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Le déplacement des réfugiés syriens est une réalité émergente au niveau mondial. Actuellement, selon les Nations Unies, il existe environ 5,6 millions de Syriens qui ont le statut de réfugié. Depuis 2013, une partie des réfugiés syriens sont arrivés au Brésil à l’aide de la Normative n°17 du Comité national pour les réfugiés (CONARE – ministère de la Justice) qui a délivré des visas aux Syriens pour des raisons humanitaires. Florianópolis, au sud du Brésil, fait partie des villes brésiliennes qui a accueilli les réfugiés syriens. On y dénombre environ 120 de ces réfugiés. Cette étude a comme objectif de présenter les significations que les réfugiés syriens de Florianópolis attribuent à leur processus migratoire, ainsi que les facteurs de risque et de protection qui y sont associés.

Cette recherche, de nature qualitative, exploratoire et descriptive a été réalisée auprès de 13 participants (11 hommes et 2 femmes, ayant entre 20 et 42 ans) à l’aide d’entrevues semi-dirigées et d’un questionnaire interculturel sociodémographique. Les données ont été soumises à une analyse de contenu.. Les participants ont quitté leurs villes en 2011 (pour 4 d’entre eux), 2012 (pour 7) ou 2013 (pour 2) et sont arrivés au Brésil en 2014 (pour 8 d’entre eux) et 2015 (pour 5). On peut ainsi observer qu’ils sont restés en déplacement entre 1 et 4 ans. Ces déplacements ont été réalisés dans les pays voisins de la Syrie (Jordanie, Liban, Égypte, Émirats arabes, Arabie Saoudite, Libye et Turquie).

En ce qui concerne les significations attribuées à leurs processus migratoires, elles se répartissent entre divers éléments liés 1) à la Syrie avant la guerre, 2) au contexte de guerre en Syrie et aux circonstances qui ont forcé l’immigration, 3) aux multiples déplacements et 4) à l’arrivée au Brésil et aux motivations pour s’installer à Florianópolis. À propos de la Syrie avant la guerre, les participants ont mentionné une forte cohésion et appartenance groupale ainsi qu’une différence notable entre les fonctions associées aux hommes et aux femmes dans leur contexte familial. Le contexte de guerre a mis en évidence l’exposition des participants à la violence extrême, ainsi que la mort et la disparition de plusieurs proches. Ces deux derniers éléments ont été fortement liés à la décision de quitter leurs villes et, ensuite, de quitter leur pays. Le départ de la Syrie a été suivi de plusieurs déplacements dans les pays voisins, d’où, depuis 2013, ils ont pu demander refuge au Brésil. À leur arrivée au Brésil, motivés par des commentaires liés aux opportunités de travail ou par la présence de certains membres de leur famille déjà installés à Florianópolis, les participants ont décidé de s’y installer à leur tour.

Par ailleurs, il est possible de mettre en évidence certains facteurs de risque : 1) l’expérience en tant que réfugiés, 2) les changements psychosociaux post-immigration, 3) les menaces autour de l’identité et 4) les contextes sociaux du Brésil. L’expérience en tant que réfugiés a mis en relief le vécu de la guerre, les multiples déplacements et le risque ou l’impossibilité de retourner en Syrie. L’arrivée au Brésil et, plus précisément à Florianópolis, a apporté plusieurs changements psychosociaux post-immigration, comme l’exigence d’une réorganisation familiale et la perte de rôles sociaux devant la rupture d’un projet de vie d’études ou professionnel. S’y est greffée la nécessité d’apprendre une nouvelle langue, le portugais. Les menaces autour de l’identité et la culture syriennes se sont traduites par une méfiance au sein de la communauté syrienne de Florianópolis et par une forte préoccupation à transmettre les coutumes et rituels syriens – comme la langue arabe et la religion – entre générations. Quant aux contextes sociaux du Brésil, on fait référence ici à l’absence de programme d’accueil et d’intégration destinés aux réfugiés ainsi qu’à la discrimination. En ce que concerne la discrimination, les participants ont fait mention de plusieurs gestes haineux dont ils ont été victimes, que ce soit dans les pays où ils étaient en déplacement ou au Brésil.

Pour conclure, la catégorie des facteurs de protections a fait ressortir 1) le maintien des liens de références, 2) certains éléments de la culture syrienne et 3) l’expérience dans le pays d’accueil. La première sous-catégorie est composée de l’importance de l’utilisation de certaines applications – Skype, WhatsApp, Facebook et Instagram – qui permettent le contact virtuel des participants avec leur famille, qui vit dans d’autres pays. De plus, les participantes ont mentionné l’existence d’un groupe des femmes syriennes à Florianópolis qui se réunit pour cuisiner et danser. L’institution religieuse (la mosquée dans le cas des participants) est ressortie également en tant que lieu d’accueil à leur arrivée au Brésil et de soutien en général. Pour la sous-catégorie des éléments de la culture syrienne, les participants ont souligné la place de la nourriture et de la religion dans leur routine. Ces deux éléments ont comme effet de les maintenir en contact avec leurs origines et leurs appartenances. Enfin, à travers leurs expériences dans le pays d’accueil, les participants ont mis en évidence l’importance des contacts avec les Brésiliens dans le but de créer un réseau relationnel ainsi que la possibilité de poursuivre leurs projets de vie (plan d’étude et de travail) antérieurs à l’immigration.

L’analyse des données recueillies auprès des participants a permis de comprendre les significations qu’ils attribuent à leur processus migratoire ainsi que les facteurs de risque et de protection associés à celui-ci. Parmi les limites à cette recherche, il est possible de souligner la difficulté à rencontrer des femmes réfugiées syriennes. Comme recommandation pour de futures recherches, il est suggéré de comparer les différences potentielles d’expérience migratoire des réfugiés syriens en fonction du genre.