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Du bâti industriel à l’industrialisation du bâti

Alors que le patrimoine industriel bâti est hétérogène, son architecture est facilement reconnaissable dans un paysage. Plusieurs spécificités constructives distinguent ce bâti. Par sa structure et son ossature, chaque bâtiment forme un ensemble stable par lui-même, et par ses fondations, il est stable vis-à-vis du sol. Le clos et le couvert forme une enveloppe matérielle qui crée une frontière entre un environnement intérieur protégé et un environnement extérieur hostile et changeant. L’environnement intérieur définit les espaces et les ambiances de travail. L’environnement extérieur est soumis aux variations climatiques. L’ensemble du bâti a pour finalité première d’abriter l’activité industrielle, les hommes et les machines, et pour finalité économique d’assurer et d’intensifier la production industrielle.

Plusieurs typologies sont utilisées pour caractériser cette architecture industrielle : la variété des formes, des matériaux, des systèmes constructifs, des approches, des pratiques et des méthodes (Ragon 1986). Pour appréhender le patrimoine industriel bâti, il convient également de l’apprécier dans une perspective historique en considérant l’évolution des métiers, des techniques constructives et l’usage des différents matériaux de construction, des matériaux naturels aux matériaux artificiels (Ragon 1986; Guillerme 1993). Dans le bâtiment, les matériaux naturels comme la terre, la pierre et le bois sont les matériaux traditionnellement utilisés depuis des siècles. À partir du XIXe siècle, ces matériaux sont extraits et exploités en grande quantité. Par exemple en France, l’ouverture de nouvelles carrières de pierres a fourni, entre 1830 et 1880, plus de 3 milliards de mètres cubes de pierres pour les bâtiments et les travaux publics, et 500 000 stères de bois à construire ont été importées jusqu’au milieu du XXe siècle (Guillerme 1991).

L’accroissement des connaissances relatives aux techniques constructives ont accompagné le développement des métiers du bâtiment et l’usage des matériaux tels que le fer, l’acier, la brique, la tuile, l’ardoise, le bitume, le zinc, le béton, etc. (Guillerme 1991; Chemillier 1997). Les modes constructifs les plus courants ont été l’empilement (pierres, briques ou parpaings appareillés) et l’assemblage (système associant poteaux et poutres ou dalles). Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, seule l’industrialisation, avec en particulier le report de la production en usine (préfabrication), semblait permettre une construction massive et rapide, à moindre coût et sans disposer de la main d’oeuvre qualifiée nécessaire (Chemillier 2002). L’industrialisation du secteur du bâtiment s’est accélérée grâce aux importants gisements d’énergies fossiles et de matières premières. En délaissant les techniques constructives traditionnelles, le secteur du bâtiment a utilisé les matériaux artificiels. La période est marquée par le transfert des règles des Travaux Publics vers le Bâtiment et l’évolution des conditions d’emploi et de travail (Campinos-Dubernet et Grando 1984; Barjot 1987).

Cette période est aussi caractérisée par le transfert vers le secteur du bâtiment des méthodes du secteur de l’industrie (préfabrication, mécanisation, organisation industrielle du travail). L’évolution des modes constructifs est marquée par l’usage des matériaux artificiels tels que le béton armé, la précontrainte, les liants, la chimie (colle, peinture) et les matériaux composites (isolant, panneau de bois aggloméré, etc.). Avec l’industrialisation du secteur du bâtiment, une nouvelle logique constructive apparaît. Traditionnellement, la construction s’est inscrite dans une logique complexe de projet (Cantin 2014). L’architecte conçoit le projet en fonction d’un programme et du terrain. Le programme et le terrain sont spécifiques à chaque client. La production s’effectue au coup par coup et suit la commande, sans certitude de continuité. Les entreprises sont consultées pour réaliser le projet sur le terrain. Plusieurs entreprises, sans lien permanent avec l’architecte, sont réunies selon différents lots pour matérialiser le projet. L’unité de production est le chantier, toujours nouvelle et éphémère, soumises aux intempéries et aux aléas climatiques, et plusieurs dizaines de métiers peuvent être recensés pour construire un bâtiment.

Différemment, l’industrie développe une logique de produit. L’industriel conçoit et fabrique des produits en fonction de ce qu’il sait et de ce qu’il anticipe du marché. Il vend ce qu’il a produit d’où l’importance de la fonction commerciale. Il produit en usine (mécanisation et préfabrication), selon un processus intégré et maîtrisé en totalité, avec une main d’oeuvre spécialisée mais non qualifié (au sens de la maîtrise d’un métier). L’organisation des tâches avec le recours aux machines mécaniques et numériques n’est plus celle du chantier traditionnel (Chemillier 1997; 2002). L’industrialisation privilégie les finalités économiques du bâtiment alors perçu non plus comme un projet mais comme un produit. La complexité de la construction est réduite et simplifiée. Avec la logique industrielle, il s’agit de concevoir rapidement un espace de travail répondant à des exigences de production industrielle dépendante des macro-systèmes techniques. La logique décisionnelle s’éloigne de la logique constructive consciente des relations du bâti avec son environnement. La recherche d’une construction à moindre coût a conduit à privilégier les exigences fonctionnelles et économiques. Cependant, les architectures exceptionnelles des constructions et friches industrielles offrent depuis la déprise industrielle des opportunités de reconversion pour réinventer l’architecture industrielle (Real 2015).

Ainsi, la logique constructive de la fin du XXe siècle s’est éloignée des préoccupations environnementales de la construction traditionnelle de l’ère préindustrielle. Avec l’industrialisation du bâti, la logique constructive a cherché à s’affranchir de la matière et à maitriser la nature (Musso 2017).

Impact des activités industrielles sur l’atmosphère

Les travaux scientifiques documentent régulièrement les changements en cours des milieux physiques, naturels et humains (GIEC 2019; IEA 2019; EU 2019). Depuis deux siècles, l’intensification des activités industrielles a contribué à une augmentation des émissions des polluants et des gaz à effet de serre dans l’atmosphère (EIA 2004; Mgbemene 2016). L’évolution des émissions montre la forte augmentation de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone à partir de la révolution industrielle (IPCC 2001). Les nations industrialisées émettent beaucoup plus de dioxyde de carbone que les autres nations (Shah 2011).

Depuis plusieurs décennies, les relations entre les activités anthropiques, l’environnement et l’atmosphère sont identifiées (Club de Rome 1972; IPCC 2001; GIEC 2019). Avec l’essor des activités anthropiques, un nouvel environnement atmosphérique s’est créé. Le patrimoine industriel bâti témoigne d’un modèle économique et intellectuel complexe (Musso 2017). Longtemps la logique industrielle a été celle d’un système ouvert qui pour fonctionner a eu besoin d’un environnement illimité pour extraire les ressources énergétiques et les matières premières (charbon, gaz, pétrole, uranium, matériaux, etc.) puis pour rejeter des déchets sous différentes formes (solides, gazeux et liquides).

La figure 1 présente la vision d’un système économique ouvert sans prise en compte de l’environnement. Les stocks de ressources naturelles non renouvelables alimentent les activités industrielles qui rejettent des déchets. La croissance des activités industrielles est illimitée si les ressources naturelles non renouvelables sont toujours disponibles et si le rejet des déchets est toujours possible.

Figure 1

Vision linéaire d’un système économique ouvert

Vision linéaire d’un système économique ouvert

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Cependant cette vision économique d’un système économique ouvert, dominante au XXe siècle, supposant une croissance illimitée sans prise en compte de la complexité des interactions entre les activités industrielles et l’environnement, est remise en question depuis plusieurs décennies (Club de Rome 1972). Ainsi, l’Agence internationale de l’énergie a indiqué que la production de pétrole conventionnel avait atteint son pic en 2006 (IEA 2010). Les accès aux ressources non renouvelables et aux énergies fossiles dont les stocks diminuent sont très convoités. Les enjeux liés à l’approvisionnement en ressources naturelles non renouvelables assurant le fonctionnement d’un système économique ouvert sont très importants. Ils sont depuis longtemps à l’origine de différentes formes de conflits dans plusieurs régions du monde (Chevalier 2004; Schorlemer 2014). Pendant deux siècles, le modèle thermo-industriel a privilégié le feu pour produire l’énergie, délaissant les potentialités énergétiques d’autres éléments tels que l’eau, l’air, la terre et le soleil. Les ressources fossiles ont fourni l’essentiel de l’énergie (Gras 2007). Ce choix du feu pour assurer la production énergétique a façonné le patrimoine industriel bâti et les macro-systèmes techniques qui ont transformé les territoires et modifié le climat (Gras 1997).

Figure 2

Vision globale d’un système économique fermé avec prise en compte de l’environnement

Vision globale d’un système économique fermé avec prise en compte de l’environnement

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Impact du changement climatique sur le patrimoine industriel bâti

Le changement climatique a un impact important non seulement sur l’économie et la société, mais aussi sur le patrimoine bâti (Mosoarca 2017). Il génère des risques pour les bâtiments (Aulagnier 2015). Les paramètres météorologiques affectent le patrimoine de différentes manières (Brimblecombe 2014).

La connaissance des impacts du changement climatique aide à définir les mesures de conservation et de réhabilitation (UNESCO 2007a, 2007b; Lefèvre 2011; Aulagnier 2015; Heathcote 2017; Lefèvre 2020). Ainsi, les pratiques de gestion de ce patrimoine peuvent être adaptées afin d’inclure ces impacts (Sesana 2020). Cependant, identifier les impacts indirects des activités industrielles est difficile car il faut sortir de la vision linéaire d’un système économique ouvert. Il est plus facile de percevoir les impacts directs du court terme que des impacts indirects du long terme. Cette perception partielle met en évidence l’effet « Iceberg » produit par la vision du système ouvert qui externalise les impacts du changement climatique sur l’environnement.

La figure 2 présente une vision globale d’un écosystème industriel qui comprend les activités industrielles, le patrimoine industriel bâti et l’environnement. Cette vision aide à appréhender la complexité des relations multiples entre les sociétés et les conditions environnementales changeantes dans lesquelles les sociétés s’adaptent et évoluent (Crate et Nuttal 2009; La Soudière et Tabeaud 2009). Ainsi pour décrire l’influence du changement climatique sur le patrimoine industriel bâti, il est possible de caractériser plusieurs impacts.

Impacts liés aux variations des températures

Le changement climatique génère localement des variations de température. Qu’elles soient diurnes ou saisonnières, ces variations peuvent être extrêmes comme les vagues de chaleur, ou peuvent aussi en saison hivernale modifier le nombre et la sévérité des cycles de gel-dégel. Les variations des températures ont pour effet la détérioration accélérée de l’enveloppe du bâtiment (le clos et le couvert). La variation de l’irradiation solaire impacte la durée de vie des étanchéités et des matières plastiques. Les variations des températures endommagent les structures faites d’assemblages de pierres ou de briques qui ont pris l’humidité et ont gelé. Les structures subissent des chocs thermiques (dilatation, contraction). Le béton fissuré perd ses propriétés mécaniques (résistance à la compression et à la traction, module d’élasticité) et son imperméabilité. L’écaillage des surfaces de béton exposées aux cycles gel-dégel peut apparaitre. Attaqué par le gel interne, le béton perd sa cohésion. Les variations des températures favorisent le développement biologique, de champignons et d’insectes.

Les variations modifient les ambiances thermiques extérieures et intérieures et changent les conditions permettant de créer un environnement intérieur sain et confortable. Sont donc impactés la conception, le dimensionnement, la mise en oeuvre et l’exploitation des équipements du génie climatique tels que les installations de chauffage, de rafraichissement, de climatisation, d’humidification et de ventilation.

Impacts liés à la désertification et aux températures plus élevées

Le changement climatique, qui s’accompagne de l’augmentation moyenne des températures, impacte le cycle hydrologique. Une des conséquences des sécheresses et du réchauffement est la baisse des nappes phréatiques, l’augmentation de la température des cours d’eau et l’épuisement les ressources (rivières, barrages). L’augmentation de l’évaporation renforce l’intensité et la durée des sècheresses des sols. L’Europe du sud et la France sont particulièrement concernées par les effets du changement climatique sur l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses (GIEC 2007 et Soubeyroux et al. 2012).

Sous l’effet de la sécheresse et des chocs thermiques, les systèmes constructifs subissent de nouvelles contraintes telles que la traction, la compression, le cisaillement. Il s’ensuit l’apparition de fissures sur les murs, augmentation de l’érosion, et des risques d’effondrement.

Lorsque la sécheresse est persistante, le terrain s’assèche, en premier lieu en périphérie sous les fondations ainsi fragilisées, puis le phénomène s’étend sous le bâtiment. L’affaissement du bâtiment se caractérise par l’apparition de fissures des structures enterrées et aériennes, de vides sous plinthes, de fissures sur cloisons, et des fissures à la liaison entre les cloisons et le plafond. Des désordres peuvent se manifester de différentes façons : par le désencastrement des éléments de charpente ou de chaînage, le décollement, la fissuration de dallages et de cloisons, par des distorsions des éléments liés à la structure comme les portes et les fenêtres, ou par le décollement d’éléments composites.

Ces phénomènes peuvent aggraver les dégâts en provoquant des gonflements ou des pertes de portances localisés. Les canalisations sont aussi touchées : étirement, mise en compression, voire rupture de tuyauteries ou canalisations enterrées (réseaux humides, chauffage central, gouttières). Les mouvements de sol provoqués par la dessiccation des argiles exercent aussi des efforts sur les constructions, les raccordements des conduites et engendrent des fuites d’eau dans le sol. D’autres pathologies sont identifiées aux abords du bâtiment : décollement, affaissement et fissuration des dalles, carrelage des terrasses, trottoirs et escaliers extérieurs, fissuration de murs de soutènement, altération due au sel et au sable, assèchement et dépérissement de la végétation. Quant aux ambiances thermiques intérieures, l’élévation des températures est à l’origine du dysfonctionnement de la ventilation naturelle, de l’augmentation des consommations de climatisation et de la diminution des consommations de chauffage.

Impacts liés aux variations de l’humidité atmosphérique

Le changement climatique entraîne localement des variations de l’humidité ambiante et de la fréquence, de l’intensité et de la nature des précipitations et des inondations. La modification des cycles d’humidité et de sécheresse impacte les nappes phréatiques et l’écoulement des eaux souterraines et parfois la composition chimique du sol.

Les effets sont les glissements de terrain avec l’instabilité du sous-sol, la dislocation et l’affaissement du sol. Ces phénomènes créent des désordres structurels (dilatation et contraction). D’autres désordres sont observés tels que l’érosion due aux eaux de crue, et la modification d’humidité atmosphérique provoquant des fissures, des écaillages, des dépôts de poussières sur les matériaux et les surfaces, ou l’érosion accélérée des façades.

Les précipitations peuvent entraîner des débordements de gouttières et de canalisations, des dysfonctionnements des systèmes de collecte et d’évacuation des eaux pluviales, l’intensification des charges sur les toitures avec les fortes pluies d’orage ou l’accumulation de la neige. La remontée d’humidité, la cristallisation des sels et l’humidité favorisent les attaques biochimiques, la multiplication des insectes et des champignons, la modification du pH des structures enterrées et la corrosion des métaux (rouille).

Les variations du taux d’humidité impactent le confort des personnes et favorisent l’apparition de pathologies qui affectent les espaces intérieurs (condensation, moisissures, écaillage des peintures, etc.).

Impacts liés à la combinaison du climat et de la pollution

Les études du changement climatique ont mis en évidence la modification de la composition chimique de l’atmosphère due aux rejets de la combustion des énergies fossiles et des activités industrielles. Ces rejets sont des déchets qui ont soit une forme gazeuse (par exemple dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote, dioxyde de soufre, fumées, etc.), soit une forme liquide, solide ou particulaire (aérosols, cendres volantes, suies, poussières, etc.). Les variations des températures et de l’humidité impactent l’action des polluants présents dans l’environnement. Ces phénomènes, difficiles à quantifier, font intervenir des processus microphysiques et chimiques complexes.

Même si l’action sur le climat des composés chimiques, et en particulier de la pollution atmosphérique, est difficile à évaluer, les réactions biochimiques sont plus facilement observées avec le noircissement des matériaux, la corrosion des métaux (pluies acides) et les phénomènes de carbonatation et de sulfatation des matériaux. Les variations de l’humidité atmosphérique affectent la production et la destruction des substances chimiques. La dégradation de la qualité de l’air extérieur et intérieur associe la combinaison de la chaleur avec les polluants, provoquant des effets cocktails résultant des interactions entre polluants.

Impacts liés à l’action du vent

Avec le changement climatique, les mouvements des masses d’air dans l’atmosphère changent : coups de vent, rafales, tempêtes, etc. Le changement climatique modifie les actions du vent et ses effets statiques et dynamiques (orientation, vitesse, pression). Les effets des coups de vent violent provoquent des dommages structurels et parfois l’effondrement : détérioration et arrachement de toitures et d’éléments de construction, abattement d’objets emportés par la tempête, dommage aux structures légères, etc. Pluie, sel et sable apportés par le vent créent de nouvelles contraintes pour le bâti. La dégradation des surfaces due à l’érosion est accélérée. L’infiltration et l’humidité pénétrante dans les matériaux poreux varient et modifient les performances des matériaux et des systèmes constructifs.

Les stratégies de contrôle des ambiances intérieures basées sur la ventilation naturelle et des équipements de génie climatique sont perturbées.

Impacts liés à l’élévation du niveau des océans et aux inondations

Parmi les risques extrêmes du changement climatique, la montée du niveau des océans est spectaculaire : inondations côtières, intrusion d’eau saline, etc. (Perez-Alvaro 2016; Reinman 2018)

Les effets sont la perte et l’érosion du littoral. L’introduction intermittente d’importante masses d’eau sur un site peut modifier l’équilibre métastable entre le bâtiment et le sol (déformation, fissuration, déplacement des dalles, mouvement des fondations, détérioration de l’isolant). Une submersion permanente des zones basses et l’élévation de l’humidité des sols entraînent la fissuration, la mise en flottaison des structures légères, la détérioration des enduits, les remontées capillaires, et favorisent les moisissures. Les inondations créent l’engorgement des réseaux (plomberie, réseaux d’assainissement) et la contamination de l’eau (possible rupture d’approvisionnement en eau potable). Elles provoquent les perturbations majeures des systèmes d’alimentation énergétique : arrêt de la distribution électrique (électricité, communication), ennoyage, percement, enlèvement et flottaison des cuves de fioul et citernes à gaz, etc. Elles accélèrent la détérioration des espaces intérieurs (parois, planchers, mobilier, machines). Ces impacts du changement climatique se manifestent au coeur des préoccupations économiques, sociales et environnementales. Pendant deux siècles, l’industrialisation a façonné un patrimoine industriel bâti qui aujourd’hui est impacté rétroactivement par le changement climatique qu’il a favorisé.

Conclusion : de nouveaux défis pour agir

Le patrimoine industriel bâti témoigne d’activités industrielles qui ont durablement modifié l’atmosphère terrestre. Le changement climatique a maintenant des impacts sur ce patrimoine. Les impacts ne sont pas ceux du vieillissement de toute construction qui exige pour sa conservation au minimum un entretien courant. Les nouvelles conditions climatiques révèlent aujourd’hui des défis majeurs en matière de conservation et de réhabilitation du patrimoine bâti, d’habitabilité des territoires et d’adaptation des sociétés (Sesana 2020).

Ce patrimoine industriel est à l’origine de ce changement climatique qui en retour le menace. Les décisions et les actions à mener en matière de gestion de ce bâti ne peuvent ignorer les effets directs et indirects des activités anthropiques sur l’environnement. Le changement climatique constitue l’archétype d’un nouveau type de risque à gérer pour les entreprises et les sociétés (Aggeri 2017; Hachez-Leroy 2017; Fernandez 2018). Pour faire face à ce changement, les sociétés peuvent développer une vision prospective sur le devenir de leur patrimoine. Certaines sont conscientes des mutations en cours. La connaissance des impacts peut favoriser le développement des capacités de résilience et d’adaptation de ces sociétés.

Le patrimoine industriel bâti permet de témoigner des relations des sociétés avec le climat. Ces relations se modifient lorsque le climat change. En identifiant les causes et les conséquences, certaines sociétés perçoivent ces changements (Sourdril 2019). Les perceptions du changement climatique sont influencées par des principes et des idéaux au sein d’une communauté et par l’expérience physique du changement climatique. Les influences indirectes sont liées au niveau de développement d’une communauté, à son niveau d’interaction sociale (Individualiste ou communautaire) et à la diffusion d’informations sur le changement climatique (Ruiz 2020).

Comme dans le passé, face à de nouveaux défis, il faut reformuler les nouvelles problématiques puis chercher de nouvelles réponses (Crate 2011; Goodman 2018; Lefèvre 2020; Sesana, 2020). Les défis de conservation et de réhabilitation de ce patrimoine industriel bâti menacé par le changement climatique pourraient être appréhendés par différentes actions :

des activités de recherche visant à produire des connaissances sur les nouveaux phénomènes multi-physiques impactant le patrimoine bâti;

des diagnostics interdisciplinaires avec des campagnes de mesures saisonnières in situ aptes à appréhender la complexité des écosystèmes industriels pour permettre la caractérisation et le suivi des contraintes, des pathologies et des désordres;

le développement de l’histoire environnementale des techniques et des activités industrielles afin d’éclairer et orienter les choix économiques, sociaux et environnementaux présents et futurs;

l’élaboration et l’évaluation de stratégies multicritères de conservation, de sauvegarde, de construction, de protection, d’adaptation et de réhabilitation du bâti industriel;

le développement de stratégies de conservation et de diffusion des connaissances, l’analyse des expériences passées, l’enseignement et la formation, l’encouragement à connaître ce patrimoine pour acquérir de nouvelles compétences permettant d’affronter les nouveaux défis.

Enfin, compte tenu des enjeux et de la diversité des intérêts à agir, ces actions devraient être menées en considérant que la conservation et la réhabilitation du patrimoine industriel bâti relèvent de l’intérêt général.