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Introduction

Considérant les limitations intellectuelles et fonctionnelles liées au diagnostic de la DI, la plupart de ces personnes auront besoin de soutien d’intensité variable tout au long de leur vie afin de développer leur autonomie et d’accroître leur participation sociale (Dionne et al., 2016; Luckasson et al., 2002/2003; Schalock et al., 2010/2011). Ce soutien peut prendre différentes formes et peut être offert par différentes personnes (Schalock et al., 2010/2011).

Depuis quelques décennies, on reconnaît de plus en plus l’importance du rôle de la famille comme soutien de la personne présentant une DI pour favoriser sa participation sociale (Agence de la santé et des services sociaux des Laurentides, 2012; Association du Québec pour l’intégration sociale [AQIS] 2007; Dionne, Chatenoud et McKinnon, 2015; Perkins et Haley, 2010). De plus, selon une étude réalisée par Grey, Totsika et Hastings (2018), le fait de résider avec sa famille serait significativement associé à une meilleure santé générale et à une augmentation de la perception du bien-être pour les personnes présentant une DI. Au Québec, le maintien dans la famille naturelle est encouragé (Bresson et Dumais, 2017; Protecteur du citoyen, 2012; Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2016).

Les écrits scientifiques démontrent bien les besoins de soutien plus importants des familles qui ont un enfant présentant une DI (Milot et al., 2019; Tremblay, Côté, Lachance et Richer, 2012). Une étude de Douma, Dekker et Koot (2006) rapporte que 88,2 % des parents d’enfants âgés de 10 à 24 ans présentant une DI modérée à légère estiment avoir besoin de soutien supplémentaire pour assumer leur rôle adéquatement.

Les besoins de soutien des parents sont nombreux (Douglas, Redley et Ottmann, 2016; Milot et al., 2019; Peer et Hillman, 2014; Tremblay et al., 2012). La typologie de Tétreault et al. (2012), permet d’ailleurs de prendre conscience de ces nombreux types de soutien. Cette typologie permet de regrouper les besoins des parents en quatre grandes catégories, soit : 1) le soutien (comprenant le soutien informatif, l’assistance et le soutien pour la prise de décision, le soutien légal, le soutien financier, le soutien éducatif, le soutien psychosocial, l’assistance au quotidien, les loisirs, les sports et les activités sociales, ainsi que le transport); 2) le répit (centré sur la supervision de l’enfant ou sur son développement); 3) la garde de l’enfant; ainsi que 4) le soutien en cas d’urgence.

Bien qu’il soit possible d’identifier un grand nombre de besoins pour les familles, il semblerait que les parents aient de la difficulté à identifier leurs propres besoins, exprimant plutôt des préoccupations concernant leur enfant (Bresson et Dumais, 2017; Dionne et al., 2015; Lindly, Chavez et Zuckerman, 2016). Cette difficulté serait entre autres liée au fait que plusieurs ressources sont méconnues des parents (Douglas et al., 2016; Weiss et Lunsky, 2010) ou que certains parents éprouvent un malaise à exprimer leurs besoins d’aide (Conseil de la famille et de l’enfance, 2007; Lindly et al., 2016; MSSS, 2016).

Il est donc primordial de reconnaître les besoins des familles, mais les ressources doivent aussi être accessibles et suffisantes pour répondre aux besoins de soutien de la famille (AQIS, 2000; Dionne et al., 2015). Il apparaît d’ailleurs que les familles s’ajusteraient mieux à la DI de leur enfant lorsqu’elles disposent de ressources de soutien qu’elles jugent suffisantes (Crane, 2002). Des études ont toutefois illustré d’importantes lacunes dans le soutien offert aux parents (AQIS, 2007; Conseil de la famille et de l’enfance, 2007; MSSS, 2016; Summers et al., 2007; Turnbull et al., 2007). Ces études révèlent que l’obtention de services exige beaucoup de temps et d’efforts de la part des parents et comporte plusieurs obstacles : nombreux formulaires à compléter, roulement du personnel travaillant auprès de leur enfant et interruptions de services qui en découlent, confusion quant à l’offre de services des différentes instances, longues listes d’attente et manque d’information sur les services disponibles.

Les services offerts aux parents devraient correspondre à leurs besoins, mais l’adéquation entre l’offre de services et les besoins de soutien est peu documentée (Dionne et al., 2015; MSSS, 2016). Selon l’approche centrée sur la famille, il importe de questionner les familles de manière à mieux identifier l’aide dont elles ont besoin plutôt que de déterminer ce qui serait, selon les fournisseurs de services, le mieux pour elles (Blasco, Johnson et Palomo-Gonzalez, 2008; Kuo et al., 2012). Bien que le bien-être et le développement de la personne présentant une DI soient généralement les principaux objectifs des fournisseurs de services, les besoins de la personne ne peuvent pas être considérés séparément des besoins de la famille. Par exemple, la diminution des comportements problématiques de la personne présentant une DI réduit le stress parental (McConnell et Savage, 2015; Minnes, Perry et Weiss, 2015). Le fait de tenir compte des caractéristiques des parents, de leur utilisation des services et de leurs besoins de soutien permet de rééquilibrer l’offre de services pour répondre aux besoins de la personne sans négliger ceux de sa famille (AQIS, 2007; McConkey, 2005). L’évaluation des besoins de la famille favorise l’offre de soutien appropriée aux parents (AQIS, 2007; Morin, Charbonneau, Kalubi et Houde, 2010; Tremblay et al., 2012).

Les parents d’une personne présentant une DI n’ont évidemment pas tous les mêmes besoins de soutien. Leurs besoins, tout comme l’utilisation qu’ils font des services disponibles, sont influencés par de nombreuses variables, telles que l’âge et le genre de la personne présentant une DI; le degré de sévérité de la DI; les troubles associés (Neece, Green et Baker, 2012), les caractéristiques sociodémographiques de la famille; et l’intensité des soins donnés à l’enfant (AQIS, 2007; Conseil de la famille et de l’enfance, 2007; McConnell et Savage, 2015; Smith, 2003; Tracey, 2003). Plusieurs études démontrent que les besoins des mères et des pères ne sont pas toujours les mêmes, rapportant notamment un niveau de stress parental plus élevé chez les mères (Dabrowska et Pisula, 2010; Gerstein, Crnic, Blacher et Baker, 2009).

Méthode

Cet article a pour objectif de déterminer si les soutiens reçus par les parents répondent à leurs besoins et d’identifier les besoins qui ne seraient pas comblés. Il vise aussi à vérifier si les besoins des parents diffèrent selon l’âge et le niveau de DI de leur enfant afin de mieux cibler les interventions et services qui leur sont destinés.

Recrutement

Les 22 centres de réadaptation en déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement (CRDITED)[1] ont été sollicités pour le recrutement des participants. Les CRDITED sont des établissements spécialisés desservant les personnes présentant une DI au Québec. Dix-neuf des CRDITED ont accepté d’aider au recrutement des participants de ce projet, ce qui représente un taux de participation de 86 %. Les trois CRDITED ayant refusé ont néanmoins dirigé l’équipe de recherche vers les centres de santé et de services sociaux (CSSS) de leur territoire, des établissements de proximité impliqués dans les services aux personnes présentant une DI. Pour ces trois régions, les huit CSSS desservant alors ces territoires ont accepté de participer au projet, pour un taux de participation de 100 %. Vingt-sept établissements ont participé au recrutement des participants et 16 des 17 régions administratives du Québec sont représentées. La région administrative non représentée est peu populeuse et n’était alors desservie par aucun CRDITED ni CSSS. Le projet a été accepté par le comité d’éthique de l’Université du Québec à Montréal et par les comités d’éthique à la recherche des établissements (18 des 27 établissements sollicités disposaient d’un tel comité).

Lorsqu’il acceptait de participer à l’enquête, le responsable de la recherche de chaque établissement devait identifier combien de familles desservies par l’établissement correspondaient aux critères d’inclusion de l’étude. Les répondants devaient être les parents biologiques d’une personne présentant une DI sans diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA), quel que soit l’âge de cette personne. Les parents devaient aussi avoir la capacité de remplir un questionnaire papier en français eux-mêmes. Le responsable de la recherche devait alors choisir aléatoirement 25 % de ces parents. Avec un taux de réponse estimé à 20 %, nous visions à obtenir un questionnaire complété pour 5 % de la clientèle totale de chaque établissement. Un deuxième envoi sollicitant d’autres familles était prévu dans l’éventualité où un taux de réponse approximatif de 20 % ne serait pas atteint. Une telle procédure a été nécessaire pour 2 des 27 établissements participants.

Afin de conserver la confidentialité des coordonnées des clients, les enveloppes préaffranchies étaient remises directement aux établissements qui apposaient les adresses des familles, à qui ils faisaient ensuite parvenir l’enveloppe par la poste. L’envoi contenait une lettre expliquant le projet et les aspects éthiques; trois fiches de renseignements sociodémographiques non nominatifs sur la mère, le père et la personne présentant une DI; ainsi que le questionnaire d’enquête. Ce dernier pouvait être rempli par la mère, par le père ou par les deux parents conjointement. Les parents retournaient les documents remplis à la chercheuse principale dans une enveloppe-réponse préaffranchie prévue à cet effet. Les parents étaient invités à indiquer leurs coordonnées s’ils acceptaient d’être contactés dans le cas de données manquantes ou ambigües dans leur questionnaire. Quatre cent quarante-deux parents ont fourni leur numéro de téléphone, soit 78 % des répondants. Sur ce nombre, 420 parents ont été appelés. Un résumé des résultats globaux a été transmis aux différents établissements participants ainsi qu’aux parents en ayant fait la demande.

Instruments de mesure

Un questionnaire d’enquête sur les services reçus et les besoins de soutien des parents d’une personne présentant une DI a été créé par les deux premières auteures, puisqu’aucun questionnaire évaluant précisément ces aspects n’a pu être répertorié dans les écrits scientifiques au moment de l’enquête. Il a été décidé de créer un questionnaire de type quantitatif afin de permettre un sondage à large échelle. Les questions ont été élaborées à partir des écrits scientifiques dans le domaine de la DI, du stress parental, des services et des besoins des parents, ainsi qu’à partir des objectifs de l’étude. Chaque question a été élaborée en respectant les cinq critères de qualité de Mayer, Ouellet, St-Jacques et Turcotte (2000), soit : être claire, contenir une seule idée, être exprimée en des termes accessibles aux informateurs, être pertinente par rapport à l’information recherchée et être neutre (ne pas inspirer une réponse plus qu’une autre).

Le questionnaire a été validé auprès de deux chercheurs en DI, deux intervenants du milieu associatif et deux couples de parents. Chacun des répondants devait compléter une grille d’évaluation, où il jugeait de la clarté et de la pertinence des 52 items du questionnaire. La clarté a été évaluée sur une échelle oui/non, alors que la pertinence était évaluée sur une échelle de 1 à 5, de pas du tout pertinent à très pertinent. Les items recevant une cote inférieure à 4 devaient être modifiés ou éliminés. Aucun item n’a obtenu un score inférieur à 4, mais certaines modifications ont tout de même été apportées en lien avec les commentaires des répondants. Ceux-ci commentaient aussi différents aspects du questionnaire, dont la clarté des consignes, l’ordre des items, la présentation visuelle, les types de soutien à ajouter. Une préexpérimentation a ensuite été effectuée auprès de 12 parents et des modifications ont été apportées pour simplifier le questionnaire et réduire le temps de passation. De plus, diverses précisions ont été apportées aux consignes, la présentation visuelle a été améliorée et des espaces pour les commentaires ont été ajoutés.

Afin de couvrir l’ensemble des soutiens dont pourraient bénéficier ces familles, le questionnaire final comportait 57 items correspondant chacun à un type de soutien, regroupés en trois sections : besoins liés au parent (13 items : soutien psychologique, soutien dans les rôles parentaux, répit, etc.); besoins en lien avec la personne présentant une DI (37 items : gestion des comportements problématiques, informations sur l’intégration scolaire, etc.); et besoins liés à la famille (sept items : gestion des conflits au sein de la fratrie, enrichissement des relations conjugales, etc.). En remplissant le questionnaire, le parent devait indiquer, pour chaque type de soutien, s’il recevait ce service et quel était le fournisseur de service ou la source de soutien (professionnel, membre de sa famille, association, documentation, etc.). Il devait aussi caractériser l’aide perçue rattachée à ce service, sur une échelle de 1 à 5, soit pas du tout, peu, moyennement, assez et très aidant. Afin d’identifier les besoins de soutien, le parent recevant déjà un service devait indiquer s’il souhaiterait, oui ou non, recevoir davantage de ce type de soutien. Le parent ne recevant pas de soutien devait, quant à lui, indiquer s’il souhaiterait recevoir un tel soutien. Une section permettait aussi aux parents d’ajouter des types de soutien qui n’auraient pas été abordés au cours du questionnaire. Le questionnaire complet est disponible dans (Picard, 2011).

Participants

Un total de 567 parents d’une personne présentant une DI ont participé à l’étude. Une population de 11 182 familles biologiques d’une personne présentant une DI sans TSA était desservie par les 27 établissements lors de leur participation à l’enquête (Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement [FQCRDITED], M. Nadeau, communication personnelle, 2010). Approximativement 25 % de cette population, soit 2 795 familles, a été sollicitée. De ce nombre, 616 familles ont rempli le questionnaire, ce qui correspond à un taux de participation de 22 %. En excluant les questionnaires contenant un trop grand nombre de données manquantes et ceux provenant de répondants qui ne correspondaient pas aux critères d’inclusion, 567 questionnaires ont été retenus pour les analyses.

Parents. Le questionnaire a été rempli par la mère dans 70 % des cas, par le père dans 13 % des cas, alors que 17 % des couples ont rempli le questionnaire conjointement. Le Tableau 1 illustre les caractéristiques sociodémographiques des parents ayant participé à l’enquête ainsi que celles de leur enfant présentant une DI. Les parents étaient âgés de 25 à 86 ans, la moyenne étant de 54,4 ans. Les parents avaient des contacts directs (en personne) avec leur enfant présentant une DI à tous les jours dans 73,5 % des cas et moins d’une fois par mois dans 4,9 % des cas.

Personnes présentant une déficience intellectuelle. Aucune participation de la part des personnes présentant une DI n’était demandée. Ces personnes étaient âgées de 1 à 61 ans, la moyenne étant de 25,8 ans. Près des deux tiers (63 %) des personnes avaient un trouble de la communication, 19,4 % un trouble psychiatrique et 30,9 % un trouble moteur ou physique. La majorité (69,5 %) vivait soit avec leurs deux parents ou avec leur mère.

Analyses de données

L’échantillon de l’enquête se situe bien au-delà du minimum de cinq répondants par item (soit un minimum de 285 répondants pour un questionnaire de 57 items) nécessaire pour effectuer des analyses exploratoires (Tabachnick et Fidell, 2001). Considérant la multitude de soutiens reçus possibles, les différentes sources de soutien ont été regroupées en catégories générales (famille, association, CSSS, CRDITED, transport adapté, Internet, camps, documentation, etc.) afin de faciliter l’analyse de données. Deux codifications indépendantes ont été réalisées par les assistants afin d’obtenir un accord dans l’entrée de données. Les désaccords ont été analysés et réglés par la chercheuse principale en collaboration avec une assistante de recherche. Des analyses descriptives ont été réalisées afin d’identifier les services reçus, les sources de soutien, les niveaux d’aide perçue ainsi que les besoins exprimés. Les analyses de type ANOVA (Huitema, 2005) visaient à dégager des profils de besoins selon certaines caractéristiques des parents et de leur enfant.

Résultats

Les soutiens reçus et la satisfaction des parents

Les parents ont indiqué recevoir, en moyenne, 17 des 57 types de soutien identifiés dans le questionnaire d’enquête. Les fréquences de ces types de soutien sont présentées dans la deuxième colonne du Tableau 2.

En plus d’identifier les types de soutien, les parents devaient identifier les sources de ces soutiens. En tout, 34 différentes sources de soutien ont été identifiées par les parents. Quatorze pour cent (14 %) des répondants indiquent ne recevoir aucun soutien, 34 % reçoivent du soutien d’une à quatre sources différentes, 46 % reçoivent de cinq à neuf sources de soutien et 6 % reçoivent du soutien provenant de 10 sources ou plus. En moyenne, les répondants reçoivent des services de la part de 4,5 sources de soutien différentes (voir Tableau 3).

Les sources de soutien mentionnées par le plus grand nombre de parents sont les centres de réadaptation en DI (72 % des parents) et les centres de santé et de services sociaux (44 %), suivis du milieu associatif (43 %), de la famille (32 %) et de l’entourage (30 %). Pour les parents qui ne reçoivent du soutien que d’une seule source, il s’agit, dans 33 % des cas, du centre de réadaptation en DI de leur région. Des regroupements de ces sources de soutien ont été effectués afin de procéder aux analyses et d’en faciliter l’interprétation. Puisque les niveaux d’aide perçue de ces regroupements étaient tous élevés, une dichotomisation des niveaux d’aide a été effectuée afin de contourner l’effet plafond : 1) pas du tout à moyennement aidant, versus 2) assez et très aidant. Ainsi, les regroupements des soutiens considérés assez ou très aidants sont, dans l’ordre décroissant : 1) les soutiens informels (72 % : famille, entourage, amis, autres parents d’enfants handicapés, etc.) ; 2) les organismes (66 % : associations, organismes de défense des droits, etc.) ; 3) l’école (55 % : enseignants, commission scolaire, professionnels scolaires, etc.) et la documentation (55 % : Internet, brochures, etc.) arrivent ex aequo en troisième position ; suivies finalement 4) des soutiens gouvernementaux (52 % : CSSS, CRDITED, instituts de réadaptation physique, etc.). Le test non-paramétrique de McNemar (Khi carré) nous révèle que les soutiens informels se distinguent significativement des autres catégories en ce qui concerne l’aide perçue : organismes à x2 (1, 188) = 12,288, p = 0,010, documentation à x2 (1, 147) = 5,430, p = 0,002, école à x2 (1, 109) = 0,491, p < 0,001 et gouvernemental à x2 (1, 261) = 33,618, p < 0,001. La catégorie des organismes se distingue significativement des soutiens de type gouvernemental à x2 (1, 272) = 66,587, p < 0,001.

Tableau 1

Caractéristiques des parents et de leur enfant présentant une déficience intellectuelle

Caractéristiques des parents et de leur enfant présentant une déficience intellectuelle

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Tableau 2

Fréquence des services reçus et des besoins exprimés par les parents selon la liste des 57 types de soutien du questionnaire

Fréquence des services reçus et des besoins exprimés par les parents selon la liste des 57 types de soutien du questionnaire

Tableau 2 (suite)

Fréquence des services reçus et des besoins exprimés par les parents selon la liste des 57 types de soutien du questionnaire

Note. DI = déficience intellectuelle ; a Inf. = Information sur

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Tableau 3

Liste des 34 sources de soutien identifiées par les parents

Liste des 34 sources de soutien identifiées par les parents

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Les soutiens reçus où le niveau d’aide perçue est le plus élevé, lorsqu’on considère toutes les sources de soutien confondues, sont des items référant au répit, au gardiennage et au dépannage ainsi que des soutiens liés à la famille. Les items obtenant les scores du niveau d’aide les plus faibles incluent : des informations sur les comités où le parent peut s’impliquer, sur les appartements supervisés, sur les recours face aux décisions scolaires et sur les relations amoureuses et la sexualité des personnes présentant une DI. Le Tableau 4 présente le niveau de satisfaction perçue des parents pour les 57 types de soutien. Tous les soutiens obtiennent un score élevé, se situant tous au-delà de 3,34, soit au-dessus de moyennement aidant.

Les besoins des parents

Les soutiens pour lesquels les parents expriment des besoins supplémentaires sont présentés dans la colonne de droite du Tableau 2. Les parents mentionnent en moyenne avoir besoin de 26 types de soutien supplémentaires sur une possibilité de 57. Seulement 6 % des parents ne mentionnent aucun besoin de soutien supplémentaire.

Les résultats de l’enquête nous révèlent que le niveau de besoins de soutien des parents varie selon l’âge de leur enfant présentant une DI. Ainsi, les taux de besoins exprimés sont, en ordre décroissant, plus importants pour les parents d’adolescents (10-19 ans) (53 %), de jeunes enfants (0-9 ans) (52 %), de jeunes adultes (20 à 29 ans) (40 %) et d’adultes de 30 ans et plus (31 %). En comparaison, lorsque l’on considère tous les groupes d’âges confondus, le niveau moyen de besoins se situe à 41 %. La différence de besoins entre les groupes d’âge est significative selon une analyse de variance à F(3, 557) = 23,48, p < 0,001. On y constate, à l’aide d’un test de Newman-Keuls, que les catégories de l’enfance et de l’adolescence se distinguent significativement de la période jeune adulte et de la période adulte. Le Tableau 5 présente les besoins les plus exprimés selon la catégorie d’âge de la personne présentant une DI.

La moyenne des besoins exprimés varie aussi significativement selon le niveau de déficience, avec une analyse de variance à F(3, 508) = 6,44, p < 0,001. On constate que le groupe de déficience profonde diffère des groupes de déficience légère et de déficience moyenne. Le groupe de déficience sévère se distingue significativement du groupe de déficience moyenne, selon le test de Newman-Keuls. Ainsi, les parents de personnes présentant une déficience légère et moyenne, expriment désirer recevoir, respectivement, 41 % et 44 % des soutiens présents au questionnaire, contre 32 % et 28 % pour les parents de personnes présentant une déficience sévère ou profonde. Le Tableau 6 présente les analyses par tableaux de contingence qui révèlent les différences significatives, selon le niveau de la déficience.

Des analyses par Khi-carré ont été effectuées sur chaque item de services reçus par les mères versus par les pères afin de détecter de possibles divergences entre ceux-ci. Seuls quelques items obtiennent une différence significative, soit l’information sur la stimulation de l’enfant (22 % des mères versus 11 % des pères) à x2 (1, 452) = 4,012, p = 0,045, sur les loisirs et sports (40 % des mères versus 53 % des pères) à x2 (1, 453) = 4,148, p = 0,042, sur les camps (48 % des mères, versus 63 % des pères) à x2 (1, 452) = 4,826, p = 0,028 et finalement l’information sur le transport adapté (53 % des mères versus 66 % pères) à x2 (1, 449) = 3,880, p = 0,049. Le test-t effectué sur la moyenne des besoins exprimés par les mères et les pères ainsi que des Khi-carré sur chaque item de besoin ne révèlent aucune différence statistique, tout comme la moyenne du niveau d’aide perçue.

Finalement, le questionnaire d’enquête comportait un espace où les parents pouvaient ajouter des besoins qui n’auraient pas été mentionnés dans le questionnaire ou préciser la nature du soutien désiré. Plusieurs parents (n=37) ont mentionné des besoins liés au répit et au gardiennage. Bien que ces items se retrouvaient dans le questionnaire, ces parents ont souhaité apporter des précisions quant à l’aide souhaitée, comme un plus grand accès au répit, du répit avec un intervenant spécialisé ou encore du répit à certains moments précis (fin de semaine, vacances d’été, de soir, etc.). Plusieurs parents (= 23) ont identifié des besoins liés aux services des professionnels. Ils souhaitent, entre autres, une réduction du temps d’attente pour l’accès aux professionnels ou à différents types de thérapies, plus de temps et de suivi de la part des professionnels ainsi qu’une meilleure communication et coordination entre les professionnels.

Discussion

Cette étude visait à mieux connaître les services reçus et les besoins de soutien exprimés par les familles de personnes présentant une DI et ce, pour toutes les catégories d’âge et niveaux de déficience. Cette connaissance devrait permettre de mieux planifier le soutien à offrir à ces familles, en fonction de leurs besoins spécifiques.

Tableau 4

Liste des 57 types de soutien reçus selon le niveau d’aide perçue par les parents

Liste des 57 types de soutien reçus selon le niveau d’aide perçue par les parents

Tableau 4 (suite)

Liste des 57 types de soutien reçus selon le niveau d’aide perçue par les parents

aSur une échelle de pas du tout aidant (1) à très aidant (5). bInf. = Information sur;

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Tableau 5

Besoins les plus exprimés par les parents selon la catégorie d’âge de la personne présentant une déficience intellectuelle, en pourcentage

Besoins les plus exprimés par les parents selon la catégorie d’âge de la personne présentant une déficience intellectuelle, en pourcentage

Tableau 5 (suite)

Besoins les plus exprimés par les parents selon la catégorie d’âge de la personne présentant une déficience intellectuelle, en pourcentage

aInf. = Information sur

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Tableau 6

Groupes de parents ayant significativement plus et significativement moins de besoins selon le niveau de déficience intellectuelle de leur enfant, par tableaux de contingence

Groupes de parents ayant significativement plus et significativement moins de besoins selon le niveau de déficience intellectuelle de leur enfant, par tableaux de contingence

Tableau 6 (suite)

Groupes de parents ayant significativement plus et significativement moins de besoins selon le niveau de déficience intellectuelle de leur enfant, par tableaux de contingence

Note. Significativement différent selon la cote z ajustée; Significativement plus (+) et significativement moins (-); DIL = déficience intellectuelle légère; DIM = déficience intellectuelle moyenne; DIS = déficience intellectuelle sévère; DIP = déficience intellectuelle profonde.

a Inf. = Information sur

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Bien que les parents reçoivent en moyenne 17 types de soutien, il reste néanmoins qu’ils en identifient en moyenne 26 qui ne sont pas comblés et seulement 6 % estiment que leurs besoins sont comblés. Ceci va dans le même sens que les études de Tremblay et al. (2012), qui soulèvent notamment la difficulté d’accès aux services. Selon la typologie de Tétreault et al. (2012), les types de soutien reçus et les besoins des parents de notre étude se regroupent majoritairement dans la catégorie Soutien (Support) qui inclut le type de soutien informationnel et aussi de la catégorie Répit (Respite).

Bien qu’ils obtiennent des scores élevés quant à l’aide perçue (au-delà de moyennement aidant), les soutiens gouvernementaux sont tout de même considérés comme étant significativement moins aidants que les soutiens informels et ceux provenant d’organismes. Ce résultat est cohérent avec les études précédentes (Conseil de la famille et de l’enfance, 2007; Lightfoot et LaLiberte, 2011; Morin et al., 2010), qui ont souligné plusieurs lacunes dans le soutien offert aux parents, comme un important roulement de personnel et des arrêts de services associés; une confusion quant aux rôles des différentes instances; des exigences administratives (documents et formulaires à compléter, attestations à obtenir, etc.). Les parents ont d’ailleurs été nombreux à exprimer leurs frustrations face au réseau de la santé et des services sociaux et plusieurs ont spécifié des améliorations souhaitées concernant la collaboration avec les intervenants (augmenter le nombre et la durée des rencontres avec l’intervenant, plus d’accès aux professionnels, etc.). Considérant que le tiers des répondants (33 %) reçoivent seulement un soutien de type formel et que les CRDITED et CSSS sont les deux types de soutien les plus reçus, il est évident que ces derniers occupent une place prédominante dans le soutien offert aux parents. Il apparaît donc primordial d’oeuvrer à réduire au maximum les irritants qui rendent ces soutiens moins aidants qu’ils pourraient l’être. Les résultats ont été colligés avant la nouvelle réforme des services de santé qui a eu lieu au Québec en 2015 (Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, 2015). Il n’est pas possible à ce moment-ci de dire si cette réforme aura ou non un impact positif sur les besoins des parents exprimés dans la présente étude.

Différentes études ont révélé que les parents sont souvent réticents à demander l’aide de leurs proches (Conseil de la famille et de l’enfance, 2007; Guay et Thibodeau, 2002), craignant de leur imposer le problème de leur enfant. Pourtant, les soutiens informels, comme la famille, les amis ou les autres parents d’enfants handicapés sont considérés comme étant significativement plus aidants que tous les autres types de soutien (AQIS, 2000; Conseil de la famille et de l’enfance, 2007). Il serait en ce sens important d’analyser ce qui distingue les soutiens provenant de sources informelles des autres types de soutien afin de mieux cerner ce qui influence l’aide perçue et de voir comment on pourrait offrir des services en tenant compte de la perception des parents quant à ce qui peut influencer leur satisfaction.

Tous les types de services reçus obtiennent un niveau d’aide perçue se situant au-delà de moyennement aidant, signifiant que les parents considèrent tout soutien, quel qu’il soit, et quelle que soit sa provenance, comme étant aidant. Les services de gardiennage, de répit et de dépannage sont parmi les plus aidants, ce qui indique que le soutien concret serait particulièrement apprécié. D’ailleurs, les résultats ont démontré l’importance de ce service, spécifiant des besoins précis à ce niveau : un plus grand accès au répit, du répit avec un intervenant spécialisé, disponibilité du répit à certains moments précis (fin de semaine, vacances d’été, de soir, etc.). Des soutiens liés à la famille, en lien avec la fratrie et avec l’enrichissement des relations conjugales sont aussi très appréciés (Epley, Summers et Turnbull, 2014), mais sont parmi les soutiens les moins reçus.

Les besoins les moins exprimés doivent être considérés avec prudence, puisque certains d’entre eux sont spécifiques à certaines clientèles seulement, comme les besoins pour l’adaptation du domicile ou selon leur situation comme la présence d’une fratrie. Ainsi, bien que ces besoins soient demandés par un petit nombre de familles, ils peuvent tout de même être très importants pour ces dernières.

Les différences par âge indiquent que plusieurs besoins sont significativement plus exprimés à l’adolescence. Cette période comporte d’ailleurs plusieurs défis et questionnements pour les parents, concernant, entre autres, la fin prochaine de la scolarisation, ce qui signifie pour les familles la perte d’un soutien très important, présent depuis l’enfance. Aussi, l’adolescence amène le parent à se questionner sur les possibilités et les capacités de l’enfant quant à un futur départ de la maison familiale, à l’insertion socioprofessionnelle (Gauthier-Boudreault, 2016), à une vie amoureuse et sexuelle (Dupras et Dionne, 2014; Sitlington, Clark et Kolstoe, 2000).

Les différences selon le niveau de déficience intellectuelle révèlent que plusieurs besoins sont significativement plus exprimés par les parents de personnes présentant une déficience moyenne. Il est possible que les parents de personnes présentant une déficience légère expriment moins de besoins puisque leur enfant nécessite lui-même moins le soutien constant de ses parents. À l’inverse, les parents de personnes présentant une déficience sévère ou profonde se sentent possiblement moins concernés par certains soutiens proposés au questionnaire, puisqu’ils sont très mobilisés par les soins quotidiens à l’enfant, soins qui incluent dans certains cas des besoins médicaux importants qui sont alors jugés prioritaires (Conseil de la famille et de l’enfance, 2007).

Nos données par catégories d’âge et niveaux de DI indiquent qu’il est nécessaire d’évaluer les besoins spécifiques des parents et de fournir des services qui tiennent compte de ces besoins (Dionne et al., 2015; Tremblay et al., 2012).

Limites de l’étude

Les résultats de l’enquête doivent être considérés avec une certaine prudence. Les parents sollicités étaient tous minimalement desservis par un CRDITED ou un CSSS. Ainsi, ces parents disposaient d’un minimum de services, contrairement à des parents qui seraient complètement extérieurs aux réseaux de services et qui auraient probablement de grands besoins de soutien. Pourtant, 14 % des parents interrogés ont affirmé ne recevoir aucun soutien, soit parce qu’ils se trouvaient sur une liste d’attente ou parce que leur dossier avait été fermé.

Aussi, puisque l’enquête a été réalisée auprès des familles francophones seulement, cela a fait en sorte que très peu de familles immigrantes y ont participé, étant donné que plusieurs d’entre elles ne maîtrisent pas suffisamment le français pour répondre à un long questionnaire. Pourtant, il est possible que ces familles aient de grands besoins de soutien, entre autres en lien avec la perte de leur réseau familial et social lors de leur immigration (Vatz-Laaroussi et Messé-Bessong, 2008). De plus, la population québécoise anglophone n’est pas représentée dans cette enquête. Il serait souhaitable, dans une étude future, d’élargir l’enquête auprès de ces populations, afin d’évaluer si les profils d’utilisation de services et de besoins varient.

Conclusion

La présente étude est novatrice par sa démarche, soit de recenser les besoins des parents dans le but direct de développer une intervention. Les besoins de soutien peuvent prendre différentes formes et il importe de bien cibler ceux qui apportent la plus grande aide aux familles et à la personne présentant une DI. Une fois les besoins de soutien adressés, le fonctionnement de la personne présentant une DI devrait s’améliorer (Schalock et al., 2010/2011). Ainsi, un programme de soutien destiné aux parents d’adolescents a été créé sur mesure à partir des besoins exprimés par ce groupe de parents lors de l’enquête (Picard. 2011). De plus, suite à l’évaluation de l’efficacité de ce programme (Morin et al., 2016) ainsi qu’aux commentaires des parents et des milieux impliqués, un programme web informatif et social est également en cours de développement pour les parents d’adolescents présentant une DI, population démontrant le plus de besoins de soutien lors de cette enquête.

L’enquête a aussi permis d’obtenir un portrait global pour tout le Québec, avec un très grand échantillon. Cette collecte de données a d’ailleurs été faite en réponse à une demande du gouvernement dans le cadre d’une action concertée (Fonds québécois de recherche sur la société et la culture [FQRSC], 2006), qui considérait ne pas disposer de données précises sur les familles de personnes présentant une DI.