’article de Boubaker et al. place le débat des droits de vote multiple au regard des autres mécanismes de gouvernance. Même si dans le cas français aucune différence n’a été trouvée concernant la sous-performance post-IPO entre les firmes high-tech et les autres, l’extension de cette étude à d’autres contextes permettrait de tester la robustesse de ce résultat, peut-être dû à la concentration de l’actionnariat. De même, l’extraction constatée d’avantages privés par les actionnaires majoritaires au détriment des actionnaires minoritaires, post-IPO, appelle à engager d’autres recherches afin de suggérer des mécanismes appropriés de gouvernance pour éviter ce phénomène. Une autre extension possible serait d’identifier quelles sont les raisons qui poussent les firmes technologiques, par rapport autres entreprises, à s’introduire en bourse puisque leur performance post-IPO est la même.